La nouvelle
Ecrit par Farida IB
Nahia…
Je prends mon verre de jus de fruits en attendant la réaction de Bilal par rapport à la nouvelle bêtise de Nabil. Il reste sans parler pendant cinq minutes, je bois une gorgée de plus avant de renchérir.
Moi : j’ai du mal à assimiler qu’il ait une petite copine bien que je sois ouverte d’esprit. Je le trouve très jeune, trop jeune pour parler de petite amie.
Bilal relaxe : ça ne doit pas être bien sérieux ! Il devient pubère, nous sommes tous passé par là…
Moi (secouant la tête en déposant le verre) : pas moi !
Bilal : lol peut-être, mais ce n’est qu’une passade. Il va juste nous falloir préconiser avec lui le dialogue pour éviter le pire.
Moi : en tout cas, j’essaierai, Nabil quand il veut faire des siennes parfois…
Bilal m’interrompant : il faut quand même reconnaître qu’en-dehors de cette nouvelle histoire, il devient plutôt sage, gentil et avec du répondant à l’école comme à la maison.
Moi : euh, j’ai remarqué oui.
Bilal : tu t’inquiètes donc pour rien, ce moment aussi passera !
Moi : inch’Allah.
Il plisse les yeux une nano seconde avant de me fixer le sourcil arqué.
Moi (soutenant son regard) : quoi ?
Bilal : tu deviens vraiment arabe, leur accent transparaît dans tout ce que tu dis.
Moi : je ne pense pas que cela pose un problème.
Bilal : je n’ai jamais dit que s’en était un, sinon le mariage c’est quand ? Tu ne trouves pas que ça prends du temps ? Ton horloge biologique dit (vacillant le doigt) tic tac, tic... Tac.
Moi enragée : ça ne te regarde pas ! Si notre discussion est terminée, je vais y aller. J’ai un rendez-vous important.
Je prends mon téléphone avec rage et l'enfourne dans le sac avant de me lever d'un geste brusque.
Bilal (levant la main) : ok ok je vois, sujet sensible abordé.
Je le regarde simplement les mains croisées sous ma poitrine.
Bilal : une dernière chose s’il te plaît.
Moi sur la défensive : je t’écoute.
Bilal : pense à lever la punition de Nabil, j’ai besoin de lui parler.
Moi : tu passes dans deux jours le prendre pour le week-end n’est-ce pas ?
Bilal : oui.
Moi : tu auras tout le temps de lui parler. Pour le moment, il est privé de téléphone jusqu’à nouvel ordre.
Bilal : rhoo Nahia, c’est bon quoi.
Moi : j’y vais, tu paies l’addition.
Je l’entends soupirer derrière moi, mais n’en fais pas cas. Je sors du restaurant et regagne ma voiture pour l’agence. J’avais rendez-vous toute à l’heure avec Murielle pour le lancement de sa boutique en ligne, mais c'est mort. Cet idiot de Bilal vient de me saper le moral. De toute façon je n'avais pas la tête à travailler aujourd'hui, j'ai les nerfs à fleur de peau. Depuis hier j'essaie de joindre Khalil sans succès et son entourage est incapable de me renseigner sur sa position exacte. La dernière fois qu’on s’est parlé, c’était à sa descente d’avion. Il disait qu’il avait une entrevue avec son père, depuis lors j’attends le dénouement avec désespoir. Je ne sais pas pourquoi je ne le sens pas cette entrevue. Ça n'augure rien de bon.
J’attends de garer sur le parking aménagé de l’immeuble abritant l’agence pour le rappeler, ça sonne inaccessible cette fois. Je soupire et compose le numéro de Murielle pour l’informer que je ne pourrai pas honorer notre rendez-vous, elle décroche à la troisième sonnerie avec une drôle de voix.
Murielle : allô !
Moi : salut ! Est-ce que je te dérange ?
