La maîtresse de maison
Ecrit par Les Chroniques de Naty
Chapitre 5
****Martine****
—Madame votre
café !
—Merci Tati. As-tu pu
prendre les dispositions pour la réunion de demain avec l’ensemble de
l’équipe ?
Elle se gratte légèrement
la tête gênée. Quand elle fait ça, c’est qu’il y a un problème que je ne sais
pas.
—C'est-à-dire que… en
fait...
—A vrai dire, je ne
veux rien savoir. Fais tout ton possible afin que tout soit OK pour demain.
—Madame ce qu’il Ya c’est
que je n’ai pas eu le temps d’informer les autres.
—Et pourquoi ?
Elle me regarde sans
rien dire.
Seigneur cette fille
finira par me mettre dans des problèmes. Elle ne fait pas le poids pour une
assistante de la coordination d’un projet. J’essaie de me calmer du mieux que
je peux pour ne pas avoir à lui crier dessus.
—Assieds-toi s’il te
plait.
L’expression de son visage
fait pitié.
La pauvre elle pense
que je vais la manger ! Je ne suis pas cannibale ma fille.
—Ecoute moi très bien,
parce que je ne vais pas revenir là-dessus. Tu es ici en tant qu’assistante, tu
tiens le standard d’une part ; mais d’autres part tu gère le calendrier
des réunions non seulement du Responsable Administratif et Financier que je
suis mais aussi de toute la gestion financière. Je sais que ta tâche n’est pas
facile. Mais figure-toi que personne n’a la tâche facile sur ce projet. Nous
avons des résultats à atteindre ; cela dit j’ai besoin d’une équipe
dynamique et concentrée. Si tu as besoin de congé, fais en la demande mais de grâce
que la situation d’aujourd’hui ne se reproduise plus jamais. Je ne vais pas
faire mon travail en plus du tien. Parce que le Coordonnateur n’en a rien cirer
de notre cuisine interne, ni encore moins le Bailleur. Alors que tu ais eu le
temps ou pas, sache que ce n’est pas leur problème. Nous avons des délais à
tenir. Il faut que les décaissements se fassent.
—D’accord madame. Je
vous présente mes excuses.
—Fais-moi une
proposition de mail, sur l’ordre du jour de la séance de demain. Je me
chargerai d’informer les différentes parties.
Elle acquiesce ;
je lui donne d’autres directives et elle s’en va.
Je suis épuisée. Et
dire que je dois rester gérer tout ça, et ensuite gérer pour la maison. Comment
ne pas perdre les boules ?
Déjà cinq mois que j’ai
repris du service et ce n’est vraiment pas facile. J’ai été surprise et très ravie
d’être nommée coordonnatrice Adjoint du projet sur lequel je travaille, cela
s’est fait six mois avant mon accouchement. Je crois que les représentants de
la banque mondiale ne savaient pas que j’étais enceinte lorsqu’ils ont donné
leur accord sur mon dossier. Car dans notre milieu ils ont besoin de personne
disponible. Cela fait toute la différence entre un homme et une femme ;
mais j’ai dû travailler dur pour être à ce poste ; alors je peux
humblement dire que je mérite de seconder le Coordonnateur dans la gestion du
projet.
Mais à vrai dire, c’est
plutôt la charge de travail qui a décuplée. Je rentre de plus en tard à la
maison. Je vois à peine mon mari ! J’ai juste le temps d’embrasser mon
fils que je tombe dans les bras de Morphée. À peine si j’arrive à manger. Maman
m’a dit de me ménager, car le jour où je tomberai malade j’en perdrais même
l’envie de sortir de la maison. C’est dur à dire, mais je ne vis que pour mon
travail. Avant qu’Orphée ne rentre dans ma vie, je n’avais pas grand centre d’intérêt.
Fatou est ma seule amie, mon mari mon meilleur ami. Cependant avec le temps lui
et moi n’avons plus vraiment cette connexion que nous avions dans le temps. Aussi
mon unique sœur n’est pas en Côte d’Ivoire ! Elle ne vient que pour les
vacances avec son mari et ses trois enfants.
