La fête et ses retombées
Ecrit par Gioia
***Vincent KIPRE***
Je viens de demander à mon père de l’argent
pour me rendre à l’annif de ma copine et il commence à faire son malin. Il te
fait répéter les choses plusieurs fois juste pour t’emmerder. J’ai trop hâte de
gagner mon blé pour être libéré des manières de ce vieux.
— Tu dis encore que tu veux aller où eh
Vincent ?
— L’anniversaire de ma copine papa. J’ai
besoin d’argent. C’est ce samedi
— Hum OK, dit-il avant me tendre deux
billets de dix mille francs, qui me font bien rire
— Attends hein, je suis supposé faire
quoi avec deux billets papa ? Je t’ai parlé d’un annif. De surcroît celui de ma copine. La fille de
Koutouan. Un homme important dans ce pays.
— Haayii, 20 000 ne suffisent
pas pour lui trouver un petit cadeau ? Le chauffeur t’emmener et reste
pour te ramener donc pas besoin de payer le déplacement
— Toi aussi tu veux que je me ridiculise ? Ça
me prend au moins 400 000 CFA pour un cadeau digne d’elle
— Quatreeee cent mille ? s’écrie-t-il
les yeux ronds comme des cuillères à café. Eva ! Eva ehh ! il
hurle le nom de maman comme s’il y’a mort d’homme
— Oui pourquoi tu cries mon nom dans la
maison comme ça ?
— Pourquoi je ne vais pas crier ton nom hein !
Avec l’abomination que ton fils vient de me sortir pourquoi je ne vais pas crier,
et il s’assure d’hurler le dernier « crier » comme si on
venait de lui annoncer que j’allais être papa à mon âge. Une vraie drama queen
cet homme.
— Vincent tu as encore fait quoi à ton
père ? me demande maman
— Bah rien maman. J’ai juste demandé 400 000 CFA
à papa pour faire un cadeau à Clarence au lieu des 20 000 qu’il
me donnait
— Et il répète en plus. Tu vas dégager de
ma face avant que je t’en colle une bien sonore OUI ! Non mais OH ! Tu
penses que jadis je pouvais me placer devant mon père à Bouaké pour demander
quatre… attend tu n’as pas bien entendu Eva il a dit quatreeee cent mille....
— Calme ton cœur chéri. On n’est encore plus
à Bouaké pour que tu compares vos situations. En plus ton fils fréquente une
école prestigieuse et les parents de sa copine sont nantis. Il ne veut
seulement pas se ridiculiser
— Je l’ai envoyé à l’école pour chercher
la femme ? Avec sa tête qui ressemble à celle de ton père il vient demander 400 000 CFA.
Et il n’est pas foutu de ramener plus que 10 de moyenne, il me critique avant
de pester puis quitter le salon
— Vincent tu n’es vraiment pas sage.
Pourquoi tu demandes à ton père autant d’argent sans m’en parler avant, me
demande maman le soir après le dîner
— C’est quoi même maman ?
Papa aime trop faire son radin. Il doit toujours compter les coins avant de
nous les donner et pourtant il travaille au ministère des finances
— Tu as travaillé avec lui pour remplir
sa poche ?
— Dites déjà que vous ne m’aimez pas, vu
comment vous vous en foutez de mon état psychologique. Tu sais comment je vais
me sentir ou comment Clarence sera déçue si je vais la voir avec un cadeau
ringard ?
— Plus jamais tu ne me dis qu’on s’en
fout de ton état psychologique, me gronde-t-elle tout en me tirant la joue
— Aieuh mais arrête, je ne suis plus un
gamin, je proteste avec la main sur la partie qu’elle venait de tirer
— Tant que tu continueras à dire ce genre
de bêtises, je ne vais pas arrêter. Déjà tu as eu une mauvaise moyenne et comme
ça ne te suffit pas, tu veux rajouter une couche. Tu as intérêt à te faire
petit si tu ne veux pas sentir ton père passer, elle me prévient avant de
prendre la porte
***Melvin EHIVET, le petit frère de Ludovic***
Aujourd’hui c’est la veille de l’anniversaire
chez Clarence et je suis devant notre portail, en pleine discussion avec mon
meilleur ami et son petit frère, Alexis Koutouan.
