Cette chance

Ecrit par Farida IB

Chap 58 : cette chance.


Yumna…..


Moi avec humeur : I SAID NO NO NO !!!


Pourtant, il vient d’atterrir à Abu-Dhabi !


Depuis notre dernière discussion, il y a deux jours, le type a simplement disparu de la circulation et c’est pour venir m’appeler avec l’indicatif du pays. Simplement comme ça, comme bonjour. Je suis dans tous mes états, non mais Elias finira par me rendre folle. Ça fait près d'une heure que je tourne en rond dans ma chambre à la recherche d’une solution immédiate, mais jusque là rien ne me vient à l’esprit. Franchement, cette histoire me dépasse plus que tout.


Cartia, avec qui je glandais à la bibliothèque avant de recevoir le coup de fil, me jette de temps en temps des coups d’œil.


Cartia : tu ne comptes pas aller le chercher ?


Moi : pour le mettre où ?


Cartia : et que penses-tu faire ? Depuis que tu tournes là, tu as trouvé quelle solution ? 


Moi : je cherche encore figure toi.


Cartia : mais ce n’est pas en tournant en rond que tu vas trouver. Attends je viens.


Elle s’en va et revient avec un verre d’eau qu’elle me tend. Je le prends et le vide aussitôt, mais ça ne me fait aucun effet. Je bouillonne toujours de l'intérieur. Je finis par mettre une main en travers de ma tête et soupire bruyamment.


Cartia : assied-toi s'il te plaît, tu m'empêche de réfléchir.


Moi (m’exécutant) : il n’aurait pas dû venir, je l’ai bien mis en garde.


Cartia : cependant il est déjà là, tu vas devoir t’accommoder à la situation parce que tu ne peux pas le mettre dans un avion retour.


Je la regarde simplement sans rien dire, si seulement je pouvais faire ça.


Cartia : il faut d’abord que tu ailles le chercher. Il est où ?


Moi : à l’aéroport.


Cartia : ah ? (se levant brusquement) Allons-y.


Moi : mais où est-ce qu’il va rester ?


Cartia : on trouvera, il est livré à lui-même dans une ville qui lui est totalement étrangère.


Moi : il en prendra de la graine.


Cartia (sur un ton de reproche) : Yumna !!


Moi : pfff !!


Je me lève du lit et me dirige vers le dressing dans l'intention de me chercher de quoi me couvrir la tête. Je sors un foulard que j'entreprends de nouer en turban.


Cartia me sondant : tu vas y aller habiller comme tu l'es ?


Moi : elle a quoi ma tenue ?


Cartia : elle est bien pour la maison, pas pour aller voir son chéri.


Moi : ce n'est pas mon chéri.


Cartia avec un rire de gorge : si seulement tu pouvais voir tes joues à l'instant.


Elle s'envole dans un éclat de rire. Quand elle finit par se calmer, elle écarte les cintres et sort une longue robe moulante qu'elle me tend.


Moi secouant la tête : je ne vais pas mettre ça.


Cartia : si !


Moi : ok avec un cardigan.


Cartia : rhoo ça c'est pour casser le style.


Moi : je préfère.


Cartia : pfff !!


Elle me choisit une chaussure à tout hasard avant de parler à nouveau.


Cartia : quand même, il faut voir le bon côté des choses.


Moi (me tournant à demi) : quel bon côté toi, tu vois là là ?


Cartia : je trouve ça romantique qu’un homme quitte un pays lointain pour venir me voir. (sourire rêveur) Rien que pour moi.


Moi roulant des yeux : Cartia la vie n’est pas un conte de fées. On se connaît à peine et déjà, il fait recours aux grands moyens. Ça me fait peur moi.


Cartia : rhoo arrête de voir le mal partout. Moi, je vois en lui un mec qui sait ce qu’il veut et qui prend tous les risques pour pouvoir l’obtenir. Cela prouve qu’il t’aime sincèrement. (badine) C’est si romantique !!


Moi : lol il n’y a rien de romantique à se faire pianer par le Cheikh, c’est un suicide pur et simple.


Cartia : c’est toi qui vas le présenter au Cheikh ?


Moi : tu oublies qu’il a ses yeux partout.


Cartia (d’un geste évasif de la main) : on va gérer t’inquiètes, je vais t’aider.


Moi (pas d’accord du tout) : hmm.


