Le triangle
Ecrit par lpbk
Il faut que j’appelle les filles pour
convoquer un conseil d’urgence ou un triangle selon notre jargon.
— Salut ma belle ! me lance Astride. Comment
vas-tu ?
— Je ne sais pas pour tout te dire. Il faut qu’on se
voit !
— Attends, j’appelle Coralie.
— Hello les filles, lance Coralie qui a rejoint notre
conversation. Vous allez bien ?
— Il y a du nouveau pour Mel. Ce soir, triange chez elle !
— Super ! Tu me sauves la vie ! J’avais prévu
de me mater Bridget Jones avec une tonne de pop-corn.
— Oh toi, tu as quelque chose à nous raconter !
interpellai-je Coralie. Quand tu regardes Bridget Jones, c’est qu’un truc ne
tourne pas rond.
— Ce n’est rien… Je vous expliquerai… enfin…
— Ce soir, je vous apporte une pâtisserie, la coupe
Astride. On va se faire une orgie de chocolat ! Ça nous fera du bien !
Rien de mieux que le chocolat pour oublier tous ses problèmes !
— Génial ! hurle Coralie, m’obligeant à éloigner
mon smartphone de mon oreille. On se rejoint pour 19h ? J’apporte le rhum
pour les mojitos.
— Vous êtes les meilleures !
Lorsqu’elles arrivent, je les attends de
pied ferme. La journée de la veille a été chargée et il faut que je me confie. Ou
plutôt que je me confesse car elles ne savent toujours rien de mes rencards ni
du retour d’André dans ma vie. Je connais à l’avance leur réaction : la
colère pour Coralie, la contrariété pour Astride. L’une est toujours tout feu,
tout flamme tandis que l’autre est plutôt posée mais stressée.
Astride me tend une magnifique forêt noire
que je m’empresse d’aller ranger au réfrigérateur ; les filles me suivent
dans la cuisine. Pendant que je termine de préparer de petits en-cas pour
accompagner nos mojitos, Coralie qui est notre barmaid attitrée depuis toujours
se charge comme d’habitude de les préparer et Astride la surveille pour être
sûre qu’elle ne nous soûle pas dès le premier verre. Bref, une soirée normale
après une semaine compliquée.
— Fais attention, tu vas massacrer la chantilly !
Laisse-moi faire, se précipite notre pâtissière qui apparemment me surveille
aussi.
Je sens le regard de mes deux meilleures
amies braquées sur moi lorsque nous nous installon au salon pour siroter nos
cocktails.
— Bon alors tu accouches ? lance Coralie.
— Vous allez terriblement m’en vouloir, finis-je par me
lancer, hésitante.
— Je pense que Coralie t’en voudra encore plus si tu
continues de nous faire mariner, rétorque Astride.
Alors je leur raconte tout : mon idée
de m’inscrire sur un site de rencontre est saluée par la fêtarde du groupe qui
lève son verre. Je passe à la sélection de mes cinq prétendants et mon premier
là, j’ai droit au premier froncement de sourcils des filles. J’enchaine avec la
rencontre d’Angelo, qui s’aime à la folie, ce qui nous fait rire aux éclats.
— Non mais je vous jure. Il ne parlait que de lui, je n’arrivais
pas à en placer une. Le pire, c’est que lorsque j’ai fini par le rembarrer, il
a été triste d’en savoir si peu sur moi.
— Le gros lourd, commente Coralie.
Astride se cale plus confortablement dans
l’un des fauteuils pendant que notre barmaid retourne en cuisine remplir nos
verres qui se sont vidés à une vitesse folle pendant que je racontais mes
aventures.
— Donc tu as été à deux rendez-vous qui se sont avérés
être des échecs, énonce Astride.
— Exact, mais je n’ai pas fini.
J’ôte mes chaussures et étends mes jambes
sur la table basse. Je me mets à l’aise pour leur raconter la suite à savoir
les mails d’Ethan, notre rendez-vous et le retour d’André.
— Tu as revu André Felton ? crie presque Astride.
Je m’attendais à cette réaction mais de la
part de Coralie. J’avoue être aussi surprise qu’elle. Coralie, à contrario, m’observe
et continue de siroter son verre. C’est le monde à l’envers !
— Revu est un bien grand mot. Il m’a abordée alors que j’étais
en rendez-vous avec Ethan.
— Que tu as fait passer pour ton petit-ami, me fait
remarquer Astride.
— Que j’ai fait passer justement car il ne le deviendra
pas. Nous nous sommes mis d’accord sur ce point avant même que je ne lance
cette bêtise à la tête d’André.
— Et pourquoi tu t’es sentie obligée de lui faire croire
que n’étais pas célibataire ? me demande Coralie, me prenant totalement au
dépourvu.
J’avoue que je n’y avais pas pensé. Et je
n’en sais rien. C’est venu tout seul, je n’ai pas réfléchi. Et cela n’a pas
dérangé Ethan, ni fait de mal à personne alors quel est le problème ?
— Tout simplement parce qu’elle a peur de retomber dans
ses bras, lâche amèrement Astride.
Mes deux amies me connaissent depuis pas
mal d’années mais n’ont jamais rencontrées André. Il faisait déjà partie de mon
passé lorsque nous sommes devenues amies. Pourtant elles connaissent notre
histoire et évidemment, le déteste par principe. C’est ça la solidarité
féminine.
