Oui !

Ecrit par lpbk

Je ne sais que penser. Et surtout, je me dis que la mort de ce pauvre Thomas ne peut être accidentelle. Je pense plutôt que le vieux Felton a commandité le sale boulot pour être débarrassé d’un élément gênant.

Malheureusement, personne n’en saura jamais rien car tous les protagonistes sont aujourd’hui décédés. A moins que monsieur Felton n’en sache plus qu’il ne veut bien l’avouer mais j’ai du mal à croire qu’il aurait trempé dans ce genre d’affaire sordide.

André et moi continuons de siroter nos apéritifs, chacun perdu dans nos théories.

     Tu es bien silencieuse, lâche alors mon hôte.

     Je réfléchissais à tout ce que je viens d’apprendre.

     C’est du passé, nous devons aller de l’avant et apprendre des erreurs de nos ainés, me répond doctement André.

     Tu philosophes, maintenant ? le taquinais-je.

     Je me dis surtout que j’en ai assez de perdre du temps, s’emporte-t-il doucement. J’en ai assez de me cacher, de faire semblant.

Devant mon regard interrogateur, il continue :

     Ne fais pas cette tête, Mélanie et ne joue pas les innocentes. Tu sais très bien où je veux en venir. Je te l’ai déjà dit ; toi et moi ça n’a jamais été fini. Il y a toujours cette attirance entre nous et le temps aidant, je pense qu’autre chose est aussi revenu.

     Autre chose ?

André me lance un sourire en coin avant de prendre nos verres qu’il retourne approvisionner dans la cuisine. Mais cette fois, je ne le laisse pas s’échapper si facilement et me lance à sa poursuite, l’acculant au plan te travail.

     Qu’est-ce qui est revenu, André ? le questionnai-je, espérant qu’il partage les mêmes sentiments que moi.

Mon cœur bat la chamade et j’ai l’impression qu’il va me sortir de la poitrine d’une seconde à l’autre même si je sais que cette idée est ridicule puisqu’impossible.

André me laisse cogiter, semblant très concentré sur l’ouverture d’une nouvelle bouteille de vin. J’ai envie de lui arracher les yeux mais je prends mon mal en patience.

     Je t’aime, Mélanie, finit-il par me déclarer en le tendant ma boisson.

Je le fixe dans les yeux et y voit tout l’amour qu’il me porte. J’espère alors que cet amour se reflète dans les miens car moi aussi, je l’aime.

Je prends délicatement le verre qu’il tient toujours et en boit une gorgée sans répondre. Il a voulu me faire mijoter et bien, chacun son tour.

     Tu ne dis rien ? finit-il par dire.

Je prends son whisky de ses mains et pose nos apéritifs sur le comptoir avant de l’embrasser à en perdre haleine, mettant dans ce baiser toute la passion mais surtout tout l’amour que je lui voue.

S’il semble surpris dans un premier temps, André se remet si vite et m’enlace, ses mains se baladant dans mon dos, pétrissant mes fesses puis s’aventurant dans les cheveux. Je sens le désir renaitre en moi et brûler intérieurement. Je veux tellement plus mais déjà, il défait son étreinte et me repousse doucement.

     Ce n’est pas une véritable réponse… reprend-il comme si de rien n’était.

J’ai plus de mal à reprendre mes esprits que lui mais je finis par rétorquer.

     Je pensais que c’était clair et que tu l’avais compris depuis longtemps. Lorsque nous nous sommes revus, cela m’a fait un choc. Notre premier baiser a été un retour aux sources et lorsque nous avons couché ensemble, j’ai su que je ne t’avais jamais oublié, qu’il n’y avait que toi et moi et que tu serais le seul homme que j’aimerais jamais. Je t’aime André, conclus-je.

Quelques instants plus tard, je suis à nouveau dans ses bras et nos bouches se retrouvent, comme si elles ne s’étaient jamais quittées. Je pousse un soupir de béatitude avant de gémir sous les caresses de plus en plus affolantes de l’homme de ma vie.

 

Quelques mois plus tard, je suis toujours en couple avec André. Et je suis plus heureuse que jamais.

Nos débuts ont été un peu bancals. Nous étions un peu gauche l’un envers l’autre, comme si nous apprenions à nous apprivoiser l’un l’autre. J’avais parfois l’impression d’être une adolescente lors de son premier flirt. Finalement, notre gêne s’est vite dissipée, cela a été grandement aidé par notre désir mutuel. Il nous a été très difficile de résister à notre promesse de nous redécouvrir avant de retourner au lit. Et, comme vous vous en doutez, nous avons fini par céder.

