Le prix à payer
Ecrit par Farida IB
Yumna…
Khalil (m’arrêtant au passage) : petite
viens par ici !
Moi : billahi azim je n’ai rien fait.
Khalil plissant les yeux : est-ce que j'ai
dit que tu as fait quelque chose ?
Moi : ta phrase sonne plus comme une
convocation qu’un simple appel.
Khalil : c’est la même chose ! Dans l’un ou
l’autre cas je t’invite à venir.
Moi : voilà qui est rassurant.
Il fronce les sourcils et me regarde
sévèrement.
Moi la petite voix : tu voulais me parler ?
Khalil : oui, c’est quoi cette histoire
qu’on te dote à plusieurs centaines de milliers de dirhams ?
Moi : comment tu sais ça ?
Je pose la question parce qu’au lieu de
demain, le type a débarqué ce matin aux aurores et à peine sa valise posée
qu’il devait réagir à une situation de crise. J’ai entendu dire qu’il y a un
trafic odieux d’enfants que des malotrus kidnappent au Bangladesh et en Inde
pour servir dans des réserves pétrolières de l’Émirat. Ce qui a entraîné une
grave crise diplomatique ou quelque chose comme ça. Enfin bref !
Khalil répondant : les bruits de couloir !
Moi : je vois, papa exige pour mon mahr
qu’Elias lui rembourse le solde tout compte de ses dépenses tout au long de ma
vie.
Il me regarde longuement le sourcil arqué
avant de répondre.
Khalil : ah ok.
Moi (sur le cul) : c’est tout ?
Khalil (haussant le sourcil) : tu
t’attendais à un discours ?
Moi : pas du tout, mais… Je (hésitante) enfin je me disais, bon tu peux
essayer…
Khalil (levant la main pour m’interrompre)
: ça c’est entre ton père et toi en plus je suis d’accord avec lui.
Moi moue boudeuse : en quoi ?
Khalil : il faut que ton bad boy nous
montre de quoi il est capable, combien il est prêt à débourser pour t’avoir.
Moi : ce n’est pas comme si j’étais à
vendre non plus ! De plus, Elias m’a prouvé à suffisance qu’il est et reste
prêt pour moi.
Khalil : commence à lui prêter des
qualités, c’est toi et toi seule qui en feras les frais.
Moi : lol il faut appeler un chat un chat !
(il me regarde genre) Bah oui ! Elias est dans ma vie depuis maintenant six ans
et demi. Au cours de ces années et durant les deux ans de relation à distance,
on a réussi à établir une belle relation de confiance. Mais plus que ça, c’est
le genre d’homme d’influence dont parle souvent ta femme dans son magazine.
(argumentant) Par de-là la distance, par de-là les coups bas de la vie, les
différends comme dans tous les couples d’ailleurs, il a toujours été mon roc,
ma bouée de sauvetage. Il m’a appris à relativiser et à sourire à la vie. Il me
booste à être une femme forte et indépendante. Il est prêt à l’impossible pour
moi et tu le sais mieux que quiconque.
Khalil : never, je ne sais rien du tout !
Moi : rhooo ça c’est de la mauvaise foi big
bro.
Il me regarde avec un sourire en coin.
Khalil : tu parles comme ça parce que tu es
mordue…
Moi souriant : en effet.
Khalil : donc tu manques d’objectivité.
Moi outrée : même pas !
Khalil : si si ! Et même si c’est le cas,
tu dois toujours exiger mieux. Je n’ai effectivement rien à redire sur lui pour
l’heure, mais on veut voir s’il a de la poigne et du répondant. Il doit nous
prouver qu’il est un homme de ton niveau, qu’il pourra répondre à tous tes besoins
!
Moi : déjà, le mariage n’est pas une prise
en charge. D'autant plus que je travaille enfin je travaillerai mon argent.
Il me regarde longuement le sourcil arqué
avant de soupirer de résignation.
Khalil : donc où on est là, tu es prête
pour le foyer ?
Moi (hochant la tête avec conviction) :
plus que prête.
Khalil : en tout cas personne ne te chasse
d’ici. Si ça ne marche pas, tu peux toujours revenir à la maison.
Je le regarde genre « tu es sérieux là ? »
il hoche la tête et j’éclate de rire.
Moi hilare : ça va marcher inch’Allah.
Khalil : c’est mon souhait !
Il fait mine de partir et se ravise.
Khalil : à propos de travail, tu peux gérer
les unités de rééducation des hôpitaux humanitaires ? Bon en attendant que tu
partes en foyer.
Moi amusée : bien sûr ! Je peux faire même
plus que ça.
Khalil : ok tu vois ça avec Jemal.
Moi : d’accord, merci votre Éminence.
Khalil : lol.
Il se retourne pour partir cette fois,
c’est moi qui l’arrête.