Murielle (voix enrouée) : en fait oui, je dois dire que je suis occupée en ce moment. Mais puisque j’ai décroché, vas-y parle !
Moi : je t’appelle par rapport à notre rendez-vous.
Murielle : merde ! Ça m’a complètement échappé, ça te gêne si nous (entre les dents) reportons ?
Moi : non non, j’appelais d’ailleurs pour annuler. Je ne suis pas opérationnelle.
Murielle : qu’est-ce que tu as ? Tu as une drôle de voix.
Moi : je dirai la même chose de toi, pourquoi tu as la respiration aussi saccadée ?
Murielle : j’ai pris ma pause.
Moi : et ?
Murielle : avec Joris (dans un râle) il est venu me chercher…
Je raccroche sans attendre le reste, la fille ci vraiment ! Je m’adosse au siège et ferme les yeux pour réfléchir. Après une petite hésitation, je décide d’appeler Yumna à nouveau.
Yumna : salam !
Moi : wassalam ma puce, j’appelle pour savoir si entre temps Khalil a refait surface.
Yumna : depuis que tu me l’as demandé, il y a moins d’une heure non.
Moi sourire jaune : je t’importune beaucoup, je sais. C’est que j’ai vraiment besoin d’avoir de ses nouvelles.
Yumna : je comprends, il va bien arrête de t'inquiéter. Pas de nouvelles bonne nouvelles right ?
Moi soupirant : oui.
Yumna : je te promets de t’appeler dès que j’ai de ses nouvelles.
Moi : d’accord (me passant la main sur le visage) avec tout ça je n’ai même pas demandé comment tu vas ce matin ?
Yumna : je mentirais si je répondais à l’affirmatif.
Moi : j’imagine et je pense toujours que tu as fait une belle erreur.
Yumna : j’en suis consciente, mais cette page est déjà close pour moi. Enfin en ce moment, j'ai plus important à penser.
Moi : hmmm, tu lui as parlé depuis, lors ?
Yumna : je ne préfère pas.
Moi : Yumna, je t’ai vu avec Elias. Tu l’aimes cet homme. Peu importe qui il est, tu l’aimes. Je sais ce que ça représente et je pense que tu devrais au moins essayer de te battre. Tu penses que tu le fais pour de bonnes raisons, pour ta famille, pour l’opinion que les gens auront sur toi… Alors que ce qui compte vraiment, c’est toi et celui que tu aimes. Enfin, c’est ce qui aurait été primordial pour moi si j’étais à ta place.
Yumna : tu connais le Cheikh, ça lui a pris trois ans pour... Bref, j’ai essayé de limiter les dégâts au risque d’en souffrir plus tard.
Moi la coupant : ma belle le seul qui connaît l'avenir, c'est Allah, car c'est lui qui trace et détermine ton avenir.
Elle ne répond pas tout de suite, j’ai le temps de vérifier le double appel d’un numéro inconnu et de conclure que ça pourrait être Khalil avant qu’elle réponde d’une petite voix pendant que je m’apprête également à parler. Ce qui fait qu’on parle toutes les deux en même temps.
Yumna : je crois que suis enceinte.
Moi : c’est possible qu’on s’écrive ? Il y a un numéro… QUOI ? Attends quoi ?
Yumna (commençant à pleurer) : j’ai un retard ! Ça fait trois jours que je guette mes règles, je ne sais pas où j'en suis.
Je bloque silencieuse quelques minutes.
Moi (sortant de ma stupeur) : euh calme-toi, tu as fait un test pour confirmer ?
Yumna : pas encore (hésitante) j’ai peur.
Moi : mais ma belle, il vaut mieux le faire pour être fixée. En espérant que ce soit négatif dans le cas contraire, on verra comment se tenir prêt pour le tsunami que cela va enclencher.
Yumna : (snif) je ne donne pas cher de ma peau si mon père apprend que je suis enceinte et de surcroît d’un non-musulman, c’est Khalil qui va d’abord me passer dessus (sanglots) si jamais ça se confirme je préfère me suicider avant qu’ils le découvrent.
