La seconde étape
Ecrit par Farida IB
Debbie….
Je garde mon doigt au-dessus du bouton envoyé en regardant Djifa avec hésitation.
Djifa perdant patience : mais vas-y qu’est-ce que tu attends ?
Moi : et si nous le relisions une dernière fois ? La toute toute dernière fois promis.
Djifa : Debbie orhh ça fait la onzième rien que ce matin. Ce n’est pas un concours national. Si ça ne plaît pas à la dame qu’elle ne te retient pas ce n’est pas grave. Une autre opportunité se présentera. Tu n’as même pas fini tes études encore pour te soucier pour un travail.
Moi la petite voix : mais ce travail, j’en ai besoin et je le veux vraiment.
Djifa me ramassant : Debbie arrête de faire la gamine, envoie le texte ensuite, on avisera !
Je veux parler, mais elle me lance un coup d’œil réprobateur qui m’empêche d’ajouter quoi que ce soit puis soupire de dépit.
Djifa : regarde, il fait encore nuit. J’aimerais rattraper un bout de sommeil avant que ton chéri ne vienne me chercher.
Je lui jette un coup d’œil en soufflant. Je murmure une petite prière et lui jette un dernier coup d’œil avant de cliquer sur le bouton.
Djifa soupirant de répit : enfin, je vais pouvoir dormir en paix !!
Moi sourire espiègle : attends au moins que le message parte (faisant genre) han la connexion ne passe plus.
Djifa : comment ça, c’est finie !?
Je fais oui de la tête en me retenant de rire devant ses yeux grands ouverts.
Djifa : un forfait de 90 jours qui finit en deux semaines ?
Moi me lâchant : la bouille que tu fais ! Je te taquine (lui montrant l’écran) le fichier a déjà atterri chez tata Mimi, il ne reste plus que le message d’information.
Djifa : tchuuipp ça ce n’est plus mon problème, débrouille-toi !
Moi riant : sans souci, le plus important a été fait.
Elle me regarde de travers en s’allongeant, ce qui m’amuse encore plus. Je ris jusqu’à me tordre dans tous les sens. Je finis par me calmer et me concentre sur mon message.
Alors,
Djifa, vous la remercierez bien bien pour moi. Bien sûr, je l’ai déjà fait et dans toutes les langues que je parle, mais ça ne sera jamais assez pour sa sollicitude. Elle m’a été d’une aide très précieuse en plus d’avoir supporté l’indécise notoire que je suis sans se plaindre une seule fois. Elle avait décidé de son propre chef de rester dormir pour m’aider à peaufiner le texte avant de le rendre ce matin. En ces quelques jours, j’ai découvert en elle une âme gentille et un esprit maternel dans un corps parfait. J’envoie le dernier message et me tourne à demi pour la regarder dormir. Elle est belle inh cette fille.
Djifa : on peut savoir pourquoi tu me regardes comme ça ?
C’est à ce moment que j’aperçois ses beaux yeux noisette fixés sur moi. Je lui souris.
Moi : je pensais que tu t’étais endormie.
Djifa : c’est ton regard insistant qui m’empêche de le faire.
Moi : excuse-moi, je ne pouvais pas m’empêcher de te contempler. Tu es trop belle, je t’assure.
Djifa : lol tu veux changer de bord ? Armel va te faire la peau.
Moi : lol on doit te le dire souvent non ?
Djifa balayant l’air de la main : qui a mon temps ?
Moi : bah moi, je te le dirai aussi souvent que je croiserai tes beaux grands yeux noisette.
Djifa (se redressant brusquement) : maintenant ça suffit petite !! Arrête de me regarder comme tu me le fais et de me parler de la couleur de mes yeux. C’est incommodant (avec une grimace) grrrr, je ne suis pas gouine ! Il n’y a pas moyen que je le sois d’ailleurs.
Moi riant : mais c’est la vérité nan !?
Djifa : venant d’une femme ça fait bizarre.
Moi levant les yeux au ciel : rhololooh l’Africain aux cheveux noirs et ses superstitions.
Djifa : c’est ça qui nous rend authentique, maintenant laisse-moi dormir.
Moi : en votre honneur majesté, faites de beaux rêves.
Djifa : toi-même comme ça si c’est une injure.
Je rigole en regagnant la chambre de mes grands-parents pour entamer un grand nettoyage de printemps. Ils arrivent ce soir pour un court séjour et je suis toute excitée à l’idée de les voir. Ils sont trop chouettes mes grands-parents, je les adore ! Ce sont mes partenaires de crimes (rires) surtout grand-maman avec qui je vais pouvoir jouer la petite fille gâtée pendant tout leur séjour ici.
