La surprise

Ecrit par Farida IB


Nahia…


De légers coups frappés contre la porte me tirent progressivement de mon sommeil, j’ouvre lentement mes yeux et balaye l’immense pièce d’un regard circulaire. C’est la décoration orientale qui me rappelle où je me trouve, et surtout que je suis dans le même pays que mon chéri. Mon chéri, ça me fait bizarre à chaque fois que je le dis après tout ce qui s’est passé entre nous (rire). Il doit certainement se dire  que je suis en Belgique en ce moment et assurément qu'il surveille son téléphone comme du lait sur le feu. La dernière fois qu’on s’est parlé s’était avant mon décollage. Je tiens à lui faire une surprise et j’ai hâte de voir sa réaction. 


Je reste allonger les yeux fermés en songeant à la meilleure manière de le surprendre efficacement  lorsqu’une dame entre dans la pièce les mains chargées de petits sacs qu’elle pose sur l’un des petits fauteuils. Sans rien dire, elle s’approche de moi arquant ses lèvres en un sourire bienveillant.


Elle : bonjour, je suis Samira. Je suis là pour m’occuper de vous.


Moi (m’étirant) : bonjour, merci madame. 


Samira : je vous en prie, madame Singh voudrait savoir si voulez les rejoindre pour le petit-déjeuner ou si vous préférez qu’on vous monte un plateau. 


Moi : je préfère me joindre à eux.


Samira : bien mademoiselle, je vais aller faire couler votre bain. Vous le voulez bouillant, tiède ou froid ?


Moi : un bain tiède de préférence.


Samira me souriant : d’accord mademoiselle tout de suite.


Elle détale avec ses sacs me laissant béate d’admiration pendant que je me recouche avec l’impression d’être passé son un rouleau compresseur. Ces trois derniers jours, j’étais sur le pied de guerre parce qu’il a fallu faire des courses supplémentaires suite à mon changement de destination. Non seulement ça, Monsieur Singh m'a tenu éveillée presque la moitié de la nuit pour qu'on définisse ensemble  le planning de nos différents déplacements vu qu'il a un emploi du temps très chargé. Au fait, il a apprécié le travail qui a été fait.  Il trouve cependant que les pubs ne correspondent pas à l’image de ses nouveaux hôtels et restaurants. Il m’a donc invité à venir expérimenter des séjours dans ses hôtels et restaurants afin de trouver les superlatifs en adéquation avec sa vision. J'ai cette journée pour me remettre d’aplomb ensuite nous ferons le tour de Dubaï, Hong-Kong, New-Delhi et Beverly Hills en trois jours (toute une tournée inh je vous dis !) et le reste de mon séjour ici même à Abu-Dhabi. J’en ai pour quinze jours pour tout compte ensuite, je pars en Belgique comme convenu.


Lorsque Samira me cède la salle de bain, je mets le moins de temps possible pour en sortir. J’attrape un peignoir et une serviette que j’enroule autour de mes cheveux avant de regagner la chambre. C’est dans cet accoutrement que je me saisis de mon téléphone pour donner de mes nouvelles du côté du Togo et prendre ceux de la Belgique. Par rapport à ces derniers, ils sont bien arrivés à Bruxelles. Ils prennent également un jour de repos surplace avant de continuer sur Louvain en voiture. 


Je prétexte une urgence pour fuir les plaintes d'Amou et pose le téléphone sur le lit avant de me choisir une robe orientale couleur glauque avec son voile et pendant que je mets du gloss devant le miroir de la coiffeuse, des cris hystériques me parviennent depuis le bas. Je descends les escaliers un moment plus tard guidée pas ces hurlements. Il s’agit d’une dame qui en a après son fils. Enfin, je crois.


La dame : Ayman arrête de semer le trouble ! Je ne te supporte plus Ayman, tu es fou ? Ayman stop, stop, stop (criant) j’ai dit stop Ayman !!! Méfie-toi Ayman, je n’en peux plus de tes bêtises. (dans un grognement) Tu me rends folle Ayman !!


Je les trouve au bas des escaliers et les observe quelques minutes amusée, il y a Ayman qui doit avoir à peu près trois ans qui jette toutes sortes d’objets sur une jeune dame qui les réceptionnent en pestant.


Moi intervenant : salam, bonjour. 


Elle se tourne vers moi pendant que le petit continue ses assauts.


La jeune dame : masalam, bonjour. Nous ne t’avons pas réveillé j'espère.


Moi (égrenant un petit sourire) : pas du tout.