Mais bon, c’est comme elle dit, il est déjà là et ça je ne peux que faire avec. On sort de l’appartement à pas de course pour monter dans l’ascenseur qui nous fait descendre au rez-de-chaussée. Pendant qu’on parcourt les couloirs menant vers le hall d'entrée, Ussama sort de la salle de muscu et nous suit en essayant de suivre notre rythme.


Ussama : les filles, vous allez où ? Je peux venir avec vous ?


Moi : non ! Une petite sortie entre filles.


Ussama : je peux vous servir de chauffeur.


Moi m’arrêtant de marcher : ce n’est pas le moment Sama.


Il y a Jedah (c’est comme ça que Khadija veut qu’on l’appelle) qui arrive au même moment à notre niveau et lance un salam auquel on répond. 


Moi (saisissant la balle au vol) : tiens, tu peux tenir compagnie à Jedah. Je suis certaine qu’elle s’ennuie. (la fixant dans les yeux) N’est-ce pas ?


Jedah hésitante : euhh.


Ussama (la fixant) : viens, je vais te faire visiter la maison.


Cartia (me pressant le bras) : on vous laisse les jeunes.


Nous : lol.


Nous nous en allons sans plus attendre. Arrivées au parking, c’est Cartia qui prend les clés. Je suis trop stressée pour conduire, enfin il y a la panique mêlée à l’impatience de le voir parce que oui je suis finalement contente qu’il soit là. Même si je trouve que tout ça va trop vite.



Elias….


J’attends depuis une heure que Yumna vienne me chercher. Il s’en faut de peu pour que j’attrape un torticolis tellement je draine mon cou à chaque fois que quelqu’un fait son entrée dans le hall de l’aéroport. Si vous me demandez comment je me retrouve là, je ne saurai quoi vous répondre. Je l’ai juste décidé sur un coup de tête. Cette fille… Elle me donne des ailes, c’est ça le mot. Quand je pense à elle, je sens une poussée d’adrénaline et des frissons parcourir mon corps. Au début, je ne comprenais pas pourquoi je ressentais une telle attirance pour elle, mais là, je sais et c’est pourquoi je fonce la tête haute. Je ne suis pas le genre patient encore moins défaitiste. Je n’ai jamais espéré de miracle dans ma vie donc tout ce que je veux, je me donne les moyens pour l’obtenir. 


Yumna, je l’ai kiffé dès l’instant où je l’ai porté dans mes bras. Elle n’était pas la seule fille que je secourais des mains de ces violeurs. C’est juste qu’elle, je suis tombé sous le charme de son accent Arabe et de sa façon très posée de parler. En quittant chez elle le jour de la fright evening, je m'étais promis de revenir le lendemain pour faire plus d'amples connaissance avec elle. Sauf qu'à peine j’avais franchi le seuil de ma porte que je me suis fait coffrer pour faute de n’avoir pas respecté mon couvre-feu. A l’époque, j’étais sorti de taule pour bonne conduite pour y être entré pour trafic de drogue. C’est un pote avocat qui m’a sorti de là et avec les arrangements qu’il a faits je suis très loin de retourner en taule. 

J’ai un lourd passé, ça je ne l’ai jamais caché, mais ce n’est pas pour autant que j’en suis fier. J’ai eu à faire des jobs peu conventionnels, entre autre le trafic de stupéfiants.  Lorsqu’on se retrouve à 27 ans à devoir nourrir une famille de cinq gosses parce qu’on a un père déserteur, toutes les options sont prenables du moment où il y a une entrée d’argent. Néanmoins, ça fait longtemps que tout ça fait parti de mon passé. Je me suis « rangé ». Actuellement j’ai trouvé de petits jobs qui ne fournissent pas trop mais qui arrivent quand même à me faire tenir mes frères et moi. 


 Je sors mon téléphone une fois de plus, quoique je n’aie aucune couverture réseau pour le moment. Lorsque je le déverrouille, je remarque qu’il a capté un réseau wifi donc j’appelle ma mère directe. C’est la seule personne que j’ai informée pour mon voyage, j'ai par ailleurs ses encouragements. Une chose que vous devez savoir sur moi c’est que j’ai une relation très étanche avec les femmes de ma vie, j’ai cité ma mère, mes sœurs qui sont nos benjamines et bientôt Yumna (rien est sûr pour le moment lol). Ce sont les prunelles de mes yeux, tu t’en prends à elles, c’est clair que tu me verras sur ton chemin et ce n’est pas pour discuter. 

