Le Taj Mahal
Ecrit par leilaji
****Leila****
Il
faut se dire la vérité une fois en passant : les couples mixtes ce n’est
vraiment pas facile. Les incompréhensions et les mauvaises interprétations
minent notre relation en permanence. Si pour des personnes venant de mêmes
horizons, c’est compliqué de vivre à deux, pour des personnes venant d’origines
aussi éloignées que les nôtres, c’est deux fois plus ardus.
Je
les regarde et j’ai comme l’impression qu’ils vont si bien ensemble que c’est
avec elle qu’il devrait être.
Je
me vois me lever, retirer ma perfusion, rassembler mes forces et en découdre
avec elle une bonne fois pour toute. Je ne peux pas continuer à la laisser me
narguer en permanence comme ça. Mon mec me rend visite et elle vient foutre sa
tête de petite p… dans ma chambre que je paie avec mon argent. Non mais dis
donc !!!!!!
Quand
j’en aurai fini avec elle, c’est avec des tranquillisants tirés à distance
qu’on m’assommera parce que là, même Alexander ne pourra pas m’arrêter. Le sang
doit couler aujourd’hui, le sien ou le mien. L’une de nous deux doit mourir et
l’histoire est réglée une bonne fois pour toute.
AleAlexander
tourne la tête vers Neina et semble agacé par elle.
— Mais qu’est-ce que tu fais là
toi ? Je t’ai demandé de rentrer avec le chauffeur non ? Tu ne vois pas que je
suis occupé ! La mission est annulée. Ce n’est pas croyable, t’es gonflée
d’être venue jusqu’ici.
— Je suis vraiment désolée, je ne
l’avais pas compris ainsi. Bon, je vais te laisser. Je t’appelle demain pour
réorganiser le voyage.
— Ce n’est pas à toi de m’appeler
pour ça. Ma secrétaire te fera part de ma nouvelle disponibilité. Et maintenant
laisse nous.
Le
film que je viens de faire dans ma tête s’arrête brusquement. Je reprends mes esprits. Penser qu’il
pourrait l’emmener, alors que je suis hospitalisée !
En
plus il a écourté son voyage. Pourtant, il m’a semblé que c’était très
important et c’est pour ça que je lui ai demandé de ne pas rentrer.
Il
a écourté son voyage. J’en suis tellement heureuse. Je triture ma bague, j’ai
envie de lui expliquer pour Sadrac mais je ne sais pas trop comment il va le
prendre…
Mais
en même temps. On commence à se connaitre vraiment lui et moi. Et je sais que
normalement, il aurait dû s’énerver. Il lui a pourtant demandé poliment de s’en
aller.
— Tu te demandes comment ça se
fait que je n’ai pas fracassé le crane de l’autre là. (Il se rapproche de mon
lit et s’assoit dans la chaise tirée par Sadrac puis il prend ma main et
regarde le solitaire brillant à mon annulaire). Quand tu m’as dit que t’étais
malade, je n’ai pu penser à rien d’autre qu’au fait que tu avais besoin de moi
et que je devais être là pour toi. On dirait que tu ne me crois pas quand je te
dis que je dois lutter pour que tu ne m’obsèdes pas.
Respire
Leila, respire ! Ce n’est pas un rêve, un délire dû à la fièvre du palu. Il est
là et bien là. Je passe ma main libre de perfusion dans ses cheveux. Ils sont
doux, c’est un vrai délice d’en ressentir le contact. D’ailleurs, ils ont
poussé et effleurent ses épaules.
Dis-lui.
Dis
lui combien de fois il t’a manqué.
Dis
lui combien de fois, tu as du mal à prendre les choses du bon côté quand il est
si loin de toi.
Dis
lui que tu as besoin du vert de ses yeux pour colorer ta vie.
Dis-lui.
Je
n’ai pas le temps de le lui dire parce qu’il me prend dans ses bras puissants
et je m’y sens … sauve. Rien ne peut m’arriver quand il me prend ainsi dans ses
bras. Rien ne peut m’atteindre.
Rien.
Une
infirmière entre et nous annonce que c’est la fin des visites. Je lui jette un
regard qui en dit long et finalement, elle nous accorde quelques minutes
supplémentaires.
Hum,
elle avait intérêt.
****Six
jours plus tard. ****
Aujourd’hui,
je sors de l’hôpital. Je suis en forme, j’ai repris du poil de la bête, enfin
de la panthère plutôt! Alexander est venu me rendre visite deux fois par jour
avec Karisma et on a passé notre temps à bavarder et se jouer des
infirmières. Surtout Karisma ! C’étaient
de très agréables moments passés ensemble.
