La soirée
Ecrit par leilaji
****Elle****
Denis
est revenu plus de deux heures plus tard complètement harassé par sa rencontre
avec Alexander. Il a dû s’interposer entre lui et le reste de sa famille qui
tentait en vain de le calmer. Il n’y est parvenu qu’en lui parlant de Leila et
de l’état dans lequel il l’avait trouvé.
Alexander
n’a même pas semblé étonné de voir son ami de longue date chez lui tellement il
était absorbé par les nouvelles de Leila que Denis lui apportait. Denis lui a
dit qu’elle allait mal, qu’elle avait beaucoup maigri en quelques jours et
qu’il devait rester fort pour elle. Et instantanément Alexander s’est calmé et
il a pris Denis dans ses bras pour le
remercier d’être venu. Il est comme sorti de sa transe et les pompiers ont pu
intervenir pour arrêter l’incendie. Mais une bonne partie de l’aile droite de
la maison qu’il venait à peine de rénover est à rebâtir complètement.
Denis
est donc rentré et a raconté à Leila ce qu’il avait vu. Elle n’a pas bronché et
a pris congé de nous. Il lui fallait du repos.
Un
peu plus tard, après avoir fait l’amour avec Denis.
Je
suis mélancolique et Denis le remarque instantanément. C’est fou ce que cet
homme est perspicace.
Je
pense à ma vie, j’en fais un bref résumé mental. Jusqu’à présent à part mes
magnifiques enfants et mon boulot que j’aime, le reste c’est-à-dire mon mariage
est un lamentable fiasco. Je suis très jeune tombée amoureuse d’un homme bien
plus âgé que moi se déclarant notoirement polygame dans l’âme. Tu parles !
Juste un mec, éternel adolescent obnubilé par tout ce qui porte une jupe et peu
se faire b… . Au bout de 10 ans de relation chaotique, j’ai pris ma liberté à
mon tour et j’ai fait ce que je ne pensais jamais faire un jour. Je l’ai
trompé, plus par ennui que par réel désir. Pendant 10 ans, j’ai absolument tout
supporté. Les messages indécents envoyés ou reçu de ses maitresses, les
relations sexuelles avec filles encore plus jeunes que moi parfois même des
lycéennes et d’innombrables bébés dont certains que leur mères sont venues
abandonné dans mon foyer … J’ai supporté tout ça absolument convaincu qu’il
m’aimait et que je me devais de le soutenir malgré ses « bêtises ». Mais au
bout de dix ans, j’ai enfin tout compris. J’ai compris que ce n’était qu’un
homme, un simple homme égocentrique et immature. Et j’ai compris que je ne
trouverai jamais le bonheur dans ses bras.
Denis me demande finalement ce qui me turlupine. Je
préfère me taire plutôt que de lui dire la vérité. Mais il insiste tellement
que je finis céder et lui confier mes pensées.
— Heureusement que tout ça se
passe ici, loin des nôtres.
— Pourquoi tu dis ça ?
— Connaissant les gabonais pour
qui rien n’arrive jamais de manière « naturelle », l’amour qu’Alexander porte à
Leila semblerait avoir été fabriqué par quelque charlatan puissant…
Denis
éclate de rire puis me serre dans ses bras puissants.
— Je crois plutôt que Alexander
était prédisposé à aimer ainsi. C’est quelqu’un de passionné qui ne fait jamais
les choses à moitié. Il travaille comme une machine, se met en colère comme un
lion et aime comme un roi. Leila a juste
su déclencher en lui ce quelque chose qu’il n’arrive pas à gérer, qui le
dépasse complètement et je suppose que c’est ce qui le rend complètement
dépendant d’elle. J’avoue moi aussi avoir aimé ma femme, mais pas à ce point
tout de même.
— Je me demande si un jour
quelqu’un m’aimera comme Leila est aimé… Je… Quand je les regarde, quand je
vois ce qu’ils ont parfois dû sacrifier l’un pour l’autre, je suis admirative
et même envieuse. J’ai comme l’impression qu’ils ont été faits dans un moule
complètement différent du notre. Quelqu’un m’aurait raconté cette histoire, je
lui aurais ri au visage en lui demandant d’arrêter de lire des romans à l’eau
de rose pour adolescente mais là, ce n’est pas quelqu’un qui me le raconte, je
vis cette histoire avec eux.