— Bro, il faut que tu sois là demain. La
fête de Clarence va être d’enfer. Les personnes importantes du bahut y seront.
Maman a dit oui pour qu’on ait accès à la piscine aussi. Imagine un peu la
quantité de fesses qu’on pourra attraper, il m’encourage
— Hum je sais pas trop. J’ai des plans
déjà tu vois
— Ah ouais ?
— Oui, je dois aller avec le vieux chez
un de ses gros clients. Son fils veut que je lui ramène le dernier Assassin Creed
(jeu vidéo) et Mortal Kombat pour qu’on se fasse un truc sur la play (console)
tu vois
— Bruh t’es pas sérieux quoi. Depuis je
te demande de me passer Mortal Kombat tu remets à demain et voilà tu donnes à
un type sorti de nulle part
C’est pas ce qu’on a qu’on prête ?
pensai-je intérieurement avant de lui répondre.
— C’est pas ça mec. C’est le vieux qui
m’oblige comme quoi je dois faire ami ami avec l’enfant de son futur type. Et
puis je t’ai dit, c’est Ludo qui refuse que je prête nos jeux à d’autres
— Plus relou que ton frère tu meurs,
dit-il pendant que j’envoie un pardon silencieux à Ludo. Ce sont les risques du
métier, les aînés doivent prendre cher, en plus il me casse souvent les pieds. En
tout cas c’est trop dommage que tu ne sois pas là demain. En plus Cora viendra il
paraît, poursuit Al
Mon cœur manque directement un battement à
l’évocation de ce nom. Cora c’est la bombe par excellence. Tous ses gestes sont
raffinés. Même son sourire vaut de l’or. Je tombe pour elle depuis que je l’ai
vu avec sa grande sœur Miriam chez Alexis et Clarence. Il faut que j’aille
absolument à cette fête.
— Euh bro si j’arrive à convaincre mon
père de me laisser venir tu penses pouvoir me donner un lift ? Tu
vois papa aura besoin du chauffeur.
— Négatif bro. Clarence a réquisitionné
toutes les voitures et les trois chauffeurs. On doit aller chercher son gâteau
dans un coin, un magicien dans un autre et plein d’autres trucs. Pourquoi ton
frère ne prend pas la Porsche pour t’emmener ?
Au risque de me répéter il faut avoir la
Porsche pour que mon frère conduise si encore il sait même conduire, me dis-je
intérieurement.
— Ma mère participe à un gala organisé
par l’épouse du ministre de la Défense le soir là donc elle va passer toute la
journée à se pouponner et aura besoin de la Porsche. Tu connais les femmes
— Haha, j’imagine. Bref, tiens-moi quand
même au courant, fait-il alors que son chauffeur venait d’arriver
Je rentre dans notre taudis de l’intérieur mais
qui de l’extérieur ressemble à une merveilleuse villa pleine de chaleur. Selon
maman notre vie était belle avant. Elle et papa se sont rencontrés en France où
ils faisaient des études. Quand papa a eu vent que le nom de Simone Ehivet
faisait du bruit positif à Abidjan il a décidé de rentrer pour se lancer en
politique aussi. Mais il n’a pas choisi les bons partis ou fait les
affiliations judicieuses parce qu’après une gloire éphémère, le parti dans
lequel il était, a été dissout pour complot de traîtrise contre l’état. Son
poste de trésorier il l’a perdu. C’est ainsi que leur galère a commencé. On lui
refusait du travail dès qu’on voyait le nom Ehivet. Le plus ridicule c’est qu’on
ne connaît pas Simone Ehivet Gbagbo nous. S’ils sont parentés c’est qu’ils sont
des cousins extra éloignés. Mais selon maman personne ne voulait les croire
quand ils disaient n’avoir aucun lien avec elle.
En tout cas je ne suis pas comme Ludo. Je
refuse de laisser un stupide nom ou la misère gâcher ma jeunesse. Tant que
personne ne sait comment on vit à la maison ça me va. Et puis notre grand frère
Derek vit à Bengue. Je suis sûr que bientôt il viendra nous chercher pour qu’on
vive avec lui.
