La rencontre

Ecrit par Djelay

Il faisait une chaleur infernale. On aurait dit que le soleil s’était rapproché et qu’il menaçait d’incendier la planète entière. Des commerçantes sous  leurs stands se ventilaient  avec des bouts de cartons ; certains hommes assis sous des hangars jouaient au damier ; d’autres buvaient des bières bien fraîches dans les cabarets. Cette chaleur embêtait tout le monde. Même les enfants qui d’habitude jouaient en courant ici et là, se tenaient bien tranquille à l’ombre. Djelay était devant son portail un bouquin à la main comme tous les samedis après-midi, elle lisait. Abidjan était une très jolie ville connue pour sa générosité en matière de divertissements. Ce qui attirait d’ailleurs bon nombres de touristes occidentaux. Capitale économique de la côte d’Ivoire, Cette ville était surnommée « la perle des lagunes » en raison des huit mille neuf cent quatre-vingt-onze hectares de surfaces constituées d’étendues lagunaires. Celles-ci étaient aménagées de sorte que leurs bordures servent d’endroits de détente pendant les saisons sèches. Le mois de décembre était celui que Djelay détestait le plus à cause de la chaleur insupportable, surtout à Port-Bouët, une commune qui avait  accueilli Djelay et sa famille après le décès de son père.

-         Que fais-tu fais Jean ? Arrêtes… tu me fais mal.

-         Tais-toi et laisses toi faire… tu sais ça ne te fera pas mal.

-         Non… s’il te plait … je t’en prie Jean… je t’en supplie.

-         Tiens-toi tranquille je ne serai pas long. Tu vas apprécier et tu en redemanderas crois-moi.

Djelay repensait sans cesse à cet affreux moment qu’elle avait vécu :

Jean son ex petit ami, alors qu’il lui avait demandé de passer récupérer des affaires qu’elle aurait soit disant laissé chez lui, avait  délibérément voulu abuser d’elle. Cela se serait malheureusement produit si personne n’avait frappé à la porte.

-          Euh… qui c’est ? demanda Jean contrarié.

-         Sonia mon chéri ouvre moi s’il te plaît répondit la voix de l’autre côté de la porte.

-         Au secours ! hurla Djelay en larmes en repoussant brutalement  le jeune homme qui l’écrasait de son poids, avant de se précipiter vers la porte.

-         Maudite fille ! maugréa-t-il après avoir roulé au sol.

-         Que se passe-t-il Jean ? avec qui es-tu ? ouvre immédiatement ! s’écria Sonia en frappant violemment la porte.

Djelay parvint à la porte en quelques enjambées,  l’ouvrit rapidement avant de  prendre ses jambes à son cou, bousculant Sonia sur son passage.

Jamais elle n’oublierait ce jour-là. Jean l’avait déçue et blessée alors que sa seule erreur avait été de l’aimer de tout son cœur.  Jamais plus elle n’aurait confiance en un homme.  Son cœur était fermé à tout jamais. Pensa-t-elle, les yeux dans le vide.

-         Djelay ? Djelay ? Dje…

-         Hum… oui, oui. Qu’y a-t-il ?

-         Eh bien à quoi pensais-tu ? Demanda Dana la sœur cadette de Djelay. Ça fait un moment que je t’appelle. Ajouta-t-elle.

-         Excuse-moi Dani j’étais perdu dans mes pensées. Que voulais-tu me dire ?

-         Tonton Alex désire te parler , il est au téléphone .

-         Ah tonton Alex ! S’exclama Djelay.  Elle remercia sa sœur puis se précipita vers le salon.

-         Allo ? Bonjour Tonton Alex, comment vas-tu ?

-         Bonjour ma fille je vais bien. Je t’appelais pour te souhaiter bon voyage. C’est demain ton vol n’est-ce pas ?

-         Oui Tonton, le vol est prévu pour 4h 30 du matin. J’ai hâte de te rejoindre tu sais !

-         Je le sais ma fille. J’ai moi aussi très envie de te revoir. Et comme je te l’ai dit je viendrai te chercher à l’aéroport alors ne t’inquiète de rien ok ?

-         D’accord tonton. Je t’emenerai les gombos secs que tu aimes tant.

-         Merci ma fille, je te dis donc à demain et bien le bonjour à ta mère.

-         Je le lui dirai tonton. A demain ! je t’embrasse.

-         Bon voyage ma fille. Allez… je raccroche.