Denis desserre légèrement son étreinte et me
regarde droit dans les yeux. Je baisse
mon regard sous le feu du sien. Il me soulève la tête en glissant un index sous
mon menton.
— Qu’essaies-tu de me dire Elle ?
Que
je t’aime et que je voudrais que tu m’aimes aussi. Mais je suppose que des
sentiments amoureux ne sont pas compatibles avec le sex friend dont tu m’as
parlé.
Mais
dans quoi me suis-je lancée ?
— Rien, je divague un peu. Leila et moi nous
sommes beaucoup inquiétées pour Xander.
— Il ne pourra pas continuer sur
ce rythme très longtemps. Il faudra soit qu’il s’en remette et accepte qu’il va
construire une famille avec Neina. Soit il va devoir quitter cette femme et son
enfant pour Leila.
— Je vois très mal le Xander que
je connais abandonner son enfant.
— Moi aussi.
Un
lourd silence s’installe entre nous.
A
ce moment précis, nous n’avons aucune idée de ce qui va se passer pour nos deux
amis.
****Alexander****
Le
seul endroit où je suis bien quand je ne suis pas avec elle c’est lorsque je
suis entouré des dossiers de l’entreprise Khan. Je n’ai plus aucune pression
sur les épaules et c’est un réel plaisir salvateur pour moi de travailler. Je
me libère ainsi, du moins jusqu’à ce que de nouveau Leila vienne occuper mon
esprit.
Aujourd’hui
se terminera le chapitre de la lutte menée contre Oberoi père. D’ailleurs, la
secrétaire m’annonce sa venue. Je me lève et arrange mon costume pour me
préparer mentalement à l’affronter. Le secrétaire le conduit à moi, deux
minutes plus tard.
A
son entrée, je me lève. On se salue et l’atmosphère dans mon bureau est
glaciale.
— Je suis honoré que vous vous soyez déplacé.
— C’est moi qui te remercie de m’accueillir.
Mais nous allons cesser les salamalecs pour décider maintenant du tour que doit
prendre les relations unissant nos deux familles.
— Absolument aucune relation n’unit nos deux
familles. Absolument aucune.
— Tout ce qui arrive, ce n’est
pas la faute de Neina. Devdas, je sais que tu es très en colère et tu en as le
droit mais … (après une petite pause) je suis un homme d’affaires et en
affaires il n’existe aucune pitié. Ton père était un homme faible, incapable de
gérer une entreprise correctement. Mais il était décidé à la conserver malgré
tout car pour lui il était essentiel qu’il puisse un jour te la transmettre et
c’est vrai que j’ai abusé de lui lors du rachat d’actifs. C’était peut-être
illégal mais pas déloyal. L’accord entre nous a remis les choses en place, les
a réparées. Cela fait des générations et des générations que les parents
choisissent pour leur enfant, leur compagnon de vie et il me semble que l’Inde
n’en est pas morte ! J’avais des échos favorables de tes études à Oxford et
aucun fils, je me suis dit que tu conviendrais parfaitement pour diriger un
jour les entreprises Oberoi. Je n’ai pas de fils ! Ma femme est morte en couche
en mettant au monde sur le tard Neina et j’ai surcompensé la perte de sa mère
en lui accordant toujours tout ce qu’elle désirait. Et elle te désire.
— Je ne suis pas un jouet qu’on
achète à une gamine.
— Ce qu’elle a fait était mal,
j’en conviens. Elle a besoin d’un époux qui saura lui faire entendre raison et
je reste fermement convaincu que cet homme providentiel c’est toi. Je ne
pensais pas qu’elle irait jusqu’à, jusqu’à tomber enceinte. J’en ai été
profondément mortifié mais c’est mon unique fille, que voulais tu que je fasse
? Elle va hériter à ma mort d’une fortune estimée en centaines de millions de
dollars mais elle est encore tellement immature. Je t’assure que cet enfant est
le tien. N’en fais pas un bâtard. Prends tes responsabilités envers Neina.