Je parle une vingtaine de minutes avec elle et tripe même un peu avec mes frères.


Quand je finis de passer mon coup de fil, je me lève dans l’optique de me dégourdir un peu les articulations quand je remarque une plantureuse à l’entrée qui lance un regard circulaire dans la salle avant de figer son regard sur ma personne. Elle avance ensuite à pas hésitants et attend d’être à un mètre  pour parler.


La fille (chuchotant presque) : Elias, c’est ça ?


Moi : oui


La fille me souriant : moi c’est Cartia, Yumna m’envoie te chercher. 


Moi : d’accord, enchanté.


Cartia : on fera les présentations plus tard, suit moi discrètement. C’est la voiture couleur noire garée juste devant l’aéroport, tu ne vas pas la louper.


Je hoche la tête pendant qu’elle me tourne le dos. Au moment où j’activais la poigne de ma valise, elle était déjà bien loin. Je sors à mon tour et remarque une Maybach noire garée devant l’aéroport, c’est d’ailleurs le seul véhicule donc je me rapproche à pas déterminée. Quand j’arrive, Yumna baisse la vitre du côté droit du siège passager arrière et me fait signe d’aller ranger ma valise dans le coffre arrière.


Ce que je fais en contournant le véhicule avant de revenir prendre place une minute plus tard à ses côtés. Elle n’attend pas que je m’installe définitivement pour me tomber dessus. Cette nana et son impétuosité !!!


Yumna agressive : non mais qu’est-ce qui t’a pris de…


Cartia l’interrompant : Yumna, il vient d’arriver. Attends au moins qu’il soit logé quelque part pour régler tes comptes avec lui.


Moi (regardant dans le rétro) : merci ma belle (me tournant vers Yumna) je m’attendais à un accueil plus chaleureux. (elle fait la moue) J’ai cru vraiment que c’était bien envoyé à la suite d’un vol de plus de treize heures.


Yumna : pour me prouver quoi ? Hein Martins ?


Moi posément : parce que je veux donner une chance à notre histoire, peut-être qu’elle se finirait par un happy ending comme dans les films d’amour.


Cartia euphorique : wow j’adore ce mec.


Yumna entre les dents : toi, tu démarres et tu te tais !


Cartia : à vos ordres cheffe !!


Je l’aime bien cette fille, je me rends compte que j’ai pensé tout haut lorsque je vois Yumna me fustiger du regard.


Moi : c’est vrai qu’elle m’a bien accueilli elle.


Yumna : parce que tu penses que j’allais t’applaudir après ce que tu as fait ?


Moi : Yumna…


Elle me stoppe d’un geste de la main.


Yumna : tu me laisses finir.


Moi hochant la tête : ok baby.


Elle soupire de frustration pendant que je m’adosse au siège.


Yumna : tu n’aurais jamais dû te donner cette peine, tu nous fais courir de gros risques. 


Moi : tu n’es pas heureuse de me voir ?


Yumna : là n'est pas la question.


Moi : lol, j’ai ma réponse déjà. 


Yumna : sérieusement tu as fait fort sur ce coup, tu te rends compte de tout ce que ça implique ? Tu vas dormir où ?


Moi : il y a bien des hôtels dans la ville non ?


Cartia : à dix milles dollars la nuit.


Moi stupéfait : wow !


Cartia : il y a peut-être une solution (fixant Yumna à travers le rétro) je peux lui céder mon studio. Il y a une chambre de libre.


Yumna (écarquillant les yeux) : tu vas faire ça ?


Cartia hochant la tête : ça vous arrange, c'est en plus isolé de  la ville donc vous ne courrez aucun risque de vous faire prendre. En plus, mes parents ne sont pas là en ce moment. 


Yumna (faisant mine de réfléchir) : toi tu vas rester où pendant ce temps ?


Cartia : au palais, enfin à la résidence de tes parents.


Moi à Yumna : s’il en est ainsi, je peux venir chez toi, ça ne me dérange pas de rester cacher dans ta chambre.


Yumna farouche : n'y pense même pas !!


Moi arquant le sourcil : mais pourquoi ? Je trouve cette alternative plus adéquate.