La jeune dame (se confiant) : mon fils va me rendre folle, je n’en peux plus de lui. 


Moi: c’est de son âge . Ayman, c’est ça ?


Elle hoche la tête. 


Moi (m’approchant de l’enfant) : salam Ayman, tu veux jouer ?


Il hoche vigoureusement la tête en souriant.


Moi : tu veux faire quoi ?


Ayman : voiture.


Moi : d’accord, on va voir ça. 


La jeune dame : il doit d’abord manger.


Moi : ok (au petit) on mange ensuite, on joue ?


Il hoche la tête et me tend sa main dont je me saisis.


Moi : great, c'est un beau gentil garçon Ayman. 


Il sourit et sa mère tchipe.


La jeune dame (nous dirigeant vers l’entrée) : tu sais t'y prendre avec les enfants toi. 


Moi : il nous fait juste un caprice, mon fils en faisait autant à son âge.


La jeune dame (écarquillant les yeux) : tu as un enfant ?


Moi : oui oui.


La jeune dame : on ne dirait même pas (remuant la tête). Franchement avec celui-ci, je ne pense plus avoir assez d’énergie pour en faire un autre.


Moi amusée : on a toujours pris cette résolution.


Elle rit.


La jeune dame : nous avons zappé les présentations. Je suis Basma, la fille aînée de Monsieur Singh.


Moi lui souriant : je m’appelle Nahia.


Basma : alors Nahia, j’espère que personne n’a mis le grappin sur toi. Je serai très heureuse d’être ta belle mère.


Moi riant : c’est très flatteur de votre part, je serai plus qu’enchantée d’être la femme de ce beau gosse.


On rit et pendant qu’on passe la porte d’entrée, on voit madame Singh et une autre dame attablées  à  la terrasse. Elles sont tellement captivées par leur discussion qu’elles ne remarquent notre présence que lorsqu’on les salue. 


Moi : salam aleik.


Elles : aleik salam.


On se salue brièvement ensuite, madame Singh me pose des questions par rapport à mon confort avant de faire les présentations. 


Madame singh : c’est l’invitée de mon mari, elle est venue du To Go.


Cette histoire est nationale, on dirait, bon bref !


L’autre dame : ah bon ? Sa voix me dit quelque chose.


C’est vrai que son visage me dit aussi quelque chose.


Madame Singh : ma fille rappelle-moi ton prénom s’il te plaît.


Moi : Nahia.


L’autre dame : Nahia ? Tu n’aurais pas travaillé avec mon fils à tout hasard ? 


J’arque le sourcil.


La dame : Khalil, Khalil Ben Zayid.


Mon cœur fait un bond dans ma poitrine, c’est elle sa mère ? Waouhh, c’est une très belle femme sa mère. Une magnifique femme, elle a les yeux bleus comme Khalil. Sauf qu’ils sont plus foncés.


Moi (sortant de mon admiration) : oui oui, nous avons travaillé ensemble il y a peu.


Mère Khalil : il n’a que ton nom dans la bouche, maintenant que je t’ai vu, je comprends pourquoi. 


Moi flattée : mercii !


Mère Khalil : je donne un repas ce soir pour mon mari et ses vizirs, je serai très heureuse de te compter parmi mes invités d’honneur. (ajoutant) C'est ma façon de te remercier d’avoir pris aussi grand soin de mon fils.


Madame Singh (sur le ton de la plaisanterie) : Koulsoum tu ne vas pas me ravir mon invitée.


Mère Khalil riant : bien sûr que non, d’ailleurs, c’est aussi l’invitée de mon fils.


Madame Singh : elle est ici sur invitation spéciale de mon mari, ton fils et toi n’avez qu’à la faire venir de votre propre chef.


Mère Khalil : l’occasion fait le larron, ma chérie (se tournant vers moi) ma fille ça me fera plaisir que tu viennes.


Moi : j’accepte volontiers madame.


Mère Khalil me souriant : tu peux m’appeler Oumi.


Moi (répondant à son sourire) : d’accord oumi.


Mère Khalil (à Madame Singh) : Nawel, ce serait ta faute si je ne la vois pas ce soir.


Jemal (qui débarque au même moment) : bonjourrr mère ! (à moi) Euh Bonjour.


Moi : bonjour,


Pas mal Jemal en vrai ! Il fait une bise à sa mère avant de se tourner vers la mère de Khalil.


Jemal : la femme de ma vie.


Mère Khalil : et celle que tu caches dans ta chambre ?


