La découverte
Ecrit par lpbk
Une fois Coralie partie, je décide de ne
pas perdre de temps.je ne me vois pas attendre demain pour avoir cette
conversation avec André. Je décide donc de prendre les devants et retourne à
son appartement, sans même m’annoncer.
Je me dirige immédiatement vers l’accueil.
La réceptionniste me sourit aimablement et me demande l’objet de ma visite. Je m’empresse
de lui faire part, prétextant avoir un rendez-vous avec monsieur Felton avant
de décliner mon identité.
— Un petit instant, je vous prie. Je vérifie.
Elle pianote sur son ordinateur. Je commence
à m’impatienter et pianote distraitement sur le comptoir. Elle lève les yeux
vers moi, soutenant mon regard avant de porter les yeux sur mes doigts qui
virevoltent toujours bruyamment. Je m’arrête instantanément et lui souris
piteusement.
— Je suis confuse, madame. Mais je ne vois aucun
rendez-vous avec votre nom.
N’étant plus à un mensonge près, je
rétorque avec aplomb, montrant mon mécontentement :
— Savez-vous qui je suis ? J’organise le mariage de
mademoiselle Felton et son frère, monsieur Felton, m’a indiqué que je pouvais
venir à n’importe quel moment pour finaliser les détails de la cérémonie. Il nous
reste moins d’une semaine pour satisfaire les moindres détails et vous nous
faites perdre notre temps !
Elle n’est pas censée savoir que le
mariage a eu lieu, enfin n’a pas eu lieu hier. Ses joues prennent une jolie
coloration rosée, et elle se met à bafouiller adorablement.
— Je vais appeler monsieur Felton, excusez-moi.
Elle tapote sur les touches du cadran
téléphonique, avec un sourire crispé cette fois. Je m’en veux de la faire se
sentir mal mais aux grands maux, les grands remèdes. Et là, je suis plus que
pressée.
— Bonsoir monsieur, lance-t-elle affable, quelques
secondes plus tard. Je suis absolument désolée de vous déranger mais j’ai une
personne qui demande à vous voir.
Elle écoute attentivement la réponse,
opinant du bonnet comme s’il pouvait la voir. Elle décline mon nom. La conversation
continue, ponctuée de « Bien, monsieur », « Tout à fait monsieur »,
« Je comprends très bien, monsieur », « Je vous prie de nous excuser,
monsieur » tous aussi obséquieux les uns que les autres. Lorsqu’elle met
fin à la communication, son visage a viré au rouge.
— Je suis absolument désolée de vous avoir fait
attendre, madame. Sachez qu’un tel incident ne se reproduira pas à l’avenir. Je
vais vous faire escorter immédiatement.
Elle appelle un chasseur, qui attendait
sagement près des ascenseurs. Celui-ci se précipite à ma rencontre, visiblement
conscient qu’il a intérêt à se dépêcher. Je le laisse alors m’emmener dans les
étages jusqu’à arriver dans le penthouse de « monsieur Felton ».
Lorsque les portes de la cabine s’ouvrent,
j’aperçois André, bras croisés, superbe en t-shirt décontracté blanc, et
pantalon fluide taupe accompagné de tennis blanches.
— Je suppose que ce que tu as à me dire ne pouvait pas
attendre demain, commence-t-il lorsque nous sommes suels. Toujours aussi
impatiente… Qu’as-tu découvert ?
— Comment sais-tu que j’ai découvert des choses ?
le questionnai-je, haussant un sourcil interrogateur.
— Etant donné ce que ma mère nous a dit ce matin, je me
suis bien douté que tu allais t’empresser de savoir si ce qu’elle nous avait
dit était vrai ou faux. Si tu es là, c’est que tu as trouvé la réponse.
— Ne me dis pas que tu n’as pas fait de recherches, je
ne te croirais pas, le taquinai-je en le suivant dans le salon.
Nous prenons place, lui dans un fauteuil
club que je n’avais pas vu les fois précédentes, moi sur le canapé blanc. Sur la
table basse, un assortiment de petits fours est disposé à côté d’un verre de
whisky et d’un autre de vin rouge.
— Tu attendais quelqu’un ?
