Ethan, mon "petit ami"

Ecrit par lpbk

Ce qui est bien avec Ethan, c’est que je suis à l’aise avec lui. J’ai l’impression de le connaitre depuis toujours. Ce sentiment est réciproque d’ailleurs et nous ne voulons pas le gâcher. Nous avons convenu que nous ne sommes pas faits pour être ensemble, enfin en tant que couple. Mais que nous pourrions être de bons amis, car nous avons pas mal de points en commun. Finalement, je décide de me lancer. Il m’a raconté sa vie, je peux bien lui raconter la mienne ou tout au moins une partie.

     Si tu veux savoir, je suis fille unique. Mes parents sont mariés depuis des années. Ils vivent ici, à Douala et j’essaie de les voir autant que possible. Ma mère travaille dans une petite galerie d’art à Bonanjo. Mon père travaille pour ADC. Voilà tout ce qu’il y a à savoir.

     Bravo, bel effort, me félicite-t-il. Mais je voudrais savoir l’essentiel. Qui…

     Qui quoi ? m’agaçai-je.

     Qui est celui qui t’a brisé le cœur ?

     Personne ne m’a br…

     Ne mens pas. Nous avons discuté pas mal ensemble, et j’ai bien compris que tu as peur de t’engager. Je suis sûr que tu t’es investie comme une dingue dans une relation il y a quelques années et qu’il s’est barré. Toi tu t’imaginais une vie à deux mais ça n’a pas été son cas.

     Comment…

     Facile ! Déjà tu chosis un site de rencontres. Le genre de truc où tu es sûre de ne faire aucune rencontre sérieuse. Enfin peut-être quelques-unes mais tu y mettras un frein parce que c’est ton genre. Ensuite, tu veux tout contrôler ! J’ai bien vu que tu as fait des fiches sur moi, elles dépassent de ton sac et je t’ai observé à ton insu lorsque tu es arrivée, tu étais en train de les relire. D’ailleurs, j’aimerai bien savoir ce que tu as dégoté sur moi…

Je me sens devenir rouge de honte. Il m’a percée à jour en quelques heures de bavardage. Je ne pensais pas être aussi transparente aux yeux des autres.

     Je… euh… je… bredouillai-je de nouveau.

Ethan se met à rire. D’un beau rire franc. Et là, au lieu de me mettre en colère, de lui hurler d’aller se faire voir, de lui jeter mon verre à la figure ou n’importe quelle réaction normale d’une fille qui vient de se faire pincer et franchement, se paie la honte de sa vie, j’explose de rire.

Nous rions tellement que quelques tables se retournent. Certaines personnes nous observent amusées alors que d’autres sont désapprobateurs. Qu’ils aillent se faire voir.

Finalement, Ethan abandonne le sujet de ma vie amoureuse et je lui en suis reconnaissante. Nous préférons aborder celles des autres personnes présentes dans le restaurant.

Il désigne une table où une jeune femme triture son téléphone portable pendant que l’homme en face observe la salle.

     Premier rendez-vous pour eux aussi, me lance-t-il discrètement.

     Visiblement, répondis-je de la même manière. Et elle attend que l’une de ses copines l’appelle pour faire diversion et partir.

     J’espère que sa copine fera vite parce qu’il est sur le point de mourir d’ennui.

Nous pouffons mais nous continuons tout de même notre petit jeu nous moquant d’un couple où la femme semble considérer son mari comme un enfant au mieux, comme son chien au pire ; lui « recommandant » de ne pas manger tel ou tel aliment pour finir par choisir pour lui, lui ordonnant de faire attention lorsque par mégarde l’une de ses pâtes glisse de son assiette, et autre invectives soulignées par un sourire mielleux.

Nous enchainons sur un autre couple où il est flagrant que la demoiselle semble amoureuse alors que le jeune homme semble totalement insensible ou aveugle aux signaux qu’elle lui envoie. La pauvre… Le pauvre…

Notre jeu s’arrête sur un couple de personnes âgées. Ils sont tellement mignons, se regardant dans les yeux en se souriant mutuellement. Ils vont même jusqu’à se faire goûter leur plat et lorsque la dame se met de la sauce sur le menton, ils rient ensemble et son mari essuie délicatement son épouse. Je fonds devant tant d’amour et j’espère de tout mon cœur vivre un jour la même histoire que ce couple. Ils sont tellement beaux…

Je pousse un soupir à en fendre l’âme.

     Tu crois qu’un tel amour existe encore aujourd’hui ?

     Je l’espère de tout mon cœur en tout cas.