Djelay raccrocha lentement le téléphone l’air aussi excité que  triste.

-         C’est demain. Soupira Dana.  Tu sais que tu vas beaucoup me manquer ? Je me sentirai tellement seule sans toi.

-         Je dois partir Dani. C’est non seulement important pour moi mais aussi pour maman et toi. Vous allez terriblement me manquer mais je penserai toujours à vous et je vous téléphonerai  chaque fois que je le pourrai. D’accord ? Allez efface moi cette tristesse que je vois sur ton visage.

-         Tu as raison. Je suis stupide de me comporter ainsi alors que je devrais être heureuse pour toi ! Excuses moi d’être si égoïste. Dit Dana les larmes aux yeux.

-         Cesses de pleurer s’il te plait petite sœur ou tu vas me faire pleurer moi aussi… c’est ce que tu veux ?

Dana secoua la tête en essuyant ses larmes puis serra très fort sa sœur ainée. Djelay dut faire un grand effort pour retenir les larmes qui lui brûlaient les yeux. Ce n’était pas le moment de flancher.

 Après le décès de leur père, elles avaient dû quitter la ville de Bouaké dans laquelle elles vivaient avec quelques cousins. Elles habitaient dans une grande maison que louait son père. Celui-ci était un grand homme.  Ingénieur télécom, il était le responsable de l’agence dans laquelle il travaillait. Il aimait beaucoup sa famille et ne vivait que pour elle. Malheureusement cette maudite maladie l’avait emporté loin d’elles. Djelay et sa sœur n’étaient agées que de 8 et 4 ans. La mort inattendu de leur père avait tout chamboulé. Leur mère n’eut droit à  aucun bien puisque devant la loi, elle  n’était pas l’épouse légitime de leur père. Heureusement que ce dernier avait pris le soin de garder une forte somme d’argent sur un compte qu’il avait mis au nom de ses filles. Il possédait aussi des parts d’actions dans une entreprise étrangère. Selon l’avocat de la famille, ces actions étaient aussi aux noms de Djelay et Dana. Celles-ci leur permettaient de recevoir un peu d’argent tous les ans. Leur mère utilisa l’argent du compte bancaire pour acheter trois maisons dans la modeste commune de Port-Bouët : Une pour elles mêmes et les deux autres  en location. Elle ouvrit par la suite un petit restaurant qui apportait des revenus supplémentaires. Ces investissements lui avaient permis de pourvoir à l’éducation de ses filles et même si elles n’avaient  plus la vie de luxe qu’elles menaient auparavant,  elles étaient très heureuses. Dana avait maintenant 18 ans et était en classe de terminale. Elle était devenue une très jolie fille de taille moyenne  mais avec de grands yeux magnifiques comme ceux de sa sœur. Elle possédait aussi des formes généreuses typiques d’une vraie femme Africaine. Quant à Djelay, Sa morphologie donnait l’impression qu’elle avait Vingt-huit ans, pourtant elle n’était âgée que de vingt-deux ans. Elle était grande comme l 'était son père avec de longues jambes interminables que jalousaient  presque toutes les filles de son entourage. Ses grands yeux, elle les avait hérités de sa mère tout comme sa sœur . Par ailleurs, son corps élancé, ses longs cheveux noirs et le peu de rondeurs dont elle avait été gratifiés,  suffisaient pour rendre fous, tous les hommes de son quartier y compris ceux de son école. Elle attirait les regards masculins, partout elle se rendait et elle en était consciente. Toutefois, elle n’y prêtait guère d' importance.

Après qu’elle eu obtenu sa licence en communication dans un établissement international d’origine canadienne ,qu’elle avait intégré grâce à une bourse, son oncle Alex avait souhaité qu’elle le rejoigne au Canada. Selon lui, elle y aurait beaucoup plus de chance de trouver un emploi bien rémunéré.

Cette nuit-là, Djelay ne parvenait  pas à dormir tant elle était stressée à l’idée de partir. Elle n’avait jamais pris l’avion auparavant. Elle s’était couchée tôt afin  d’être en forme le lendemain. Etendue sur son lit en dessous de celui de sa sœur, elle imaginait le Canada grand, beau avec beaucoup de lumières éclairant la moindre des ruelles. Sans oublier le froid.  (Pensa t-elle en grimaçant). Une chose était certaine,  sa vie changerait une fois là-bas ( se dit-elle). Elle travaillerait très dur pour pouvoir offrir à sa mère et  sa sœur une meilleure vie. Oui, elle ferait tout pour y arriver. Quoi qu’il puisse arriver, jamais elle n’abandonnerait. Elle rêvassa durant un long moment avant de sombrer dans les bras de Morphée.