Je finis le ménage à temps pour pouvoir escorter Djifa à la voiture d’Armel. C’est aujourd’hui qu’il commence son stage au port et le gars prend les choses vraiment au sérieux. Il est seulement 6 h passées de quelques minutes, mais il est déjà prêt à prendre la route. Je le charrie à ce propos.
Moi : non mais dis-donc, le futur DG du port Autonome de Lomé.
Il me tape un de ces sourires franc et contagieux que je partage.
Moi : bonjour mon bé.
Armel le sourcil levé : c'est depuis Dapaong (mon village d'origine) que tu me dis bonjour maintenant ?
Avec un rire furtif, je contourne le véhicule et vais lui faire une bise sur la bouche en gardant un écart entre nous. Il fronce les sourcils et me regarde.
Armel : ça fait deux semaines que tu me sers ce genre d’étreintes fades et fugaces. Là, tu mets carrément un dôme entre nous. Je te vois, mais je ne peux pas te toucher (s’adressant à Djifa) hoo toi la fille des montagnes, tu n’aurais pas détourné ma madame par hasard ? On vous connait ici à Lomé.
Djifa tchipe seulement en montant à l’avant.
Moi : rire*, arrête de déconner. Je ne veux simplement pas salir tes beaux vêtements. (parcourant les miens du regard) Tu vois bien, mode entretien activé.
Armel : et alors ?
Il avance de quelques pas, supprimant ainsi le faible écart entre nous et me saisit à bras-le-corps pour me ramener fermement contre lui avant de m’embrasser doucement puis très très lentement, je veux dire sensuellement. Le pied !
Djifa : c'est ça, ne vous gênez surtout pas !
Armel s’applique avec sa langue et ses lèvres. J’avais oublié à quel point sa bouche est infiniment sensuelle. Je m’en délecte au point de rester dans les vapes des minutes après qu’il se soit détaché.
Armel : bonjour mi corason.
Moi (souriant jusqu’aux oreilles) : ça va toi ?
Armel : maintenant oui, souhaite-moi bonne chance pour mon nouveau stage.
Moi : bonne chance mon bé (dessinant le signe de croix sur lui) que la vierge marie te protège pour les siècles des siècles.
Armel : aaaamen (bisou) tu vas me manquer.
Il m’embrasse de nouveau quand Djifa tousse bruyamment.
Armel (tournant un regard circulaire sur lui-même) : eumh tu as attendu comme une voix ? Je crois que ça vient des crêtes de Badou.
Moi : mdr vas y avant qu’elle ne pète un câble, elle est hyper fatiguée.
Armel : elle ne pète pas de câble celle-là.
Djifa ton menaçant : tu veux me tenter ?
Armel moue dégoûtée : toi, je ne te parle pas. Tu t’es accaparée ma copine pendant deux semaines. Deux semaines frère !
Djifa : une bande de gamins, vient me ramener chez mes parents moi tchuipp’s !
On rigole tous les deux. Il me fait un bisou sur la tête puis on s’embrasse brièvement pour se dire au revoir. Il attend de démarrer pour m’envoyer un bisou volant que je ferme sur le cœur. Je retourne à la maison sur un petit nuage. Étant donné que toute la maisonnée dormait encore, je vais directement dans ma chambre. Je vais prendre une douche express normalement pour dormir un peu, mais je me retrouve à guetter l’accuser de réception qui tarde à venir. Mon engouement de toute à l’heure fait place à l’inquiétude.
Je m’assoupis, sans savoir quand ni combien de temps, puis je me réveille pour vérifier à nouveau. Rien !
Je me rendors profondément pendant quelques heures. À mon réveil, je découvre le mail dans lequel elle valide mon texte et me convie à un rendez-vous dans sa boîte dans quelques jours. Je balance le mail à Djifa et Armel sur le champ avant d’appeler ce dernier sans obtenir une réponse. Après deux tentatives, je conclus qu’il doit sûrement être occupé et lui laisse un message. Juste après je me change pour aller rendre visite à ma famille que j’ai perdue de vue tout ce temps et dont les bribes de conversations me parviennent jusque-là.
Je m’arrête sur le seuil de la maison pour les observer. C’est devenu un marché ici depuis que ma mère a ouvert son commerce il y a trois semaines. Pour un début je trouve que ça marche du tonnerre et elle semble heureuse et épanouie. De ce fait, mon père est de plus en plus régulier chez nous. Il ne vient plus que pour dormir, mais pour passer ses journées à l’instar du type de Noémie. En ce qui la concerne, c’est toujours le statu quo. Il faut dire qu’elle n’est pas du genre à faire le premier pas après une dispute et vu que j’étais très occupée dernièrement l’affaire est restée en l’état.