D’ailleurs,
la voilà qui entre dans la chambre suivie par son oncle.
— Namasté Leila jaan.
— Namasté Karismaji.
Elle
pouffe de rire bêtement et son oncle la regarde sévèrement. Quoi, il n’est pas
content que je sorte ? C’est vrai qu’il a insisté pour que je reste aussi
longtemps que possible afin d’être bien sûr qu’il n’y avait plus de danger.
Alors,
je vérifie une dernière fois mes affaires, je n’ai pas envie de revenir ici.
Mon sac est fait et j’ai mangé tout ce qu’il y avait dans le mini frigo. Elles
peuvent être fières de moi, j’ai absolument tout mangé et toute seule en plus.
Quand
on sort de l’hôpital, Alexander fait prendre un taxi à Karisma qui continue de
pouffer de rire et me fait un clin d’œil en partant. Mais que se passe-t-il
?
— Je ne sais pas c’est quoi son
problème à cette gamine.
— Laisse la tranquille. Moi j’aime bien quand
elle sourit comme ça. C’est toujours mieux que la tronche qu’elle nous tire
quand elle se la joue rebelle.
Il
regarde très brièvement sa montre.
— Il va falloir que j’aille à l’aéroport Lei. Tu
m’y accompagnes ?
Allez,
je ne vais pas bouder. Après tout, je vais mieux et il est resté auprès de moi…
Le
chauffeur nous ouvre la portière et on grimpe à l’intérieur pendant qu’il
charge nos bagages.
— Tu as maintenant un chauffeur !
Les choses avancent…
— Tu me connais … je ne sais plus combien de
fois je me suis énervé au volant ici. Ils ne savent pas conduire, c’est des
fous au volant. Ils brulent les feux, ne respecte pas les panneaux et passent
leur temps à klaxonner à tout bout de champs. C’est insupportable.
— Ca ne change pas beaucoup de
Libreville.
On
arrive à l’aéroport tous les deux et le chauffeur fait prendre nos bagages en
charge par un caddy tandis que Alexander s’éloigne pour les formalités. Ici, ce
n’est pas l’aéroport Léon Mba, c’est immense et très sécurisé.
L’homme
là est pressé comme ça de partir et de me laisser seule à nouveau !
J’essaie
d’expliquer au chauffeur que je ne fais
pas partie du voyage mais rien à faire, il est aussi têtu qu’une mule et me
répond en hindi en me montrant des papiers. Je ne pige absolument rien à ce
qu’il me raconte. AleAlexander est où bon sang !
Je
marche pendant un bon moment à sa recherche tandis que le caddy et le chauffeur
me suivent comme des ombres. Lorsque je le retrouve enfin, accompagnée de mes
deux sbires, il a posé sur le guichet face à lui, son billet d’embarquement et
fait signe aux employés de décharger les bagages puis leur glisse de l’argent
quand le chauffeur lui tend un second billet. Ils s’en vont. Hé, c’est moi qui vais soulever les bagages
là ! La voix de la speakerine se fait entendre dans les hauts parleurs de
l’aéroport.
Les
voyageurs en partance pour Agra sont priés de se rendre dans la salle
d’embarquement numéro 23. Il me regarde.
— Challo (allons-y)
— Challo où ? je demande
bêtement.
— Vu que j’aime particulièrement ta tête bien
faite, j’espère que la malaria ne t’a pas grillé les neurones… Tu ne percutes
pas ? On prend le large Leila. Juste toi et moi. On a besoin d’une pause.
Je
rigole. L’hôtesse me regarde comme si j’étais devenue soudainement folle. De
toute sa longue tirade, je n’ai retenu que cette seule phrase : « juste toi et
moi ! ». Je crois que c’est la plus belle phrase du monde !
Challo
pour un «juste toi et moi à Agra » !
Agra
c’est où ?
*
**
Depuis
que je suis en Inde, si je devais résumer mon séjour dans ce pays par un seul
mot, ce serait : dépaysement. Car l’Inde est un autre monde. Tout y est
tellement différent par rapport à Libreville que n’importe quelle habitude
évidente pour les indiens devient un sujet de fascination pour moi. Mon
téléphone ne se repose pas un seul instant, je mitraille tout et tout le monde
de clichés que j’envoie plus tard à Elle sur son mail. Peut-être qu’un jour je
regretterai le dénouement de mon histoire avec Alexander, mais la découverte
culturelle en elle-même restera quelque chose de magique, ancrée en moi.