Très vite dans la nuit , Djelay fut réveillée par la sonnerie du réveil posé sur la petite table de nuit qui se trouvait près du lit. Il était 1h 20 min et elle devait se préparer pour l’aéroport.

-         Dani ? Dani ? chuchota Djelay. Réveilles toi c’est l’heure.

-         Hum… déjà ? quelle heure est-il ? demanda-t-elle d’une voix ensommeillée.

-         Bientôt 1h 30. Pars vite prendre  une douche il faut que nous soyons à l’aéroport deux heures avant le décollage.

-         C’est bon, c’est bon… j’y vais marmonna Dana en sortant  paresseusement du lit.

-         Je te laisse la salle de bain. J’utiliserai celle de maman. Ajouta Djelay avant de quitter la chambre.

Djelay  ressortit de la salle de bain quinze minutes plus tard et revêtit une chemise noire à longue manche et un jean serré qui moulait son beau corps. Elle remonta ses cheveux en une queue de cheval au-dessus de sa tête. Sa longue chevelure  la rendait spéciale car les Africaines étaient connues pour avoir des cheveux courts et frisés. A présent qu’elle était prête et que toutes ces affaires étaient rangées, il ne lui restait plus qu’à aller dire au revoir à sa mère. Celle-ci allait fondre en larmes. L’idée de se séparer de sa fille lui était épouvantable. Pourtant, elle devait s’y résoudre car elle plus que quiconque savait ce que représentait ce voyage pour Djelay. Elle lui donna donc sa bénédiction et lui souhaita bon voyage. Ce fut  en pleurs, que Djelay quitta la chambre de sa mère.

Malgré l'heure très matinale, L’aéroport Félix Houphouët Boigny grouillait de monde. Dana toute émerveillée regardait dans tous les sens.

-         Ouah… Djelay ! C’est immense. S’exclama Dana.

-         Et beau n’est-ce pas ? Renchérit Djelay. Attends-moi un moment je vais faire enregistrer mes bagages.

Lorsqu’elle  revint  quelques instants plus tard, elle trouva  Dana qui buvait un café dans l’un  des restaurants de l’aéroport.

-         Ça  va ma chérie ? Djelay s’assit près d’elle.

-         Je me sens un peu triste tu sais… mais tu vois je suis tout de même ravie d’être venue t’accompagner.

-         Tu verras que le temps passera vite. Je vais trouver un super boulot. Nous serons très heureuses promit  Djelay.

-         N’oublie pas de téléphoner de temps en temps. De toute façon si tu ne le fais pas, je le ferai.

Les deux sœurs s’embrassaient et se serraient très fort jusqu'au moment où on annonça l'embarquement.

-         Voilà, c’est l’heure, dit tristement Djelay.

-          Tu vas énormément me manquer tu sais…

-         Toi aussi tu vas me manquer petite sœur. Prends soin de maman et de toi.

-         Tu peux compter sur moi Djelay.

-         Je t’aime Dani.

-         Je t’aime aussi.

Dana sentait les larmes lui brûler les yeux mais elle résista. Sa sœur ne devait pas la voir pleurer. Elles s’étreignirent longuement avant de se séparer.

Dans l’avion Djelay eut plusieurs fois le vertige et ressenti des nausées. Elle était assise près d’un jeune homme très élégant, un peu chauve qui n’arrêtait pas de l’observer de façon exagérée d’ailleurs.  Ce type devait être un homme d’affaires car il en avait l’allure pensa-t-elle.

-         Excusez-moi Mlle, étant donné que nous sommes voisins pourrions-nous discuter durant le voyage ? Enfin si ça ne vous dérange pas bien sûr, entama le jeune homme.

-         Bonsoir Mr, j’aurais adoré discuter avec vous mais je me sens fatiguée. J’aimerais donc dormir un petit peu, Désolée. Djelay tourna la tête du côté du hublot de sorte à mettre fin à la conversation.

-         Très bien, comme vous voudrez. Lança-t-il  apparemment frustré.

Le reste du voyage s’effectua dans le silence jusqu’à ce qu’une hôtesse annonce l’atterrissage.