Je regarde Sophie, Marianne et quelques autres enfants du quartier jouer à l’éléphant qui se balance en rêvassant de l’enfance. Tout me revient avec précision lorsque j’aperçois Caroline qui prépare, on ne sait quoi dans des boites de conserves seule dans son coin. Je laisse échapper un soupir triste en pensant à son attitude du moment. Je ne le dis pas souvent, mais ça me préoccupe plus que tout. Ça fait des semaines qu’elle s’est terrée dans un terrible mutisme. J’ai essayé plusieurs fois de lui tirer des vers du nez en vain. Je chasse ce voile de tristesse pour m’énoncer gaiement. Je dois avouer que c’est un beau tableau de voir toute ma famille réunie et j’aurais souhaité que ça soit ainsi pour toujours. Si seulement Marc, si seulement !
Moi : j’espère que vous payez vos impôts sinon je me chargerai de vous dénoncer aux services publics.
Ils se tournent et me regardent avec de grands yeux étonnés. Ma mère me fait un sourire auquel je réponds.
Sophie : la mama !!
Il y a un léger brouhaha pendant lequel les cris et les rires des enfants fusent. Junior court et vient se jeter dans mes bras, je le soulève et le fait virevolter en l’air. Sophie et Marianne viennent vers moi et m’enlacent par la taille pour me faire un câlin. Noémie, vous pouvez rêver et Caroline qui n’a pas bougé d’un pouce. Je garde Junior contre moi et le bombarde de bisou pendant que j’avance vers le conteneur de ma mère. Junior laisse échapper des éclats de rire.
Moi : tu m’as manqué mon bébé.
Junior : krkkrkr.
Moi : tu as encore maye au popo ?
Il secoue vigoureusement la tête et je lui souris. Au fait, notre grand-mère maternel nous a entre temps envoyé des indigénats contre les hémorroïdes qui lui font grand bien. Je dépose Junior et prends Etiam dans les bras de mon père.
Moi m’adressant à lui : toi, tu es un peu trop fréquent ici dernièrement. Tu abandonnes femme et travail pour venir squatter.
Dada sur ses gardes : ça fait quoi s'il vient ? C’est ici sa maison. C’est ici que sa famille se trouve, sa vraie famille.
Papa : c’est bien ça ma femme.
Moi : éwiii dites nous en même temps si la réconciliation a pris pour qu'on amorce en même temps les préparatifs d'un nouveau mariage
Papa grattant sa nuque : nous n’en sommes pas encore là.
Dada le toisant : cause toujours ! Mariage ou pas mariage, la terre entière sait que je suis ta femme et que tu es mon mari et le père de mes enfants.
Moi m’écriant : un point pour dada !
Elle rit et m'entraîne dans son rire. Ils s’échangent par la suite un regard tendre ainsi qu'un sourire franc et complice.
Moi (passant mon regard entre les deux) : hum hum vous deux, je vous vois venir. Je vois déjà des couches à acheter et les nuits d’insomnies se profiler à l’horizon.
Dada : si c’est l’argent qui t’inquiète (faisant un geste d’ensemble en parlant de son étalage) je crois que ça fera l’affaire.
Moi : éwiiii looo le commerce d’hier hier là, on veut déjà nous mystifier avec ça.
Ils rigolent.
Moi enchaînant : en tout cas, dada compte-moi parmi tes clients. Aujourd’hui, c’est moi qui régale.
Dada pointue : avons-nous quelque chose à fêter ?
Moi : il y a peut-être quelque chose oui, mais c’est plus pour la venue de grand-pa et grand-maman.
Dada : je vois, j’ai cru une seconde que…
Elle baisse son regard sur mon ventre.
Moi comprenant : ne rêve même pas, je ne vais pas compromettre mon avenir.
Je parle comme ça que je me dis qu’il faut que je fasse un tour chez mon gynécologue. J’ai trop tiré à balles réelles ces derniers temps.
Dada : tu devrais y songer.
Moi : quand j’aurai 30 ans oui, pas moins que ça.
Papa (nous regardant tour à tour) : de quoi vous parlez toutes les deux ?
Dada au tac : de se marier, elle en a l’âge.
Papa : Adjoa laisse-moi l’enfant, elle n’a même pas encore poussé les seins.
Tout le monde éclate de rire, en général celles qui ont compris. Sauf moi bien sûr.
Moi boudant : c’est pas gentil papa !
Papa dans sa lancée : ne désespère pas ma fille chérie, il y a toujours de l’espoir que ça pousse.
Moi : ouais c’est ça, moquez-vous bien (dans ma tête) c’est petit, mais ça joue son rôle bèlèlou.
