Le pacte

Ecrit par Nadia.K

Bénédicte était perdue. Elle avait elle-même laissé le lion entrer dans la bergerie et ne savait pas comment l’en sortir.

Perdue dans ses pensées, elle ne se rendit pas compte immédiatement qu’on frappait à la porte de sa chambre. Quand ce fut le cas, elle ouvrit et un employé l’informa que son mari souhaitait la rencontrer dans le bureau de son père.

Mon Dieu mais quel toupet ! Il ne manquait vraiment pas d’air ! Le corps de son père devait se retourner dans sa tombe. Ce malotru s’investissait déjà en maitre des lieux ! Comment son père avait il pu être aussi naïf en lui léguant à lui ses biens ? C’était elle sa famille, son héritière et non cette vermine ! Ses pensées se firent vindicatives, les unes plus que les autres dirigées vers Paul, mais sa conscience lui rappelait elle combien elle avait milité auprès de son père pour qu’il traite Paul comme le fils qu’Il n’a jamais eu. Elle ne s’était jamais intéressée aux affaires de son père, avait refuser de travailler à son retour de France et n’avait rien fait toute sa vie que dépenser le fruit du labeur des autres. Elle ne savait pas comment gérer un empire, son père l’avait compris…

Bénédicte se décida à aller écouter Paul. Elle était déjà au fond du gouffre. Il ne pouvait rien lui arriver de pire. Lorsqu’elle entra dans le bureau de son père, ce bureau qui avait vu tant de dispute et de moment de joie avec son père, elle eut envie de pleurer. Paul se tenait assis dans le fauteil qui n’était pas le sien, il avait les pieds posés sur la belle table en iroko et en verre que son père affectionnait tant, il fumait un cigare, une coupe de champagne à la main le regard victorieux.

Il avait l’air de célébrer… C’était cela il célébrait la mort de cet homme qu’elle n’avait pas assez aimé, écouté, respecté et honoré. Il souillait la mémoire de son père dans cet endroit qu’il avait tant aimé.

Elle ne put alors s’empêcher de se promettre qu’elle ferait payer toute sa souffrance à Paul. Tout ce qu’il lui avait fait comme mal à lui et à sa fille, quelle reconnaissait n’avoir pas assez protégée.

Elle avait fait entrer un monstre dans sa famille c’était à elle de le mettre hors d’état de nuire. Comment ? Elle ne le savait pas encore.

« Assieds-toi Bénédicte ! Assieds-toi ma poule aux œufs d’or ! Je te sers une coupe de champagne ?»

Bénédicte regarda Paul avec un tel mépris. Si le regard pouvait tuer, il serait déjà mort. Elle avait aimé cet homme au-delà de toute raison, mon Dieu comme elle avait mal. Ses yeux piquaient à la vue de Paul, elle ressentait dans sa bouche une amertume certaine. Elle le méprisait tellement…

« Tu peux rester debout si ça te chante », poursuivit Paul. « Aujourd’hui est un jour de joie, un jour de fête. C’est la consécration de ma vie, mon retour sur investissement pour t’avoir supporté toutes ces années… »

Il se lança dans un monologue, d’une vingtaine de minute. Il lui raconta comme il aimait Aya et la détestait elle. Il lui raconta les efforts inhumains qu’ils faisaient parfois pour arriver à la supporter. Il lui raconta comment il avait laissé son père mourir sans lever le petit doigt lorsque celui-ci avait senti son cœur le lâcher alors que les deux hommes se disputaient. Ah si ! Il s’était bougé pour l’étouffer avec un coussin et accélérer sa mort. Il rit au nez de Béné de son triomphe et se félicita du pouvoir et de la fortune qu’il avait désormais. Il conclue enfin en disant que désormais elle, Bénédicte, lui appartenait et qu’elle avait intérêt à marcher au pas où alors il n’hésiterait pas à se débarrasser d’elle en la tuant ou en l’envoyant croupir chez les fous.

Après ses paroles si cruelles, Paul l’a purement et simplement mise à la porte de « son » bureau.