Chers passagers nous allons bientôt atterrir, veuillez s’il vous plaît  attacher vos ceintures et relever vos sièges Merci.

-         Ouah… C’est magnifique ! c’est dix fois plus grand que l’aéroport d’Abidjan ! S’exclama Djelay émerveillée.

Djelay restait immobile dans le hall du terminal 1 de l’aéroport de Québec, à admirer tout autour d’elle. Elle était fascinée par l’immensité et la splendeur de l’aéroport ,elle en oubliait même de vérifier si son oncle était déjà en train de  l’attendre. Depuis son arrivée, Elle avait  guetté l'arrivée de son oncle mais déjà deux heures s’étaient écoulées et toujours aucun signe de ce dernier. L’avion était censé atterrir à 12h30 et son oncle Alex le savait. Elle décida alors de lui téléphoner.

-         Calmes toi  Djelay, il a probablement dû oublier… il suffit juste que tu l’appelles et tout sera réglé. Se dit-elle tout bas.

Djelay alla s’assoir sur un siège, sortit son téléphone puis composa le numéro du domicile  de son oncle Alex.

-         Allo ! répondit une voix féminine à l’autre bout du fil.

-         Bonsoir Mme, je suis Djelay la nièce de tonton Alex et j’attends depuis un moment qu’il vienne me chercher. Cela fait maintenant deux heures que l’avion a atterri et…

-         Ecoutes bien petite. Alex ne viendra pas te chercher ok ? Je n’ai jamais été d’accord avec ta venue chez nous. La vie est déjà pénible avec mon mari, mon fils et moi pour que tu viennes t’y ajouter. Je te conseille donc de  retourner d’où tu viens ! Lança-t-elle sèchement avant de raccrocher.

Djelay resta clouée sur place, le téléphone collé à l’oreille, sans voix et le cœur glacé. Elle avait l’impression d’être paralysée car  son corps ne répondait plus.  Elle n’y comprenait rien. Cette femme avait  dû la confondre avec une autre personne, c’était certain. Se dit-elle en recomposant le numéro. Mais hélas aucune réponse. Elle réessaya encore et encore, toujours aucune réponse. Les mots de cette dame résonnaient encore à ses oreilles. Désorientée et apeurée, Elle laissa tomber le téléphone dans un état d’inconscience. Ses yeux s'étaient remplis de larmes. Le monde venait de s’écrouler sous ses pieds et elle avait l’impression de faire une chute infinie. Qu’allait-elle bien pouvoir faire à présent ? Elle ne connaissait personne dans  ce pays qui semblait si vaste. Ne pouvant plus contenir ces fichus larmes, elle les  laissa couler lentement sur ses joues, repensant à ses projets, ses promesses et ses rêves. Venaient-ils de disparaitre en un claquement de doigt ? Qu’allaient penser sa sœur et sa mère ?  Et elle-même ? Que ferait-elle à présent ? Retourner maintenant ? Mais comment ? Elle n’avait pas de billet de retour, ni même le moyen de s’en acheter.

Secouée de sanglots désespérés, elle n’essaya même pas de se maîtriser et fondit en larmes. Elle était tellement affligée qu’elle ne se préoccupa guère des personnes qui la dévisageaient à leur passage.  Peu lui importait ce que pouvaient bien penser tous ces gens. Elle pleura longuement. Combien de temps ? Une heure ou deux ? Elle n’en savait rien et elle s’en fichait. Elle était seule au milieu de cet immense hall, assise sur un banc, les coudes sur les genoux et les mains recouvrant le visage. Elle n’arrêtait pas de pleurer. Tout ce qu’elle souhaitait en ce moment c’était que la terre l’engloutisse pour que cette douleur disparaisse enfin.


-          Hi ! Lui dit soudainement une voix. Are you feeling well miss? Interrogea l’inconnu.

Djelay relevant lentement la tête, aperçu un homme très raffiné et élégant. Il paraissait jeune, la trentaine tout au plus. Il se tenait debout en face d’elle, accompagné de deux autres hommes vêtus de costumes noirs et de lunettes de soleil. Ils étaient effrayants. Elle reporta de nouveau  son attention sur le bel inconnu doté  d’un teint  blanc à tel point qu’elle se sentait en décalage complet en face de lui.

-         Hello, sorry but i dont speak English properly. Répondit-elle dans un anglais assez clair. I speak french. Ajouta-t-elle.

