La douleur
Ecrit par leilaji
****Alexander****
Je
prends le stylo et je le retourne encore et encore entre mes doigts. C’est plus
difficile à faire que je le pensais. J’inspire par le nez et j’expire
bruyamment par la bouche pour dégager l’air accumulé dans mes poumons. Signer
c’est reconnaitre ma défaite et je n’avais encore jamais perdu dans ma vie.
C’est douloureux et je ressens une honte indescriptible.
Donc
j’ai vraiment échoué ? Si un jour Leila a une grande difficulté, je serai
peut-être incapable de la résoudre ? Je prends mon téléphone que j’ai éteins
pour conduire en silence et je l’allume pour appeler Leila. J’ai besoin
d’entendre sa voix, de me rassurer comme quoi je fais le bon choix pour nous.
J’ai besoin de l’entendre dire que ce n’est pas grave, que j’ai donné mon
maximum. Et après j’apposerai ma signature sans plus réfléchir.
QU’ELLE
ME PARDONNE D’AVOIR FAILLI, ELLE QUE JAMAIS RIEN N’ABAT.
Je
décapuchonne le stylo et lève les yeux vers Neina quand je compose le numéro de
Leila. Ca sonne mais elle ne répond pas. Quand je raccroche, des appels en
absence apparaissent sur mon écran. Leila et Karisma ont tenté de m’appeler,
plus de dix fois. Que se passe-t-il ? Je rappelle Leila. Ca sonne toujours mais
elle ne décroche pas.
Un
appel de Karisma apparait. Je décroche.
— Uncleji, je te rejoignais en
taxi pour t’expliquer ce qu’on a découvert et la … tata de Leilaji est
accidentée. Il y a plein de gens autours de la voiture, …qui est toute
retournée. Il y a du sang par terre.
Elle
se met à pleurer.
— Je ne sais pas ce qui s’est
passé. Uncleji, elle voulait te dire de ne pas signer… Et là… Il y a un corps
par terre, mais je suis trop loin
De
gros sanglots l’empêchent de continuer.
****Neina
****
Il
est complètement livide. On vient surement de lui annoncer « la nouvelle ».
Kumar a fait du bon travail. Je suis satisfaite de moi. Et maintenant signe
Xander, comme ça je serai celle qui t’offrira toute la fortune des Khan comme
dot pour qu’on puisse célébrer un immense mariage que personne n’oubliera dans
tout Mumbai.
Signe
et dès que mon père nous rejoindra, je lui donnerai le contrat. Il sera
tellement fier de moi.
****Alexander****
— Karisma, Karisma. Je ne comprends pas ce que
tu racontes.
J’ai
entendu ce qu’elle a dit. Oui je l’ai très bien entendu.
Mais
je ne veux pas le comprendre. Il m’est impossible de le comprendre.
— Uncleji. Oh Leilaji.
Elle
continue de sangloter au téléphone et se met à parler en hindi complètement
dépassée par la situation. Je ne peux plus rien tirer d’elle, elle est trop
bouleversée, ses propos deviennent complètement incohérents.
J’ai
déposé tout doucement le téléphone sur le contrat posé sur la table. Neina est
d’un calme olympien. Je suis complètement décomposé et même un inconnu verrait
mon état. Elle me regarde tout simplement, les yeux posés sur le contrat.
J’espère
pour elle de tout cœur … que ce n’est pas de Leila qu’il s’agit, que Karisma se
trompe. Elle ne peut que se tromper… Toute autre possibilité est inenvisageable
pour moi.
Je
suis complètement tétanisé. Mes forces m’ont quitté. Moi qui m’étais levé en
entendant Karisma me débiter d’une voix hachée que Leila… Je ne peux pas le
croire. Je me rassois. Je ne tiens plus debout. Il faut que j’y aille. Je dois
savoir si c’est elle. Seigneur faites que ce ne soit pas elle. Je regrette tout
le temps perdu ici, à travailler d’arrache pied pour … ma satanée famille.
Je
ne peux pas vivre sans elle.
JE
NE PEUX PAS VIVRE SANS ELLE
JE
NE
PEUX
PAS
VIVRE
SANS
LEILA.
Mais
que fais-je encore là ? Je dois partir. La rejoindre et rentrer à Libreville.
Laisser les Oberoi avec ma mère puisqu’elle les aime tant qu’elle n’a pas su
accueillir la femme que j’aime comme elle méritait de l’être.
Leila
tu ne peux pas me faire ça.
Je
prends la feuille et je paraphe la première page. Il faut que je paraphe toutes
les autres pages et signe la dernière pour m’en aller.