Apprends-lui à t’aimer correctement. Avec le temps, tu sauras peut-être faire
éclore en elle la femme que tu souhaites avoir à tes côtés. Je crois que j’ai
assez testé tes limites et qu’il est temps que je te rende ce qui t’es dû. Il
ne sera pas nécessaire d’aller en Justice pour cela.
Je
regarde cet homme et comprends comment il a fait pour devenir l’un des hommes
les plus puissants de sa génération. Lui et moi savons que s’il avait voulu me
tuer, ce serait fait depuis longtemps. Je n’ai pas de temps à perdre en action
de justice, j’ai d’autres problèmes à résoudre.
Il
a perdu mais il sauve les apparences jusqu’au bout pour donner une chance à sa
fille je suppose. C’est ça être père ? S’humilier à cause des erreurs de sa
fille ? je vais ... être père...
— Je voudrais que votre fille quitte mon
entreprise dès aujourd’hui.
— Je le lui dirai.
Il
sort de son attaché caisse de nouveaux documents qu’il me tend.
— Lis attentivement ce que je te propose et nous
signerons le tout devant trois Notaires de ton choix. En contrepartie tu devras
détruire les documents en ta possession car ils entachent sérieusement la
réputation de ma famille et je voudrais qu’enfin toute querelle cesse entre
nous avec votre génération. Réfléchis bien à tout ce que je t’ai dit. Plus de
querelles et un nouveau départ pour tous. Et si tu as besoin d’autres
engagements de ma part, fais moi signe.
Puis
il se lève, me tend sa main. Puis il s’en va.
Quelques
heures plus tard, Neina vient et débarrasse son bureau sous les yeux ébahis des
autres employés bien heureux qu’elle quitte le navire. Par la même occasion, je
vire toutes les personnes qui lui tournaient autour qui de près ou de loin
l’ont aidé à m’abuser. Je fais le nettoyage.
Vers
18 heures, je range mes affaires après une journée de travail bien remplie et
rentre chez moi me mettre au calme pour penser plus calmement.
En
rentrant, je trouve Neina assise dans mon salon discutant joyeusement avec ma
mère qui riait aux éclats.
— Que fait-elle là ? je demande d’un
ton cassant.
— Elle a peur, c’est sa première
grossesse alors je lui ai demandé de venir à la maison pour que je m’occupe
d’elle.
— kabhi nahii (jamais) !
— Devdas, elle porte ton enfant
et mon petit fils. Laisse la rester je t’en prie. Son père ne peut s’occuper
d’elle pendant de tels moments.
Quoi
? Elle est sérieuse là. Je regarde Neina qui sous mon regard baisse les yeux et
lance un regard désespéré à ma mère.
— Après avoir manigancé avec elle
pour me piéger tu oses la mettre devant mes yeux ?
— Je veux qu’elle reste.
— Tu veux qu’elle reste ? Tu –
veux – qu’elle – reste ?
— Oui. Je t’en prie Devdas, tu
finiras par lui pardonner son geste, il n’est aucune peine que le temps
n’efface pas.
— Et je suppose que tu parles en
connaissance de cause. Il ne t’en a pas fallu beaucoup de temps pour oublier la
peine de mon départ vers Londres.
— Comment peux-tu me parler ainsi
? Je suis ta mère.
— Ta conduite me l’avait fait
oublier.
Elles
me mettent hors de moi à un point tel que j’en oublie mes bonnes résolutions. Il
est temps de clore cette discussion.
— Tu veux qu’elle reste ? Ok. Mais je t’assure
que c’est elle-même qui prendra ses deux pieds et partira d’ici en te
maudissant de l’avoir initiée à de telles supercheries.
Et
je vais m’enfermer dans ma nouvelle chambre. L’ancienne est encore en pleine
rénovation.
****Leela****
Je
suis ta mère.
Je
suis celle qui t’a porté durant neuf mois et qui a souffert le martyre lors de
la délivrance.
Je
suis celle à qui on t’a arraché pendant des dizaines d’années.
Et
je ne pouvais tolérer de te perdre une nouvelle fois après tant et tant de
souffrances.