-         Ça tombe  bien car moi aussi je parle Français. Il afficha un large sourire qui mit immédiatement du baume au coeur de Djelay.

Cet homme était extrêmement beau. Son allure soignée lui donnait l’air d’un acteur de cinéma Italien. Il était très grand et Djelay aurait surement l’air d’un moustique près de lui mais ça, c’était le dernier de ses soucis. Elle sentit chez lui une aura différente de celle des autres hommes. Elle ne saurait dire pourquoi mais elle avait le pressentiment que c’était une bonne personne. Mais peut-être se trompait-elle ? Oui c’était cela. Elle était meurtrie ce qui faussait son  jugement.

-         Vous ne dites rien Mlle? Insista l’inconnu… Vous sentez vous bien ? Avez-vous un quelconque problème ? Je peux peut être vous venir en aide ?

Djelay restait toujours silencieuse, détaillant son interlocuteur de la tête aux pieds. Cet homme représentait pour elle  l’idéal masculin. Elle en avait vu des hommes de toutes sortes : Des noirs, des blancs, des jaunes mais jamais aucun d’eux ne l’avait autant fascinée. Celui-ci avait une voix grave et tendre à la fois. Aussi  on pouvait imaginer un corps d’athlète à travers ce costume si élégant. Bref il était à tomber par terre. Pensa Djelay oubliant le présent.

-         Mlle ? Mlle? Mlle…

-         Euh… oui, je vais bien merci. Se reprit-elle.

-         En êtes-vous sûre? Vos larmes disent le contraire. Qu’y a-t-il ? Demanda-t-il en s’asseyant sur le banc à côté d’elle.

Gênée, Djelay recula d’un pas de sorte à mettre une certaine distance entre eux. Sans pouvoir l’expliquer, cet homme éveillait en elle des sensations étranges. Il fallait qu’elle se ressaisisse, de toute façon il allait  bientôt s’en aller et elle, elle devrait… que devrait-elle faire ? Justement elle n’en savait rien.

-         Vous commencez sérieusement à m’inquiéter Mlle. La voix du bel homme la ramena à la réalité.

-          Excusez-moi Mr, c’est que…

-         Maximilien… Je m’appelle Maximilien mais vous pouvez m’appelez Max. Il afficha un large sourire.

Elle le fixa d’un air étrange. Ils avaient juste échangé quelques mots et il se comportait avec elle comme s’ils étaient… quoi ? De vielles connaissances ? Les canadiens étaient -ils tous aussi familiers avec les inconnus ?

-         Ecoutez M. Maximilien, je suis très touchée du fait que vous ayez pris la peine de vous arrêter pour  m’aider mais je ne voudrais pas que vous perdiez votre temps qui semble être très précieux. Dit- elle en s'attardant  sur les deux hommes qui l’accompagnaient.

-         Je ne perds pas mon temps chère demoiselle. Je voudrais juste savoir pourquoi une aussi belle jeune fille pleure en plein milieu d’un aéroport et je ne m’en irai pas tant que je ne le saurai pas.

Max étudia du regard la belle inconnue. Il avait tout de suite remarqué ses grands et magnifiques yeux malgré les larmes qui les noyaient. Jamais il n’avait vu  beauté pareille et pourtant les femmes il en avait collectionné de tous genres : des blondes, des rousses, des brunes, des mannequins et même des actrices. Seule une origine lui était encore étrangère, la femme noire. Il n’était encore jamais sorti avec une femme Africaine, enfin avec une femme noire tout court. Et pourtant ce n’était  pas l’envie qui lui manquait.  Disons qu’il en avait jamais rencontré qui ait attiré son attention. Et voilà que le destin mettait sur son chemin  une déesse Africaine qui paraissait  en détresse. Elle était juste parfaite avec  de longues jambes interminables, des lèvres pulpeuses et un corps magnifique muni de rondeurs à en couper le souffle. Il avait entendu dire que les Africaines avaient des formes très généreuses mais il n’aurait jamais imaginé que c’était à ce point. Celle-ci possédait suffisamment d’atouts pour rendre fou n’importe quel homme y compris lui.

-         Je suis désolé de vous faire perdre votre temps. Elle soutint un instant le regard  de Max.

-         Je me fiche de perdre mon temps. Il changea de position pour se retrouver accroupi, face à elle ce qui la surprit.