J’aime tellement ses caresses, ses baisers et tout ce qu’il saut si bien me faire.

Notre relation a pris un tournant important lorsqu’André m’a proposé d’emménager dans son penthouse. Ce soir-là, nous dinions en tête-à-tête au Persé. Au dessert, un assortiment de douceurs m’a été servi dont un petit gâteau qui n’était pas au menu. J’ai jeté un coup d’œil à André qui restait impassible, et me décidait à déguster ces merveilles. Au second coup de fourchette dans la fameuse pâtisserie mystère, je rencontrais une résistance. Intriguée, je sortis de la mignardise une petite clé. Je la léchais pour enlever la crème qui l’enrobait encore puis la tendis devant moi, en regardant mon amoureux droit dans les yeux.

     Qu’est-ce que cette clé signifie ? demandai-je.

     Je me suis dit que ce serait une façon originale de te demander de venir habiter chez moi.

     Venir habiter chez toi ? m’étonnai-je alors.

     Je ne vois pas en quoi ceci est une surprise, se braqua légèrement mon vis-à-vis. Nous dormons ensemble presque toutes les nuits, tu as déjà une quantité incroyable de vêtements dans mon dressing, sans parler de tout le reste. Je pense que le moment est venu d’officialiser un peu plus notre relation.

     C’est la suite logique en quelque sorte.

     Tout à fait, me confirma-t-il.

J’avoue que sur le coup, je suis restée muette comme une carpe. La réponse aurait dû me sauter aux yeux mais quelque chose semblait me retenir. Et cette infime hésitation a bien failli venir à bout de l’homme de ma vie.

     Ecoute, ce n’est qu’une clé. Rien ne t’oblige à venir habiter chez moi. tu pourras toujours t’en servir lorsque tu auras oublié quelque chose, ça t’évitera de déranger la conciergerie à chaque fois. Maintenant, tu as la clé de mon ascenseur privé, tu es libre d’aller et venir comme tu veux. Je ne veux pas te presser…

Il n’a pas eu le temps de finir sa petite tirade que je me jetais à son cou, moitié riant, moitié pleurant de bonheur.

     Ça signifie que tu acceptes ? finit-il par me demander, incertain.

     Bien sûr, nigaud !

A peine une semaine après ce diner, j’emménageais donc dans le penthouse de « monsieur Felton » et mettais rendais mon appartement.

Tout allait pour le mieux entre nous ; même avec sa famille, tout était parfait. Je découvrais une madame Felton que je ne connaissais pas et qui était totalement différente de l’image que je me faisais d’elle. Elle n’arrêtait pas de me rabattre les oreilles avec ses envies de petits-enfants.

     Enfin, vous avez passé trente ans tous les deux et vous devriez pouponner. Vous savez que vous êtes faits l’un pour l’autre, il serait peut-être temps de passer à la vitesse supérieure. Nous ne rajeunissons pas et j’aimerais connaitre mes petits-enfants avant de devenir sénile. Ce n’est pas avec Olivia que je risque d’en avoir de sitôt, ne cessait-elle de me rabâcher.

Effectivement, Olivia n’était toujours pas rentrée de son voyage post-rupture à Paris. D’après le peu de nouvelles qu’elle envoie, elle a fait de multiples rencontres et a une ribambelle d’amis. Elle d’amuse comme une folle et finalement, elle remercie Pierre de l’avoir laissée au pied de l’autel.

J’avais et j’ai toujours du mal à croire ce qu’elle nous raconte mais je ne suis pas avec elle alors…

Mes parents adorent André et réciproque est vraie. Coralie et Astride sont aussi tombées sous son charme même si Coralie a mis plus de temps à se laisser convaincre de ses intentions.

Bref, je suis sur un petit nuage. Que demander de plus ?

Aujourd’hui, nous fêtons les un an de notre opération « serment inviolable » et les filles ont prévu une petite soirée pour l’occasion. Elles doivent passer me prendre pour vingt heures aussi je dois me dépêcher de me préparer si je ne veux pas être en retard.

Une fois sortie de la douche, j’enfile une chemise légère blanche et un pantalon large anthracite. Le tout est assorti avec le nouveau sac à main en cuir que m’a offert André récemment ; j’y ajouterais mes talons fétiches et je pense que je serais parfaite.

Je me sèche les cheveux et les relève en un chignon lâche sur la nuque. J’applique une petite dose de maquillage et je me sens prête pour notre soirée.

