Le poids de la conscience

Ecrit par imalado

Debout près de la table de cuisine, Christopher tenait une tasse de café et regardait le paysage à travers la fenêtre. Elisabeth passa sans dire mot. Elle n’avait aucune envie de lui parler. Ni ce matin-ci, ni jamais. Et même si c’était il y’a longtemps, il y’a des cicatrices qui demeurent rappels. Elle ressentait de la colère envers lui. Il avait gâché sa vie une fois, voilà qu’il revient encore à la charge.

  • La fatigue ne te va pas du tout. Je te sers du café ?

  • Non merci. Je vais le faire.

Nul doute qu’elle ne voulait entamer la conversation, et il l’avait compris. Mais après tout ce temps, il ne voulait pas saisir le silence, comme réponse. Ils n’avaient pas eu l’occasion de parler depuis son arrivée.

         Il s’approcha d’elle, retira une mèche de son front et y déposa un baiser. Elisabeth se retira froidement, et attira une chaise vers elle.

  • Ne t’approche plus jamais de moi comme cela…

Après un long silence, il sourit puis revint vers elle.

  • Sept ans ? J’ai cru que je ne te reverrais plus jamais Elise. Et aujourd’hui, tu es là mais tu m’es presque inconnue. Et tu es fiancée à mon frère ? Laisse-moi comprendre…

  • Je ne te dois rien, ni explication, ni rien Christopher. Sept ans et alors ? J’ai prié, prié pour que jamais tu n’entres de nouveau dans ma vie.

  • Elise…

  • J’aurais tout donné pour ça. Mais tu es là. Alors s’il te plait, laisse-moi digérer cette pilule à ma façon.

  • Je veux savoir pourquoi tu as disparu ? Fuit ?

Elle déposa sa tasse sur la table, et se mis à rire, laissant Christopher perplexe… 

  • Fuir ? Oui, c’est vrai. Sept ans et pas une seconde tu n’as pensé à me chercher ? Trop occupé avec Angélique, je suppose ?

Il se retient de répondre. La regardant intensément dans les yeux. Que pouvait-il redire à cela ? Comment a-t-il pu ne pas faire le lien ? Comment lui faire de reproche ? Il se retira de la pièce sans mot et rejoignit le séjour…

         Sur un fauteuil en face de la cheminée, il regardait les bouts de bois se casser et s’enflammer. Ils l’emportaient au loin. Le mal était déjà fait. Et même s’il regrettait l’homme qu’il était, aujourd’hui, il est trop tard pour réparer les fautes. Il était jeune et il aimait les femmes. Mais il avait blessé la seule qu’il ait surement aimée. Il lui avait lâchement brisé le cœur, et s’en voulait, et c’est certainement loin d’en valoir la peine. Aujourd’hui, elle est sur le point d’épouser un autre, son frère…

         Il y’a une semaine, quand Brian l’a appelé, il était loin de se douter qu’il s’agissait d’Elisabeth, celle dont il ne cessait de lui parler. Il disait qu’il avait trouvé la femme parfaite, celle qu’il voudrait épouser. Il voulait lui faire sa demande en mariage, mais avant, il voulait que Christopher la rencontre.

         A son arrivée, à l’aéroport. Elisabeth lui faisait dos, elle était au téléphone. Ses cheveux lisses flottaient au vent, et apportaient cette odeur de lavande et de noix de coco. Elle portait un tailleur de jupe en tissus bleu ciel, et une chemise manche courte, blanche, légèrement transparente. Une telle énergie se dégageait d’elle, lui faisait l’effet d’une décharge électrique. Qui est-ce ?

         Brian le salua chaleureusement avant de demander au chauffeur de se charger des bagages de son frère. Et se retournant vers la mystérieuse femme…

  • Chérie ? Elisabeth ? Christopher est là.