Moi : Khalil ?
Khalil : na’am !
Moi : arrête de lire les choses de ta femme
!
Il
rit.
Moi : mais sérieux, tu es un grand frère en
or. On devrait te le dire plus souvent.
Khalil : merci soeurette ça me touche
beaucoup. Par contre ça ne change rien au pactole que ton type doit nous
envoyer.
Moi : rhooo Khalil ?
Khalil : c’est mon prénom ! En tout cas
j’attends de voir combien il peut miser sur toi.
Moi sourire ravie : voilà que tu deviens
raisonnable.
Il sourit et me laisse continuer ma
progression vers mon appartement. Je vais me mettre sur une chaise géante au
balcon pour digérer le déjeuner que je viens d’engloutir (miam) depuis hier, je
fais dans le Promador (Promener Manger Dormir) avec Noora que Nabil a
pratiquement arraché de mes mains ce matin dès son arrivée. De laisser la
petite sœur à son grand frère ! Ce sont ses propres mots et je pèse les miens
quand je dis que je suis plus que prête à faire ma vie avec Elias. En principe
je l’étais déjà il y a deux ans, mais là je le suis à 1000 %. Et pour peu que
maintenant mon père y consent. Si je m’attendais à ça ! Jusque là je n’en
reviens pas du tout. Mais en même temps ça me laisse perplexe. Ne riez pas de
moi wallah, je trouve ça trop facile venant de lui. Bon en dehors de la somme
exorbitante qu’il demande à Elias et quelque chose me dit que c’est juste pour
faire genre.
Brrr, brrr, brrr !
C’est mon téléphone qui vibre de façon
insistante sur la table du salon. Je vais le chercher et le consulte pour
tomber sur un message d’Eddie.
Eddie : yoo l’exilée !
Je m’assois sur la housse de l’accoudoir du
fauteuil pour répondre.
Moi : lol fuck you Elli.
Eddie : ça c’est un autre motif d’exil.
C’est à Sydney qu’on t’a appris à injurier tes grands frères ?
Moi : grand frère
my ass.
J’envoie l’SMS et à peine ai-je le temps de
reposer mes doigts que le portable se remet à vibrer, cette fois c’est un appel
d’Elias. Je fronce les sourcils parce qu’il n’y a pas si longtemps que je lui
ai souhaité bonne nuit en plus il est 4 h du matin là-bas. Eddie, je suppose
qu’il est de garde. Je décroche néanmoins avec une grande joie en même temps
que la réponse d’Eddie arrive.
Eddie: respecte tes aînés petite.
Je décide de répondre après l’appel
d’Elias. Avec ce dernier, la conversation se fait un moment à sens unique. Je
m’empresse de lui parler de l’opportunité que m’offre Khalil, il me félicite et
j’enchaine de lui raconter ma matinée.
En fait, j’ai fait le tour de la propriété très tôt ce matin avec Ussama
histoire de redécouvrir le palais puis avec les filles nous avons fait un chill
un peu plus tard. Le fait est qu'elles se sont retrouvées dans ma chambre pile
au moment où j’ai entrepris de faire un vide-dressing. Cartia s’est prêtée au
jeu ainsi qu’à celui du rapportage pendant que nous aidions Nahia à manger ses
dattes et à boire du jus de betterave, bananes et pommes ses drogues du moment.
Elias (baillant) : je conclus que tu t’es
bien amusée.
Moi : yes c’était vraiment cool ! Ça me
fait du bien d’être à la maison. Il ne manque plus toi pour que mon bonheur
soit au complet. (soupir triste) Si seulement tu pouvais être là, j’ai grave
envie de te voir.
Elias : tu penses pouvoir attendre une
semaine de plus pour ça ?
Moi : comment ça ?
Elias : je pensais à l’ultimatum de ton
père et je me dis qu'on devrait peut être
accélérer nos fiançailles. En fait, je ne veux pas rater l’ultime chance
d’être avec toi.
Moi perdue : quelles fiançailles ?
Elias : celles pour lesquelles je dois
rembourser plusieurs centaines de milliers de dollars à ton père.
Moi : dois-je comprendre par là que tu as
de quoi payer ?
Elias : oui…
J’ouvre grandement les yeux et la bouche
comme s’il était devant moi.
Elias ajoutant : bon, j’ai les 2 milliards
557 millions et poussière de dollars de ma caisse noire. J’ai décidé de les
utiliser finalement, du moins je n’ai pas une autre alternative.
Moi criant : l’argent de la drogue ??
Elias : euhhh…
Moi (avec un rire de gorge) : t’inquiète je
te faisais marcher. Donc tu es prêt à claquer 2 milliards de dollars pour moi ?
Elias : pourquoi pas ? Si c’est le seul
moyen pour nous d’être ensemble, je le ferai sans une once d’hésitation.