Il continue à me taquiner à un moment dada s’y met elle aussi. Je leur laisse l’enfant et tourne les talons la mine boudeuse. Quand les deux-là s’y mettent, tu ne peux pas. À la base, ils se sont bien choisis et quand ça va entre eux, on se demande ce qui leur est arrivé entre temps. On va mettre ça sur le dos des coups de la vie.
J’ouvre le portail avant de me tourner vers Noémie.
Moi : Nono vient, j’ai à te parler.
Elle reste concentrée à étaler les marchandises de maman.
Dada la fixant : c’est à toi que ta sœur s’adresse.
Noémie sans se retourner : je ne veux pas lui parler.
Dada sévèrement : si tu ne quittes pas devant moi dans les secondes qui suivent pour rejoindre ta sœur, tu sauras qui a mis l’eau dans la noix de coco. (criant) Noémie toi, tu commences sérieusement à me chercher et tu ne vas pas tarder à me trouver. Ne penses pas que ta haute taille impressionne quelqu’un ici ou si c’est le poivre noir de ce petit chenapan qui vient te faire les yeux doux ici qui te donne les allures, je vais fourrer le piment dragon moulu dans ton sexe pour te remettre les idées en place. (criant de plus belle) Kosssiaa (injure) tu te prend pour qui à la fin ? Je t’ai bien prévenu, je t’ai dit que tes choses d’impolie, tu les gardes hors de ma maison. Imbécile, dégage devant moi !!
Il n’en faut pas plus pour qu’elle quitte docilement devant elle sans l’ouvrir une seule fois. Enfin, elle est trop bien placée pour savoir que lorsque notre mère se fâche au point d'élever sa voix ce n’est plus bon. Je souris lorsqu'elle me devance dans la maison et se dirige vers mon bâtiment. Je décide de glisser un mot à Caroline pour l'égailler un tantinet avant de la rejoindre.
Moi : Caro (elle me regarde) j’ai téléchargé plusieurs épisodes de Maïrette (aka Marinette aka Lady bug à chez nous maison rire) sur mon PC, ça te dit qu’on les suit ensemble toute l’heure ?
Caro (hochant la tête en souriant) : d’accord.
Junior : moi moi moi ?
Moi lui souriant : toi aussi mon bébé, on va aussi manger de la glace. D’énormes glaces.
Junior : whoupiiee !
Caroline sourit davantage de ce qui me réjouit le cœur. Je saisis la poignée pour ouvrir le portail et dada me stoppe aussitôt.
Dada : Deborah apparemment ta Caro a encore créé à l’école. Sa maîtresse demande à nous voir. C’est toi qui vas y aller. Moi, je n’ai pas le temps pour les bêtises. On convoque encore pour les cours de vacances tchhrrr.
Moi fixant Caro intriguée : boo qu’est-ce que tu as fait ?
Caroline remuant la tête : rien dagan, elle m’a seulement dit d’appeler mes parents.
Moi (passant mon regard d’elle à maman) : ok, j’irai voir si je trouve un peu de temps.
Ma mère hausse simplement les épaules. Je retrouve Noémie devant la porte d’entrée du bâtiment et dodeline de la tête pour lui indiquer l’intérieur. Nous prenons place toutes les deux sur le canapé au salon. Elle a croisé ses bras sous sa poitrine et regarde à contresens.
Moi commençant : il s’appelle comment ton boy ?
Elle se tourne sa tête vers moi surprise, j’arque un sourcil interrogateur en attendant sa réponse.
Noémie la petite voix : Thomas.
Moi : tu l’aimes bien inh ? Tu penses qu’il t’aime bien aussi ? Il est sérieux ? Enfin pour son âge.
Elle me regarde encore plus surprise et baisse la tête intimidée.
Moi (continuant sur le ton de la plaisanterie) : mine de rien c’est ton premier amour (silence) je suis bien placée pour savoir ce que c’est, on est tous passé par là inh. (rêvassant) Tu as des étincelles dans les yeux, tu te dresses contre tous ceux qui veulent vous empêcher de vieillir ensemble. Rire* même si ça finit en cacahuète la plupart du temps et on se retrouve avec le cœur en lambeaux. (sérieuse) C’est ça que je veux t’éviter, Noémie. Je ne veux pas que vous viviez ce que moi, j’ai vécu. Je voudrais pouvoir vous protéger des méchantes personnes qui pourraient vous faire de la peine. (soupir) Mais bon, c’est correct que tu veuilles faire tes propres expériences. D'autant plus que je te sais assez réfléchis pour faire les bons choix et je les respecterai. De toute façon, je n’ai pas à m’inquiéter. Tu as toujours fait les choses bien.
Elle me coule un regard.