La
porte s’ouvre. Et Leila apparait. Complètement essoufflée, les cheveux emmêlés.
Je n’ai jamais été aussi heureux de la voir. Jamais.
— Leila, tu n’as rien. Dieu
merci, je vérifie en me jetant sur elle comme un fou.
— J’ai couru comme une folle.
C’est la seconde fois de ma vie que je te cours après en talons bébé.
— Mais Karisma m’a appelé en pleurs, elle a dit
que ta voiture a eu un accident.
Elle
se dégage de moi et approche la table sur laquelle est posé le contrat. Elle le
récupère au passage et le déchire en mille morceaux. Puis elle s’approche de
Neina qui recule d’un pas et la gifle violement. Neina tombe par terre.
Puis
elle me regarde et commence à m’expliquer.
— La clef que tu avais était fausse.
Heureusement que j’avais une copie de l’original. J’ai trouvé le coffre Alexander.
Il était en dessous de ta photo, celle avec ton père, alors j’ai ouvert et retrouvé
tout ça.
Elle
revient vers moi et me remet des papiers qu’elle sort d’une chemise cartonnée.
Puis elle continue sous le regard éberluée de Neina qui se tient la joue, les
yeux rouges d’avoir à retenir ses larmes.
— La clef avait un émetteur, alors j’ai demandé
à Monsieur Shankar de prendre la voiture et de faire un tour en ville au cas où
je serai suivie, juste au cas où. Jamais je n’aurai pensé que cette gamine
pourrait aller aussi loin. Moi, j’ai emprunté un rickshaw parce que c’est plus
facile pour se déplacer aux heures de pointes à Mumbai.
Je
m’approche d’elle. J’espère que je ne suis pas en train de rêver tout éveillé.
Neina veut se relever mais d’un regard Leila la cloue à terre :
— Essaye de te lever et je te file la raclée du
siècle espèce de petite garce ! je t’avais pourtant prévenu. Je ne me bats pas,
j’écrase.
Le
ton est cinglant. Neina ne bouge pas et baisse les yeux.
Avec
les documents, on peut enfin partir d’ici, libre de tout. Je vais renégocier
avec les Oberoi, voir mon prix à la hausse et partir avec … ma femme. Ici, ce
n’est pas pour nous.
Je
la serre dans mes bras. Tellement fort parce que j’ai eu affreusement peur de
l’avoir perdu à jamais. Son odeur que j’aime tant m’enivre.
Neina
malgré la menace de Leila se lève finalement. Elle pleure en silence mais son
regard de folle est déterminé.
Neina
: Devdas tu ne peux pas me faire ça. Pas après tout ce que j’ai du faire pour
toi. Je t’aime et je sais que toi aussi un jour tu m’aimeras comme elle.
Leila
se crispe et la regarde méchamment. Je ne l’avais encore jamais vu aussi en
colère après quelqu’un. Elle veut s’avancer une nouvelle fois mais je la
retiens.
— Mais qu’est-ce qui ne va pas chez toi ? Laisse
le tranquille. C’est …
— Quoi ? Tu crois être la seule pour lui. Tu vas
le partager avec moi que tu le veuilles ou pas. Moi je l’ai déjà accepté. Tu
ferais mieux de faire de même. Tu crois que tu es la seule qu’il a emmenée à
l’hôtel Oberoi d’Agra. Espèce d’idiote, cet hôtel s’appelle OBEROI c’est
l’hôtel de ma famille. C’est moi qui l’y ai invité, qui lui ai raconté
l’histoire du Taj qu’il t’a surement raconté à son tour. C’est moi. Il a profité de cette chambre avec moi bien avant
de t’y emmener. Pour le moment il croit t’aimer plus que moi mais bientôt, il
m’aimera plus que toi. Bientôt je lui donnerai ce qu’il désire plus que tout,
ce que toi tu ne pourras pas lui donner.
— Tu es folle ma parole. Ton plan pour
l’éloigner de cette entreprise et la lui offrir après vient d’échouer si tu ne
l’as pas encore compris. Et tu penses vraiment que je vais croire ce que tu
viens de dire. Tu le crois vraiment !
— Dis lui Xander. Dis-lui. Toi elle te croira.
Et
elle s’approche de moi.
****Alexander****
Je
vis un cauchemar. Cette fille veut surement que je la batte pour pouvoir me
trainer devant la justice après coup. Ca doit être ça. Si jamais je la touche,
je risque bien de la tuer. Je plie les poings pour empêcher mes mains de
trembler, de s’abattre sur elle. Mais si elle ouvre une nouvelle fois sa bouche
pour débiter d’autres âneries, je ne réponds plus de moi.