Moi émue : ah ouais ?
Il y a une notification de message que je
regarde les yeux embués de larmes.
« Eddie : hooeeee tu es là ? »
Elias : mais bien sûr ! Si tu le désires et
en espérant que ça ne te dérange pas que j’utilise l’argent du cartel.
Moi : et comment que je le désire plus que
tout ! Ton passé ne me regarde pas. En revanche, tu n’auras pas à payer tout
ça. Fais ce qui te semble juste.
Elias : ton père…
Moi le coupant : mon père on va gérer.
Elias (ton sceptique) : ok ! (bâillant) Le plus
important pour le moment c’est qu’il accepte de nous recevoir. En parle avec
lui le temps que je m’organise avec ma famille. Enfin avec mon père.
Il faut dire que leur relation s’est beaucoup améliorée, métamorphosée pour être
plus précise.
Moi : sans faute.
Je l’entends bâiller à nouveau.
Moi : je te laisse rattraper ton sommeil,
tu veux que je fasse sonner ton téléphone plus tard pour te réveiller ?
Elias : oui bébé, merci bébé.
Moi : mais de rien, bye bisou !
Elias : bisou bye,
love you.
Moi : me too.
Je raccroche pour répondre au dernier
message d’Eddie.
Moi : désolée, je recevais un appel
d’Elias.
Eddie : je vois ! Au fait, il nous trouve
la tune quand ? Le compte à rebours est lancé hein.
Moi : mdr vous qui ? En tout cas il l’a
déjà trouvé.
Il finit de lire et plutôt que de répondre,
il m’appelle.
Eddie d’emblée : tu veux rire de moi ?
Moi : mais pas du tout !
Eddie : quoi il a dévalisé la banque inter
américaine ou quelque chose comme ça ?
Moi rigolant : non krkrkr, il a cette somme.
Enfin ses économies suffisent largement pour convaincre mon père.
Eddie : je vois ça. Tu sais, c’est juste
une manière voilée pour ton père de vous donner son approbation. Il n’a pas
besoin de se tuer pour l’impressionner, ça serait déjà bien qu’il fasse un
geste.
Moi : c’est cela en effet.
Eddie : voilà ! (changeant de sujet) Sinon
racontes, qu’est-ce que tu fais de beau ?
Moi : c’est le pied ! Je passe du temps
avec ma famille. Tiens Khalil m’a trouvé du travail, il me propose d’intervenir
dans les hôpitaux humanitaires.
Eddie : génial félicitations, apparemment
ton retour d’exil marque un tournant décisif dans ta vie.
Moi sourire ravi : apparemment oui.
Eddie : tout ira bien, tu verras. Je garde
mes doigts croisés.
Moi : merci in shaa Allah. Et toi quoi de
neuf ? Depuis le temps que j’attends une nouvelle croustillante. Non mais toi,
tu dors trop. T'attends quoi pour tirer à balle réelle ?
Eddie : je te l’ai dit, je t’attends pour
faire un bébé.
Moi : à l’allure où vont les choses, je le
ferai avant toi.
Eddie : ce n’est pas grave, je me
rattraperai.
Moi : tu es même sérieux là ?
Eddie : très ! Moi, je veux profiter assez
longtemps des seins tout ronds tout aussi galbés de ma femme avant qu’un gosse
ne vienne les déformer.
Moi débitée : Eddie tu es graveeee !
Il rit. Adrianna l’a rejoint à Malibu
quelques mois après leur mariage et travaille tout ce temps dans le même
hôpital que lui. Ils envisagent de rentrer définitivement au Togo l’année
prochaine d’ici à ce qu’il finisse son stage de perfectionnement. Lorsqu’on se
laisse, je cours annoncer aux filles la décision d’Elias de venir plus tôt que
prévu et elles m’encouragent à informer papa sans attendre. Il le prend comme
un défi et prend même plaisir à faire un compte à rebours jusqu’à la date
convenue où Elias débarque effectivement avec son père et son frère cadet par
ce beau jeudi matin ensoleillé.
Ça fait un moment que les pourparlers ont
commencé. La bande de pointues que forme maman, Cartia et moi-même sommes bien
calées derrière la porte du salon principal pour ne rien rater. C’est Khalil et
tonton Sharif qui dirigent la réunion pendant qu’Elias fait la traduction à son
père. Il leur parle de ses intentions envers moi avant de formuler sa demande
ensuite, il y a un flottement de quelques minutes. Je crois qu’ils attendaient
tous l’intervention de papa. Lorsqu’il prend finalement la parole c’est pour
répondre en anglais que l’arabe ne réussit pas à Elias, qu’il fait mal aux
oreilles. Les autres pouffent de rire à l’intérieur et Cartia rit sous capte
pendant que maman secoue la tête amusée.