Toutefois, Astride se trompe lourdement. Je
ne veux pas retomber dans ses bras. Il est toujours aussi terriblement beau,
attirant, séduisant et sa légère barbe lui donne un petit côté canaille
diablement sexy… Mais non, stop ! Je dois arrêter de penser à lui de cette
manière. Ce n’est qu’un client au même titre que… que Bernard par exemple.
— Je ne compte pas retomber dans ses bras, répondis-je
en soupirant et en haussant un sourcil. C’est un futur client et je devrais le
chouchouter, c’est tout. J’ai su me montrer polie, finis-je, presque
condescendante envers mes amies.
— Pourquoi détournes-tu la conversation ? Ma
question n’avait rien à voir avec ta réponse…
— Eh bien, considère que c’est ma réponse !
rétorquai-je brusquement.
Je me lève, ramasse nos verres et vais
dans la cuisine refaire le plein. Je suis tendue, je me sens prise dans la
lumière des phares d’une voiture. Je ne sais pas quoi faire et comme dit toujours
ma mère, « La meilleure et la seule défense, c’est l’attaque ». et j’ai
attaqué Coralie alors qu’elle ne m’a rien fait. Je suis encore plus en colère
maintenant.
Lorsque je rejoins les filles, je me sens
minable. Ma réaction était bête, puérile et disproportionnée.
— Désolée Coralie. Je n’aurai pas dû te répondre comme
je l’ai fait. Je suis fatiguée et…
Je fais la moue, histoire de l’attendrir
même si je sais pertinemment que les filles ne sont aucunement rancunières.
— Ce n’est rien, c’est déjà oublié !
Je suis soulagée même si je m’y attendais
à cette réaction venant de sa part. Nous trinquons ensemble lorsqu’Astride, qui
ne pers décidément pas le nord ce soir reprend :
— Donc tu as fait une crois que Antoine, Angelo, sur
Ethan et tu en feras une sur André. Il reste encore trois rencards si ma
mémoire est bonne, malgré les mojitos.
— Exact. Jacob, Alexandre et Franck.
— Et il ne reste que deux mois, ce qui fait court. D’autant
que tu vas être prise dasn les jours à venir par le remariage des Diwouta.
— Où veux-tu en venir ?
— On va faire un rendez-vous groupé.
— Et c’est quoi le concept ? demande Coralie,
visiblement très intéressée.
— On leur file rencard au même endroit, en même temps et
on se pointe ensemble. On fait d’une pierre, trois coups. Ou plutôt, d’un
rencard, trois mecs.
— C’est quoi cette idée à la noix ? ris-je e bon cœur.
Astride, il faut immédiatement que tu arrêtes les mojitos. Au bout de trois, tu
te mets toujours à sortir des âneries incroyables.
— Ou pas, me contre Coralie.
— Ne me dis pas que tu trouves que son idée est bonne ?
La voyant acquiescé, je continue : Mais c’est n’importe quoi ! Les pauvres
vont se sentir piéger, ils ne s’y attendront pas. Imaginez qu’on vous fasse la
même chose.
— Enfin, ils ne seront pas seuls. Trois contre trois, c’est
plutôt pas mal. Ce n’est pas comme si on allait à trois à un rendez-vous et que
lui serait seul.
— Elle n’a pas tort, concède Coralie.
Et je dois avouer que je commence à
fléchir. L’idée de subir trois rendez-vous aussi catastrophiques que les deux
premiers me donnent des nausées. Si je peux réduire le nombre et m’amuser avec
mes amies, alors pourquoi pas ?
— D’accord ! finis-je par dire. Un rencard, trois
mecs ! Je suis partante. Mais on leur dit ! Je veux être honnête avec
eux.
Les filles sont partantes alors nous voilà
sur mon compte.
Ils reçoivent tous le même mail
personnalisé avec le prénom de chacun.
Mélanie : « Cher Jacob,
Voilà quelques jours à présent que j’ai remarqué ton profil. Tu as l’air
d’être une belle personne et nous avons beaucoup en commun. L’envie est aujourd’hui
très forte de te rencontrer en vrai.
Je ne suis pas quelqu’un qui prend les devants d’habitude mais j’ai
sincèrement envie de vois qui se cache derrière cet ordinateur. Toutefois, je
dois te prévenir que je ne viendrais pas seule. Et que tu ne seras pas seul non
plus. Afin que nous soyons à l’aise, j’ai invité des ami(e)s à se joindre à
nous.
Si l’envie t’en dit également, je te propose que nous nous voyions
mercredi prochain, je te laisse décider de l’endroit !
Je te souhaite une belle soirée.
Mélanie. »
Alexandre et Franck recevront exactement
le même mail.
En relisant ce mail, je pense toujours que
c’est vraiment du grand n’importe quoi. Et je le dis aux filles.
— Trop tard, me dit Coralie en cliquant sur « Envoyer ».
Il ne reste plus qu’à attendre.
— Aucun d’entre eux ne répondra à ça, dis-je en
désignant l’écran de l’ordinateur de la main. Si je venais à recevoir une telle
connerie, je ne prendrais même pas la peine d’y répondre.
— On verra bien, répond Astride en haussant les épaules.
Elle referme l’écran de l’ordinateur et
propose que nous allions attaquer son gâteau. Je les suis donc dans la cuisine
où les cuillères voltigent pour atteindre leur destinataire respectif.
Les dés sont jetés désormais.