Mon seul réconfort
c’est ma nounou. Et oui Akabla est devenue incontournable dans ma maison. Je ne
sais pas ce que je ferai sans son aide. Je l’adore, mon fils l’adore. En bref
nous l’adorons tous. Elle gère très bien la maison ; il faut dire qu’elle
a passé la période d’essai avec brio ; je lui découvre des talents de cuisinière
insoupçonnée, un vrai cordon bleu. Elle anticipe sur nos désirs et sait se
faire discrète ! Je me demande ce que je ferai sans elle ; en
seulement cinq mois à mon service et je ne peux plus me passer d’elle.
Elle fait le linge de toute la famille ! Elle
s’occupe bien de mon fils et de son père. Même les chaussettes et les dessous
de Moctar, sont sous sa responsabilité. Elle dresse notre lit et nettoie les toilettes
chaque matin. Maintenant j’ai le temps
de m’occuper de mon travail. Je dois aller aux États-Unis pour une mission de Coordination
qui durera un mois. Heureusement qu’elle est là ; j’ai confiance en elle
et je sais qu’elle saura gérer en mon absence. Cette fille est une vraie
perle ; et je ne compte pas me débarrasser d’elle.
Mais je ne veux pas
aussi que la charge de travail soit trop pour elle. Je vais parler à Fatou pour
qu’elle me trouve une autre fille qui va seconder Akabla dans ses taches. Elles
pourront s’entre-aider dans le travail. Je lui en parlerai ce soir.
Ce soir comme tous les
autres soirs, je rentre tardivement. Mon mari a arrêté de se plaindre de mes
horaires. Je quitte la maison à 6h30 au plus tard. Et je ne rentre le soir qu’à
21 heures passés. Je sais que pour une femme mariée ce ne sont pas des heures
recommandables, mais je ne peux faire autrement du fait de la charge qui
m’incombe au bureau. Notre relation est toujours aussi platonique. J’en
souffre, mais lui non plus ne fait plus d’effort. Il préfère s’adresser à la
nounou pour ses moindres besoins et je crois que c’est mieux ainsi. Cette
situation ne me plait pas du tout, mais je ne peux faire autrement.
****Akabla****
Aujourd’hui j’ai vite
fini mes corvées et je me suis bien reposée. C’est vrai que je suis la seule à
me taper tout le boulot dans cette maison, mais je ne m’en plains pas. Je suis
devenu incontournable et c’est ce que je voulais depuis le début. Pour mieux
gagner, il faut savoir se rendre indispensable et disons que je le suis pour
cette famille. Du mari au bébé en passant par la femme. Ils ont une confiance
aveugle en moi et c’est mieux comme ça. J’aime beaucoup le fils de ma
patronne ; c’est un petit garçon très vif et adorable. Et plus le temps passe,
plus il ressemble à son père !
L’amour que j’ai pour
mon patron se répercute sur son fils ; et oui je suis amoureuse de cet
homme. Il me fait un effet pas possible. Il n’Ya pas un jour où je ne rêve pas
de lui. Je l’adore. Je le veux rien que pour moi et je meurs de jalousie chaque
fois que je le vois avec sa femme. C’est vrai que leurs rapports ne sont plus
au beau fixe. Depuis ma première nuit ici, où je les ai entendus se disputer, ils
s’évitent au maximum et monsieur passe par moi pour tout ce dont il a besoin. Cela
a créé un lien entre nous. Je lui repasse son linge, et je m’occupe même de ses
sous-vêtements. Je les classes par couleurs et par matières. Je sais qu’il aime
ce que je fais. J’ai appris à le connaitre en tant que personne et à connaitre
ses gouts également. C’est un homme simple et très attentionné.
Je me demande pourquoi
ça ne marche plus entre lui et sa femme ! Car elle aussi est une femme
douce. Mais elle a un caractère d’homme souvent. Il n’existe entre eux que de
la courtoisie ! Il ne partage plus grand-chose ; je me demande même
s’ils ont encore des relations sexuelles. Ma patronne dort plus souvent avec
son fils qu’avec son mari. Elle le prive de son droit conjugal. Et je sais
qu’un homme en manque devient très vulnérable pour les autres femmes. Peut-être
qu’il a une maitresse, sinon ce n’est pas possible qu’il reste tout ce temps
sans faire l’amour. Et si par magie c’est le cas, j’en serai la plus heureuse. Cela
voudra donc dire qu’il ne va pas pouvoir résister à mes charmes. Le mouton
broute là où il est attaché, cela dit il ne pourra pas laisser une femme à la
maison qui est disponible pour une autre dehors. J’ai remarqué qu’il me lance
souvent des regards très appuyés. Aucun homme ne peut résister à mes courbes. Ma
croupe les rends tous fou. Je le sais parce que je n’en suis pas à ma première
expérience.