Elias (reprenant la parole en anglais) : je
voulais juste vous montrer que j’ai un grand respect pour vous, pour votre
famille et à l’égard de la culture arabe. Et je promets de traiter votre fille
avec le respect et l’amour qui lui revient.
Papa : je veux bien te croire jeune homme,
mais les événements du passé rendent ça un peu difficile.
Elias : je m’en doute bien et je voudrais
profiter de l’occasion pour implorer votre pardon. Je vous assure que mes
intentions ont toujours été des plus honorables.
Papa : encore heureux ! Cela dit la
dernière décision revient à Yumna.
À la porte, il nous laisse pantois. Il y a
un autre flottement puis on entend le bruit de la porte qu’on ouvre. Le temps
qu’on s’y décolle, Khalil apparaît.
Khalil : tu es demandée.
Je prends une grande inspiration avant de
le suivre. Mon père se met à frotter ses mains dès qu’il m’aperçoit.
Papa : cheikha ton type dit qu’il a de quoi
me rembourser mon argent.
Je lance un regard entendu à Elias qui lui
répond.
Elias : euh à ce sujet monsieur Ben Zayid…
Papa (l’interrompant les sourcils froncés)
: tu as cette somme ou pas ?
Père Elias intervenant : quoi qu’il en soit
monsieur Ben Zayid mon fils est prêt à faire ce qu’il faut.
Papa fixant Elias : c’est-à-dire ?
Elias (s’éclaircissant la voix) : ce que
voudrais dire mon père, c’est que je ne rechignerai pas à débourser toute la
fortune de l’humanité en guise de dot pour votre fille…
Il me coule un regard et le fixe à nouveau.
Elias : mais elle vaut tellement plus.
Alors j’aurais souhaité qu’à la place vous me donniez la chance de vous
convaincre de la valeur qu’elle revêt à mes yeux en gage de bonne foi,
d’honneur et de fidélité. Mais bien sûr, j’ai apporté quelques présents et une
somme symbolique pour l’occasion.
Papa : ç’aurait été plus simple de me dire
que tu n’as pas les moyens de ta politique.
Khalil : papaaaa !?
Elias se gratte le crâne et papa reste à le
regarder droit dans les yeux, regard qu’il
soutien.
Papa : une chose est sûre cependant, j’ai
pris le soin d’attribuer une valeur à la vie de ma fille pour que tu prennes la
mesure de la voie dans laquelle tu t’engages. Et là, je ne parle pas en termes
de finance. Elle s’en sortira, je l’ai élevé pour ça. Seulement qu’à la moindre
larme, au moindre faux pas, un soupçon de soupir triste, de rire sans éclat, tu
me verras sur le pas de ta porte (Elias écarquille seulement les yeux) et ce
n’est pas pour faire ami ami toi, enfin avec ton bijou de famille bien
évidemment.
Je lâche « un ah !? » pendant qu’Elias, son
père et son frère le regardent choqués.
Papa (s’adressant à moi) : tu veux ajouter
quelque chose ?
Moi étourdie : non non
Papa : comment ça non ? Tu ne veux pas te
fiancer ?
Moi : ah ça ? Si si je le veux.
Il me regarde le sourcil très arqué et je
hoche vigoureusement la tête jusqu’à ce qu’il se tourne vers Elias.
Papa : jeune homme si ta proposition tient
toujours elle dit qu’elle le veut.
Elias : oui monsieur ça tient.
Papa se redressant : bien, il ne vous reste
plus qu’à concrétiser ce projet devant le jamat (les autorités musulmanes) et
on verra pour la suite.
Moi : mais ça ce sont les choses d’avant !
Khalil (le fixant les yeux plissés) :
est-ce vraiment nécessaire ?
Je fais un signe de patience à Elias qui me
regarde avec incompréhension.
Papa (répondant à Khalil) : j’en ai décidé
ainsi, c’est ça ou pas de fiançailles.
La rencontre finit sur cette note et je me
retrouve assis à côté d’Elias lorsque maman invite les autres à passer à table.
Elias : au finish, il n’y avait pas de quoi
stresser.
Moi : mouais
Je veux ajouter autre chose quand la porte
s’ouvre sur mon père.
Papa : vous avez dix minutes.
Il referme la porte comme il l’avait
ouverte, Elias remue la tête amusé puis se tourne vers moi sérieux.
Elias : c’est quoi cette histoire de
(réfléchissant) ja…
Moi : jamat ! En gros, on célèbre nos
fiançailles devant la communauté. On se fait enregistrer dans le journal
officiel et tout le toutim au même titre que le mariage.
Elias hochant la tête : ça me va enfin pour
moi, le plus dur est fait.
Moi narquoise : tu crois ? Je te mets au
défi de ne jamais me faire pleurer !