Jemal (levant les deux mains en l’air) : je n’ai aucune femme à part toi Oumi.


Mère Khalil : oui, c’est ça !


Il prend un croissant qu’il mange accompagné d’un verre de jus de pamplemousse, les mains en appui sur la chaise de sa mère.


Jemal (une fois le verre vide) : bon, j’y vais !!


Madame Singh : c’est tout ce que tu manges ?


Jemal : oui, je suis en retard.


Mère Khalil : pour aller où ? Ton patron n’arrive que cet après-midi.


Jemal : il faut que je règle certains détails avant son arrivée.


Madame Singh : surtout, qu’il a passé son temps derrière les fesses d’une femme au lieu de travailler.


Jemal : rhoo maman, comment tu peux griller mes cartes devant (me fixant) les jolies demoiselles comme ça ?


Sa mère lève les yeux au ciel, ce qui me fait rire doucement. La mère de Khalil laisse pour consigne qu'on m'emmène à leur domicile ce soir avant de se faire accompagner par Jemal. Nous autres mangeons en tripant sur les bêtises d’enfants lorsqu’une demoiselle assez apprêtée nous rejoint à table. 


Elle (se tirant une chaise pour s’asseoir) : c’est qui encore elle ?


Basma : Alisha on ne t’a pas appris à dire bonjour chez toi ?


Madame Singh (en anglais) : il n’y a que Jemal pour nous ramener des conneries pareilles.


Je me pince les lèvres pour ne pas rire.


La dénommée Alisha (du bout des lèvres) : bonjour,


Basma répond pareillement.


Moi : bonjour.


Madame Singh (à moi) : tu as prévu quelque chose pour la journée ?


Moi : en principe rien.


Madame Singh : tu peux sortir faire du tourisme,  Alisha te servira de guide.


Alisha : je ne peux pas, j’ai une sortie de prévu avec mon amie.


Basma : tu iras quand même au club ce soir n’est-ce pas ?


Alisha : oui.


Basma : tu l’amènes donc au club,  


Alisha : je suis obligée ?


Basma : oui.


Alisha : pfff.


Je lève le sourcil dans sa direction, mais ne dis rien.



*** Le même après-midi ***

Khalil…


Je sors de la cabine de douche avec empressement en me passant une serviette à la taille pendant que mon téléphone sonne à tout rompre. Je le prends avec l’espoir que ce soit Nahia. Je soupire bruyamment quand je constate que c'est Jemal, mais je décroche quand même. Elle devait normalement être arrivée, mais je n’ai aucun signe depuis hier. Vous ne pouvez pas imaginer mon inquiétude en ce moment, même si j’essaie de ne pas penser au pire.  


J’écoute Jemal d’une oreille distraite jusqu’à ce qu’il raccroche, il veut que je passe au club. Non, il exige que je vienne. C’est vrai que depuis que je suis rentré, je sors très peu. C’est eux qui viennent tout le temps me voir. Il faut dire que je n’ai pas la tête à m’amuser en ce moment, je me suis mis dans un bourbier duquel je ne sais pas comment m’en sortir. (soupire)


Je me tiens debout, près de la fenêtre en ruminant tout ça dans ma tête tout en suivant les mouvements dans l’habitacle. A un moment donné le brouhaha dans la cour attire vaguement mon attention. Je constate la présence de l’armée de mon père en plus de la garde royale. Il est sûrement de retour, mais la présence de l’armée n’augure rien de bon. Je les observe quelques minutes pendant lesquelles je vois Yumna filer à l'anglaise. Qu’est-ce qu’elle trame encore celle-là ? Je ne m’en préoccupe pas plus et m’habille rapidement pour me retrouver devant le bureau de mon père intrigué de savoir ce qui se passe.


 Moi entrant : que se passe-t-il ?


Une trentaine de paires d’yeux se tourne vers moi, il y a tous les conseillers de mon père ce qui décuple mon inquiétude. Le cheikh  qui avait le nez dans ses documents, relève la tête et me regarde les sourcils froncés pendant que les autres me fixent d’un air curieux en murmurant.


Papa : nous sommes en réunion Khalil.


Moi : je veux savoir ce qui se passe ? Pourquoi vous avez fait venir l’armée au palais ?


Son conseiller suprême qui répond : il y a une crise alimentaire qui sévit dans les éco-villages à cause de la sécheresse.


Moi : je vois, en quoi puis-je vous être utile ?