Je
ne répondrai plus de moi.
— Neina, je ne sais pas ce qui se passe dans ta
tête et j’en suis désolé pour toi. Je ne sais pas pourquoi tu fais tout ça, je
ne comprends pas.
— Tu ne comprends pas parce que tu as oublié…
Mais
de quoi parle –t-elle ?
— Tu as oublié le voyage à Agra ?
Tu as oublié ? Je t’ai rejoins dans ta chambre. Je voulais te convaincre une
nouvelle fois que je pouvais te rendre heureux. Tu m’as écouté. Longuement en
buvant ton verre. Et quand j’ai voulu partir, tu m’as retenue. Tu ne peux pas
avoir oublié… Tu m’as fait… Tu ne peux pas avoir oublié Devdas ce que tu m’as
fais… Tu es l’homme que j’aime.
Je
suis atterré par ce qu’elle me raconte. C’est totalement impossible.
Ce
soir j’ai commencé par boire, c’est vrai. J’ai bu un peu trop parce que j’étais
loin de Leila et que le stress et la fatigue me terrassait. Je n’arrivais pas à
dormir et j’ai pris des somnifères. C’est tout ce dont je me rappelle.
Mais
je n’ai pas pu faire ce qu’elle raconte. C’est impossible.
— Devdas, fais un effort et souviens toi. Je
t’en prie. Ne me fais pas passer pour une menteuse devant elle. Je t’en prie
Devdas, je n’invente rien. Tu m’as appelé mera dil, rappelle toi.
Je
suffoque.
Je
coule. Mais comment ? C’est Leila seule que j’appelle comme cela. Comment
a-t-elle pu le deviner ? Aurai-je vraiment…
J’ai
un premier flash qui me vrille l’esprit.
Puis
un autre et encore un autre … Ce n’est pas possible ! Je vais la tuer. Je vais
la tuer quitte à finir ma vie en taule. Je me suis avancé vers elle et ma main
s’est levée. Je vais la tuer.
— Arrête, fait une voix grave
claque dans mon dos:
C’est
le père de Neina qui court vers moi pour m’arracher sa fille et laisse la porte
grande ouverte.
— Elle dit la vérité. Tu t’es réveillé
à ses côtés et tu as commencé à lui hurler de quitter ta chambre alors qu’elle
était nue. On a dû appeler un médecin et gérer l’affaire en interne avec le
concierge de mon hôtel. On t’a calmé avec des sédatifs puis j’ai demandé à tout
le monde de sortir pour te laissé te reposer. Le mélange d’alcool et de
puissants somnifères t’a conduit à faire ce que tu as fait. Accepte-le. Le
lendemain tu as tout oublié. Alors j’ai demandé qu’on garde le silence sur ce
qui s’est passé.
Et
moi avec un calme qui frise la folie parce que les flashs ne font qu’affluer.
Je
me vois caressant de mes lèvres son visage. Non je suis en train de délirer
éveillé.
Je
suis rentré à Mumbai avec ce sentiment confus d’avoir un trou de mémoire et
quand elle a débarqué à l’hôpital tandis que Leila était malade, j’étais
moi-même surpris de lui avoir répondu aussi sèchement. Je ne comprenais pas
pourquoi après l’avoir superbement ignoré tout ce temps, j’ai commencé à être
totalement dégouté par sa présence.
J’ai
vraiment tout oublié. Seul m’est resté, cette confusion que je ne m’expliquais
pas et mettais sur le compte du stress et de la fatigue.
— Monsieur Oberoi, je vais tuer votre fille.
Vous allez retrouver son corps découpé en petits morceau dans l’eau du Gange
par un malade. Et ce malade ce sera moi.
— Tu ne le feras pas parce
qu’elle porte ton enfant.
Un
enfant !
De
moi.
Un
enfant !
J’entends
un cri étranglé derrière moi. Je me retourne et je réalise que ce qui se passe
est un cauchemar sans fin.
Complètement
obnubilé par tout ce que j’étais en train de découvrir, j’ai occulté la
présence de Leila qui s’est recroquevillée au fond de mon bureau et a posé une
main tremblante sur sa bouche pour s’empêcher de crier sa douleur.
Leila
ne pourra jamais me pardonner ça.
****Leila****
Quand
elle parlait. Je n’ai rien fait d’autre que regarder Xander.
Et
je me suis rendue compte que je le haïssais autant que je l’aimais. Tout ce
qu’elle dit est donc vrai. Dans son regard je ne lis aucune intention de tout
nier en bloc. Il est comme résigné. C’est de la culpabilité que je lis ?