Moi : rhooo ne t’emballe pas si vite, trois jours de retard ce n’est pas encore alarmant. As-tu eu des rapports à risque ?
Appel entrant…
Yumna : je prends la pilule et la dernière fois nous nous sommes protégés, mais on ne peut être sûr à 100 %.
Moi : en effet, bon à part le retard, tu ressens quelque chose comme symptôme ?
Yumna : j’ai une douleur assez forte au bas ventre comme si j’avais mes règles, mais pour l’instant RIEN !
Moi (prenant mon souffle) : ok fait le test ensuite, on verra.
Yumna la petite voix : d’accord.
Moi : tu m’appelles aussitôt que tu le fais, on vérifiera le résultat ensemble.
Yumna : ok.
Moi : bon courage ma chérie, ne fais pas de bêtise promis ?
Yumna : je te le promets.
On se dit au revoir et je raccroche anxieuse. Je prends une grande inspiration avant de lancer le numéro qui essaie de me joindre depuis toute à l’heure.
Moi ton professionnel : bonjour Nahia Adja…
Voix de Murielle : c’est Muri, je t’appelle avec le numéro de Joris.
Moi (enlevant la ceinture de sécurité) : tchuipp toi tu décroches des appels pendant que tu fais les choses d’impolis ?
Murielle éclatant de rire : je suis désolée, j’ai décroché avant même de m’en rendre compte. J’étais loin de la planète terre.
Moi : tchuiippp je n’ai pas besoin de cette info !
Murielle : krkrkr tu racontes quoi ? Qu’est-ce qui te contrarie ?
Moi : Khalil est introuvable, j’essaie de le joindre depuis hier en vain.
Murielle : ah comment ça ? Tu as demandé à sa famille.
Moi : personne ne sait où il est.
Murielle : il doit bien être quelque part, il ne peut tout même pas disparaître comme par magie !
Des larmes de frustrations commencent à me monter, ce qui explique ma voix tremblante quand je lui réponds.
Moi : mais où est-ce qu’il peut bien être ? Ce n’est pas dans ses habitudes de ne pas donner des nouvelles. (sanglots) Je maîtrise sa vie en temps et en heure même lorsqu’il est à l’étranger.
Murielle : ne te mets pas dans cet état, il a peut-être un souci avec son téléphone ou il est dans une zone blanche.
Moi : espérons.
Murielle : tu es où ? Ça te dit qu’on aille prendre un verre histoire de rendre l’attente moins pénible ?
Je tire un mouchoir en papier dans la boite de rangement pour essuyer les yeux et le nez.
Moi : je suis partante, je t’attends à l’agence.
Murielle : ok à toute ma douce, ne te suicide pas avant je t’en prie.
Moi : lol l’amour ne m’a pas encore mangé le cerveau autant.
Murielle : encore heureuse !
C’est elle qui raccroche, je descends du véhicule sans tarder et rentre dans les locaux avec une salle tête. C’est pendant l’ascension vers l’étage supérieur que je retouche mon maquillage. Annie me tamponne aussitôt que les portes de l’ascenseur s’ouvrent de nouveau.
Moi : pas maintenant, je t’en prie.
Annie : monsieur…
Moi (levant la main agacée) : Annie ça doit vraiment attendre, je n’ai pas la tête à travailler là maintenant.
Annie : mais je voudrais te dire que…
Est-ce que je l’écoute même ? Je marche à grand pas vers mon bureau et attends d’empoigner la porte pour lui lancer un regard courroucé. Elle se retourne sans crier gare. J’ouvre la porte et me fige d’abord un instant avant de courir me jeter dans ses bras.
Moi : par Allah, tu étais où ? Je me suis tellement inquiétée, tu vas bien ? Mais qu’est-ce que tu fais là ? Tu as avancé ton voyage ?