Sur cette note nostalgique, nous payons l’addition. Impossible pour moi de le laisser m’inviter et il est dans la même optique alors nous décidons de couper la poire en deux.

Nous déambulons un moment dans le quartier et nos pas nous mènent vers un bar branché où se sont déjà produites des stars comme Coco Argenté ou Locko entre autres.

Nous nous installons à l’étage où nous avons une vue plongeante sur la scène. Nos consommations arrivent vite : une bière pour Ethan, un verre de vin pour moi.

Nous sirotons nos verres tout en nous laissant porter par la musique, commentant le spectacle qui nous est offert et qui est vraiment un régal pour les oreilles.

     Mel, me souffle une vois.

Je sens une main se poser sur mon épaule et me retourne. Je me retrouve alors nez-à-nez et les yeux dans les yeux avec mon passé et mon futur.

     André ! m’étonnai-je.

C’est bien ma veine de tomber sur lui maintenant, d’autant que je suis en rencard avec un homme que je connais depuis quelques heures et quelques mails seulement.

     Je ne m’attendais pas à te voir ici mais j’avoue que c’est un plaisir. Tu n’as pas changé ! me lance-t-il.

     Toi non plus…

En effet, il est toujours aussi beau qu’autrefois, si ce n’est plus d’ailleurs.

Ses cheveux sont coupés courts sur le côté mais sont plus longs au-dessus. Ses yeux sont toujours aussi fascinants. Son nez montre son côté autoritaire, adoucit par sa bouche pulpeuse… et douce. Enfin je m’égare. D’ailleurs, une légère barbe que je ne lui ai jamais connue ombre ses joues. Cela le vieillit un peu mais donne surtout envie de la caresser.

Son costume moule son corps que l’on devine musclé, du torse en passant par les cuisses et tout ce qui va avec… Stop ! Il faut que j’arrête de le reluquer de la sorte !

     Tu ne me présentes pas ?

     Si, je suis désolée…

La honte ! Il s’est aperçu que je le matais. Je rougis puis souris et me tourne vers Ethan qui nous observe en silence.

     Ethan, je te présente André, un vieil ami. André, je te présente Ethan, mon petit-ami.

Sans dire un mot, les deux hommes se serrent la main. Je suis reconnaissante à Ethan de n’avoir pas relevé notre « situation amoureuse qui est inexistante. Je lui lance un petit sourire, auquel il me répond par un clin d’œil. J’avoue ne pas savoir comment l’interpréter. Je sens alors la tension monter entre les deux hommes. Que se passe-t-il ?

     Tu es venu seul ?

     Non, je suis avec Olivia, son fiancé et une amie commune. Vous voulez vous joindre à nous ? propose André.

     Nous ne voudrions pas nous imposer, répond Ethan avant même que j’ai pu ouvrir la bouche. Et de toute façon, nous avions décidé de partir.

Je l’observe, mais ne montre rien de mon étonnement. En même temps, il n’a rien dit quant à notre situation amoureuse alors qu’elle est totalement fausse, donc je me vois le griller. Toutefois André n’est pas dupe car nos verres sont encore pleins.

     Dans ce cas… je vous laisse. Je t’appelle demain, Mélanie, continue André en insistant légèrement sur mon ancien surnom. Il faut que l’on se voit rapidement.

     Bien-sûr. Passe une bonne soirée.

Il me lance un dernier regard et repart d’où il est venu.

     Ainsi c’est lui ! déclare Ethan lorsqu’André est hors de portée d’oreilles.de quoi tu parles ?

     De celui qui t’a brisé le cœur. Il s’appelle donc André et je pense que tu as toujours des sentiments pour lui.

     Je ne savais pas que tu étais aussi psychologue.

     A mes heures perdues, ça m’arrive, me rétorque-t-il. Sache tout de même qu’il n’arrête pas de nous regarder, mais ne te retourne…

Trop tard ! Je me suis déjà retournée pour vérifier les dires de mon « petit-ami ». Olivia me fait un signe auquel je réponds. Effectivement, il est en bonne compagnie. La bimbo à ses côté me lance un regard à faire geler les flammes de l’enfer et pose une main possessive sur la jambe d’André. Celui-ci ne semble même pas le remarquer car il ne fait rien pour la retirer.

J’ai alors comme un point au cœur mais je n’y prête pas attention. Et je me tourne vers mon rencard.

     Je pense qu’il est temps pour nous de partir, me dit-il.

Ethan se lève et m’aide à enfiler ma veste. Sans un regard en arrière, main dans la main, comme de vrais amoureux, nous quittons la salle.

30 ans... et célibat...