Papa fronce les sourcils et me regarde l’air sidéré, les conseillers passent leur regard de lui à moi en attendant une réponse. Il y a un blanc ensuite, il fait déplacer l’un des conseillers pour me faire de la place à ses côtés. Je les écoute patiemment débattre entre eux en réfléchissant à ce que je peux faire pour les aider. Ils font d’abord l’inventaire du nombre de la population atteinte avant de passer à la suggestion des solutions. Il s’agira notamment de leur faire parvenir des vivres dans le plus bref délai d’autant plus que les enfants et les femmes sont ceux qui les préoccupent le plus. Selon leur estimation, ils en auront pour trois jours avant que les commandes n’arrivent. 


Moi intervenant en coupant un conseiller : on peut les avoir ce soir même, j'ai des contacts qui peuvent nous aider.


Un conseiller (l’air sceptique) : Son Altesse, nous parlons en termes de milliers de tonnes de vivres.


Moi : il y a sûrement un stock disponible qu’on peut leur distribuer en attendant.


Un autre conseiller : nous avons épuisé tous les stocks rien que dans les trois premiers villages. 


Moi : ce n’est pas grave, je vais passer les commandes ensuite nous débuterons par les villages les plus proches avec ce que nous aurons à notre disposition.


Papa me fixant : tu es certain de pouvoir nous obtenir une quantité minimale ce soir même ? 


Moi : je vais voir ce que je peux faire.


Papa : il ne s’agit pas de voir, c’est une opération urgente.


Moi : je suis votre homme.


Papa : bien (se tournant vers l’assemblée) j’ai fait venir l’armée pour la distribution, mais je crois que nous aurons besoin de mobiliser des volontaires.


Moi : on n’en aura pas besoin, la garde royale pourrait bien faire l’affaire.


Papa : j’avais oublié ce détail (à son conseiller suprême) fait passer le message.  


Moi : euh je peux vous suggérer une dernière chose ?


Papa hochant la tête : vas-y.


Moi : je propose que certains y aille en hélicoptère pour optimiser le coût du temps ultime. 


Un autre conseiller : je trouve que c’est une bonne idée.


Papa : cela dit, tout le monde sait ce qui lui reste à faire.


Il attend que le dernier conseiller referme la porte se tourner vers moi.


Papa : j’espère que ce n’est pas pour me faire fléchir par rapport à ta bourde que tu fais tout ça Khalil, l’affaire est d’un sérieux extrême.


Moi : ce n’est nullement mon intention, je veux sauver notre population (il hausse les sourcils pendant que j’ajoute.) par ailleurs, je me porte volontiers pour te seconder durant toute l’opération. Mais toujours est-il que je n'épouserai pas la fille du Sultan.


Papa fronçant les sourcils : parce que tu penses peut-être avoir le choix ? Il fallait réfléchir par deux fois avant de lui prendre son innocence.


Moi répétant mes paroles d’autres fois : elle était consentante.


 Papa (levant une main agacée) : assez ! (se levant) On en reparlera lorsque tout ça sera tassé.


Moi (le suivant) : je ne reviendrai pas là-dessus.


Papa ton menaçant : c’est ce qu’on verra.


Je sors et prends la direction de ma chambre pendant qu’il regagne leurs appartements. Dans mon bureau, je passe ma frustration sur les objets décoratifs posé sur la table avant d’éplucher mon carnet d’adresses. Je passe l’heure qui suit entre coups de fil et mails, je ne ressors qu’une fois mon objectif atteint pour rejoindre mes potes au club. J’ai besoin de décompresser, j’en ai vraiment besoin. 


Vingt minutes plus tard, je gare devant le club et sort du véhicule en même temps que Salim et sa femme. Sa femme arrive à ma hauteur toute souriante.


Moi répondant à son sourire : ma femme.


Salma : mâcha Allah Khalil, c’est toujours un plaisir de te voir.


Salim qui nous rejoint : fait gaffe de t’attribuer ma femme.


Moi : c’est moi son préféré (me tournant vers elle) n’est-ce pas chérie ?


Elle rit en avisant l’air faussement indignée de Salim.


Salim (pendant qu’on se fait des accolades) : tu es sorti de ta tanière aujourd’hui.


Moi : oui, je suis venu voir les petites.


Salma secouant la tête : Khalil Khalil, change un peu.


Moi : attention, je suis l’homme d’une seule femme maintenant.


Salma : et je dois te croire c'est ça !!?


Moi : pose la question à ton mari.


Ce qu’elle fait.


Salim (levant les mains en l’air) : il a dit, je n’ai pas vu. Je suis saint thomas.