Khalil : oui, enfin j’ai fait un tour. Je repars demain.
Moi inquiète : mais ? Qu’est-ce qui se passe ? (ton pressant) Dis moi que tout va bien s’il te plaît.
Khalil (caressant ma joue du dos de la main) : tout va bien rassure-toi, je me suis dit qu’il serait préférable que tu l’apprennes de moi et en personne plutôt que d’une autre personne.
Moi : Khalil tu m’inquiète là, dis-moi ce qui se passe.
Il s’approche et me prend le visage en coupe, ce qui m’oblige à le regarder dans les yeux.
Khalil : nous allons nous marier très bientôt, mon père nous a enfin donné son accord (notre refrain ici) il est prêt à venir voir tes parents.
Je fais un mouvement brusque de stupeur.
Moi : dis wallah !
Khalil riant doucement : wallahhhh !
Moi : mais non, c’est une blague, il a donné son accord comme ça ? (secouant la tête dubitative) Tu me fais marcher, j’en suis sûre.
Khalil : je ne vais tout de même pas payer une place supplémentaire en classe business, me taper 15 heures de vol, deux escales des plus ennuyeuses, prendre un taxi jusqu’ici alors que tu sais combien j’ai horreur de tout ce qui est transport en commun tout ça pour venir te raconter des balivernes.
Moi (coulant des larmes) : c’est juste que j’aie du mal à te croire.
Khalil : c’est compréhensible, nous avons tellement attendu ce moment que ça semble irréel. Notre endurance a payé.
Moi (acquiesçant dans un sanglot) : c’est à croire que oui.
Il m’étreint et me caresse les cheveux.
Khalil (murmurant dans mes oreilles) : arrête de pleurer, c’est une bonne nouvelle. Officiellement, nous allons pouvoir faire notre vie ensemble.
Moi : et officieusement ?
Khalil : nous allons devoir attendre encore qu’il récupère encore un peu, mais il a donné sa parole.
Je hoche lentement la tête, il m’essuie les yeux de son pouce puis le contour des lèvres en me regardant dans le blanc des yeux puis se penche vers moi et m’embrasse. Je me laisse emporter dans un tourbillon d’émotions au point où je me laisse faire lorsqu’il commence à avoir les mains baladeuses. Au bout d’un moment, il s’arrête brusquement et garde mon visage entre ses mains.
Khalil : attends-je ne t’ai pas tout dit.
J’arque le sourcil encore dans les vapes.
Khalil : il veut me céder sa place très prochainement.
J’ouvre les yeux et le regarde hébétée pendant qu’il hoche la tête.
Moi peinant à articuler : ça veut dire que…
Khalil : que tu as devant toi le futur Cheikh de la tribu Bani Yas.
Moi (m’adossant à la table du bureau) : ok, je pense que j’ai atteint mon quota d’émotions pour cette journée.
Il sourit et s’approche puis s’empare à nouveau de mes lèvres, il me soulève et me pose sur le rebord de la table avant de se mettre entre mes jambes. Soudain, il dégage d’un revers de la main tout ce qui encombre le bureau avant de m’allonger en plein milieu. J’en suis à déboutonner les premiers boutons de sa chemise pendant qu’il défait par intermittence la fermeture éclair de ma robe quand on entend la voix des filles dans le couloir.
Voix euphorique de Murielle : on bouge petite, j’ai ramené la cavalerie avec moi.
On se détache brusquement puis chacun se redresse en réajustant nos vêtements.
Voix de Tina : yeah, on va se faire un aprèm d’enfer.
Elles ouvrent et entrent au moment où Khalil retouche mes cheveux pour avoir vu le reflet dans la porte vitrée lorsqu’elle la refermait. Elles s’arrêtent devant la porte les yeux grands ouverts.
Murielle : je crois qu’elle l’a déjà retrouvé.
Tina : euh salut.