Les
hommes ! Ils prient pour pouvoir adorer votre corps et dès qu’ils vous ont eu
s’en vont prier d’autres déesses.
J’ai
fermé les yeux et vu défiler devant moi toute ma relation avec lui. Et je dois
bien l’admettre. Il a changé ma vie. Il m’a fait découvrir le don de soi. Il
m’a fait oublier ma personne pour me concentrer entièrement sur lui. J’ai
enchainé mon cœur au sien. J’ai dédié mon corps au sien. Je lui ai confié mon
âme. Et même s’il m’arrivait de me
demander pourquoi il m’aimait, pourquoi il m’avait choisi moi au lieu d’une
autre, au moins j’avais la satisfaction d’être sûre qu’il m’aimait, qu’il ne
pensait à personne d’autre qu’à moi, que je ne le partageais avec personne.
Je
me hais moi-même de l’aimer et de le vouloir encore.
Mais
ça, ça, je ne peux pas lutter contre ça.
Un enfant. Accepter c’est vivre dans le mensonge à jamais. Je n’ai
jamais aimé si fort un homme. Jamais.
Je
l’ai rencontré et il m’a donné envie d’essayer d’aimer. Et à force d’essayer, à
force d’essayer, je suis tombée amoureuse de lui. Et ce qu’il m’a fait
ressentir, dans ses bras, m’a complètement envoutée.
Moi
Leila Larba, j’ai quitté ce que j’ai mis ma vie à construire. Pour toi
Alexander Devdas Khan. J’ai laissé ta famille piétiner mon amour propre, ce que
je m’étais juré de ne jamais accepter.
OUI,
XANDER, TU M'AS DETRUITE.
Mais
sache que je ne resterai pas à terre longtemps. Je renaitrais de mes cendres.
Comme toujours depuis le début de ma chienne de vie.
Parce
que moi Leila, je creuserai vos tombes pour vous y enterrer et j’irai cracher
dessus.
Toi
qui m’as dit que tu m’aimais plus que ta vie. Comment te croire encore ohhh
quand je t’imagine entre les cuisses de cette … ce n’est qu’une enfant encore.
Mais toi, tu es un homme ! Tu étais mon homme.
Tout
le monde s’est moqué de moi ici. Tout le monde et toi, toi avec. J’ai risqué ma
vie je ne sais combien de fois pour toi.
Boire
de l’alcool et avaler des somnifères pour se retrouver dans le lit avec cette
gamine puis dire qu’on a oublié? Je dois croire ça ? Hé Dieu, pardonne-moi mais
je ne peux pas laisser passer une telle humiliation.
Neina,
tu le voulais ? Prends-le. Entre hypocrites, vous allez bien vous entendre.
Prends-le jusqu’à ce que je décide que tu en as assez eu. Tu l’as fait pour
moi. Je te rendrais la monnaie de ta pièce. Parce que c’est en rampant qu’il
viendra chez moi. Et tu me supplieras de le laisser rentrer dans votre foyer.
Tu
me supplieras.
Et
toi Alexander. Mon Xander. Mon Xander à moi. Oh Dieu, après toutes ces misères
? Comment as-tu pu ?
Je
le regarde et il devient flou, parce que des larmes de honte sont en train
d’inonder mes yeux. Je n’y vois plus rien. Je ne les retiens pas. Qu’elles
coulent et qu’ils voient tous les deux qu’ils m’ont détruite.
Un
enfant. Quand son père a prononcé ce mot, un éclair a traversé le regard vert
de mon homme. C’était infime mais je l’ai tout de suite perçu. Le visage de
Xander peut rester de marbre mais ses yeux le trahissent toujours. Et à ce moment
là, j’ai senti mon cœur s’arrêter de battre. Je suis morte. C’était bien mieux
de me tuer. Je savais que ce jour arriverai tôt ou tard. Un enfant avec elle.
Tout sauf ça. Pour un homme ? Toute cette souffrance ?
Neina,
tu veux un homme non ? Tu as 21 ans à peine et tu fais déjà tout ça pour un
homme. Que m’avais-tu craché. La virginité d’une épouse indienne. Bienvenue
dans le monde de celles qui ont péchées.
Mais
le vin que tu as tiré avec lui, je vais vous le faire boire jusqu’à la lie. Et
le bonheur que tu crois obtenir, je vais le transformer en malheur.
Pour
un homme ?
Toute
cette souffrance ?
Je
ne veux plus aimer. Dieu arrache ce sentiment de mon cœur. Je t’en prie.
Arrache-le maintenant.