Yumna : non, je ne veux même pas qu’on nous voie ensemble.


Je plisse les yeux, mais ne réponds pas.


Yumna : tu vas rester chez Cartia, mais je viendrai te voir tous les jours. Dans tout ça, tu as prévu faire combien de jours même ?


Moi : trois semaines.


Cartia : trois semaines ? Ce n’est pas bon, mes parents rentrent dans deux semaines.


Yumna soupire frustrée : voilà un autre problème !


Moi : je prendrai une chambre dans un hôtel, enfin, je reste là le temps qu’on trouve un hôtel pas cher.


Cartia : je suis d’accord. Bon disons que l’affaire logement est réglé. Le seul hic, c’est que tu vas devoir te faire ta propre cuisine. (précisant) Tous les jours. 


Moi lui souriant : je suis un cordon bleu.


Yumna : tchhiipp !!


Moi : queencess, c’est bon quoi ! Tu ne vas pas me faire la tronche durant tout mon séjour quand même.


Yumna le ton boudeur : figure toi que c’est ce que je compte faire.


Moi : allez babe un petit sourire.


Elle me regarde simplement.


Moi : bof ça viendra.


On roule en silence pendant près de trente minutes avant que Cartia ne gare devant une maison à deux niveaux. Elle gare à la devanture et nous fait entrer à l’intérieur après avoir discuté quelques minutes avec l’agent de sécurité qui me regarde d’un air curieux. Je les suis avec ma valise à la traîne pendant qu’on traverse un jardin avec pelouse. Elle nous fait contourner une maison avec terrasse intégrée pour nous faire ensuite entrer dans un studio sur une bâtisse en étage. 


Cartia : ce n'est pas très spacieux, mais il y a un lit, une armoire, une salle de bain intégrée. La cuisine est juste à côté du salon.


Moi (regard circulaire autour de moi) : ça ira très bien pour moi.


Yumna (me lançant un regard en biais) : on va devoir faire les courses.


Cartia : plus tard peut-être, avec ce que j’ai, il pourra s’en sortir au moins pendant une semaine.


Moi : merci infiniment, t’es aimable.


Cartia : mais de rien !! Bon, je vous laisse un peu d’intimité. Yumna, je suis de l’autre côté si besoin est.


Elle hoche la tête en croisant les bras sous sa poitrine, je dépose ma valise en soupirant. Je prends ensuite le temps de la détailler. Elle porte une magnifique robe qu'elle cache sous un gros pull mais qui moule quand même au niveau ses formes avec juste un turban sur la tête. C’est la première fois que je la vois sans voile, elle est vraiment belle inh. 


Moi : tu vas faire ça longtemps ? 


Yumna : tu n’aurais pas dû venir.


Moi (me rapprochant doucement) : je suis déjà là baby, on ne peut que composer avec (à sa hauteur) je suis venu pour qu’on puisse finir notre discussion de la dernière fois.


Yumna : ça pouvait attendre que je sois rentré à New-York.


Moi : désolé, mais moi je ne fonctionne pas comme ça, je ne vais pas risquer qu’on te donne en mariage à un chic type d’ici. Moi, je viens du ghetto, les vrais forceurs, c’est nous.


Je lui arrache un sourire.


Moi : maintenant que tu es détendue, on peut revenir à nos mots et tons ?


Elle hoche la tête.


Moi : on se laisse une chance ?


Elle baisse le regard, j’incline ma tête de manière à ce que nos regards se croisent. 


Moi : hmm ?


Elle acquiesce la tête, je n’attends pas avant de l’enlacer par les épaules et de l’embrasser. Elle fait de la résistance en quelques tierces secondes avant de répondre furtivement à mon baiser. En tout cas mon charme opère encore (rire).



Nahia….


Moi décrochant mon téléphone : Ben Zayid il ne fait pas encore jour de l’autre côté de la planète.


Khalil : ça fait une heure que j’essaie de te joindre.


Moi bâillant : je dormais, je n’ai pas entendu le téléphone sonner.


Khalil dubitatif : hmm.


Moi : lol, c’est toi qui appelles trop tôt, il vient de sonner 4 h ici. 


Khalil : mais moi, je suis réveillé et je veux entendre ta voix.


Moi (baillant encore une fois) : toi vraiment !