Je me sens bête. D’une incroyable naïveté
même. Peut-être avait-il un rencard et moi, je me suis pointée comme une fleur
et je viens de tout gâcher pour lui. Mais en même temps, je ne peux m’empêcher
d’être soulagée qu’il soit seul et qu’elle ne soit pas encore arrivée,
peut-être même ne viendra-t-elle pas, si je m’attarde trop.
— Tu as raison, j’ai mis à profit ma journée pour faire
quelques recherches de mon côté, reprend-il comme si je n’avais pas posé de
question. Qu’as-tu découvert ? me sonde-t-il en me tendant le verre à pied
et l’assiette de canapés.
— Je devrais y aller, fis-je en refusant ce qu’il m’offre
et en me levant, prestement. Tu as un rencard et moi, je suis là à te casser
les pieds avec une vieille histoire qui finalement, n’a pas tant d’importance
que ça, continuai-je en me penchant pour prendre mon sac à mes pieds. Ne te
lève pas, babillai-je encore alors qu’il semble vouloir me raccompagner, je
connais le chemin.
— Je n’attendais personne à part toi, Mélaine !
Rassieds-toi s’il te plait, me demande-t-il doucement, d’un ton presque
suppliant.
— Tu ne savais même pas que j’allais venir mais tout ça,
fis-je en montrant la table de la main, était déjà prêt lorsque je suis
arrivée. Je sais que tu veux te montrer poli mais là, c’est moi qui…
— Je savais que tu allais venir car ta chère amie
Coralie a passé pas mal de coups de fil pour toi cet après-midi et que j’en ai
eu des échos. Tu te doutes bien que je m’attendais à ce que tu débarques à tout
moment. Etant donné l’heure, je nous ai préparés… enfin, Marguerite nous a
préparé un petit apéritif. Bref, rien d’extraordinaire. Tu veux bien te
rasseoir maintenant s’il te plat, me propose-t-il à nouveau.
J’obtempère et accepte aussi le verre qu’il
me tend, sans pour autant me servir en petits fours.
— Reprenons où nous nous sommes arrêtés. Je te demandais
ce que tu avais découvert lors de tes investigations.
— Coralie a découvert. Moi j’ai complètement foiré. J’ai
fouillé sur Internet et je n’ai rien trouvé à propos de Thomas. Heureusement,
Ethan m’a soufflé l’idée de faire appel à elle.
Je vois le regard de mon interlocuteur s’assombrir
à la mention de mon voisin mais il ne dit rien et me fait signe de continuer. Je
lui rapporte les découvertes de ma meilleure amie puis sors de mon sac la
pochette avec les coupures de presse qu’elle a réussi à obtenir et qu’elle m’a
laissé.
— Sacré bon boulot ! la félicite André. Une vraie
détective, ta copine.
Je le remercie avant de lui faire part de
mes interrogations laissées sans réponses :
— Là où je tique, c’est lorsque ta mère affirme que
Thomas ne voulait pas l’épouser. Il semblait très amoureux d’elle, affirmai-je
en lui montrant une photographie où on voit le couple se tenir amoureusement et
Thomas regardant la jeune femme comme si elle était la huitième merveille du
monde.
— Et tu n’en as rien déduit ? semble s’étonner
André. Je pensais que tu aurais, en partie, compris.
— J’ai bien une théorie mais elle semble… improbable, à
dire vrai.
— Explique-toi.
— Selon moi, Thomas voulait épouser ta mère mais son
père, ton grand-père maternel donc n’était pas de cet avis. Il a eu une petite
conversation avec lui, bien avant que ta mère n’apprenne qu’elle était enceinte
et il lui aura demandé de ne plus l’approcher. Pour le reste, je ne sais pas
car Thomas ne semblait pas manquer d’argent, il avait commencé à se ranger par
amour…
— Tu brûles, Mélanie. Je dois dire que tu m’impressionnes
toujours autant, me complimente-t-il avant d’enfourner une bouchée au saumon et
de prendre le temps de la savourer.
Je ronge mon frein, attendant qu’il boive
une gorgée de son whisky pour faire passer le tout mais je sens l’impatience me
gagner. Va-t-il se décider à me dire ce qu’il a appris ? Vais-je enfin
apprendre le fin mot de cette histoire ?
Il rit, avant de reprendre :
— Tu m’épates d’autant plus que tu ne m’as toujours pas
sauté dessus, plaisante-t-il, quelque peu grivois. Tu t’assagis, ma chérie.