Elias : défi accepté ! Par contre dis, sa
menace c’est juste pour faire genre n’est-ce pas ?
Moi secouant la tête : il a fait châtrer
mon ex pour avoir essayé de me duper.
Je pouffe de rire en interceptant sa mine
déconfite.
Moi ricanant : le bad boy a peur ?
Elias : il y a de quoi chère.
Moi : mhhooo une mis en garde de rien du
tout entre beau père et gendre.
Elias : lol dans tous les cas une chose est
sûre c'est que sa menace ne me fera pas
renoncer à toi. La chose la plus censée que j’ai jamais faite, c’est de
t’avoir choisi toi et personne d’autre. Tu me rends heureux.
Moi touchée : toi aussi, tu me rends
heureuse hanouni.
Il m’attrape par la nuque pour m’embrasser,
un baiser vite fait qui a quand même fait son effet. On rejoint les autres
ensuite.
* quelques semaines plus tard *
Ussama…
Moi (derrière Yumna) : alors comme ça tu es
fiancée ?
Elle ne répond pas tout de suite, elle
prend le temps d’admirer l’anneau autour de son annulaire. Ce qu’elle faisait
pendant les cinq minutes que je suis resté à l’observer depuis le seuil de la
cuisine. Elle finit par répondre avec enthousiasme.
Yumna : très fiancée devant Dieu et les
hommes krkrkr.
Je souris et avance vers le frigo. Leurs
fiançailles proprement dites, c’était il y a deux jours. Elias s’est montré
décider à faire les choses grandement, il n’a pas du tout lésiné sur les
moyens. J’avoue qu’il nous a sérieusement pris au dépourvu, papa plus que tout
le monde. Quand bien même il a trouvé à redire. Sinon la fête en général a été
une réussite à l’instar de nos vies en ce moment. Ces deux dernières années ont
été pleines de rebondissement, positifs bien sûr. Pour tout dire c’est une
période de bonnes grâces chez les Ben Zayid. On a eu ou on attend tous un
heureux évènement chacun à son niveau. Pour ma part, tout va bien dans le
meilleur des mondes. Depuis un bon moment déjà, c’est l’argent qui travaille
pour moi. Seulement qu'avec mon sucre d’orge il nous est de plus en plus
difficile de nous voir, un sujet de désaccord entre nous. Je me fais un plateau
avec un verre de lait et les restes des pièces montées de la fête, il y en
avait à craquer. Je le pose sur la table et m’installe en face de Yumna. Elle a
repris son bol de fruits entre temps.
Moi : c’était le but !
Yumna l’air perdu : le but de quoi ?
Moi : la fête, c’était une façon tangible
d’afficher votre projet de ménage aux yeux de tout le monde.
Khalil (qui nous rejoint en ce moment) :
bien évidemment !
Il avance vers le range-couverts en
lorgnant mon plateau et revient avec son verre de lait et sa fourchette pour se
servir dans mon assiette.
Moi : toi tu deviens comme ta femme, jamais
à manger dans votre assiette.
Khalil haussant l’épaule : je synchronise.
Nous : lol.
Moi taquinant Yumna : au moins on sait
maintenant c’est qui l’enfant préféré de papa. Il y a les uns et les autres
qu’on a calé ici trois ans et les favorites qu’on affiche sur le banc public.
Yumna : rhoo Sama.
Khalil la fixant : il a raison (s’adressant
à moi) tu as raison.
Elle roule des yeux.
Yumna : Al-Amine n’a pas de préférence,
lorsqu’il s’agit de passer à la casserole nous sommes tous cuit de la même
manière.
Khalil/moi : ça c’est vrai !
Moi ajoutant : même s’il a pas mal changé.
Il est toujours ronchon, mais limite il devient gâteux. Ces derniers temps
surtout, on sent vraiment que la vieillesse pointe son nez.
Yumna hochant la tête : effectivement, et
je trouve qu’ils ont pris un coup de vieux tous les deux. Ça me fait tout drôle
de les voir quémander de l’attention, ils ont toujours un tour dans leur sac
pour qu’on passe le plus de temps possible ensemble. (on rit) C’est pour ça
qu’on a décidé de se marier l’année prochaine histoire qu’on profite encore un
peu les uns des autres.
Moi : toi tu peux te le permettre, moi je
suis déjà à la bourre.
Khalil arquant le sourcil : par rapport à
quoi ou à qui ?
Moi (le regardant dans les yeux) : beh à
toi ! Ta vie était incompatible avec le fait de fonder une famille. Te voilà
avec une femme et un deuxième enfant en route.
Yumna : kiakiakia comme quoi les miracles
existent.
Khalil amusé : il faut reconnaître qu’on
s’est tous assagi, les efforts de papa ont payé !