Khalil voix légèrement rauque : bonsoir mes dames (s’éclaircissant la voix) quelqu’un s’était égaré ?
Moi : euh les filles, au fait il a voulu me faire une surprise (à Khalil) on s’inquiétait toutes de ta disparition.
Khalil : je vois.
Tina passe son regard de Khalil à moi d’un air suspicieux.
Tina : je crois que nous avons interrompu quelque chose (se tournant vers Muri avec un petit sourire) on va les laisser célébrer leur retrouvaille.
Murielle : non attends (me fixant les yeux plissés) qu’est-ce tu as ? Tu as pleuré ?
Moi : euh non, bon oui mais c’étaient des pleurs de joie.
Murielle : partagez donc cette joie avec nous !
Tina ton réprobateur : Muri !
Murielle : quoi ?
Moi : bien sûr les filles, bon…
Elles s’approchent au moment où Khalil me saisit fermement la main lorsque je prends la parole.
Moi : son père accepte enfin notre union.
Tina : sérieusement ?
Murielle : ouf enfin ! Le vieux a retrouvé ses esprits.
Tina et moi parlons en synchro : Muriiii !
Murielle (fixant Khalil) : oups désolée (ton excité) mais ça, c’est une excellente nouvelle !
Moi riant : vraiment !
Tina : raison de plus pour les laisser fêter ça en toute intimité.
Murielle : oui, mais ils doivent penser à nous les supportrices également.
Khalil : je vous invite au restau ce soir les filles.
Murielle : très bonne idée, à quelle heure ?
Tina : on verra ça toute à l’heure (poussant Murielle) on y va !
Elle attend d’arriver à la porte pour se tourner vers nous.
Tina ton enjouée : non mais quelle nouvelle !
Murielle refermant la porte : je vais déjà chercher mon boubou !
Tina : LE boubou ! Asshhh le mariage de ça !!
Murielle : tu l’as dit !
Je me tourne vers Khalil amusée.
Khalil (m’enlaçant) : bon, où en étions-nous ?
Moi : nulle part, je dois annoncer la nouvelle à ma famille. Il faut que j’appelle mon père pour lui demander de réunir tout le monde.
Khalil la tête dans mon cou : maintenant ?
Moi : oui, il faut battre le fer quand il est chaud.
Khalil : justement, je suis très chaud.
Il met une main sous ma robe, je la retire et me dégage de son emprise.
Moi : anh anh après le mariage.
Khalil : tu es en train de manquer à ta promesse princesse.
Moi : ça, c’était avant que la donne change.
Khalil (faisant la moue) : tu deviens méchante.
Moi : lol (le fixant) tu nous amènes toujours au restaurant ce soir ?
Khalil : mouais à condition que tu me fasses un bisou.
Moi rapprochant mes lèvres aux siennes : ça au moins tu en as le droit.
Yumna…
J’écoute les autres triper entre eux à la lumière des heureux évènements à venir en participant très peu. La discussion est animée par maman qui a déjà prévu quelques arrangements à tous les niveaux. C’est encore le flou pour l’instant, c’est à la présentation officielle que tout va se décider. Elle a toutefois mis la machine en marche pour offrir un mariage spectaculaire à ses fils.
Maman à Khadija : alors ton père est d’accord avec ma proposition ? On célèbre les noces à Oman et les festivités à Abu Dhabi.
Khadija : oui, il veut simplement que ça se fasse dans les normes.
Ussama : vous avez les nouvelles de Khalil ? Son numéro ne passe pas.
Maman : non par contre, je sais par Nahia qu’il est bien arrivé. Je suis certaine qu’à son retour, ce serait la course donc je suis au taquet.
Cartia : reste à savoir s’il voudrait d’une cérémonie en grandeur nature comme tu le prévois.
Ussama : il se serait passé de toutes ces formalités s’il en avait le pouvoir.
Moi : vraiment !