-         Maintenant dites-moi ce qui ne va pas s’il vous plait, j’aimerais vraiment vous aider. S’obstina-t-il ignorant les regards indiscrets des passants.

Il avait l’air  sincère. Vue la façon dont il l’implora presque pour qu’elle se confie à lui, elle n’eut aucun autre choix que de tout lui raconter.

-         Mr Maximilien, j’ai…

-         Juste Maximilien, appelez-moi Maximilien. Encore ce sourire ! Se dit Djelay sous le charme

-         Maximilien, je suis originaire de la cote d’ivoire et il était prévu que je retrouve mon oncle ici pour qu’il me ramène chez lui mais il n'est pas venu au rendez-vous ;J’ai pensé qu’il avait peut-être oublié l’heure alors j’ai téléphoné chez lui. Mais c’est une femme prétendant être son épouse qui m’a répondu.......

Elle marqua une pause au souvenir des méchantes paroles de cette femme. Il lui sourit pour l’encourager à poursuivre.

-         Cette  femme  m’a tout de suite fait savoir que je n’étais pas la bienvenue chez eux. Je me retrouve donc seule en plein milieu d’un aéroport et dans un pays étranger. Elle finit sa phrase en larmes.

Touché par ce qu’elle venait de lui confier Max lui prit les mains et y déposa un doux baiser qui la laissa perplexe. Elle retira hâtivement ses mains puis  croisa ses bras. Cette réaction brusque n’échappa pas à Max.

-         Puis je connaitre votre nom ? Demanda-t-il.

-         Djelay… Djelay Kassi. Répondit-elle la tête baissée encore sous l’effet du baiser que venait de lui donner Max.

-         Djelay ? C’est très joli. J’aimerais vous aider si vous me le permettez.

Il posa délicatement ses doigts sous son menton puis lentement, releva sa tête jusqu’à ce que ses grands yeux rencontrent les siens.

-         Puisqu’il va bientôt faire nuit, je propose que vous veniez chez moi le temps de réfléchir à une solution. Alors qu’est-ce que vous en dites ?

Elle resta un long moment sans rien dire à l’observer attentivement. Soudain elle se leva au grand étonnement de Max.

-         C’est très aimable de votre part de vouloir m’aider mais…

-         Mais rien du tout. Lâcha-t-il en se levant à son tour. Vous ne connaissez personne ici et je suppose que vous n’avez pas assez d’argent pour prendre une chambre d’hôtel alors acceptez je vous en prie.

Il avait raison. Elle n’avait pas d'argent candien mais serait-ce prudent d’aller chez un inconnu ? Djelay savait qu’elle ne devait pas accepter l’offre de cet homme seulement avait-elle une autre alternative ? De plus où dormirait-elle cette nuit ? Dans la rue ? Un frisson la parcourut à cette pensée. De toute façon elle n’avait pas  d’autre choix, il fallait courir le risque.

-         Très bien j’accepte juste pour cette nuit et demain je m’en irai je vous le promets.

-         Inutile de promettre quoi que soit. nous en reparlerons demain. Aller venez !

Il fit signe aux deux hommes qui l’accompagnaient et ceux-ci  prirent immédiatement les bagages de Djelay. Ils se dirigèrent vers une voiture noire stationnée à la sortie de l’aéroport. Djelay ne connaissait rien aux voitures certes mais pas de besoin d’être un expert pour savoir que ce genre de voiture valait une fortune.

-         C’est une Porsche Macan GTS. Dit-il comme s’il avait deviné ses pensées.

Ils montèrent dans la voiture. Max et elle s’étaient installés à l’arrière. Djelay avait mis de la distance entre eux de sorte à éviter tout contact physique avec lui. Elle gardait en elle un mauvais souvenir des hommes. Depuis l’accident avec Jean, elle  ne supportait plus les attouchements des hommes. Pourtant, elle n’avait pas eu peur lorsque Max lui avait pris les mains pour les embrasser quelques heures plus tôt. Au contraire, elle avait apprécié. Il lui avait fait ressentir  des choses  jamais ressenties auparavant même avec Alex. D’ailleurs qu’est ce qui lui prenait de penser à ces choses-là alors qu’elle se trouvait dans une situation compliquée. Ce  pourrait être la fin de ses rêves et elle au lieu de s’en préoccuper elle pensait à cet homme. Ressaisis- toi Djelay. Se dit-elle.

-         Vous allez bien ?  (Elle sursauta) A quoi pensez-vous ?