Moi ton solennelle : permettez-moi de vous
rappeler chers que j’ai toujours été la sagesse incarnée.
Ils me regardent genre.
Yumna : ben voyons !
Khalil : ça c’était avant que Khadija
n’atterrisse dans ta vie.
Yumna riant : vraiment krkrkr.
Moi sourire en coin : c’est vrai qu’elle
m’a un peu changé.
Yumna dans un fou rire : pas qu’un peu bro,
elle a révélé ton côté sexbomb.
Moi : même pas enfin ce n’est pas moi qui
vais vous rappeler qu’elle bombasse elle est. Ce n’est pas souvent facile de
résister à la tentation. C’est à cause de ça que je l'ai tenue à distance ces
dernières années, je ne...
Je m’interromps pour les regarder qui me
regard pointutement avec un sourire moqueur scotché aux lèvres.
Moi : roohh vous n’êtes pas sérieux vous.
Ils éclatent de rire et rient un moment.
Khalil : mais vas-y continue, on t’écoute.
C’est l’heure des confidences kiakiakia.
Moi : c’est bon laissez tomber.
Yumna : mhhooo cheikhna le fils à son père.
Moi : go casse Yumna.
Eux : kiakiakiakia.
Moi moue boudeuse : pfff !
C’est la sonnerie de mon téléphone qui met
fin à leur fou rire. Je le sors et le consulte lorsque je vois l’image de
Khadija sur l’écran, je souris dans l’immédiat. Les deux lascars qui me servent
de frère et sœur me fixent encore avec leur sourire narquois.
Yumna : quand on parle du loup ?
Je roule des yeux.
Khalil : tu ne décroches pas ?
Moi (me levant agacé) : je vous laisse,
bonne nuit.
Yumna ricanant : vraiment, il ne faut
surtout pas qu’on écoute les je t’aime moi non plus.
Je ne relève pas, je m’assure d’être bien
loin de la cuisine pour décrocher.
Moi : El Tahir, je commençais à désespérer
de voir ton appel.
Khadija : lol j’avais une discussion
intense avec monsieur mon père.
Moi : ah ok tu as fait un bon voyage ?
Khadija : comme toujours, j’ai été traité
comme une reine.
Moi : tu l’es (au tac) tu me manques omri.
(ma vie)
C’est le moment que choisis Khalil pour
passer avec un plateau plein des restes du frigo à la main. Il passe sa route
pas sans m’avoir lancé un regard moqueur, je lève les yeux au ciel suivi de
Yumna qui fait pareil.
Khadija : toi aussi tu me manques.
Moi : je ne sais pas pour toi, mais j’ai
hâte que les six mois passent.
Khadija : idem d’autant plus que chaque
jour suffit sa peine avec papa. Il vient d’étendre le programme de la
cérémonie.
Je soupire seulement en m’adossant au mur
d’un couloir. J'ai enlevé le corps de cette histoire parce que le vieux n'en
fait qu'à son bon vouloir.
Khadija : ça lui fait du bien de s’occuper
de l’organisation.
Moi : je sais, même si j’ai toujours du mal
à me faire à l’idée qu'il se rabaisse à ce niveau.
Khadija : laisse ça comme ça (changeant de
sujet) tu viens toujours la semaine prochaine ?
Moi : oui, fin je ne vais pas donner un
faux rendez-vous à ton père.
Khadija : tu viens le voir lui ou moi ?
Moi recommençant à marcher : en principe
c’est lui qui veut me voir, mais t’inquiète je trouverai du temps pour toi.
Khadija : hmm ça devient louche l’histoire
que tu passes plus de temps avec mon père que moi.
Moi amusé : tu es jalouse ? De ton père ?
Khadija (parlant vite) : très, tu te rends
compte que tu es tout le temps fourré avec lui alors que moi, il faut que
j'invoque tous les dieux pour te voir une fois tous les six mois ?
Moi : lol on s’est vu il y a deux jours.
Khadija : pas vraiment, c’était juste
impossible de se voir en tête à tête.
Moi : ok je veux bien te consacrer une
journée lorsque je serai sur Oman.
Khadija avec humeur : c’est une faveur que
tu me fais ?
Moi (ton conciliant) : Dija, j’ai dit qu’on
allait passer une journée ensemble.
Khadija agressive : en fait laisse tomber.
Moi plissant les yeux : mais qu’est-ce que
tu as ? J’ai l’impression que tu cherches les embrouilles.
Khadija : et moi que tu me fuis.
Ce qui est vrai.
Moi (faisant genre) : mais qu’est-ce que tu
racontes ?
Khadija ton colérique : ça nous fera gagner
du temps si tu avoues que sans sexe, tu t’es lassée de moi.
Je fronce les sourcils, cette conversation
prend une tournure qui ne me plaît pas. J’ouvre la bouche pour parler et
m’interromps quand je vois maman s’approcher.
