LES CHRONIQUES DE NAÏA Chapitre II - #3
Ecrit par BlackChocolate
Mon sommeil fut court cette nuit-là. J’étais très excitée par cette nouvelle aventure, même si cela signifiait d’être séparée de ma famille une fois de plus. A la seule différence que cette fois ci, c’était pour mon propre bien. Après avoir vécue autant de tragédies en si peu de temps, il fallait bien prendre un nouveau départ, tourner la page, trouver un nouvel équilibre… Et papa avait su prendre la bonne décision.
Je me réveillai donc très tôt. Le vol était prévu pour la soirée, et j’avais encore assez de temps pour préparer ma valise, faire l’enregistrement et passer le reste de la journée avec Ghislain et Kevin que je ne reverrai probablement pas avant quelques mois. En ce qui concerne ma valise, elle fut prête en quelques minutes grâce à Jeannette. Je n’avais pas besoin de vider ma garde-robe, car je devais avoir de nouveaux vêtements en France. Il fallait donc prendre juste le nécessaire. Ghislain m’accompagna à l’aéroport pour faire l’enregistrement. De retour à la maison, je pris un petit-déjeuner léger, composé de pain, de fromage, d’un verre de lait et d’une pomme. Maman insistait toujours pour que nous mangions un fruit à chaque repas. A l’école, le maitre non plus ne cessait de dire qu’il est important de manger 5 fruits et légumes par jour. J’ai donc prit très vite cette habitude.
Après mon petit-déjeuner, je me rendis dans la salle de séjour pour suivre la rediffusion d’un feuilleton que j’avais manqué la veille. L'atmosphère était plutôt paisible. Mon père qui n’était pas allé au boulot avait reçu la visite d’une connaissance à lui, et je pouvais les voir discuter depuis le bureau où ils se trouvaient. Kevin et Ghislain prenaient leur petit-déjeuner autour de la table à manger en discutant de temps à autres. J'admirais ce beau tableau l'espace d'un moment, puis la photo de famille qui se trouvait accrochée contre le mur au-dessus de la chaise de mon père me rappela la triste réalité. Maman n’était plus là. Je pense que je ne digérerai jamais cette perte, ni celle de Marc-Hervé.
Entre mon feuilleton, le déjeuner, et les quelques heures de sieste, le temps passa très vite. Quelques heures avant de quitter la maison, papa me rejoignit dans ma chambre.
- Je ne sais pas tout ce que tu as enduré pendant cette guerre chérie. Tu ne m’en as jamais parlé, et je n’ai pas jugé bon de te poser des questions pour éviter de faire ressortir de mauvais souvenirs.
Il prit mes mains entre les siennes et continua :
- Je sais que rien ne sera plus jamais comme avant. Mais tu dois être forte pour t’en sortir, où que tu sois, et peu importe que ta mère soit avec toi ou pas.
Kevin et Ghislain nous rejoignirent ensuite, et nous passèrent le peu de temps qu’il nous restait à partager quelques anecdotes sur ma mère et mon frère. L’heure du départ vint enfin. Après plusieurs minutes où il fut difficile de me convaincre de partir, direction L'aéroport.
On arriva juste à temps pour que je puisse prendre le vol. J'avais toujours détesté les aéroports, même plus petite, parce que j’avais vu plus de gens en partir qu’en revenir. Mon père et mes frères me serrèrent fort dans leurs bras. J'essayais de ne pas pleurer mais c'était plus fort que moi. Nous fîmes interrompus par le speaker qui criait mon nom. Manifestement, j'étais la seule en retard. Je m’empressai de monter dans l'avion en jetant un coup d'œil derrière moi comme pour mémoriser le paysage. Je partais de ce pays qui en 10 ans m’avait tout donné et presque tout repris, ce pays où des gens qui ne se connaissaient pas s’étaient entretués pour des gens qui se connaissaient.
Dans l’avion, une hôtesse me montra mon siège. J'étais assise à côté du hublot, et je vis la terre s’éloigner de moi et les habitations disparaitre au fur et à mesure que l’avion prenait de l’altitude. Je regardais les autres passagers et je m'amusais à imaginer une vie pour chacun d'entre eux. La grosse dame aurait pu être une directrice d’école. Le Monsieur à la cravate noire et aux cheveux blancs pouvait être un diplomate comme papa, et la dame avec son enfant se préparait peut-être à aller rejoindre son mari qui attendait impatiemment sa famille. Au bout d'un moment, l’exercice m’épuisa. Les hôtesses commençaient à partager des plateaux contenant des repas à ceux qui le voulaient. La plupart des passagers s’étaient endormis, d’autres lisaient, et moi je commençais de plus en plus à m’ennuyer.
Finalement, je m'endormis en lisant un magazine qui parlait de la mode en 1970. Je ne fus réveillée que plusieurs heures plus tard par la voix de l’un des pilotes qui annonçait dans le speakeur qu'on approchait de notre destination. L’atterrissage se fit sans encombre. A la descente, je remplis les formalités d'usage, puis je me présentai au guichet. L’agent de douane regarda mon passeport, vérifia quelque chose sur son ordinateur, puis me sourit et me dit :
- Vous avez un joli prénom mademoiselle Naïa. Bienvenue en France et bon séjour...
Je me dirigeais vers la sortie tout en cherchant du regard un visage qui me serait familier lorsque je vis une pancarte qui portait mon prénom...