Je range les coussins sur le divan au salon avant de m’allonger de tout mon long dessus. Je suis sortie de la chambre pour ne pas déranger Nabil qui dort encore. L’affaire du décalage horaire, c’est vraiment quelque chose et votre cousin qui n’en tient même pas compte avant d'appeler. Depuis qu’il est parti, il fait en sorte qu’on ne ressente pas la distance et ça marche plutôt bien. On se raconte nos vies en temps et en heure. Je me suis concoctée un petite routine de mon côté, c’est boulot/école des enfants/ maison. En plus de Nabil, j'avais embarqué mes neveux avec moi. Je voulais décharger un peu Amou, mais ça m'a aussi aidé à ne pas trop ressentir le vide que Khalil a laissé. En ce qui le concerne, on sent qu'il est vraiment heureux de retrouver sa famille. Ça se sent de part l’enthousiasme avec lequel il me raconte ses journées. Par contre, je décèle une pointe de contrariété dans sa voix à chaque fois qu’on s’appelle. Je lui ai maintes fois posé la question sans obtenir gain de cause. Il soutient que tout va bien, propos que je m'efforce de croire.


Moi : c’est quoi le programme de la journée ?


Khalil : je n’ai rien de prévu. Comme d'habitude, je vais diriger les prières et glander avec mes frères.


Moi : ton père n'est toujours pas rentré ? 


Khalil : il vient dans trois jours, je rentre juste après ça.


Moi : je serai à Louvain.


Khalil : je sais, j'ai prévu vous rejoindre là-bas pour qu'on rentre ensemble à Lomé. J'aimerais voir  ta rivale.


Moi : elle te manque ?


Khalil : énormément.


Moi le provoquant : plus que moi ?


Khalil : bien plus.


Moi : je vais alors raccrocher pour que tu puisses l’appeler.


Khalil bourru : je t’interdis de raccrocher.


Moi riant : je suis une coépouse bienveillante.


Khalil : lol.


Moi brusque : tu ne veux toujours pas me dire ce qui te préoccupe ? 


Khalil : je t’ai répété mille fois qu’il n’y a rien.


Moi : pourtant, je te sens toujours tendu.


Khalil : c’est parce que tu me manques.


Moi : tu me manques aussi, mais ce n’est pas pour autant que je suis contrariée.


Khalil : Aynia tout va bien rassure-toi (changeant de sujet) tout est prêt pour ton voyage, c’est lundi n’est-ce pas ?


Moi : anh anh ne change pas de sujet.


Khalil riant : je demande seulement.


Moi : lol, pas encore. On ira faire les dernières courses ce soir.


Khalil : ok


Moi : dis, tu as pu parler à monsieur Singh ? 


Khalil : non, mais je sais par son fils qu’il a réceptionné mon courrier.


Moi soupirant : ok.


 Khalil : ne te fais pas du mauvais sang, on a fait du bon boulot. Enfin, tu as fait du bon boulot.


Moi : c’est à lui d'en juger, toi, tu dis ça pour m’encourager.


Khalil : et ça a marché ?


Moi : j'avoue que oui.


Il rit.


Khalil : princesse ce n'est pas tout, mais je vais devoir te laisser. Il est l’heure du petit déj. Je ne veux pas que ma mère vienne me chercher. 


Moi : ok, on s’écrit plus tard. Bisou !


Khalil : bisou ma chérie.


Il raccroche et je reste un moment à fixer le plafond. C’est normalement l’heure de la prière, mais mes amies les Anglaises sont là. Je vais donc réveiller Nabil pour le faire et me rends à la cuisine pour préparer le petit-déjeuner. Là je sors deux tranches de jambon, des épinards frais et des pommes de terre précuites du frigo que je dois d’ailleurs penser à vider. Ensuite, je me sers d’un escabeau pour prendre deux œufs, du sel, de l’huile d’olive et du poivre sur l’étagère. J’allume le four micro-onde pour chauffer les pommes de terre pendant que je découpe les jambons. Je m’active au fourneau et quarante-cinq minutes plus tard nous sommes tous les deux posés devant des tasses de thé, une omelette à la pomme de terre,  un verre de jus d’orange pour moi  et un pot de yaourt pour Nabil.


Nabil : maman, je peux jouer sur la PS4 de tonton Lil ? 


Moi : non, par contre, tu vas m’aider à nettoyer son appartement.


Nabil boudant : rhoo maman.


Moi : ensuite, tu peux jouer.