Par ailleurs j’avoue
que leur mésentente cela n’est pas pour me déplaire. C’est plutôt à mon
avantage que le torchon brule entre eux ; ainsi je pourrai bien
m’infiltrer dans le cœur de Moctar. Je n’aurai qu’à les séparer plus qu’ils ne
sont déjà. Comme le dit l’adage, le cafard ne rentre que dans un mur déjà
fissuré. Cela dit leur petite discorde me sera très favorable. La première
étape était de me rendre indispensable, gagner leur confiance à tous ;
j’ai pu faire cela sans difficulté. Car Martine n’est pas très porter sur le
contrôle, elle se rabat sur moi pour toutes choses concernant son couple. Je décide
du menu et de tout ce qu’il Ya faire dans la maison. Je me sens plus comme la
maitresse de maison, que comme la domestique.
Elle fait partie de ces
femmes intellectuelles qui ne savent pas gérer leur travail et leur foyer. Elles
laissent toute la gestion de leur maison
à la charge des domestiques qui en profite pour s’imposer à elles. Je ne vais
pas lorgner sur la perche que je tends Martine, au contraire je vais la tirer
pour la faire tomber plus bas qu’elle ne le pense. La deuxième étape va
consister à les monter l’un contre l’autre et pour cela je sais quoi faire.
Je ris intérieurement
quand je pense à mon idée. Je suis très rusée ! Je me joue aux ignorantes,
or je suis loin d’en être une. Quand on veut profiter des gens, il faut juste se
faire un peu stupide pour qu’il vous traite ainsi.
Je suis couchée dans la
chambre en train d’échafauder mon plan quand j’entends la clé tourner dans la
serrure. C’est surement ma patronne qui est de retour. Je saute hors du lit
pour aller l’accueillir. Je vais lui servir un jus que j’ai fait. Ils ne
peuvent plus s’en passer de mes jus. Je remercie ma défunte tante de m’avoir
appris l’art de la cuisine. Grâce à elle, je vais surement trouver un homme. Ne
dit-on pas que l’homme se gagne par le haut de la ceinture et le bas de la
ceinture. J’ai déjà conquis le ventre de Moctar, il ne reste plus que le bas de
la ceinture ; et je sais que là-bas aussi je saurai battre sa femme. Car
oui je connais l’art de pratiquer le sexe. Le bon sexe je dirai.
—Bonsoir madame. Bienvenue.
—Bonsoir Akabla. Merci !
Ah tu es tellement prévenante merci pour la boisson. Hum c’est bon comme
toujours ; faudrait que tu m’apprennes tes jus là ma chérie. Ils sont
divins. dit-elle en vidant son verre.
—Sans problème madame.
—Et mon fils ?
—Il dort.
—D’accord ! Et
monsieur il est rentré ?
—Pas encore.
—Dieu merci. Au moins
il viendra me trouver ici aujourd’hui ; ça va nous éviter une autre prise
de tête. Qu’as-tu cuisiné pour ce soir ?
—Une soupe de pintade
avec du riz cantonnais.
—Ah c’est bien ;
j’espère que c’est bien épicé hein ?
—Oui ça l’est. Je sais
que monsieur aime le piment.
Elle éclate de rire.
—Tu maitrise plus bien celui-là
que moi-même. Hum il Ya des moments comme ça. Dans tous les cas moi ça
m’arrange, ça me permets d’avoir du temps pour mon travail.
Hum si seulement tu
savais à quel point je maitrise cet homme ; tu ne sais pas la chance que
tu as. Et moi je ne vais pas cracher dessus. Me dis-je intérieurement.
—Bon je voulais te
parler. Je dois aller en mission aux États-Unis pour un mois. En plus j’ai vu
que la charge de travail est trop pour toi seule ; alors je vais demander
à Fatou de trouver une autre qui va t’aider. Ainsi tu pourras aussi te reposer.
Hum ça ne m’arrange pas
qu’une autre fille vienne ici.
—N’êtes-vous pas
satisfaite de mon travail madame ? Demandais-je.
—Bien sûr que je suis
satisfaite ! Plus que satisfaite même je dirai.
—Mais pourquoi
voulez-vous prendre une autre fille ?