La
première chose qui frappe que l’on soit à Agra, Mumbai ou dans toute autre
ville de l’Inde, c’est la densité incroyable de la circulation. Tous les jours
on critique les taxis et leur conduite de fou à Libreville, mais c’est ici que
sont les vrais fous du volant. A Mumbai, je ne sais plus combien de fois, je me
suis retrouvée coincée avec ma tata parce que personne ne respectait le code,
les panneaux… Alexander qui s’en est aussi rendu compte, à préféré dès notre
sortie de l’aéroport louer une voiture avec chauffeur plutôt que de tenter
encore une fois l’aventure. Et il faut bien avouer qu’ici les salaires des
chauffeurs sont bon marché.
Non
seulement ils conduisent mal mais en plus, sur la même route on trouve de tout
: vélos, motos (très nombreuses comme à Lomé ou Cotonou), rickshaws (emblème de la circulation dans le
pays, c’est une mobylette à 3 roues avec un toit et une banquette à l’arrière
qui permet d’embarquer jusqu’à 3 passagers (en étant bien serrés), souvent
peints en jaune et vert), et… chameaux,
chevaux et même des vaches qui pourtant sont sacrées ici! Mais j’avoue que les
vaches moi j’en ai pas vu, c’est Alexander qui m’en a parlé.
On
est descendu à l’Hôtel OBEROI AMARIVILAS. Et je dois dire que j’en ai eu le
souffle coupé. Je dois prendre des photos et les envoyer à Elle, elle va encore
me dire que lui et moi nous tournons des films et moi je lui répondrais avec le
sourire qu’avec tout ce que je subis à cause de lui, j’ai bien le droit d’être
de temps à autre traitée en princesse. Il sait si bien le faire quand il veut.
C’est
un hôtel de luxe 5 étoiles situé au centre-ville d’Agra. Un room est venu
prendre en charge nos bagages dès l’entrée et il nous parle dans un anglais
parfaitement maitrisé pendant que nous traversons un décor de rêve.
— The Oberoi Amarvilas dispose d'une piscine
extérieure et d'un centre de remise en forme. De plus, l'établissement propose
un centre de bien-être et un bar salon. Pour madame, The Oberoi Spa comprend des salles de massage
et de soins. Les services proposés incluent des massages, des soins du visage,
des gommages corporels et des soins corporels. Divers soins thérapeutiques sont
proposés, dont l'aromathérapie et des soins ayurvédiques et blablabla.
S’il
me recommande le spa, je suppose que c’est parce que j’ai une tête de déterrée.
Par ailleurs, moi je ne savais pas qu’on venait ici alors, j’ai juste un vieux
tee-shirt hello kitty et un jean Guess qui date d’au moins cinq ans.
On
arrive à l’accueil et je me dis qu’il est peut-être temps de ranger mon
téléphone. Je ne veux pas passer pour la noire sortie tout droit de son
village!
Alexander
nous enregistre et la dame lui demande son passeport et un visa en cours de
validité. Il lui sort sa carte d’identité fraichement récupérée et m’explique
en français que pour pouvoir s’enregistrer sur place, avec la nationalité
indienne, on présente une carte nationale d'identité en cours de validité alors
que les ressortissants étrangers sont tenus de présenter passeports et visas en
règle. Et à chaque fois, les hôtesses d’accueil le prenne pour un étranger. Une
fois les formalités réglées et le séjour payé par carte visa, un autre room
nous prend en charge et nous fait monter à l’étage. Direction, notre chambre.
Je me sens de plus en plus gênée. Les autres clients de l’hôtel doivent se
demander comment on a pu me laisser entrer avec une telle tenue ! Qu’ils
parlent. Demain, je vais leur montrer qui est Leila Larba, une fois toutes les
prestations du spa essayées bien entendu !
Le
nouveau groom nous ouvre la porte avec une carte magnétique et nous fait
effectuer une brève visite de la chambre :
— Les chambres sont dotées d'une
télévision LCD avec chaînes thématiques par satellite et d'une baignoire à
jets. L'établissement propose également l'accès Wi-Fi à Internet (en
supplément) et la climatisation. Sur le balcon, vous avez votre vue privée sur
le plus grand monument dédié à l’amour, le TAJ MAHAL !
Dès
qu’il s’en va après avoir remercié Alexander pour le pourboire, je m’avance sur
le balcon. Alexander m’y rejoint. Je sais à quel point il aime les vues hautes…
— Demain, tu te lèveras avec une vue inoubliable
sur le Taj baigné par les premiers rayons de soleil. Et pendant la journée, le
soleil brillera et fera étinceler la perfection de son architecture. Mais je
suppose que c’est la vue nocturne qui doit être la plus époustouflante. Le Taj
baigné par le rayonnement de l’astre lunaire…
Il
est près de moi et me regarde tandis qu’il décrit le palais. Il semble lui-même
subjugué par … moi. Puis il détourne son regard et contemple le Taj.