Son visage s’illumine, c’est qui la plus maligne ? Moi bien sûr ! Il vient de me rappeler en fait que je devais y passer un coup de balai. Ça fait une semaine que je n’ai pas mis les pieds là-bas.  Il me donne un coup de main lorsqu’on finit de manger ensuite, on se rend directement dans son appart. Dès que j’ouvre la porte, je suis parcourue d’un frisson étrange. Je me fige d'un coup médusée.


Nabil : maman ??


Moi me reprenant : on y va, on commence par la cuisine.


Nabil (regard appuyé) : tu es sûr que ça va ?


Moi : ça va loulou, on a du boulot à faire.


Nabil : ook.


Il suffisait de passer la poussière donc on se munit de chiffons et chacun part d’un côté de l’appartement. Pendant que je nettoie les meubles au salon, Nabil débarque avec un tableau dans les mains.


Nabil : maman regarde, c’est toi.


Je lui prends le tableau pour voir un gros portrait de moi, j'ouvre les yeux et la bouche dépassée.


Moi : tu ... Tu as trouvé ça où ?


Nabi : dans l’autre chambre, il y en a deux comme ça. Viens voir.


Je le suis complètement sonnée, c’est la sonnerie dans mon appart qui me stoppe dans mon élan. Je pose le tableau après avoir jeté un autre coup d’œil dessus. Je sors de là suivit de près de Nabil.


Manaar : encore dans cet appartement.


Moi agacée : Manaar, commences pas !


Nabil : bonjour tonton Manaar.


Manaar : bonjour mon grand (ils se tapent dans les mains en l’air) Tu es devenu un bonhomme toi.


Nabil sourit.


Moi : loulou, tu peux te mettre au jeu.


Nabil content : whoupiiee


Moi : tu mets le casque.


Il hoche la tête et fait volte-face pendant que nous rentrons dans l’appart tous les deux.


Manaar : c'est maintenant ta routine de faire le ménage chez ton collègue ?


Moi levant les yeux au ciel : il n’est même pas là.


Manaar curieux : il est parti ?


Moi simplement : oui (lui désignant le canapé) assois-toi, je t’apporte quelque chose à boire ?


Manaar : non merci, ça ira.


Moi (croisant la main sous ma poitrine) : ok, tu es venu pour parler. Je t’écoute.


Manaar arquant le sourcil : pourquoi tu es si froide avec moi ?


Moi : Haroun tu es là pour qu’on discute, je ne vois pas l’intérêt de tourner autour du pot.


 Il se passe une main sur la tête.


Manaar : tu peux au moins t’asseoir ?


Je prends place sur le canapé deux places en face.


Moi commençant : j’ai réfléchi et…


Nabil de l’autre côté : maman téléphone !!


Moi : dis lui que je le rappelle plus tard.


Nabil : c’est écrit monsieur Singh.


Moi me levant brusquement : je viens, ne décroche pas.


Depuis le temps que j’attends ce coup de fil !


Je passe près d’une dizaine de minutes avec monsieur Singh et reviens trouver Manaar plus que déter. Au moment où je reprends ma place, c’est au tour de son téléphone de sonner. Il laisse sonner tout hésitant, ce qui me met la puce à l’oreille.


Moi : tu ne décroches pas ?


Il regarde le téléphone et me regarde avant de décrocher.


Manaar : je te rappelle (…) je te rappelle, j’ai dit !! (...) Pris...


Il se tait et lève un drôle de regard sur moi.


Moi sans transition : vous êtes de nouveaux ensembles ?


Manaar titubant : ce n’est pas ce que tu crois.


Moi : et qu’est-ce que je dois croire ? Donc depuis des semaines tu me sors les grands discours sur ton dévouement dans notre "relation" alors que tu as renoué avec elle ?


Manaar : je n’ai pas renoué avec elle, on a juste repris contact et c’est toi qui m’y as poussé. (je lève le sourcil.) Je voulais faire les choses bien, mais aussitôt qu’on a repris que tu as commencé à prendre tes distances et comme si tu t’y attendais tu as profité du break pour t’éclater carrément. Tu… 


Moi (le coupant d’un geste de la main) : et donc tu as décidé de retenter ta chance là-bas également. 