N’ayant plus de sonnette, les filles ont pris l’habitude de me biper trois fois sur mon smartphone selon notre rituel immuable.

Brrrrr ! Première sonnerie.

Brrrrr ! Deuxième signal.

Brrrrr ! Brrrrr ! Brrrrr ! Et le troisième pour être certaine.

Elles m’attendent donc dans l’un des canapés en cuir blanc de la réception.

Je me précipite donc pour les rejoindre.

     Tellement d’évènements ont eu lieu en un an que s’en est étourdissant, déclare Astride alors que nous sommes serrées comme des sardines sur l’une des banquettes du Copacabana.

     C’est vrai, renchéris-je. Qui aurait cru lorsque nous avons fait ce serment que je serais aujourd’hui en couple avec l’homme de ma vie ?

     En couple, certes mais pas encore mariée, me contredit Coralie. Les termes étaient clairs : tu devais avoir la bague au doigt avant tes trente ans. Nous t’avons accordé une rallonge ; il ne te reste que trois mois pour te faire épouser de « l’homme de ta vie », termine-t-elle en mimant les guillemets.

     Nous avons le temps… tentai-je.

     Ah non ! m’interrompt Astride, outrée. Un serment est un serment ! N’oublie pas qu’il est inviolable, souligne-t-elle.

     Et que m’arrive-t-il si je ne suis pas mariée avant mon prochain anniversaire ? rétorquai-je, goguenarde.

Ni l’une, ni l’autre ne répond mais toutes deux me lancent des regards assassins.

     Je ne peux pas obliger André à me demander en mariage… et encore moins à m’épouser, m’esclaffai-je.

     Si tu dois en arriver à cette extrémité, reprend Coralie, c’est qu’il n’en vaut vraiment pas la peine. S’il est l’homme de ta vie, tu es la femme de la sienne ; il devrait déjà t’avoir fait sa demande…

     Comme je l’ai dit, nous ne sommes pas pressés. Nous…

     Il y a foule ce soir, tu ne trouves pas ? me coupe à nouveau Astride. Aïe… fit-elle tout à coup.

Je suis assez surprise par ce changement subit de la conversation et par le regard assassin que lui lance tout à coup Coralie, comme si ma meilleure amie venait de commettre une bourde. Cependant, je n’y prête pas attention et observe la salle.

     Effectivement, fis-je songeuse.

Il m’est difficile de bien voir les visages de chacun car une relative obscurité règne. Toutefois, je distingue des couples guidés par un serveur se diriger vers des tables qui semblent leur avoir été réservées. Certains se saluent au passage ou s’embrassent, comme de veilles connaissances.

     C’est une soirée privée ? enquêtai-je auprès de Coralie.

Celle-ci fit mine de boire doucement une gorgée de sa coupe de champagne avant de me répondre vaguement :

     Un truc du genre… j’ai eu des places alors je me suis dit autant en profiter…

     Tu ne sais pas ce qui nous attend ? m’étonnai-je.

     Quand on te file des places pour le Copa, tu ne poses pas de questions…

     Il n’y a pas de programme ou… ?

     Tu pourrais peut-être te défendre et profiter de l’ambiance au lieu de m’enquiquiner, me sermonne Coralie, qui semble perdre patience.

Je me rengorge donc contre le dossier de la banquette et attrape à mon tour ma coupe que je porte à mes lèvres.

Cette soirée ne me dit rien qui vaille. Je me sens déjà de trop ; toutefois je n’ai pas le temps de m’appesantir sur ce sentiment qu’Astride relance la conversation.

     Tu as eu des nouvelles d’Ethan, ces derniers temps ?

     Ethan ? répétai-je, intriguée, je crois même que mon sourcil droit devait s’être levé de surprise.

     Oui, Ethan. Tu as eu des nouvelles, oui ou non ?

     La dernière fois que je l’ai vu, c’était lors de mon déménagement. Il était en grande conversation avec  André ; je crois bien qu’il l’a embauché dans sa société. Mais pourquoi t’intéresses-tu à lui, tout à coup ? Je pensais que tu ne l’aimais pas.

     Oh, comme ça. Je faisais la conversation, se justifie-t-elle, vaguement.

     Vous êtes vraiment bizarres les filles, ce soir. Vous êtes sûres que vous ne me cachez rien ?

Mais elles n’ont pas le temps de me répondre qu’une obscurité totale se fait dans la salle en même temps que le silence s’installe.

Une voix se fait alors entendre pendant que de petites lumières se rallument doucement.

Cent-cinq, c’est le nombre qui me vient en tête

Quand je pense aux années que je veux passer avec toi.

