Le relooking

Ecrit par Gioia

 

Laurence Koumah

Deux semaines se sont écoulées depuis le départ de Michael. J’ai eu le temps de réfléchir et à force je pense qu’on s’est fourvoyé depuis le début sur Madina. Elle était la première femme qui n’avait pas de mec idéal quand je lui ai demandé. Jamais je ne l’ai entendu s’extasier sur la plastique d’un chanteur ou acteur. Rajoutons à tout ça son attitude désinvolte en matière de relations humaines en tout genre, Yann et moi avions donc conclu à un moment qu’elle devait être le genre qui ne s’intéressait pas vraiment à l’amour.

Avec le recul je comprends que ce n’est absolument pas le cas. Et je crois aussi que si elle a mordu à l’hameçon Mico c’est parce qu’il a réussi à la faire sortir de son carcan et la charmer. Première conclusion : Madina n’est donc pas insensible à la gent masculine, deuxième : il lui faut fréquenter un homme pour que son intérêt soit piqué, elle n’est pas comme moi qui peut s’emballer juste pour un acteur. Et elle aime aussi l’amour, du moins, elle est sensible à ça, mais peut-être la gêne l’a empêché de me l’avouer depuis qu’on se connaît.

Et maintenant que je suis au courant de tout ça, j’ai établi une stratégie efficace pour réveiller pleinement la Madina que Mico nous a permis de découvrir. Elle ne le sait certainement pas, mais il y a déjà certains gars qui s’intéressent à elle à l’église. J’ai même mené ma petite enquête et un en particulier sort du lot. John, c’est son nom. Il est leader du groupe des ados à l’église, pharmacien de profession, courtois, sérieux, tout le contraire de l’extraverti et éparpillé de Michael.

Sur le papier en tout cas, il a plus de points accrocheurs avec Madina, alors je pense qu’il est temps de passer à l’étape suivante, soit un petit relooking. Pas parce que ma Madina n’est pas déjà bien. Elle l’est, mais il faut un petit plus avec les hommes afin qu’ils se mettent en mode chasseur quoi. Surtout certains frères d’église qui misent tellement sur le respect que la drague peut durer un an avec eux. Mais on n’a pas trop le temps, donc je m’en vais de ce pas chez mon amie et sonne à sa porte avec en main des croissants ainsi qu’un cabaret de transport contenant nos chocolats chauds grande taille.

— Debout Madidi, l’avenir est à ceux qui se lèvent tôt, chantonné-je dès qu’elle m’ouvre.

— Je ne comprendrai jamais comment tu fais pour être si excitée aux aurores, marmonne-t-elle. 

— Une bonne énergie au réveil ne peut garantir qu’une journée excitante et celle d’aujourd’hui nous réserve de belles surprises.

— Ah, elle dit sans entrain, mais je ne vais certainement pas laisser ça me démonter.

— Nous allons au carrefour Laval dans une heure, je lui annonce fièrement.

— Pardon pas aujourd’hui, je n’ai pas la force d’aller avec toi trouver des dessous pour séduire ton mari, dit-elle tout bas en traînant des pieds avec l’intention de retourner dans la chambre, mais c’est mal me connaître. Je l’attrape vite fait.

— C’est aujourd’hui ou jamais et ce n’est pas pour mes dessous affriolants. On va s’acheter des nouveaux vêtements et passer une journée entre filles. 

— Hein? Pourquoi? Il y’a une fête bientôt

— Est-ce qu’on a besoin d’une fête pour dépenser de l’argent

— J’ai assez de vêtements comme ça merci, elle dit tout en baillant et se grattant la joue. Je peux t’accompagner un peu plus tard, mais je n’ai besoin de rien.

— Oh que oui, une petite touche de nouveauté ne te ferait que du bien. Tu les portes depuis deux ou trois ans tes pantalons années 70 et tes longues robes.

— Bah je les aime et ils sont classes.

— Je n’ai pas dit de les détester, dis-je en prenant un ton doux pour qu’elle ne se méprenne pas sur mes intentions. Une longue robe en été c’est chic, ça fait bohème, mais toute l’année, ça devient un peu monotone quoi. Tu es trop choupi pour qu’on te colle cet adjectif. Une femme, ça doit se réinventer de temps en temps tu sais, histoire de te rappeler à toi-même que Yes, je l’ai toujours ce truc.

— Un truc hein, elle continue, même pas impressionnée alors que je croyais avoir sorti mon plaidoyer le plus convaincant.

— Yes «Zeu» truc même! Je te lance un défi. Si on ne trouve rien qui te plaît on n’achète pas, m’essayé-je une dernière fois.  

OK, j’abdique, mais tu me laisses dormir encore un peu et on ira où tu veux après.

Ce sont avec des bisous sur les joues que je la retourne en chambre même si madame se plaignait que je la gêne trop. Le temps qu’elle dort, je lave les assiettes qui traînent dans l’évier. C’est plus fort que moi les choses comme ça. Et je ne suis pas patiente non plus quand j’ai une idée en tête alors je finis par craquer et vais tellement la déranger au lit qu’elle finit par se réveiller et nous voilà partis, deux heures plus tard pour le carrefour Laval.