Nous : lol.


Salma nous laisse après avoir salué Jemal qui a pris le soin de commander les préférences de tout le monde. On passe une bonne soirée entre les anecdotes et les épopées de Jemal. Je les écoute distrait par mes pensées.


Salim (me ramenant sur terre) : Khalil tu as une préoccupation particulière ? Je te sens dans les nuages depuis ton retour.


Jemal : laisse man, il a des problèmes plus que Bagdad et Damas réunis.


Moi : ce qui t’a permis de te trouver une nana.


Jemal : rectification, la nana m’a trouvé !


Salim (nous fixant tour à tour) : les gars, vous m’expliquez ?



[flashback]


Je descends de l’avion et marche sur le tarmac avec sourire en souvenir de tout ce que la mère de Bradley a manigancé dans l’avion pour recaler les hôtesses qui nous lançaient à son fils et moi des regards aguicheurs durant tout le voyage. Vous ne me croirez pas si je vous dis qu’elle a négocié une place spécialement pour qu’on se retrouve ensemble et qu’elle a même dû soudoyer un steward (mdr). J’ai pu constater que c’est un boute-en-train de femme qui n’a pas sa langue dans sa poche et en même temps une douce et gentille femme. J’ai également sympathisé avec son fils que je trouve sans souci et franchement j’ai apprécié voyager en leur compagnie. 


Après les formalités, je fonce hors du terminal où m’attendent mes parents. Ce qui me prend surprend sur le coup mais me ravit à l’idée que mon père fasse ce genre d’efforts entre nous. Maman m’accueille avec un sourire large auquel je réponds, sourire qui se fige aussitôt que je remarque l’air dur dans le regard de papa. Je m’approche de ma mère dans le but de la prendre dans mes bras lorsqu’il me stoppe d’un geste de la main.


Papa : le moment n’est pas propice aux câlins, on n’a pas de temps à perdre.


Moi perplexe : le temps à perdre pour quoi ? 


Papa : tu le sauras bientôt, suis-nous.


Moi : on va où ?


Il me lance un regard perçant qui me fait froncer les sourcils. J’arque un sourcil interrogateur vers maman qui me regarde avec compassion, ce qui m’intrigue encore plus. Je prends toutefois sur moi de ne plus poser de questions. On prend la route à bord de sa limousine suivi de prêt des véhicules des gardes. Le trajet se passe en silence jusqu’à ce que je ne voie le panneau indiquant la limite de la ville.


Moi : mais qu’est-ce qui se passe ? Où allons-nous ? 


Ma mère me lance un drôle de regard et mon père regarde droit devant lui sans mot dire. Je me résous à me taire lorsque je vois que c’est peine perdue. Après une trentaine minutes de trajet de plus, les véhicules s’arrêtent et un hélico nous embarque pour nous faire atterrir trois quarts d’heure plus tard sur la pelouse d’une maison. Je descends et les suis totalement perdu. On fonce à l’entrée de la demeure où nous sommes reçus par un officier qui nous conduit vers le salon où ils me font asseoir entre eux. Tout ça ne fait que décupler mon angoisse pourtant, je me compose une expression sereine en attendant d’avoir le fin mot de l'histoire. On attend environ quinze minutes avant de voir un monsieur débarquer en compagnie d’une jeune fille. Enfin il la pousse plus qu’autre chose et lorsqu’ils arrivent devant nous, il lui intime l’ordre d’ôter son Niquab. J’ouvre les yeux en voyant le visage de la personne qui se cache derrière le Niqab.


Moi m’exclamant : Jedah ?


Le monsieur (fixant Jedah sévèrement) : assied-toi.


On se retrouve assis face à face, et c’est pendant les salutations d’usages que j’apprends à mes dépens qu’il s’agit du père de Jedah et qu’il est le sultan d’Oman. 


Papa : Ibn comme promis, je suis revenu avec mon fils pour qu’il réponde de ses actes et que nous trouvons une solution consensuelle par la même occasion. Nous sommes tous les deux conscients de la gêne occasionnée par cette situation et les conséquences que ça entraîne pour tout le monde. Il en va de l’honneur et de la réputation de nos deux familles parcé qu'il est clair que ces enfants ont traîné nos noms dans la boue. Une chose est sûre, mon fils assumera sa part de responsabilité et je suis là pour veiller à cela.