Cartia : où on parle là est-ce que le gars n’est pas parti se marier à hui clos ? Il devrait être de retour depuis deux jours non ?
Abdallah : toi aussi, laisse le grand fêter la nouvelle comme cela se doit, il doit être (mimant les va-et-vient avec sa bouche) super occupée en ce moment.
Maman : j’espère pour lui que non.
Abdallah : rhoo la vieille pour ça aussi vous allez mettre des restrictions ?
Maman le fusille du regard et les autres éclatent de rire en même temps. Je ne prête plus grande attention à tout ce qui suit jusqu’à un moment où le bip d’un message qui sort de ma rêverie. Je ne prends même pas la peine de le lire. Je sais d’avance que c’est Elias. Depuis la rupture, je ne réponds ni à ses appels ni à ses appels et ça ne le décourage pas pour autant. Il a du mal à faire avec et je dois avouer que ce n’est pas réjouissant pour moi non plus, j’ai pleuré tout mon soul à mon retour de St Louis. J’ai clairement été lâche envers l’homme que j’aime. Égoïstement et intérieurement, je ne veux pas l’imaginer avec quelqu’un d’autre. Mais, je l’ai fait pour éviter des relations conflictuelles avec nos deux familles dans le long terme. Je dois une fière chandelle à Khalil pour m’avoir sauvé la mise par rapport à l’imposition de choix d’un mari. Cependant, il y a cette éventualité de grossesse qui viendra sans doute anéantir tout ça. J’étais dans un état d’angoisse extrême, mais là, c’est le summum. Au point où je ne songe même plus au chagrin. Ça fait cinq jours de retard à présent et toujours rien. Je n’ai pas pu faire le test encore, je ne sais pas comment m’en procurer. Je guette une bonne occasion pour en parler aux filles afin qu’elles puissent m’aider à trouver une solution, mais elles sont toujours en bonne compagnie en ce moment. Je vais donc devoir attendre de retourner à Los Angeles dans une semaine pour le faire. Pour l’instant, je ne veux pas songer au résultat. Je sais simplement que je dois me tenir éloigner de mon père si ça s’avère positif.
Lorsque maman nous laisse un moment plus tard, Abdallah et Cartia se retirent à leur tour pour s’occuper de leur bébé. Je décide de leur emboîter le pas me sentant de trop. Khadija repart à Singapour très tôt demain, ils ont sûrement des choses à se dire. (ou à faire !)
Ping SMS.
Elias : « je sais que tu lis mes messages Yumna. Tu me manques beaucoup et même si je te l’ai déjà dit cent fois, je te le répète pour moi notre histoire n’est pas finie. Elle ne le sera jamais d’ailleurs. Je ne peux pas vivre sans penser à toi, je n’ai pas envie de tirer un trait sur toi. Tu m’aimes autant que je t’aime, je le sais et c'est pour ça que je refuse de laisser tomber. »
Je finis de lire et soupire. J’aurais bien aimé lui parler parce qu’il a toujours su me rassurer et atténuer mes angoisses, mais je n’ai pas le droit de succomber. D’autant que je ne veux pas le mêler à cette histoire de grossesse, enfin pas tant que je ne suis pas sure. J’arpente les couloirs en pensant à tout ça lorsque mon téléphone sonne, cette fois, c’est Nahia. Si elle prend l’initiative de m’appeler, cela signifie que Khalil n’est plus dans les parages.
Moi décrochant : salam.
Nahia : salam chouquette, j’appelle histoire de m’assurer que tu ne t’ais pas faite écrasée par un autobus ou le Cheikh s’en est déjà chargé ?
Moi : tu téléphones une semaine trop tôt navrée.
Nahia riant : encore heureuse (sérieuse) je viens de laisser ton frère à l’aéroport, tu aurais pu me dire qu’il était en route pour Lomé.
Moi : il nous a fait promettre de ne rien te dire.
Nahia : je comprends t’inquiète, alors quelles sont les nouvelles ?