Dans l’immédiat il faut que je trouve comment
aller à cet anniversaire. Il me faut de l’argent parce qu’à la marche, la
maison des Koutouan est loin de la nôtre. En plus je vais arriver tout en
sueur, sentir mauvais et ça va gâter mon swag. Le seul qui peut me prêter de
l’argent pour le taxi c’est Ludo mais il ne voudra jamais si c’est pour aller à
la fête.
Ce soir là j’ai attendu que papa et maman
soient à la maison puis Ludo dehors pour agir. Le vendredi soir papa paresse
toujours sur la terrasse avec une bouteille de Gin et sa radio à écouter les
débats pendant que maman lit la bible à côté. Je me suis faufilé dans leur
chambre et j’ai commencé à tâter un peu les vêtements de maman mais rien.
Ensuite c’était le pantalon de papa. À chaque fois que j’entendais un bruit je
sursautais de peur. Je n’ai jamais volé de l’argent. Je désespérais et j’allais
sortir quand j’ai vu un billet de 10 000 francs dans la
chaussure de papa. J’ai remercié Dieu d’être si bon. Je l’ai rapidement pris et
me suis faufilé dans la chambre que je partageais avec mon frère. Direct sous
la couette, la tête remplie de Cora et sa magnificence. Que cet anniversaire se
ramène au plus tôt.
***Vincent KIPRE***
Samedi était enfin là et je m’apprêtais à
quitter la maison le cœur lourd et la poche légère, car papa n’a pas complété
ma tune. Je cherchais les clés de la voiture pour le chauffeur quand maman m’a
interpellé.
— Vincent ? Vincent !
— Maman je dois à y aller sinon je serais
à la bourre
— Pfff tu pars à la fête sans le cadeau alors ?
— Tu veux que je fasse quoi quand ton
mari n’a pas pitié de moi ? Je vais juste mentir à Clarence que son cadeau est en chemin et on
verra pour la suite
— Tiens, dit-elle en me présentant une
enveloppe
Je l’ouvre et un sifflement suit devant les
billets qu’elle contient.
— Maman ! Tu es la
meilleure parmi les meilleurs, dis-je heureux tout en me jetant sur elle pour
l’enlacer
— Ah laisse mon cou. Maintenant tu me
fais un câlin mais tout à l’heure ton visage était attaché comme un gros nœud.
Le chauffeur va t’emmener lui chercher un cadeau avant d’aller à la fête. Mais
tu reviens ici à 21 h ! Et je ne veux pas entendre que tu as déconné là-bas c’est clair ? Je hoche
vigoureusement la tête. Si tu es intelligent, pars crier sur les toits que je
t’ai donné les 400 000 pour que ton papa entende, poursuit-elle
— Lol je t’aime maman, à toute, lui
dis-je avec un sourire large avant de m’en aller en faisant une petite danse
Il n’y a rien de tel qu’avoir les moyens de sa
politique, l’argent est chic. Je file à Zino en vitesse acheter le parfum le
plus sélect qu’ils ont. En sortant de là j’ai croisé Blair.
— Yo B, ça va ?
— Coucou Vince, dit-elle en me faisant la
bise. Tu viens chercher le cadeau de Clari ?
— Oui mais tu ne lui dis pas que j’ai
fait ça juste ce matin hein
— Lol compte sur moi
Je l’attends vu qu’elle est là pour un achat
aussi et nous nous rendons ensemble chez les Koutouan. Le personnel courrait
ici et là pour mettre les dernières touches à notre arrivée.
***Melvin EHIVET***
Encore une fois Dieu est merveilleux. Par un
miracle que je ne pourrais expliquer, il a fait sortir Ludo tout à l’heure. Là
je fais des trous dans le t-shirt gris que mon frère m’a acheté il y a trois
mois. Comme ce sont les habits troués qui sont à la mode, je ferais moins tache
dans le décor. Quelques minutes plus tard, j’étais fin prêt. J’ai longé les
murs sans que maman me voie et je suis sorti. La première partie était faite.