-         Je vais bien merci. Répondit-elle la tête baissée. Je pensais juste à ce qu’allait devenir ma vie.

Elle n’avouerait sûrement pas  qu’en réalité elle pensait à lui. Pourquoi lui faisait-il cet effet ? Elle qui se croyait à jamais être dégoutée des hommes. Il fallait qu’elle se reprenne. Ce n’était certainement pas le temps de penser à des bêtises. Il y avait plus important.

-         Djelay, vous vivez une situation difficile et inquiétante j’en suis conscient mais je crois qu’il faut que vous vous reposiez. Vous avez effectué un long voyage et vous devez certainement être très fatiguée. Dormez un peu je vous réveillerai quand nous serons arrivés.

Elle releva la tête pour le regarder. Il avait une expression étrange. Etait-ce de l’inquiétude ? Serait-ce possible qu’il soit vraiment inquiet pour elle alors qu’il ne la connaissait même pas ? Existait-t-il des hommes pareils ? Non ! Il avait probablement une ombre de mauvaises intentions en lui et il ne pourra pas cacher son petit jeu longtemps. Elle en était persuadée. Toutefois, il avait raison sur un point elle était épuisée.

-         Vous avez raison. Je suis très fatiguée et j’ai besoin de repos. Merci de me le proposer.

-         Je vous en prie répondit-t-il en arborant un sourire satisfait.

Maximilien observait Djelay qui venait de s’endormir. Elle était tellement belle et fragile qu’il ressentait le besoin de la protéger. Il s’emballait un peu trop . Il se sentait attendri par cette merveilleuse créature qui se tenait là, juste à quelques centimètres de lui mais qu’il n’avait pas le droit de toucher. Les femmes, jusqu’à maintenant ne lui avaient jamais résisté. Bien au contraire, c’était lui qui les repoussaient lorsqu’elles se montraient trop vulgaires ou faciles. Il en avait assez de ce genre de femmes. Et voilà qu’aujourd’hui il rencontrait cette fille sortant de nulle part qui réveillait en lui toutes ces pulsions endormies depuis longtemps.

La vie n’avait pas été facile pour lui après la mort de ses parents dans ce terrible accident de voiture. Lui qui n’était âgé que de vingt ans avait dû abandonner ses études d’architecture pour prendre en mains les entreprises Tremblay. Georges Tremblay était un homme célèbre dans le monde des affaires. Il avait  battit un grand empire dont il était fier. Il possédait  non seulement l’entreprise de construction la plus importante et la plus sollicitée du Québec mais aussi deux prestigieux hôtels dont l’un était situé en Angleterre. Après sa mort, Maximilian Tremblay son seul fils hérita de tous ses biens et continua de faire fructifier la fortune de son père. Il acquit des actions dans des entreprises de pétrole et de télécommunications à l’étranger. De ce fait il effectuait constamment des voyages en France, au  Japon et en Angleterre ; Ces pays dans lesquels il possédait des biens. Max reprit ses études trois ans plus tard et obtint son diplôme. A trente-deux ans, Maximilian Tremblay était l’un des meilleurs architectes du Canada et le célibataire le plus convoité par les femmes. En plus d’être immensément riche, il était très beau et réputé pour être un homme à femmes. Ses cheveux blonds et ses yeux verts ne passaient pas inaperçus. Les femmes ne manquaient pas d’user de toutes sortes  de stratagèmes dans le seul but de faire partie de ses conquêtes. Il avait autrefois joué dans un club de basket très renommé  aux Etats unis avant la mort de ses parents. Son corps d’athlète lui avait valu le titre d’homme d’affaires le plus sexy du Canada selon un magazine renommé.

Max vivait aujourd’hui avec ses cousins Maryline et Francis dans la propriété qu’il avait hérité de son père. Les parents de ces derniers étaient eux aussi morts lors d’un cambriolage dans une banque. Il y avait cinq ans de cela et les jumeaux  n’avaient que dix-sept ans. Depuis ils prenaient soin d’eux,  les considérant comme les frères qu’il n’avait jamais eu.

-         Djelay ? Réveillez-vous nous sommes arrivés. Il chuchota pour ne pas la brusquer.

-         Déjà ? répondit-elle les yeux à moitié fermés.