Manaar : ce n’est pas ça, enfin…


Moi avec humeur : et c’est quoi ? Tu m’as donné du temps pour réfléchir, c’est pour aller voir ailleurs alors qu’on est toujours ensemble ? (ne me faites pas les gros yeux, je profite seulement). Non mais à un moment, tu dois savoir ce que tu veux Manaar, tu ne peux passer toute ta vie à te ballotter entre deux femmes sans but précis. Non ce n'est pas ça être un homme. Un homme, un vrai, quand il est face à la bonne personne, il n'hésite plus, peu importe les péripéties, il fonce. Toi, tu vas juste où ça t’arrange, cela suppose que tu ne sais même pas celle qu’il te faut entre nous deux.


Manaar : c’est toi que je veux.


Moi : non tu me veux là à l’instant et demain à la moindre faille, tu iras te retrouver entre les jambes de Prisca. (secouant la tête) Moi, je ne marche plus dans ce genre de combine. J’ai besoin d’être avec quelqu’un qui m’assume et assume son engagement envers moi et tu n’es certainement pas ce quelqu’un. Je préfère qu'on en reste là.


Manaar l’air perplexe : tu veux rompre avec moi ?


Moi sans ciller : oui ! Et de toute façon, c’était la décision que j’avais prise. Ça ne sert à rien de continuer à faire semblant parce que ça marchera plus jamais entre nous. Avant même cette pause, je m’en doutais déjà, là j'en suis plus que sûre. (le fixant droit dans les yeux) J’en suis désolée, mais tu ne me mérites plus. 


Manaar (la voix tendue) : quand est-ce que tu t’en es rendu compte ? (répondant lui même) Quand tu me forçais à rompre avec Prisca pour revenir avec toi ou pendant que tu me faisais miroiter un avenir à deux ? (furieux) En fait, c’est ta manière de me faire payer ce que je t’ai fait par le passé, c’est ça ?


Moi plissant les yeux : tu parles de quoi ?


Manaar criant : est-ce pour te venger de moi que tu l’as fait ?


Moi : Manaar, baisse d’un ton. Il y a mon fils à côté.


Il se lève et tape un point dans le mur.


Manaar : on m’avait dit de me méfier, merde !! Mais comment ai-je pu être aussi naïf pour croire que tu me ferais une place dans ta vie après tout ce que je t’ai fait ?


Je me lève furibond et vais lui ouvrir grandement la porte.


Moi : il vaut mieux que tu sortes d’ici avant que je ne finisse par te détester.


Manaar (arrivant à ma hauteur) : Nahia tu t’es jouée de moi.


Il passe à peine la porte que je la referme et rejoins Nabil qui enlève ses écouteurs lorsqu’il me voit entrer. Je ne veux même pas étendre là-dessus. Quand je pense que j’ai aimé cet homme un jour, pfff !!


Nabil : tonton Lil me manque.


Moi soupirant : à moi aussi chéri, tu ne peux pas savoir à quel point. 


…….


Liam, Amou et moi, nous retrouvons devant le terminal des départs internationaux avec tonton Hamed et les enfants après nos enregistrements. Nous profitons des   minutes restantes avant décollage pour donner quelques recommandations aux enfants (les plus grands). On embarque que les triplets avec nous, les autres resteront chez leurs grands-parents durant tout le temps que ça nous prendra. On attend encore quinze minutes avant qu’on annonce de passer en salle d’embarquement. 


Tonton Hamed : ça y est mes filles, prenez soin de vous. (à Liam) Tu nous reviens en forme.


Liam : je tâcherai.


Moi (pendant que j’étreins Nabil) : toi, tu restes sage d'accord ?


Nabil : comme toujours.


Moi : lol.


Après de longs câlins, nous prenons chacun un bébé avant de prendre les escaliers.


…….


Inconnu (drôle d'accent) : soyez la bienvenue au Moyen-Orient madame Adja, je suis l’assistant de monsieur Singh. Je suis chargé de vous conduire à son domicile. Pardon je ne me suis pas présenté, on m’appelle Eknath.


Moi : enchantée Eknath.


Eknath : vous avez fait un bon vol, j'espère.


Moi répondant à son sourire : très bon vol monsieur.


Eknath : pas monsieur, Eknath.


Moi amusée : d’accord, j’ai pris bonne note. 


Eknath : encore une fois bienvenue à Abu-Dhabi.


Moi lui souriant : c'est gentil !


Le tournant décisif