Moi : je suis désolée si d’une manière ou d’une autre, je donne l’impression d’avoir de l’ascendance sur vous tous. Je te jure que ce n’est aucunement mon intention. Moi, j’essaie simplement d’assumer mon rôle de grande sœur, de protectrice. Je reconnais que je vous surprotège parfois (elle me jette un coup d’œil) bon, souvent (elle me jette un autre coup d’œil) bon ok tout le temps ! Mais c’est parce que je vous aime, tu ne peux pas savoir à quel point. Je donnerai ma vie pour vous.
Elle prend une grande inspiration et se tourne vers moi sans me regarder.
Noémie : je te prie de m’excuser.
Cette fois-ci, c'est moi qui arque un sourcil surprise pendant qu’elle lève le regard pour me fixer. C’est à ce moment que je remarque les larmes dans ses yeux.
Moi interloquée : oh, tu pleures ?
Noémie : je suis vraiment désolée, je ne pensais tout ce que je t’ai dit l’autre fois. Je n’aurai pas rêvé mieux comme grande sœur. Tu es si bienveillante avec nous, tu as toujours fait de notre bien-être ta priorité. Jusque-là, tu assures le rôle de père et de mère en même temps à la perfection. Tu es mon roc, mon repère. Je ne te le dis pas souvent, mais je t’aime tellement.
Je m’approche et la prends dans mes bras émue.
Moi : je t’aime aussi ma mie (essuyant ses larmes) rhoo arrête de pleurer.
Noémie : je te jure que je regrette tout ce que je t’ai dit.
Moi : je le sais pupuce (l’incitant à me regarder) tu sais quoi ? On va juste se promettre de ne plus nous chamailler comme nous l’avions fait, mais nous parler calmement comme deux filles civilisées que nous sommes.
Elle me sourit en hochant la tête.
Moi : n’hésite pas si tu as quoi que soit, je dis bien quoi que soit à me dire. Même lorsqu’il t’aura filé un bobo au cœur.
Noémie grimaçant un sourire : ok.
Moi : bien bon, il ne reste plus qu’à t’amener chez le gygy.
Noémie plissant les yeux : pour quoi faire ?
Moi : bah, tu as petit ami petite sœur et vous en êtes déjà à vous embrasser donc je suppose que vous…
Noémie (ne me laissant pas terminer ma phrase) : nan !! Jamais ! Je n’y ai même jamais pensé, je n’ai jamais projeté de le faire. Ce n’est jamais arrivé et ça n’arrivera jamais.
J’éclate de rire face à son ton scandalisé.
Moi narquoise : mais tu l’embrasses déjà non krkrkr.
Noémie faisant la moue : c’était un bisou de rien du tout, je n’ai même pas aimé.
Moi amusée : on va quand même y aller pour plus de précautions. Je tiens à ce que tu termines tes études sans embûches.
Noémie : hmmm, tu veux que j’aille écarter à un inconnu ?
Moi : c’est vrai que la première fois est toujours un peu stressante et gênante, mais tu vas vite t’habituer.
Noémie secouant la tête : je ne veux pas et je suis même prête à rompre avec Thomas s’il le faut. De toutes les manières, je voulais faire comme toi (j’arque le sourcil) Armel et toi, vous donnez envie d’être en couple.
Moi haussant les sourcils : tu te fourvoies grave si tu penses que ma relation avec Armel est parfaite.
Noémie geste évasif de la main : je le sais. Je sais que ça ne doit pas être facile pour toi de supporter son côté volage, mais il en vaut la peine. Quand il veut, c’est un mec bien et je n’ai pas raté le changement qui s’opère depuis peu.
Moi la regardant stupéfaite : toi, tu as remarqué tout ça ?
Noémie : je ne suis plus un enfant Debbie, je vois et je comprends tout.
Moi : raison de plus pour affronter le gynécologue.
Noémie : pffff, je ferai toutes les corvées dans ta chambre pendant un mois.
Moi : c’est non négociable ma petite. (elle tire la tronche) Tu devrais te réjouir que ce soit ta propre grande sœur qui t’accompagne. Moi c’est Diana qui m’a traîné là-bas parce que les infections voulaient ma peau. Elle a passé toute la visite à faire sa Diana, imagines un peu la gênance !
Noémie : rire*, tu as dû passer un sale quart d’heures.
Moi riant : je ne te le fais pas dire.
Elle me saute au cou sans que je m’y attende.
Noémie : tu m’as trop manqué, j’étais vraiment malheureuse dans mon coin surtout que tu avais l’air de t’en foutre.