Max ne put s’empêcher de lui caresser la joue. Jamais il n’avait été autant attiré par une femme au point de perdre le contrôle. Djelay se redressa si brusquement qu’il en fut surpris. Le contact des hommes ravivait en elle de mauvais souvenirs.  Mais Il était hors de question de le lui avouer. Elle ne voulait pas qu’il la croit vulnérable. Il pourrait s’en servir pour la manipuler. Non! Elle ne le permettrait pas. Max l’observa intrigué. Il trouva sa réaction étrange. Il l’avait à peine effleuré. Il voudrait bien croire qu’elle était pudibonde et timide mais les femmes étaient expertes dans l’art de la simulation et de la tromperie. Il savait de quoi il parlait car il en avait été victime. Cependant le comportement de Djelay traduisait autre chose. Son intuition le trompait rarement. Il l’aurait peut être prise pour une manipulatrice si ses gestes étaient volontaires. Mais il avait constaté qu’elle le faisait par instinct comme s’il était impératif qu’elle se protège. C’était pareil à l’aéroport lorsqu’il lui avait baisé la main. Elle devait souffrir d’un traumatisme il en était certain. Il faudra qu’il découvre ce qui lui était arrivé.

-         Nous y sommes ,annonça-t-il en sortant du véhicule.

Elle n’attendit pas qu’il vienne lui ouvrir et sortit en même temps que lui. Elle le suivit en silence. Quand ils pénétrèrent dans le salon, elle écarquilla les yeux, impressionnée par l’immensité de la maison, dehors l’obscurité l’empêchait de voir l'immensité de la maison.

-         Je vous ferai visiter demain, dit Max en voyant son expression émerveillée.

-         A présent suivez-moi , je vais vous montrer votre chambre. Vos valises y sont déjà. Hé bien? dit-il en la voyant fouiller les poches de son jean.

-         Je ne retrouve pas mon téléphone. J’ai dû l’égarer à l’aéroport. Expliqua-t-elle embêtée.

-         Si vous voulez je vous en…

-         Ce ne sera pas nécessaire. Merci. Répondit-elle sèchement.

Max n’insista pas se contentant de monter les escaliers.  Ils traversaient à présent un couloir avec plusieurs portes de chaque côté. Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept et ça ne s’arrêtait pas. Dieu du ciel,  Ce n’était  pas une maison mais plutôt un château. Pensa-t-elle. Ils s’arrêtèrent devant une porte. Lorsqu’ils  y entrèrent Djelay fit un « oh » silencieux qui fit sourire Max.

-         Je dormirai ici ? Toute seule ? Demanda-t-elle sans réaliser le double sens de ces mots.

-         Je dormirai volontiers avec vous si vous me le demandez. Répondit-il amusé.

Elle se sentit gênée, baissant la tête afin de ne pas rencontrer son regard. Il vint vers elle et l’obligea à le regarder. Elle se raidit et commença à trembler. Il fut attristé en la voyant aussi effrayée. Jamais aucune femme n’avait eu peur de lui. Bien au contraire,  elles tueraient toutes pour ce simple contact.  Il savait que cette peur que ressentait Djelay n’était pas normal. Elle avait forcément vécu une chose atroce ; un viol peut être. Son corps se glaça à cette idée. Il se retourna et s’avança vers la sortie de la chambre en lui souhaitant bonne nuit. Elle n’eut pas le temps de répondre car il était déjà parti. Quelle mouche l'avait piqué ? Pourquoi était-il devenu aussi froid  ? Avait-elle fait quelque chose qui lui avait  déplu ? Et puis tant pis s’il n’appréciait pas qu’elle se montre distante. Que croyait-il ? Que parce qu’il l’hébergeait, il pouvait disposer d’elle comme bon lui semblait ? Et bien il se trompait lourdement.

Djelay se retrouva à présent toute seule dans la chambre et tous les évènements des heures précédentes lui revinrent à l’esprit. Elle s’assit sur le lit et pleura de toutes ses forces. Debout derrière la porte qu’il venait de refermer, Max l’écoutait sangloter se retenant d’entrer pour la consoler. La voir pleurer lui brisait le cœur et ce, depuis l’instant où il l’avait vu en pleurs dans cet aéroport. Que lui arrivait-il ? Pourquoi ressentait-il des choses étranges que lui-même était incapable de décrire. Il finit par s’en aller après s’être assuré qu’elle ne pleurait plus. Elle avait dû s’endormir. Se dit-il.


Fin du premier chapitre

Amour de couleurs