Père Jedah : j'acquiesce dans ton sens. En revanche, je tiens ton fils pour unique responsable de cet  affront. Ma fille ici présente n’aurait jamais pu défier mon autorité parce que je l’ai éduqué dans la voix de l’islam d’autant plus qu’elle se savait promise au prince de Dubaï depuis son enfance. (indigné) Il appert que ce soit ton fils qui ait séduit ma fille pour la mettre dans son lit et c'est un acte que je ne peux pas tolérer.  Il a non seulement souillé ma fille, mais il a également jeté le déshonneur sur ma famille étant donné qu’il vient de me discréditer auprès de notre homologue qui a pris un engagement sincère depuis la naissance de ma fille. Je l'aurai sévèrement sanctionner mais je te connais depuis des années et nous avons toujours entretenus des relations cordiales et axées sur la paix dans nos villes. Tout ce que j’attends de lui c’est qu’il lave l'honneur de ma fille.


Moi excédé : mais de quoi parlez-vous au juste ? (fixant Jedah) Qu’est-ce que ça signifie tout ça ?


Papa (me lançant un regard assassin) : c’est le moins qu’il puisse faire et je suis d’accord pour qu’on définisse sur le champ une date pour les marier.


Moi (à son père) : monsieur avec tout le respect que je vous dois, je n’épouserai pas votre fille.


Père Jedah piqué au vif : oh que si jeune homme, tu vas sauf que l’épouser. Tu… 


Moi le coupant : je le répète, je ne l’épouserai pas.


Papa et maman parlent en même temps.


Maman : Khalil ?


Papa : tu la fermes Khalil !!


Moi n’en démordant pas : papa, je reconnais avoir fait une bêtise, mais ce n’est pas comme si je lui avais mis un couteau sous la gorge. (faisant abstraction du regard implorant qu’elle me lance) Elle était consentante, encore que je ne savais pas qu’elle était engagé avec quelqu'un.


Son père me lancer un regard hostile.


Papa tranchant : nous reviendrons dans trois mois pour payer la dot de votre fille, je suis encore une fois désolé pour tout le désagrément causé par cette histoire.


Père Jedah : c’est bon à attendre, mais je tiens à te prévenir que si dans trois mois ton fils refuse de se plier aux ordres, je te destitue de tes fonctions.


Papa : j'espère que nous n’en arriverons pas là. 


Père Jedah : je l'espère aussi ! Je la laisse sous votre responsabilité, je ne veux pas de souillure dans ma maison.


Je serre mon point de rage, le type se lève et s’en va sans plus ni moins. Mes parents se lèvent à sa suite et dès qu’ils vident les lieux, je me tourne vers Jedah furieux.


Moi : ça te plaît de te faire passer pour la victime et de mettre ma famille et moi dans une situation aussi délicate ?


Jedah (dans un sanglot étouffé) : je suis désolée de la tournure que prennent les choses, je voulais simplement obtenir ma liberté.


Moi : tu l’as ta liberté mais ne compte par sur moi pour un quelconque mariage.



[retour à la réalité]


Salim s’exclamant : cheh, c’est ce qu’on appelle se mettre dans le bourbier.


Jemal : vraiment !


Salim : si tu veux mon avis les darons ont totalement raison, cette fille a dorénavant une faible chance de se trouver un mari.


Moi : et c’est ma faute peut-être ? On était tous les deux conscients de ce qu’on faisait. Elle voulait sa liberté, elle l'a ! Elle vit maintenant au palais, elle peut se trouver quelqu’un.


Salim : peut-être mais n'oublies pas que ton père est sur la sellette à cause de cette histoire.


Moi : il s'en sortira !


Salim : Khalil ?


Moi : les gars, je préfère qu’on ferme cette parenthèse.


Je touille rageusement dans mon verre pendant que Jemal se lance dans son récit par rapport à Alisha l’amie de Jedah. Elle s’est servie de ma carte de visite pour recontacter Jemal qui utilisait entre temps mon numéro professionnel pendant mon séjour à Lomé et c’est par elle que son amie m’a retrouvé, enfin a retrouvé mon père. Depuis, je me fais chier parce que je ne sais pas comment sortir de ce guêpier. Je reporte mon attention sur Jemal qui  s’extasie cette fois sur l'invitée de son père. 


Moi : Jemal tu abuses, tu ne penses pas qu'il est temps de chercher à te caser ?


Jemal : tu ne me tiendrais pas le même discours si tu voyais la paire de jambe qu’elle se paie.


Je roule des yeux.


Jemal (fixant un point derrière lui) : En parlant du loup.


Voix de Nahia : monsieur Ben Zayid, comme on se retrouve !


 



Le tournant décisif