Moi : rire*, je ne m’en foutais pas, j’étais juste occupée. Et d’ailleurs, tu pouvais aussi initier cette discussion (attrapant la balle au vol) Noémie apprend à mettre ton orgueil de côté de temps en temps et à reconnaître tes parts de responsabilité. La fierté détruit plus qu’elle n’arrange. Se disputer, c’est normal et c’est inévitable dans toutes relations humaines. Seulement que tu ne peux pas toujours attendre que ce soit l’autre qui fasse le premier pas ou que les choses s’arrangent d’elles-mêmes.
Noémie (acquiesçant de la tête) : j’y travaille.
Moi : c’est bon à savoir ! Bon, je t’ai assez retenu comme ça. On se coince toute à l’heure.
Noémie : ok, on se fait un film sur ton pc ce soir ?
Moi : mieux on ira faire du shopping Sophie, toi et moi après le programme de dessin animé des tous petits.
Noémie tout sourire : c’est pour ça que je t’aime, tu sais exactement comment nous satisfaire.
Moi : oh oui, que je suis douée.
Noémie riant : ça, c’est sûr ! Je t’envoie les petits.
Moi : ok merci.
Les enfants déboulent euphorique. Je passe du temps avec eux jusqu’à l’heure du boulot où je fais un saut rapide pour marquer ma présence et demander une permission. Ceci fait, je rejoins directement les filles à Agoe Market. On y passe une partie de l’après-midi et l’autre s’écoule en cuisine. Je m’occupe des mets étrangers avec mon sous-chef Junior et ma mère des plats locaux. Noémie se charge des entrées et des desserts aidée par Sophie et Caroline. En début de soirée, nous dressons ensemble une belle table à la véranda dans une ambiance lyrique et bonne enfant. La même ambiance prévaut à l’arrivée des grands-parents et encore plus pendant le dîner qui a suivi. Pendant tout ce temps, j’ai une conversation suivie avec Armel qui sollicite ma présence une fois repu et dépoussiérer (rires) comme il le dit souvent. On se retrouve entrelacé à quelques pâtées de maison.
Moi : alors cette première journée au port ?
Armel avec enthousiasme : trop bien ! Ils m’ont tout de suite mis dans le bain. Je ne me suis même pas ennuyé un peu.
Moi : on peut conclure que tu as peut-être trouvé ta vocation.
Armel : on verra bien, je suis tenté par les finances également. En fait je voudrais apprendre à gérer mes fonds. Je veux anticiper sur l'avenir de nos futurs gosses.
Moi (souriant toutes mes dents) : on devrait les appeler comment déjà ?
Armel : Nils, Armelle, Eunice et Judith.
Moi arquant le sourcil : les deux dernières sortent encore d’où ?
Armel : bah, j’ai décidé qu’en plus des deux autres nous aurons des jumelles qui porteront les prénoms de nos mamans.
J’ai tapé the sourireeeee.
Moi : décidément, c’est ma journée des prédictions de grossesse aujourd'hui. Ma mère a fait une illusion à ça le matin et ma grand-mère me l’a répété sans cesse pendant le dîner.
Armel : lol j’irai la saluer toute à l’heure. Avant, il faut que je fasse ça.
Il me le chuchote à l’oreille, je souris… À bien y penser, on va passer cette scène au calme.
Là, nous sommes avec les grands-parents. Armel fait un brin de conversation à grand-pa et mon père dans notre salon avant de rejoindre les autres à la véranda. Il les salue avec déférence.
Grand-maman larguée : c’est qui ?
Noémie : grand-maman, c’est Armel, ton petit mari.
Grand-maman (le sondant d'un regard insistant) : ah ah ah, c’est vraiment lui (ouvrant les bras) vient là le mari (il se jette dans ses bras) atouuuuuuuu (tapotant des parties de son corps) qu'il a grandi le mari, on peut maintenant passer aux choses sérieuses.
Armel qui sourit doucement : grand-pa m’a menacé de ne pas toucher à sa femme.
Grand-maman : nous ne sommes pas obligés de nous afficher devant lui.
Armel (souriant élargissant son sourire) : grand-maman, tu deviens polyandre ?
Grand-maman : je peux tout à fait assumer. J’ai encore de la poigne et du répondant, tu sais ?
Armel amusé : je n’en doute une seconde.
Elle le regarde pendant des secondes avec intérêt.
Grand-maman : tu es devenu un étonnant jeune homme. Dieu veille sur toi mon enfant.
Armel : amen !
Il ne tarde pas à prendre congé, je l’accompagne et reviens border les petits. J’ai ensuite une conversation à bâtons rompus avec ma mère et ma grande mère. Je les laisse vers minuit pour aller dormir et me réveille aux aurores par les tapes discrètes de grand-maman sur mon épaule. Je retire mon pouce de la bouche et me frotte les yeux pour la voir assise à mon chevet.