Maintenant il fallait trouver comment prendre le taxi pour se rendre là-bas. Je
ne suis jamais sorti seul mais bon il y a plein de garçons de onze ans dans
Abidjan qui sortent seuls j’en suis sûr.
***Ludovic EHIVET***
Travailler sur les chantiers c’est le bordel.
On te charge des blocs de pierre et bacs de sable sur le dos pour qu’à la fin
le chef te sorte que le patron ne l’a pas payé donc il faut attendre. Putain de
pays merdique. Cassé comme j’étais j’ai encore dû me taper quarante minutes de
marche pour arriver à la maison. La seule chose que je voulais c’était dormir.
Les devoirs de M Adou m’attendent mais la fatigue est concentrée dans mon
corps. Je me couche un moment pour me reposer. Le reste on verra après. Même si
je ne fais pas il fera quoi au pire, me frapper ou traiter de demeuré ?
Rien de nouveau sous le soleil.
— Ça va Ludo ? Tu as bien
étudié avec tes amis ?
— Ouais mais je suis trop fatigué, je dis
en bâillant bien fort
Pour ma mère je vais étudier quand je quitte
la maison. J’ai jugé qu’elle n’avait pas besoin de savoir que je travaillais
sur les chantiers. Pour la simple raison qu’elle ne pourrait rien y changer et
au contraire se blâmerait constamment à cause de ça. Je le sais par expérience.
Avant j’aidais certains amis de Melvin en français et ils me payaient ici et
là. Je n’étais pas si mauvais à l’école il y a quelques années. C’est juste
qu’à force de trimer et ne pas voir le bout du tunnel, je me suis lassé à être
partout à la fois. Quand les parents des amis en question l’ont découvert ils
ont demandé que je cesse sous prétexte que ce n’est pas à un gosse de 14 ans
qui d’être répétiteur. Ils sont venus en parler à ma mère. Elle a passé des
semaines à se morfondre et s’engueuler avec le vieux comme quoi ils sont des
mauvais parents pour nous. Les tons sont montés mais au final rien n’a changé.
Au contraire mon père est devenu plus acariâtre, va savoir pourquoi. Maintenant
je fais mes choses dans mon coin. Moins les gens savent mieux je me porte. En
parlant des gens, ce petit bandit de Melvin n’était pas dans la chambre à mon
arrivée, ce fut ma dernière pensée avant de me plonger dans un sommeil
réparateur. Une main tapant mon pied m’a réveillé alors que je rêvais d’un bon
shawarma
— Ludovic ! Réveille-toi
— Hum y’a quoi maman ? Je suis
fatigué
— C’est Melvin, je le cherche partout. Il
n’est pas dans l’arrière-cour. Il ne m’a pas dit qu’il allait jouer dehors non
plus
— Anh maman après pardon, dis-je en me recouchant
-Ludooo, fait-elle tout en bougeant davantage
mon pied. S’il te plaît, va faire un tour dans le quartier pour voir s’il n’est
pas chez les Traoré. Ton père rentre bientôt et tu sais qu’il va se fâcher si
Melvin est dehors
Je me suis réveillé avec la rage et le sommeil
sur les yeux. Je ne sais pas qui m’a collé ce petit con comme frère. Chez les
Traoré on m’a appris qu’il n’y était pas mais son compagnon de jeu du quartier
a dit l’avoir vu marcher vers la route.
Tout d’un coup ça a fait tilt dans ma tête.
J’ai prié pour sa propre gueule que ce ne soit pas ce que je pense. J’avais à
peine pour la course de Riviera 2 à Angré Cité Diaspora. J’ai marché un
peu et négocié un chauffeur pour qu’il me laisse chez les Koutouan.
— Bonsoir papa s’il te plaît je viens à
la fête de Clarence, dis-je au gardien
— Inhein où est ton invitation ?