— Tu connais l’histoire du Taj
Mahal ?
— Non.
— Selon la légende, pour honorer
son trésorier (Ghias Bey, père de Mehrunisa ...), Akbar le grand décida de
fiancer une des petites filles de celui-ci, Arjurmand âgée de 15 ans, à son
petit-fils préféré Khuram agé de 16 ans. Khuram l'épousa quelques années plus
tard en troisièmes noces sans l'avoir jamais vue, et tomba alors fou amoureux
de cette épouse. Lorsque Khuram devint empereur, il prit le nom de Shah Jahan
(roi du monde) et il appela son épouse Mumtaz Mahal (la préférée du palais).
Les années passèrent et il resta fort amoureux de son épouse. Malheureusement,
celle-ci mourut en couche lors de la naissance de leur quatorzième enfant. La
légende raconte qu'elle formula alors 2 vœux: le premier était que son époux
n'ait plus d'autre enfant, et la légende dit qu'il ne fit plus l'amour à une
femme durant les trente cinq années qui suivirent ...
et
le deuxième était qu'il fasse construire un monument en son honneur, un moment
qui serait capable de défier le temps et de montrer au monde entier leur amour
éternel. Durant 22 ans, jusqu’en 1653, 20 000 ouvriers, des tonnes de marbre
venues du Rajasthan à dos de chameaux ou d’éléphants, et toute la fortune de
l’empereur, furent employés à la construction de ce palais de 73 m de haut, flanqué de quatre grands
minarets …
— Ce n’est pas croyable. C’est une arnaque,
c’est trop … romantique.
— J’ai aussi lu la version moins romantique et
si tu veux je te la raconte…
— Non, non ! Je préfère l’idée qu’il lui a construit
ce palais pour symboliser leur amour éternel…
— A ma connaissance, l’Inde est le seul pays qui
a un monument aussi majestueux dédié à l’amour. La France a la tour Eiffel, New
York la statue de la liberté, la Chine sa muraille, l’Egypte la pyramide de
Khéops… Et nous nous avons le Taj. (Et après une pause)Mais moi, je t’ai toi.
— Merci. De m’avoir emmené. Je …
Il
me prend dans ses bras, me serre très fort et murmure au creux de l’oreille.
— Je devrais te rendre heureuse tout le temps.
Je te jure que c’est ce que je souhaite de tout mon cœur Lei mais …
Je
ne veux pas qu’il se sente coupable. Je ne veux pas que l’instant soit gâché
par nos doutes.
— Ecoute Alexander, c’est moi qui nous ai fait
venir ici et je te l’ai dit le soir où tu as officié pour le décès de ton
oncle. Tu partiras d’ici la tête haute et j’attendrais. Il reste cinq mois il
me semble. Ce n’est pas la mer à boire. C’est juste que parfois tu me manques
trop et que …
Il
m’embrasse. Sa langue se lie à la mienne puis lape par petits coups mes lèvres.
C’est un véritable enchantement. Il m’a tellement manqué. Je me sens si bien.
Puis il quitte mes lèvres pour poser de petits baisers légers sur mon visage.
Là
je suis au paradis.
****Alexander****
— Tu sens très bon, je grogne la
tête enfouie dans son cou.
— Je sors de l’hôpital, je sens
juste les médicaments.
— Non, ce n’est pas de ça que je
parle. J’aime ton odeur, elle m’envoute, me torture quand tu n’es pas là.
Il
faut que je lui parle, que je lui dise à quel point elle compte dans ma vie.
J’ai pu constater aujourd’hui qu’elle a repris cette manie qui me hérisse
complètement, celle de retirer sa main de la mienne lorsqu’on est en public,
comme si on était trop différents pour être ensemble.
Dans
le doute, Leila prend toujours de mauvaises décisions. J’ai bien conscience qu’elle tient tout
autant à moi et que je n’ai rien à craindre de ce Nzé mais c’est plus fort que
moi. Je ne veux pas qu’un autre homme que moi l’approche.
— Leila…
On
sonne. Je regarde ma montre. Ils sont pile à l’heure… Comme, je ne voulais pas qu’on quitte notre
chambre, j’ai commandé au Bellevue, restaurent de l’hôtel qui sert aussi bien
des plats gastronomiques internationaux que des spécialités locales. Et pour
faire descendre le tout, j’ai choisi une marque de qu’elle aime bien.