Moi les yeux plissés : grand-maman, il y a un problème ?
Grand maman : rien de grave ma chère enfant, grand-maman voudrait ta permission pour assurer tes arrières.
Moi larguée : mes arrières ?
Je me redresse et remonte la couverture sur ma poitrine tandis qu’elle s’explique.
Grand-maman : tu sais que chez nous quand quelqu’un rentre dans la vie de nos enfants il n’en ressort plus.
Moi pantoise : ah bon !?
Grand-maman hochant la tête : il y a un exemple sous tes yeux.
Moi : qui ça ? (réfléchissant) Dada ? (oui de la tête) Mais… Mais c’est dément ! C’est… C’est injuste de faire ça aux gens à leur insu.
Grand-maman : ma Chère Enfant, chaque famille a ses secrets. Ton arrière arrière grand père l’a fait dans l'intention d'éviter les chagrins d'amour à sa descendance. Je te raconterai la version longue de l'histoire plus tard. Pour le moment tu dois juste savoir que c’est grâce à ça que tes tantes sont heureuses et tranquilles dans leur foyer. Le petit Armel et toi avez fait du chemin, il est temps qu'on l'inclut dans la famille.
Moi indignée : nannnn !! Enfin la décision lui revient.
Grand-maman : tu peux décider pour lui et tu en as le droit. Encore que nous sommes dans un timing parfait pour l’initiation. Laisse-moi m’en occuper. Tu me remercieras plus tard.
Moi catégorique : hmm hmm, je ne veux pas qu’on me mêle à ça. Je ne veux pas hypothéquer la vie d’une tierce personne. Je n’aimerais pas qu’on me fasse ça.
Grand-maman : tu es sûre ?
Moi : parfaitement sûre !
Grand-maman : ne viens pas pleurer sur ma tombe.
Moi : lol je ne vais pas pleurer, encore moins sur ta tombe. Même si cela arrivait, je n’en mourrais pas pour autant. Après tout ça n’arrive qu’au vivant.
Grand-maman : je veux quand-même que tu prennes en compte mes paroles. Réfléchis-y, parles-en sérieusement avec ta conviction intime.
Moi : c’est tout vu grand-maman.
Elle me regarde un long moment sans ajouter autre chose.
Cassidy
Je finis de lire l’sms d’Armel et traverse la rue pour monter dans sa voiture.
Moi : ça alors pour une surprise, c’est réussi !
Armel me souriant : je suis venu constater de visu tout ce que tu me disais pendant les trois jours qu’on ne s’est pas vu.
Moi tournant sur moi : je vais bien comme tu peux le voir.
Armel : et c’est agréable de te voir de bonne humeur.
Moi : merci (avisant ses vêtements) tu sors ?
Armel : non, je rentre chez moi.
Moi : et on peut savoir où tu étais rendu sapé comme jamais ?
Armel sourire en coin : au port, j’ai démarré un nouveau stage là-bas hier.
Moi : lol tu n’as rien d’un stagiaire, le DG même n’a pas ton niveau.
Il sourit lentement.
Moi : j’espère que tu m’as apporté de bonnes nouvelles.
Armel : rien de plus que le rapport que je t’ai fait ce matin. Tu connais la police et ses longues procédures.
Moi soupirant : je ne veux pas paraître insistante, mais le temps ne joue pas en notre faveur. Plus les jours passent plus la situation s’enlise.
Armel : effectivement, mais nous n'avons rien qui puisse nous servir d’indice.
Moi soupire désespérée : je veux juste un signe, un petit message pour m’assurer qu’elle est en vie et qu’elle va bien.
Armel : elle est en vie et elle doit sûrement aller bien.
Moi le fixant : comment tu le sais ?
Il baisse le regard sans répondre, je me passe la main sur le visage pour refouler les larmes d’un mélange de frustration et de rage qui me montent aux yeux. Au bout d’un instant, il relève brusquement sa tête et me regarde.
Armel s’exclamant : mais oui ! Je n’y avais pas pensé ! On peut la retrouver grâce à son téléphone. Bon si et seulement si elle l’a sur elle.
Moi surprise : on peut faire ça ?
Armel : oui et je connais quelqu’un qui peut le faire.
Moi ton pressant : qu’est-ce qu’on entend ?
Armel sourire bref : le temps de l’appeler tout en priant qu’il ne soit pas hors de la zone de couverture.
Moi : je croise les doigts.
Il lance l’appel, comme le téléphone est branché au lecteur, j’entends quand ça sonne et quand on décroche.
Armel d’entrée de jeu : bonsoir grando.