— Pardon je n’en ai pas. Mais Clarence
est mon camarade de classe
— Tu es camarade de classe et tu portes
les tapettes pour venir à l’anniversaire ? m’interroge-t-il tout en
balayant mon accoutrement du regard. Tu as entendu qu’il y’a fête ici et tu
viens voir si tu ne peux pas voler quelque chose non. Attends-moi ici, je reviens,
dit-il sur un ton qui ne me disait rien qui vaille. Il sortit avec un bâton et
j’allais prendre mes jambes à mon cou mais une voix familière m’a stoppé
— Cissé tu fais quoi ? C’est notre
ami, lui reproche Blair
— Mademoiselle Gueye vous connaissez le
petit pouilleux là ?
— Son nom c’est Ehivet et non Pouilleux ! Tu
viens Ludo, on entre
— Il n’a pas d’invitation, lui rappelle
le gardien
— Ce n’est pas grave puisque je te dis
que je le connais
— Oh moi je veux pas de problème avec
mademoiselle Koutouan
— Tu veux que j’aille appeler Vincent ou
Arthur (grand frère de Clarence) peut-être ?
— Non non ça va, il s’empresse de
répondre avant de s’effacer pour que je passe
— Merci Gueye
— Pas de quoi voyons. Quoique tu n’es pas
vraiment habillé pour une pool party
Elle parlait mais je ne pouvais pas détacher
mes yeux de sa poitrine. Elle portait un maillot de bain une pièce rose qui lui
allait à ravir. Je ne m’intéresse pas aux filles mais il faut admettre qu’elle
est belle Gueye. Melvin, on est là pour Melvin me criait ma conscience, chose
j’ai répété de vive voix à Gueye.
— Je ne l’ai pas vu et tu vas avoir du
mal à le trouver dans cette foule
Effectivement c’était plein de monde
déambulant de partout. Je ne pense pas avoir déjà vu autant de filles en petite
tenue de ma vie. C’était si déconcertant que je ne savais pas où me mettre.
— Eh gars c’est toi, dit gaiement Vince en
me faisant l’accolade de derrière. Tu n’avais pas dit avoir d’autres plans ?
— Oui je suis là pour chercher Melvin
— Je l’ai vu tout à l’heure avec Alexis.
Mais les deux courraient partout hein. Viens relaxer un peu avec nous ou bien
tu gérais déjà Blair et je vous ai gâché le moment, me souffle-t-il
— Tu es con toi, dis-je en le poussant
alors qu’il riait
Je l’ai suivi pendant que Blair rejoignait un
groupe de filles que je ne connaissais pas
— Gars tu as vu un peu le matos de
certaines filles ici ? Encore heureux que j’aime Clarence sinon j’allais devenir fou
— Ouais bof
— Tu es sur toi que tu es vivant en bas
là-bas ? Ou les filles que tu gères sont plus en forme ?
— Pardon je viens juste chercher Melvin
Dans ma recherche je suis arrivé dans une
pièce où les gens jouaient à la console. En un rien de temps moi aussi je me
suis retrouvé à jouer. Et il faut avouer que c’est addictif. Je ne sais pas
combien de temps j’ai fait là. Vincent est venu me remettre une cannette disant
que c’est du jus. C’était sucré certes mais il y avait un arrière-goût que je
ne pouvais distinguer. Facilement je me suis fait trois cannettes du fameux
jus. Les gars proposaient qu’on remette une autre partie mais des filles dehors
ont commencé à crier qu’on doit se rassembler autour de la piscine. Je me suis
levé avec la tête qui tournait sacrément et l’impression que mon cœur voulait
sortir par la bouche. Je cherchais Vincent des yeux mais il n’était nulle part.
J’ai fait du mieux que je pouvais pour mettre un pied devant l’autre et je suis
arrivé à côté de la piscine. J’entendais des choses mais ça bourdonnait dans
mes oreilles et la minute d’après j’avais l’impression de perdre pied malgré mes
débattements. L’eau rentrait partout ; j’essayais de crier mais sans
succès. Tout d’un coup je me suis retrouvé à la surface et toussais violemment.
J’ai vu des téléphones braqués sur moi sans vraiment comprendre pourquoi.
– Qui t’as invité ici emmerdeur ? entendis-je
de Clarence
— Clarence toi aussi ! donne-lui
un moment tu ne vois pas qu’il tousse, dit Vince accroupi à mes côtés
— C’est toi n’est-ce pas ?