De retour dans sa chambre, couchée sur son lit, le cœur de Bénédicte battait à mille à l’heure. Elle n’avait pipé mot depuis son entrevue avec son mari, elle était stoïque, pas de larmes et pas de cris comme on aurait pu penser. Elle était en pleine introspection et ce qu’elle percevait l’horripilait.

Mais bien qu’elle se refusât à l’accepter, bien qu’elle aurait souhaité aujourd’hui le voir plus bas que terre, son cœur ce traitre continuait de l’aimer.

Malgré ce qu’elle avait vu avec Aya, malgré les paroles blessantes de cet homme qu’elle n’avait en réalité jamais connu comme elle le pensait, il y avait de l’amour en elle pour Paul et pire une pointe de jalousie vis-à-vis de sa fille.

Elle voulait détester Paul, le haïr de toutes ses forces pour tout ce qu’il avait fait mais la réalité était que ce n’était pas le cas : elle l’aimait à l’usure et à tort elle en était consciente. Le voile aurait dû être levé sur son cœur mais il l’aimait toujours et c’était la triste réalité.

Son mépris s’accrut automatiquement pour elle-même puis pour cet homme qui faisait d’elle cette personne irraisonnée qu’elle n’était pas.

Elle prit alors une décision drastique qui allait changer le cours de leurs vies à tous.

 

 

« -Grand Maitre vous m’avez convoqué ? » questionna Paul anxieux devant cet homme dont l’aura était oppressante tellement elle était puissante.

« En intégrant cette famille, tu es devenu mon fils. Les autres membres de cette famille sont tes frères et en aucun cas tu ne peux leur porter atteinte ».

L’homme planta son regard froid et glacial dans celui de Paul attendant que ce dernier acquiesce avant de poursuivre : « comme tu le sais, à chaque nouvelle arrivée dans la famille, j’exauce le vœu le plus cher du nouveau membre ».

Paul déglutit, il sentait venir une mauvaise nouvelle.

« Bénédicte appartient désormais à cette famille. Son vœu que j’ai accepté d’exaucer est que plus jamais tu ne puisses toucher à ta fille Ayabba comme on touche à une femme. Tu te conformeras donc aux règles de la famille et tu sais mieux que quiconque ce qui arrivera si tu y déroges… ».

Il n’entendait plus rien de ce que l’homme disait. Paul brulait de colère, il avait envie de hurler mais il ne le pouvait pas. Il devait taire sa frustration et faire mine d’écouter religieusement les ordres de cet homme à qui il avait prêté allégeance il y a quelques années. Cet homme avait tout pouvoir sur lui et dans cette situation il n’avait d’autres choix que d’obéir.

Non seulement, Bénédicte venait de lui ôter l’amour et la douceur d’Aya mais il ne pourrait pas la faire payer et mieux, il allait être dans l’obligation de s’occuper convenablement de ses besoins en lui mettant à disposition une maison et les fonds nécessaires au maintien de son rythme de vie. Il ne pouvait pas divorcer car son mariage profitait à « la famille » selon son père spirituel. Il ne pourrait plus jamais entretenir de rapports sexuels avec Bénédicte celle-ci étant désormais sa sœur de foi.

Paul était pris à son propre piège. Sa passion malsaine pour sa fille a dû s’arrêter brusquement après cette discussion.

Il s’appliqua à transformer cet amour incestueux pour Aya, en haine pour la mère et pour la fille. Il détestait l’une de lui avoir arracher celle qu’il considérait comme l’amour de sa vie et l’autre d’exister alors que plus jamais elle ne lui appartiendrait.

Echec et Mat pour Bénédicte. D’où elle était, elle jubilait de voir souffrir Paul. Sa joie provenait d’abord de sa jalousie envers sa propre fille : Si elle n’avait pas Paul elle ne voulait pas qu’il soit à Aya et ensuite cette situation était un juste châtiment pour cet homme qui n’a pas su lui rendre son amour.

Le conte de fées qu’elle avait rêver avec Paul avait pris ainsi un triste virage, cela au prix d’un pacte ignoble et de bassesses qu’elle avait consenti. 

Au delà des apparenc...