Ce
que je fais te contrarie, te déçoit et j’en suis pleinement consciente.
Mais
je n’y peux rien si j’ai envie de te garder près de moi.
J’en
ai le droit.
Je
suis ta mère.
Elle
t’aurait tôt ou tard arraché à moi.
Vous
seriez retourné à Libreville et tu m’aurais abandonné ici seule dans cet
immense demeure.
Je
ne peux le tolérer.
Neina
est une petite fille en quête d’attention et d’affection et en fin de compte la
manipuler a été un véritable jeu d’enfant et j’étais très loin de me douter que
mon plan aurait fonctionné aussi bien.
Je
ne regrette pas une seule seconde ce que j’ai fait puisque tu es encore là à
mes côtés.
Tu
es mon fils et je sais que dès que l’enfant sera là, tu pardonneras et tu
resteras ici, là où se trouve ta véritable place.
A
mes côtés.
Quelque
part dans Mumbai à minuit.
****Elle****
Finalement,
je ne sais pas si c’était une si bonne idée que ça de l’accompagner dans cette
boite de nuit cachée en plein quartier chaud réservé à un public de jeunes
adultes essentiellement afro américain. Il y a très peu d’indiens dans la foule
qui se bouscule sur la piste de danse. C’est l’une des connaissances de Leila,
mère d’un élève qui fréquentait le même lycée que Karisma et qui venait voir
comment elle allait, qui m’a indiqué l’endroit. La boite est magnifiquement
décorée en bleu électrique et la foule est décontractée. Le DJ passe du RNB en
continu et j’ai un peu l’impression de me retrouver dans un club du quartier
Louis à Libreville.
Le
problème c’est Leila et les innombrables vers de téquila qu’elle a avalé.
Habituellement, elle aime bien une flute de champagne une fois en passant et là
je comprends bien qu’elle s’est jetée sur cet alcool pour … oublier.
Il
est minuit, la musique me vrille les tympans. J’appelle Denis pour qu’il vienne
nous chercher avant qu’elle commence à se déshabiller sur la piste. Il promet
d’être là dans les trente minutes qui suivent.
****Alexander****
Je
me suis habillé pour prendre un verre avec Denis qui m’a proposé une petite
sortie. J’en ai besoin. J’ai besoin de parler à quelqu’un pour y voir un peu
plus claire.
Au
moment où je descends les marches menant au jardin, une voix m’interpelle.
— Où vas-tu Devdas ? demande Neina
habillée d’un pyjama, les cheveux flottant au vent.
— T’es ma nounou ?
— N…on, bégaie –t-elle.
Je
n’ajoute plus rien, la toise et quitte la maison pour rejoindre Denis.
Les
locaux appellent Mumbai « la ville qui ne dort jamais », à cause des centaines de clubs et boites de
nuits gigantesques qui se trouvent un peu partout dans la ville et qui anime
les nuits jusqu’au couvre-feu à 1h30 pour les clubs de Mumbai. La vie nocturne ici est très active depuis
une vingtaine d’années, mais depuis que Bollywood (le monde du cinéma indien)
est devenu une telle institution, c’est encore plus marqué : le star system,
les starlettes et les VIPs sont un peu partout et les boites de nuit sont
souvent délirantes et accueillent des DJs de réputation internationale. La
clientèle du Blue Frog est un peu différente, il me semble. Situé dans Lower Parel , c’est l’un des plus
gros clubs de la ville, proposant un décor futuriste ultra moderne, de la
musique éléctro, du R’n’B, du rock et de la musique latino.
Denis
dit que les expatriés qu’il a rencontrés ne tarissent pas d’éloges sur le Blue
Frog. On va y faire un petit tour puis rentrer.
****Elle****
Wowowowo
! Mais qu’est-ce que Denis me fait là ? Il a ramené Alexander dans une boite de
nuit bondée d’expatrié noir américains.
Il
a ramené Xander qui n’a pas vu Leila depuis la rencontre avec Neina.
Il
a ramené Xander alors qu’elle est bourrée et danse lascivement avec un inconnu
en plein milieu de la piste.
A suivre