Combien de fois je vais te répéter que ce n’est pas mon ami Vincent !
— Euh non c’est moi, avoue Blair d’une
petite voix
— Toi ? Répète
Clarence choquée. C’est quoi ton problème ? Tu en pinces pour cet idiot ou
quoi ?
— Mais non voyons c’est juste que....
Je n’ai plus prêté attention à ce qu’ils se
disaient. Je me suis levé tant bien que mal et j’ai repéré Melvin dans la
foule. Je me suis dirigé vers lui pendant que ça jasait toujours derrière moi
— On y va ! lui ordonnai-je
la voix encore déformée par la toux violente
— Lu.... lu....ludo tu fous quoi là ?
— Tu as cinq secondes pour me suivre
— OK, attends
Je l’ai vu se servir au buffet et mettre dans
un sac alors que Clarence avançait vers nous
— Melvin on part ! je lui
ordonne
— Mais Ludo c’est pour le repas de ce
soir et…
— Toi et ton petit frère qui fait coco
(quelqu’un qui aime manger gratis chez les gens sans gêne) quittez ma fête tout
de suite !! nous chasse-t-elle comme des malpropres
J’ai tiré brusquement Melvin et son sac de
bouffe est tombé. Je n’ai jamais eu autant honte de ma vie. Une fois dehors
j’essayais de respirer pour faire passer la colère mais la gerbe ne voulait pas
me laisser et ma tête tournait
— Tu es trop bête ! Maintenant
on va aller à la maison pour manger encore le placali avec la sauce de gombo
sans viande ni poisson
— Répète un peu !
— Tu es trop bête Ludovic !
Je lui ai foutu une droite qui devait
normalement balayer sa joue sauf qu’elle a atterri sur son œil vu que je voyais
double. Il s’est rué sur moi et m’a mordu alors que je tapais sa tête. Une dame
passant par là nous a séparés et grondés. Nous avons commencé à marcher pour
rentrer. Puis il a arrêté un taxi sans me dire et m’a seulement crié tu viens
ou pas. Je n’avais pas la force de me demander où il a appris ça ni d’où
sortait l’argent. Nous sommes arrivés à la maison et je n’ai pas compris ce que
maman faisait à genoux devant papa.
— Maman qu’est-ce que tu fais, crie
Melvin tout en se précipitant vers elle
— Ah vous voilà enfin. Donc ça se permet
de me voler et sortir faire la java hein, ironise papa
— Papa c’est pas ça, Melvin essaie de lui
expliquer et c’est le choc collectif qui suit. Mon père venait de le gifler.
C’est une chose qu’il me demande de me mettre à genoux et autre mais jamais il
n’a levé la main sur Melvin. Et personne ne frappe mon frère !!
— Tu es fou ou quoi, dis-je en me ruant
sur lui pour le bousculer
— Tu vois Yvette, son haleine pue
l’alcool. Je t’avais dit et tu voulais les défendre !! Petit vaurien
cancrelat. Tu ne fous rien à l’école et c’est toi qui voles ! Tu
as pris mes 10 000 CFA pour aller acheter l’alcool hein
***Melvin EHIVET***
J’étais scandalisé par ce qui se passait. Papa s’est mis à chicoter Ludo avec sa ceinture sans s’arrêter. Le pauvre Ludo qui n’était pas du tout dans son assiette. J’ai foncé sur papa pour l’arrêter et il m’a frappé aussi. Maman a essayé de s’interposer et elle fut chicotée aussi. J’ai juste entendu Ludovic me dire d’emmener maman dans la chambre. Mais elle refusait et je ne pouvais pas la porter avec mes faibles bras. Papa a fait sa fête à Ludovic jusqu’à se fatiguer puis il est sorti. Je n’avais pas le courage de regarder le dos de mon frère. C’est un monstre ce monsieur, pas un père. Dans tout ça c’est moi qui ai mis mon frère dans cette peine et je n’arrive pas à empêcher mes larmes de couler tellement je me sens coupable et frustré par ce que ce monsieur nous fait vivre, pourtant on ne lui a rien fait.