Sérieusement ? Je vais passer à l’action
dans deux minutes mais pas pour les raisons auxquelles il semble penser.
— Bon, tu vas finir par lâcher le morceau ! ne
puis-je m’empêcher de l’interroger hargneusement.
— Je te retrouve enfin, se félicite-t-il. Bref, j’ai eu
une conversation avec mon père. elle a été instructive, aussi intéressante que
ce que nous a révélé ma mère ce matin.
— Abrège, le sermonnai-je alors qu’il reprend une
nouvelle gorgée de son verre, à croire qu’il veut ma mort.
— D’après ce que mon père a appris à l’époque, ma mère
était très amoureuse de Thomas ; sur ce point, elle ne nous a pas menti,
tout comme Thomas avait des sentiments pour elle. Seulement, ce qu’elle ne
savait pas, c’est que Thomas avait été voir son père pour lui faire sa demande.
Il voulait respecter les traditions et avoir la bénédiction paternelle avant d’en
parler à sa chère et tendre. Bref, mon grand-père serait rentré dans une rage
folle. Il a bien fait comprendre à Thomas qu’il était hors de question qu’il
accepte ce mariage.
— Mais ils s’aimaient, dis-je doucement, outrée.
— Ils s’aimaient, oui continue André mais son aïeul n’avait
aucune considération pour l’amour. Son propre mariage était basé sur un
partenariat. Alors tu penses bien que pour sa fille, il en serait de même. Ill n’avait
pas eu de fils et il lui fallait quelqu’un pour gérer sa société, récupérer ses
parts et continuer son œuvre.
— Ton père…
— Exact, mon père était le successeur tout désigné. Fils
de son associé, il travaillait déjà dans la société, connaissait le
portefeuille clients, avait une belle expérience et une brillante carrière s’ouvrait
devant lui. Le gendre idéal en quelque sorte.
André s’interrompt le temps de nous
resservir. Je suis tellement captivée par son récit que je n’ai même pas
remarqué que j’avais vidé mon verre, pourtant le vin est divinement délicieux.
— Lorsque son père est venu le voir pour lui annoncer qu’il
allait épouser ma mère, mon père n’a pas refusé. Il m’a avoué lui-même avoir
toujours eu le béguin pour elle. Mais il avait posé une condition : il
voulait tout savoir et notamment à propos de la relation entre ma mère et
Thomas. D’après mon grand-père paternel, cette fois, Thomas aurait déclaré qu’il
était prêt à tout pour ma mère, qu’il la kidnapperait et l’épouserait. Ils s’aimaient
et rien ni personne ne se mettraient en travers de leur chemin. Le vieux David
aurait vu rouge et l’aurait mis dehors, en menaçant de le faire tuer. Felton
père a décidé d’aller trouver Thomas pour apaiser les tensions entre eux mais
Thomas n’a rien voulu savoir. Là où mon père ne sait pas très bien ce qu’il s’est
passé, c’est lorsque ma mère a été voir Thomas et lui a annoncé être enceinte. Il
s’est débiné, comme elle l’a dit, en lui riant au nez, devant un parterre de
femmes. D’après lui, le vieux David avait des relations haut placées qui ont
menacé Thomas de le faire plonger avec les mafieux qui fréquentaient auparavant
son club mais il aurait pu aussi bien aller voir ces sales types pour leur dire
que Thomas était prêt à les balancer. Bref, Thomas semblait être aux abois et
voulait à tout prix éloigner a mère de lui. Il l’a donc rejetée et bizarrement,
il est mort dans cette fameuse bagarre quelques jours plus tard, conclut André.
Le silence s’installe alors. Je prends le
temps de digérer ce qu’il vient de me dire. Je peux désormais comprendre la
froideur de madame Felton mais aussi son envie de nous protéger.
— Ta mère est-elle au courant de tout cela ? m’enquis-je
en faisant un ample geste de la main en forme de sphère.
— Non et mon père m’a fait promettre de ne rien lui
dire. Aujourd’hui, ils sont heureux et s’aiment. Ce n’est pas la passion qui
nous consume mais un amour amical. Il ne veut pas ravier de vieux souvenirs qui
ne feraient que la blesser. Je ne faillerais pas à ma promesse et je te demande
de me jurer de garder ta langue pour toi. Ce n’est pas à nous que revient la
tâche de tout lui raconter.
— Bien sûr, je te le promets, André.