Moi : Dija je te rappelle.
Khadija : tu vois que j’ai raison.
Clic !
C’est elle qui raccroche. Je soupire au
même moment, ma mère arrive à ma hauteur. Elle me regarde les yeux plissés.
Maman : tout va bien ?
Moi : ça ira (bisou sur la tempe) bonne
nuit maman.
Maman : bonne nuit mon chéri, tu passes
dire bonne nuit à ton père ?
Moi (je lève le sourcil, mais réponds
néanmoins) : d’accord.
Je la regarde partir en pensant : ça c’est
encore quelle nouveauté ? Je passe donc par leurs appartements et écoute
patiemment papa me raconter sa journée avec ses petits-enfants (Sanna et Noora)
pendant trois-quarts d’heure avant qu’il ne consente à me laisser partir. Je
rappelle Khadija aussitôt que je passe ma porte, ça sonne plusieurs fois dans
le vide. Votre copine est sérieuse qu’elle me boude ? Mais bon elle a raison,
c’est comme ça que la gère depuis que j’ai initié la pause sexuelle. Initiative
que je regrette très souvent, il faut dire qu'elle devient de plus en plus
sexe. C'est l'une des raisons pour lesquelles j’ai sauté sur l’occasion et
fixer une date lorsque son père a commencé à nous mettre la pression. D’autant
qu’elle a rallongé son cursus de trois années supplémentaire et qu’elle
parcourt le monde donc exposée aux baratineurs. Parfois, j’ai l’impression
qu’elle ignore à quel point ses atouts physiques peuvent être dérangeants et
comment je me fais violence pour ne pas lui sauter dessus tout le temps qu’on
se voit. Et plus encore depuis qu’elle a pris un peu de poids et que le matos
s’est renforcé. En tout cas ! Je soupire et jette le téléphone sur le lit. Je
vais prendre une serviette et un bas de jogging dans le dressing et rentre dans
la salle de bain.
J’en ressors quelques minutes après le
torse nu et pendant que je me nettoie les cheveux je réessaie de joindre miss
El Tahir sans succès. Je décide de lui écrire un message, ce que je fais un
pied posé sur le rebord du lit.
Moi écrivant : « bébé je suis navré mais
sincèrement si tu te sens délaissée. Crois moi j’ai constamment l’envie de te
voir. Que dis-je, je t’ai dans la peau. C’est juste trop difficile de te
résister, tu me rends chèvre. Crois moi je ne peux jamais me lasser de toi, tu es
mon Arya Stark. À l’amour comme à la guerre, physiquement comme mentalement,
quand il s’agit de bosser ou de s’amuser, tu assures. Comment pourrais-je me
passer de toi ? En fait rien n'est parfait sans toi. »
Elle lit et répond aussitôt, c’est déjà bon
signe.
Khadija : « Bonne nuit Ben Zayid ».
Moi souriant en répondant : « Bonne nuit
omri je t’appelle demain bisou ».
Le lendemain, je le fais dès mon réveil en
sursaut pour avoir passé la nuit à rêver que je la sauve d’une noyade ou que je
la protège d’un feu. Ça sonne un nombre interminable de fois dans le vide, à un
moment ça ne passe plus tout court et pareillement après la prière. J’enfile
des vêtements de sport et une casquette et descends en direction de la salle de
musculature dans l’intention d’évacuer mon angoisse. J’intercepte Khalil qui a
plissé le front en me voyant et je dois dire qu’il a de plus en plus les
mimiques les tics et les gestes de papa. C’est assez flippant.
Khalil : est-ce que ça va ? Tu n'as pas
l'air dans ton assiette. Bonjour !
Moi évasif : bonjour, une nuit agitée.
(avisant les valises qu’on traîne derrière lui) C’est le départ ?
Khalil : oui je ramène Nabil à ses
grands-parents ensuite, je retourne à Londres.
Moi : je pensais qu’il était là pour les
vacances ?
Khalil : pas encore, j’ai dû l’emmener ici
à cause de mon urgence.
Moi : ah ok, tu veux que je vous dépose à
l’aéroport ?
Khalil hochant la tête : si ça ne te
dérange pas.
Moi : ça ne me dérange pas si toutefois, on
roule sans escorte.
Khalil : ok, comme tu voudras.
On descend donc sur le parking, c’est
là-bas que Nabil nous rejoint.
Nabil (pendant qu’on se check avec style) :
bonjour tonton Ussama.
Moi : bonjour mon petit, il parait que tu
nous laisses déjà.
Nabil avec enthousiasme : oui, je vais voir
grand-mère et grand-père et papa.
Moi le charriant : mais dit donc tu es
pressé de te barrer d’ici.