Christopher se ressaisit. Comme sorti d’un rêve. Avait-il dit Elisabeth ? Ce prénom seul avait son effet. Ça ne peut être elle… Impossible. Impossible…

         Comme si le temps s’était arrêté, ils restèrent l’un face à l’autre, se dévisageant. Essayant de comprendre la scène ou de résoudre l’énigme de la situation. C’était Elise. Elisabeth Lans. Une décharge électrique, voilà tout.

  • Christopher ? Ravie de vous rencontrer. Elisabeth Lans.

Il resta un moment, sans voix. Un moment avant de pouvoir répondre à celle qui se présentait à lui comme une parfaite étrangère, et qui pourtant avait habité son cœur.

  • Christopher Crawford. Enchanté Mademoiselle Lans.

  • Lise ? Voilà Chris. Tu l’as surement reconnu. C’est un incorrigible habitué des médias.

  • Chéri ? Je vous laisse. J’ai promis à Marie de l’accompagner faire des courses. Vous ne m’en voudriez pas j’espère ?

  • Non, vas-y. Je vais installer Chris.

Comme un rêve, elle s’en alla. Son parfum se dissipa lentement. Christopher resta, encore sous le choc, à la regarder partir au volant de sa berline noire.

         Cette rencontre, il ne s’y attendait pas du tout. Brian disait toujours Lise. Comment cela est-il possible ? Tout ce temps, se demandant où elle était passée, alors qu’elle résidait toujours à Londres. D’ordinaire bavard, il resta silencieux tout le trajet jusqu’à l’appartement. Ce que Brian trouva particulièrement étrange.

  • Elle ne t’a pas fait bonne impression ? Lise est parfois assez timide.

Il rassure Brian comme quoi « Lise » a été vraiment aimable, se gardant toute dois de lui dire qu’il la connaissait. Brian le déposa et s’excusa de ne pas pouvoir rester, une urgente à l’hôpital, il y passera sûrement la nuit.

  • Lise se faisait une joie de cuisiner pour qu’on dine ensemble tous les trois. Vous pourrez le faire. Elle déteste les imprévus.

  • Elle va pourtant épouser un médecin ?

  • Alors c’est que je suis énormément chanceux.

Il n’aurait pas pu dire mieux. Il avait sûrement trouvé la femme idéale.

         Ce soir-là, Elisabeth reporta sans surprise le dîner. Que pouvaient-ils se dire après tout ? Devrait-il seulement se réjouir du bonheur de son frère ? Bien sûr c’est le seul qu’il ait. Il s’installa alors, seul, sur le balcon de son appart, une bière à la main. Il était tard, mais son esprit se refusait au sommeil. Revoir Elisabeth avait fait ressortir tellement de choses. Elle lui sembla changée. Elle ne portait plus ses magnifiques boucles blondes. Ses cheveux étaient à présent lisses et teints en noir. Mais plus que ça, elle lui sembla forte. Il voudrait tant la revoir. Lui parler. Tellement de questions. Il se remémora son parfum, une odeur délicieusement fruitée, de son sourire, de ses éclats de rire, de sa joie de vivre, spontanée et si contagieuse. Il ne se lassait jamais de l’écouter parler de ses magnifiques découvertes de tableaux, de peintures. Et ses yeux reflétaient son âme si généreuse. Elle avait du cœur et avait de l’amour à donner. Elle avait presque réussi à le changer. Mais c’est son départ, qui le marqua et le changea vraiment…

         A cette époque, après le réveillon, il avait officialisé sa relation avec Angélique sans chercher à revoir Elisabeth. Il était fier et sûr de lui. Mais deux mois après, il rompait avec elle, retrouvant son statut de célibataire. Elisabeth avait quitté Londres, mais ça il l’ignorait. Il se consacra donc à l’entreprise, et avait laissé toute cette histoire derrière lui.

Assis devant cette cheminée, il mesurait à présent la portée de ses actes. Mais il est bien trop tard…

Une autre carte du d...