Trois boutiques de fait déjà et Madina s’applique à me donner la migraine. Elle ne prend que des effets qui ressemblent à ce qu’elle a. Dans la quatrième, j’opte pour une autre stratégie. Je glisse dans notre panier ce que je trouve coquet pour elle. Au moment des essayages elle soulève les cintres avec un air inquisiteur.

— Laure, elles ne sont pas de ta taille ses tenues là.

— Bien sûr que non, je les ai pris pour toi. Tu vas les essayer, je lui annonce avec un grand sourire.

— Quoi? Non, mais tu es folle? Elles sont trop courtes. 

— Madina, aucune de ses robes ne s’arrête en bas des fesses. La plus courte t’arrive à la mi-cuisse. Donc s’il te plaît, fais-moi plaisir et essaie-les, je dis, mais elle renfrogne la mine.

— S’il te plaîttt, c’est juste un essayage, j’ajoute mains jointes en signe de supplication. Elle soupire et finit par obtempérer.

Des minutes plus tard, je ne cesse de m’étonner devant ses différentes sorties. On s’est déjà vu à poil alors je sais qu’elle est bien foutue, mais ça bluffe juste de voir son corps dans d’autres tenues quoi.

Toutes les tenues que j’avais choisies lui allaient parfaitement. Certaines soulignaient sa taille, d’autres lui moulaient le buste ou le derrière. Et j’ai pris des couleurs surtout. Du chaud, des motifs sans être trop criards et deux couleurs froides comme le bleu royal, son favori.  

Je suis quand même restée dans la décence parce qu’elle y tient. Du moins ce qui est décent pour moi quoi. On n’a pas de mini ou des décolletés grand V que j’adore pour ma part. Et le plus satisfaisant c’est de voir ses réactions. Elle ne cesse de se tourner sur elle et a du mal à retenir son sourire.

— Tu pourras mettre les hauts avec les jupes et pantalons que tu as déjà, je lui dis pour éviter qu’elle se réfracte pour on ne sait quelle raison. Avec cette fille on ne sait jamais.

— Bonne idée, elle me soulage en disant.

Et dès que j’entends ça, je lui demande une minute et détale pour aller lui chercher une paire de sandales minimales noir velours à talons. Elles n’ont rien de super spécial et c’est exactement ce qu’il nous faut. Je m’avance avec et elle fronce aussitôt la mine.

— Laure c’est quoi ça? Tu sais bien que je ne peux pas.

Elles ne font même pas plus de 10 cm et je t’ai vu mettre des bottes qui les font.

— Ce n’est pas la hauteur, mais tu sais bien, mon pied gauche. Tu sais que les 2e et 3e orteils sont collés, et la dernière chose que je veux c’est effrayer les gens avec, elle s’explique.

— Si les meufs qui ont des vernis écaillés, oignons aux pieds, ou encore celles qui n’ont même plus d’ongle sur certains orteils ne se gênent pas pour mettre des sandales, ce ne sont pas deux petits orteils collés qu’on qui vont te freiner Madina. En plus, leurs yeux vont aller chercher quoi là-bas

— Tu sais très bien que les gens regardent. Tout le monde ne parle pas, mais certains vont me voir et se….

— Madina je m’en fous de ces gens. C’est toi qui comptes et ma question est la suivante. En toute honnêteté, est-ce que tu vois bien ses jolies sandales à tes pieds ornés de vernis nude comme tu les aimes cet été?

— Oui, elle m’avoue après une longue minute.

Je ne parle même plus et les dépose devant ses pieds. Elle pose la main sur mon épaule et les essaie. Résultat, rien à dire. Le buste est bombé, le derrière est mis en valeur. Il n’y a décidément pas de meilleure invention pour nous les femmes. Je me couche le soir là, plus que satisfaite de cette journée et impatiente aux nouveaux changements qui surviendront dans la vie de mon amie dès cet été. Montréal sera à nous.

Michael Koumah

Deux mois et quinze jours se sont écoulés depuis mon départ et je suis déjà de retour à l’aéroport Pierre-Elliot Trudeau. C’est la tête de piquet marteau de Laurence qui vous expliquera comment j’en suis arrivé ici. Pour patienter ou peut-être me torturer, je dors sur son compte Facebook et elle vient de poster une petite vidéo d’une minute. Ça fête solide chez eux il semble, et parmi les gens qui défilaient dans la vidéo, j’aperçois Madina si craquante, dans son nouveau look que je ne comprends toujours pas. Un certain lourdaud que je ne blaire pas apparaît derrière elle et la vidéo s’arrête quand elle lui tend l’oreille. La navette qui conduit les gens de l’aéroport à Berri risque d’avoir des problèmes avec moi si elle ne rapplique pas dans la minute qui suit. 

Apparences trompeuse...