Nabil : pas du tout je reviendrai, enfin il
faut que je fasse un peu une apparition là-bas. Ils se languissent déjà de moi
(faisant une grimace) tu sais les grands-parents (Khalil le regarde genre, il
se calme direct) euh, ils sont impatients de me voir.
Moi riant doucement : j’avais compris
t’inquiète.
On s’installe dans la voiture lorsque les
gardes finissent de charger le coffre. C’est Nabil qui anime tout le trajet.
Entre sa façon de rapper (il rappe plus qu’il parle) et les interventions
réprobatrices de Khalil, je rigole tellement que je rentre un brin déridé et
décide de zapper sur le sport. Je compose une fois de plus le numéro de
Khadija, mais c’est le statu quo je soupire et range le téléphone. Je ne sais
pas, mais j’ai un mauvais pressentiment. Je décide de travailler à la maison et
de temps en temps je recompose son numéro. C’est en fin de journée que
j’obtiens finalement gain de cause.
Moi avec furie : bon sang Dija où est-ce
que tu étais tu passée ?
Voix : ce n’est pas Dija, c’est Abdoul. La
princesse a fait un malaise (je tique) elle est aux urgences.
Moi en mode panique : aux urgences ?
Qu’est-ce qu’elle a ? Qu’est-ce qui s’est passé ?
Abdoul (ton désespéré) : monsieur tout est
mélangé ici, c’est un lundi sombre. Le baobab s’est écroulé, une crise
cardiaque a emporté le Sultan. On a découvert son corps sans vie ce matin et la
princesse qui n’a pas supporté la nouvelle…
Moi (ne le laissant pas finir sa phrase) :
vous êtes où ?
Abdoul : l’hôpital militaire.
Je sors de l’appartement et tombe
directement sur papa. Il fronce la mine
en avisant ma mine grave.
Papa : qu’est-ce qui se passe ?
Moi (lui jetant au passage) : Ibn Bastou a
rendu l’âme, Khadija est aux urgences.
Il prononce la formule de celui qui est
atteint par un malheur « Innâ li-l-lâhi wa innâ ilayhi râji’oun » en essayant
de suivre mon rythme. C’est lui qui porte la nouvelle graduellement à maman,
Nahia, Abdallah, Yumna et Cartia. C’est comme ça qu’on se retrouve à l’hôpital
militaire d’Oman avec Abdallah et Yumna. Je suis assis au chevet de Khadija qui
dort à poings fermés sous l’effet des sédatifs. Son père a été enterré il y a
une heure selon sa volonté. Ça s’est fait dans une absolue discrétion. La
population est tenue dans l’ignorance jusque là. Je ne sais quoi penser de tout
ça, dire que je suis chambardé est peu dire.
Abdallah : le mariage n’aura plus lieu.
Yumna : et pourquoi pas ?
Abdoul (de l’autre côté) : la succession de
l'inamovible sultan plane sur le pays.
Ce sont les bribes de conversations entre
Yumna et Abdallah, Abdoul et mon père me parviennent des deux extrémités de la
chambre où elle a été admise. Passé le moment de stupeur, ils discutent des
arrangements futurs tandis que Yumna et Abdallah débattent sur notre projet de
mariage. Il y a maa Alisha qui pleure un peu plus loin.
Papa (répondant à Abdoul) : il faut
informer ses vizirs, ils sauront quoi décider.
Abdallah à Yumna : elle vient de perdre son
père.
Yumna : n’empêche, il était consentant.
Abdallah hoche la tête pendant que Abdoul
reprend.
Abdoul : j’attends les ordres de la
princesse, normalement c’est elle qui reprend les règnes.
Papa : elle n’est pas en état.
Yumna : au pire des cas, ils reportent.
Moi (parlant plus à moi-même) : c’est une
décision qui appartient à Dija.
Je me retourne lorsque je la sens qui bouge
sa main dans la mienne. Les autres s’approchent au moment où je me tourne bien
en face d’elle.
Moi : salut omri, t’es réveillée ? Comment
ça va ?
Khadija voix faible : je vais bien.
Moi plissant les yeux : O-Kej.
Khadija me prenant de court : je ne veux
pas qu’on reporte nos noces, on les avance si possible. En fait, il voulait
qu’on lui succède tous les deux, il m’en a parlé hier et voulait te l’annoncer
de vive voix.
Moi (tout aussi stupéfait que les autres) :
oh ?
Khadija : tu veux bien ?
Je ne réponds pas tout de suite, je la
fixe en prenant la mesure de tout ce que
ça implique. J'avoue que je n’ai jamais envisagé cette possibilité de toute ma
vie.
Khadija (me suppliant du regard) Je ne peux
pas le faire sans toi, tu es tout ce qu’il me reste.
J'acquiesce en la fixant droit dans les
yeux.
Moi : oui je le veux.