—C’est juste pour
t’aider.
Mais une autre fille
ici viendrait à limiter mes projets. Elle pourrait avoir les mêmes ambitions
que moi ; je n’ai aucune confiance en ces filles. Elles ont les yeux plus
gros que le ventre. Comment faire comprendre cela à ma patronne ?
—D’accord madame.
—Ok. J’appellerais
Fatou dès demain afin qu’elle me trouve une fille au plus vite. Je veux gérer
ça avant mon départ.
—C’est compris.
Elle s’en va dans sa
chambre et je retourne dans la mienne. Je ne suis pas du tout contente de la
venue d’une nouvelle fille. Ça mettra à mal tous mes plans. Il faut que je
trouve vite une solution. Je suis déjà trop bien avancée dans mes projets pour
qu’une tierce personne vienne tout gâcher.
****Fatou****
Je viens de recevoir un
appel de Martine me demandant de lui trouver une autre fille. Ça tombe bien,
car il Ya une jeune fille de Bondoukou qui m’a été proposée par le monsieur de
l’agence. Mais je n’avais pas répondu favorablement puisque moi-même j’en ai pas
besoin. J’espère que personne ne l’a prise. Les filles de cette région sont
très travailleuses et courageuses.
Cependant, je me
demande ce Martine peut bien faire avec tout ce personnel. Pour une famille de
seulement trois personnes ; elle n’a pas besoin de tout ce monde-là. Mais
bon chacun gère ses affaires comme il l’entend. Par ailleurs j’ai un petit souci
avec la manière dont elle gère sa maison. Bon ce n’est même plus elle qui gère
cela. Parce que sa nounou a pris la relève. Elle lui laisse tout entre les
mains et ce n’est pas du tout bien de procéder ainsi. Avec ses filles il faut
savoir s’imposer des limites.
J’ai été choquée de
voir que c’est sa nounou qui s’occupe de tout dans la maison. Et ce même des
affaires de Moctar. Sur ce coup je crois qu’elle abuse un peu. Elle décide même
du menu et ils subissent. Je n’ai pas manquée de lui faire le reproche mais
elle n’a pris ça à cœur. Comme quoi ce n’est pas important.
—Tu devras plus
t’impliquer dans la gestion de ton foyer Martine.
—Mais qui t’a dit que
ce n’est pas le cas.
—C’est la façon dont ta
nounou se comporte qui me fait dire ça. Regarde un peu comment elle t’impose
ses choix.
—Elle ne m’impose rien
du tout Fatou. Elle propose et c’est à moi de valider.
—Hum c’est ce que tu
crois. Fais attention ma sœur ! Ne laisse pas tout entre ses mains. C’est
toi madame Asseu, c’est toi la femme de Moctar et la mère d’Orphée et non Akabla.
—Je sais tout ça.
—Si mais tu sembles
avoir oubliée cela.
—Arrête avec tout ça
Fatou. Je la paie pour ça. Alors qu’y a-t-il de mal à ce qu’elle fasse son
travail ?
—Il n’Ya rien de mal à
cela, mais il arrivera un jour où elle fera plus que son travail.
—Que veux-tu insinuer
par là.
—Rien. Laisse tomber.
Je m’étais tue et avais
laissé passer cette histoire ; car je sentais le ton monter. Je ne veux
pas la contrarier ! Si elle-même ne voit pas le mal qu’il Ya à cela, alors
pourquoi le ferrais je ? Martine n’aime pas être contredit, ou même qu’on
lui fasse voir ses torts. Cela dit j’ai changé de sujet.
Tout a été tellement
facile pour elle dans la vie qu’elle pense que tout le monde est bien comme
elle. Elle n’arrive pas à voir le mauvais côté des gens. Mon amie est le genre
de personne qui ne se méfie pas des autres ; elle accorde vite sa
confiance aux gens qui l’entoure. Ce n’est pas de sa faute, la vie n’a jamais
été dure avec elle. Depuis petite elle est habituée au luxe ; elle s’est
faite servie toute sa vie par des domestiques. Les gens sont toujours à son
service ; ce n’est pas mauvais, mais ça aussi des répercussions très néfaste
souvent. Car elle ne sait pas faire la part des choses.
Elle devra faire plus attention avec sa nounou. Parce qu’on ne sait jamais les intentions cachées des personnes qui nous entourent