Me lever chaque matin à tes côtés,

C’est exactement ce dont j’ai envie.

 

Et tu sais qu’un jour, quand j’aurais l’argent qu’il faudra

Je pourrais t’offrir ce dont tu rêves et te montrer les plus belles choses de la vie

On a tout notre temps, pourquoi se précipiter ?

Un jour, je te le demanderais mais pas assez fort, je le sais…

 

Une chorale se fait lors entendre et entonne :

 

Je te dirai : « Veux-tu m’épouser ? »

Et je te jure que je serai sincère.

Je te dirai : « Veux-tu m’épouser ? »

 

C’ets alors que je sens une présence à mes côtés ; je reconnais alors Twin Pike, le danseur qui avait fait le show lors de l’enterrement de vie de jeune fille d’Olivia. Comment l’oublier avec ses tatouages ?

Il me tend alors la main et m’invite à le suivre. Je lui fais signe que non, très gênée d’être l’objet de son attention. Mais les filles me poussent alors à accepter et me font de gros yeux. Avec un sourire contraint, je prends donc la main du beau jeune homme et me résigne à le suivre entre les tables… jusqu’à la scène.

Non, non, non ! Il est hors de question que je monte sur scène ! Qu’est-ce que cette histoire ?

Comme s’il sentait ma nervosité, Twin Pike me sert doucement la main et se retourne pour me sourire. Il monte trois petites marches, en me tenant toujours, ne me laissant ainsi pas le choix de le suivre.

Les autres couplets et refrain de la chanson s’enchainent toujours en suivant le même rythme. Le jeune homme raconte l’histoire puis le chœur reprend la demande en mariage.

A peine ai-je posé un pied sur l’estrade que le chanteur me tend la main, que le danseur s’empresse de lui offrir avant de nous quitter.

Je me sens ridicule, bête et tous les mots qui nous viennent à l’esprit. Même si je ne les vois pas, je sens tous les regards de l’assistance braquer sur moi et je rougis. Je me mets alors à me dandiner d’un pied sur l’autre, tandis que la chanson se termine et que son interprète me fixe avec un sourire ravi.

Cent-cinq, c’est le nombre qui me vient en tête

Quand je pense aux années que je veux passer avec toi.

Me lever chaque matin à tes côté,

C’est exactement ce dont j’ai envie.

 

Et aujourd’hui, je te dis : « Veux-tu m’épouser, Mélanie ? »

Et je te jure que je suis sincère.

Je te dis : « Veux-tu m’épouser, ma chérie ? »

 

Je me retourne alors vers la vois qui a repris la fin de la chanson et l’a modifiée à mon intention. Les larmes me montent alors aux yeux car même sans le voir, je sais déjà qui m’a posé cette question.

A mes pieds, un genou à terre, un micro dans une main, l’autre tenant un écrin dans lequel brille une magnifique bague, André attend ma réponse.

     Alors, qu’en penses-tu mon amour, veux-tu m’épouser ?

Je ris et je pleure à la fois, tellement heureuse. Je n’aurais jamais cru qu’un tel bonheur ne puisse pas exister et pourtant, je le vis en cet instant. J’ai peur que mon cœur n’explose d’amour pour cet homme.

Alors je me baisse et l’embrasse devant la foule d’anonymes qui patiente, attentifs à ma réponse.

     Oui ! Mille fois oui ! lançai-je dans le micro.

La foule se déchaine alors en applaudissement.

André me prend alors dans ses bras en se relevant et m’embrasse une nouvelle fois, avant de me passer l’anneau au doigt.

     Et si tu veux une preuve de ma sincérité mon amour, me chuchote-t-il, regarde qui est présent.

Les lumières se rallument alors sur la salle. Et je ne peux plus me tromper.

Nos deux familles sont réunies, ma mère et madame Felton s’étreignant l’une l’autre tout en pleurant. Mon père et monsieur Felton sourient d’une oreille à l’autre. Coralie et Astride ont changé de table cat elles sont tout aussi proche de la scène, elles semblent émues. J’aperçois, à leurs côtés Alexandre, Ethan et d’autres connaissances et proches d’André et moi.

Finalement, je n’ai pas dérogé au serment inviolable. Je me suis fait passer la bague au doigt avant la fin de ma trentième année. Maintenant, il ne me reste que trois mois pour organiser la cérémonie de mon mariage.

Je regarde l’homme que j’aime et je sais sans l’ombre d’un doute que j’y arriverais. 

30 ans... et célibat...