L’interlocuteur : bonsoir petit, il y a un problème ? J’ai beaucoup hésité avant de décrocher ton appel. On n’est jamais sûr avec toi.
Moi amusé : oui oui, j’ai un petit souci.
L’interlocuteur : je suis prêt à parier que tu as engrossé l’enfant d’un antigang qui te traque comme un gibier.
Armel riant : je n’ai pas engrossé l’enfant d’un antigang.
L’interlocuteur : tu es sûr ?
Armel : certain ! Au fait, j’ai une amie qui a son amie qui a disparu.
L’interlocuteur : ça fait beaucoup de qui et d’amies du coup.
Je lui coule un regard amusée alors qu’il remue la tête.
Armel reprenant : nous avons une amie qui a disparu et je me suis dit que tu peux peut-être nous aider.
L’interlocuteur : bien sûr si vous payez la somme qu’il faut.
Armel : il n’y a pas de souci, ton prix sera le mien.
L’interlocuteur : c’est pour ça que j’aime faire les affaires avec toi, tu es concret.
Armel rit.
L’interlocuteur : pour être plus sérieux, tu voudrais que je localise son téléphone, c’est cela ?
Armel : oui, mais nous ne sommes pas certain qu’elle l’ait sur elle en plus c’est éteint.
L’interlocuteur : pas besoin que ça soit forcément sur elle ou que ça fonctionne. Envoies-moi juste son e-mail et son numéro de téléphone. Je me charge reste.
Je regarde Armel contente.
Armel : top, je t’envoie ça dès que je raccroche.
L’interlocuteur : ça marche.
Armel : merci Bibil, je savais que je pouvais compter sur toi.
L’interlocuteur : c’est Bilal, mon fils a déjà hérité de ce surnom.
Armel : sa mère n’est pas de cet avis.
Le dénommé Bilal (ton exaspéré) : laisse seulement. Nahia, elle veut me transformer l’enfant en chochotte. Elle a déjà vu où qu’on appelle un garçon loulou ?
Armel : les choses des mères, on peut quoi ?
Bilal : rien mon petit. (pause) Excuse-moi, je dois raccrocher. Madame vient de rentrer.
On attend effectivement une voix de femme en fond sonore. Une voix agressive, je dois préciser.
Bilal criant : mais c'est Armel, le frère de Bradley. Tu peux le voir toi même.
La madame (je suppose) : donc elle s'appelle Armel inh.
Bilal : qui elle ? (ton las) Sali arrête ça, je n'ai pas envie de me disputer ce soir.
Elle hausse le ton et ça part en couille. Il y a un enfant qui pleure et dont les cris sont déchirants. Rayayyaayy c'était insupportable.
Moi : mais qu'est ce que tu attends pour raccrocher !?
Armel l'air perdu : euhhhh...
Je tends la main pour le faire avant de le fixer les yeux plissés. Il n'a pas l'air bien en tout cas.
Moi : ça va ?
Armel : mmh, mhh mhh.
Moi (avec un regard perçant) : tu es sûr ?
Il se passe la main sur le visage.
Armel : ça peut aller. Bon, c’est fait. Il ne reste plus qu’à attendre.
Je hoche la tête intriguée puis il y a un flottement.
Moi brisant le silence : on doit lui envoyer les coordonnées.
Armel prenant le téléphone : vas-y.
Je lui donne les informations dont il a besoin qu’il lui balance.
Moi : là, c'est sûr qu'on va aggraver la situation de ton grand, mais c'est pour la bonne cause.
Armel : il faut ça pour pimenter le couple parfois.
Moi souriant : tu penses ?
Armel ton enjoué : oh yeah !!
Il retrouve ainsi son humeur. Tout comme le samedi, je fais le plein de bonne humeur et béatitude avec lui. Au moment de partir, il me remet un sac plein de gourmandises très délicieuses. Le petit a très bon goût, ça, il faut le reconnaître en plus d’être de bonne compagnie.
Ce soir-là, je m’endors la tête pleine d’espoir et dès le lendemain le Bilal capte un signal vers le fin fond de Bernard-Copé qui se trouve être le dernier endroit où elle a émis un appel vers mon numéro et celui de Moustapha. Ce qui corrobore avec les dires du détective privé de Georges le même soir. Il nous donne plus de précision sur l’endroit et nous confirme la présence effective de Saliha ainsi que tous les mouvements qui se font sur place. En gros, on sait qu’elle est chez un gourou musulman, que sa mère s’y rend tous les deux jours en dehors de son promis qui fait la ronde deux fois par jour. Par rapport au gourou, on sait qu’il ne sort du vaste domaine qu’aux aurores pour se rendre sur le pont.
Ça nous prend une journée pour fignoler un plan de sauvetage via message.