Moi : toujours rien.
Nahia : tu as fait le test ?
Moi : non.
Nahia ton scandalisé : mais pourquoi ?
Moi : je le ferai à L.A, ici ce n’est pas prudent.
Nahia : et tu comptes partir quand ?
Moi : dans une semaine.
Nahia : encore une semaine de stress de plus !
Moi : je sais, mais bon je n’ai pas vraiment le choix.
Nahia : en tout cas, tu me tiens informer s’il y a du nouveau.
Moi : sans faute.
Nahia : bon à toute !
Moi : ok.
Elle raccroche et soupire profondément.
Ussama derrière moi : tu dois faire quoi à L.A que tu ne peux pas faire ici ?
Je sursaute avant de me tourner vers lui le cœur battant.
Moi : euh, tu épies les conversations des autres maintenant ?
Ussama : le débat n’est pas là, qu’est-ce que tu caches Yumna ?
Moi : rien.
Il me lance un regard insistant.
Ussama : ton souci avec papa est réglé. Ça devrait aller pourtant, tu passes encore ton temps dans les vapes, le regard triste et tu es plus ou moins absente pendant les discussions alors que tu es la plus gaie de la maison. Tu as forcément un problème Yumna dis moi ce qui se passe.
Moi : je t’assure qu’il n’y a rien, excuses-moi, je vais me coucher.
Ussama : sœurette, tu me caches maintenant des choses ?
Moi :…
Ussama : qu’est-ce que je peux faire pour toi ?
Je veux parler, mais il me stoppe d’un geste de la main.
Ussama : qu’est-ce que je peux faire pour toi ? Je ne veux pas savoir ce qui se passe, je veux simplement retrouver ma petite sœur adorée alors s’il y a quelque chose que je peux faire pour toi dis le moi.
Moi la voix tremblante : tu ne peux rien faire désolée.
Je regagne mon appartement en trombe, je me dirige vers le lit pour pleurer mon désarroi lorsqu’on toque à ma porte.
Moi soupirant : Sama n’insiste pas s’il te plaît.
Khadija : Yumna, c’est moi.
J’essuie les larmes naissantes avant d’aller ouvrir.
Moi tenant la porte : c’est ton chéri qui t’envoie ?
Khadija : il ne sait même pas que je suis là, il est occupé à passer un coup de fil. Et si nous improvisons une ladies night comme l’autre fois ?
Moi : laisse tomber, je dois vous mettre au courant de quelque chose Cartia et toi. Elle peut venir ?
Khadija : oui, elle nous rejoint toute à l’heure.
Moi : chouette, entre !
Ce qu’elle fait, je referme la porte et la rejoins dans le salon. Quand Cartia nous rejoint quelques minutes plus tard j’annonce la bombe sans passer par quatre chemins. Et comme je m'en doutais Cartia me donne trois tests qu’elle avait en stock et j’attends le lendemain aux aurores pour le faire. Je remets les tests dans l'un des tiroirs de la commode de douche lorsque je finis et vais m'asseoir au salon pour attendre les résultats. Je suis en train de fouiller mon téléphone quand on frappe la porte. J'ouvre pour voir Ussama et Khadija entrés.
Eux : bonjour,
Moi : bonjour
Khadija (me lançant un regard en biais) : je suis venue te dire au revoir avant de partir.
Elle se penche pour me faire la bise et profite à me souffler.
Khadija : c'est bon ?
Moi : pas encore.
J'attends qu'on se détache pour ajouter.
Moi : on s'appelle à ton arrivée.
Ussama veut parler, mais est interrompu par la sonnerie de mon téléphone.
Ussama regard intense : tu ne décroches pas ?
Moi : si si (décrochant) allô !
Je fais un signe de main à Khadija qui sort suivi d'Ussama.
Voix dans le combiné : Yumna, c'est Eddie ne raccroche pas s'il te plaît.