On
s’est installé sur le lit avec nos plats, moi adossé à la tête de lit et elle
entre mes jambes. On mange de bon
appétit je me mets à lui parler de la cuisine indienne.
— Quoi tu joues au guide et moi à la touriste ?
— Hé j’ai passé des nuits à étudier ça sur
wikipédia alors tu m’écoutes jusqu’au bout !
Elle
éclate de rire et m’écoute attentivement faire mon petit speech.
— La cuisine Indienne recouvre
une grande variété de cuisines régionales influencées par les épices, herbes,
fruits et légumes de tout genre que l'on trouve dans chaque région du pays mais
également par l’histoire et la religion. La plus part des indiens sont
végétariens à cause de l’hindouisme et du jainisme car la consommation de bœuf
est limitée par ces religions.
Maintenant,
elle est complètement distraite par la variété des plats présentés dans de
petits bols ! Elle picore dans les différents plats et mélange les pains aux
sauces sans se poser de questions.
— Moi du moment que c’est épicé,
ça me va, me fait-elle remarquer la bouche pleine
— C’est vrai que les épices sont d'une grande
importance dans la cuisine indienne. Beaucoup de plats en sauce sont faits à
base de masala, un mélange d'épices qui caractérise chaque recette et qu'on
nomme souvent curry.
Je
place un morceau de poisson dans sa bouche et la regarde mâcher
— Tu sens la moutarde en graines,
le cumin, le fenugrec, l'anis et la nigelle ? C’est un massala (mélange) appelé
pânch phoran. Le poisson a été grillé dans de l'huile de moutarde.
— Hum. Je sens juste que c’est trop bon. Il y a aussi
du gingembre on dirait.
Elle
prend un morceau de viande qu’elle fourre dans sa bouche accompagné d’une
cuillère de riz cuit à la vapeur. J’aime bien quand elle mange avec gourmandise
parce qu’elle ferme les yeux et fait des bruits de gorge qui ressemble à de
doux gémissements.
— Hum, c’est du mouton ça !
— Tiens ici c’est du poulet
tandoori.
— Rien de comparable à ce que je
te bricolais à Libreville.
Ah
ça c’est sûr ! Mais je me retiens de le lui dire.
Finalement,
on a aussi peut-être un peu trop abusé du champagne et je ne sais pas si c’est
le mélange avec les médicaments qu’elle prend mais très vite, elle était
complètement pompette.
****Le
lendemain matin ****
On
est en route pour une visite du Taj Mahal qui se trouve à 600 mètres environ de
notre hôtel. En venant ici, je comprends enfin pourquoi les hommes d’affaires
indiens du Gabon ont tellement de mal à donner des salaires décents là bas. En
effet, en Inde la main d’œuvre est très peu coûteuse, le salaire moyen étant
d’environ 30 000 francs CFA par mois, on comprend très vite que payer certaines
sommes devient pour eux très difficiles une fois arrivés au Gabon. L’Inde,
c’est le pays des petits boulots réalisés souvent avec des moyens
rudimentaires. La pauvreté conduit de nombreuses personnes à vouloir vivre du
tourisme, et parmi elles nombreux sont ceux qui essaient d’en tirer un maximum,
allant même jusqu’à des degrés plus ou moins forts d’arnaque. Je commence à
connaitre les réalités de mon pays et je me laisse de moins en moins arnaquer
mais en même temps je n’ai pas tellement l’occasion d’entrer en contact avec
les indiens de base. Ce séjour avec Leila en est l’occasion. Avec sa peau noire
et mon profil d’occidental, nous sommes régulièrement sollicités surtout parce
que nous sommes dans une ville très touristique Agra. Avec ses lunettes de
soleil Dior et sa mise moderne, on doit la prendre pour une starlette
américaine.
Je
ne la quitte pas des yeux une seconde. Peut-être parce que son sourire
rayonnant m’hypnotise.
Je
devrais te rendre heureuse tout le temps Leila. Mais les choses sont si
compliquées. De toute manière on saura dans quelques mois, si j’ai tout perdu
ou pas. Et là tu décideras.
Je
la regarde négocier avec un vendeur ambulant de paani bottle (bouteille d'eau).
Elle y prend plaisir et plaisante avec lui en dodelinant de la tête comme lui.
Parfois, certains vendeurs ont des accents tellement forts qu’elle se voit
obligée de m’appeler à la rescousse pour traduire.
Quand on arrive enfin devant le palais, elle remarque les gardes armés de kalachnikov avec étonnement. L’Inde est un pays où le risque terroriste est pris très au sérieux puisqu’il y a des attentats presque tout le temps. Par ailleurs, les tensions avec le Pakistan dont est