Les renforts

Ecrit par Farida IB



Nahia…


Un vrai boulet celui-là, je ne sais même pas qui il voulait impressionner. Un simple jeu en famille le mec se muscle sur la pauvre balle comme si c’était les jeux olympiques mondiaux. Résultat Liam a une côte cassé, bien que ce dernier atteste le contraire moi, je retiens cette version. Il a cassé la côte de mon beau-frère point final. Pfff ! Il me fout la boule quoi, et ça m’énerve encore plus la manière dont tout le monde lui fait les courbettes. Khalil par ici, tonton Lil par là, quelqu’un que vous ne connaissiez même pas tssuiipp !! Voilà qu’il vient casser les côtes des gens, à peine, on l’introduit dans la famille qu’il s’emmêle déjà les pinceaux tssuiipp tsuiipp cinq fois !!


Je conduis en ressassant tout ça sans prêter attention à leur conversation. Depuis que nous avons démarré de la maison, il ne parle qu’avec les enfants et c’est tant mieux parce que s’il essaye de m’enquiquiner comme il en a l'habitude, il risque de le regretter amèrement. Venir gâcher mon humeur comme ça alors que je me suis levée du bon pied ce matin, prête à passer de bons moments avec ma famille pour oublier un tantinet mes problèmes.


Driiinngg Drrinngg !


C’est mon téléphone, voilà un autre qui a envie de subir mes foudres. Qu’il s’occupe de sa CHERIE et qu’il me foute la paix une bonne fois ! Je laisse sonner comme depuis hier, il insiste plusieurs fois.


Nabil au bout d’un moment : maman, je décroche pour toi ?


Moi : non laisse sonner.


Zeina : mais c’est tonton Manaar.


Moi : je sais, laisser, je vais le rappeler plus tard.


Khalil avec un petit sourire : il y a le réseau dans la voiture.


Tient ! Je pensais qu’il ne voulait plus m’adresser la parole celui-là, la façon dont il a gonflé son visage durant les premières minutes du trajet m’ont fait penser qu’il avait enfin compris et qu’il se tiendra désormais à l’écart.


Moi le toisant : ce n’est certainement pas votre problème.


Il ferme son visage d’un coup et se passe la main sur le visage. Les enfants reprennent leurs interrogatoires jusqu’à la maison où je remets la clé de l’appartement à Zeina pour qu’ils montent pendant que je récupère les clés de la range Rover chez le concierge. Je les retrouve quelques minutes plus  tard en train de fouiller partout dans l’appartement à la recherche d’on ne sait quoi.


Moi : heeppepp vous connaissez la règle, vous avez interdiction de fouiller dans mes affaires.


Ils viennent tous vers moi, là, je sais que c’est pour négocier vu qu’ils ont déjà formé leurs groupes avec les chefs de file en tête de ligne. Lol ces enfants et leurs tactiques.


Naïla la petite voix : tata, on veut faire un atelier de maquillage comme à l’anniversaire de Tyler et Tristan.


Nabil : Samir (fils de tonton Hamed) et moi voulons jouer à la Playstation.


Yusef : nous, on veut faire de la peinture.


Moi : une demande à la fois ! (me tournant vers le groupe de filles) Vous, c’est pour me gaspiller mes produits de maquillage.


Zeina : non dada Nahia (grande sœur) tata Magnime nous a appris comment faire.


Laïla la voix à peine audible : on veut aussi faire un petit défilé de mode.


Moi écarquillant les yeux : QUOI ?


Zeina lui faisant les gros yeux : Laïla !! (se tournant vers moi) Dada, nous allons juste utiliser les produits, et nous promettons de ne rien casser.


Moi la fixant avec insistance : tu promets hein (oui de la tête) si quelque chose se casse ou que je viens retrouver du bazar, c’est toi qui seras puni à la place de tout le monde.


Zeina : oui dada (oscillant son regard entre elles) vous avez compris inh ?


Elles la petite voix : ouiiiii.


Moi : ok, allez-y !


Elles courent vers ma chambre en jubilant, je me tourne vers les peintres.


Moi à Yusef : je peux compter sur toi pour les murs ? (il hoche la tête.) Ok, tu surveilles Mariam, Hamid (il répond.) pas de pleurs d’accord ?


Il hoche aussi la tête puis ils s’en vont à leur tour, je me tourne maintenant vers les deux calibres devant moi.


Nabil anticipant sur mes mots : je sais maman, on ne joue pas pour de l’argent et on fait le moins de bruit possible.


Samir complétant : on ne se bat pas à la fin parce qu’on est mauvais perdant.


Moi claquant la langue : voilà qui est bien dit.


Ils n’attendent pas avant de se ruer vers la petite salle de séjour. Ils ne savent même pas que ça m’arrange  de les savoir occupés, ça me permettra de rattraper quelques dossiers avant que ça ne parte en vrille.


Je troque mes vêtements contre un kaba et m’installe dans mon bureau aménagé au fond du couloir. Je travaille tout en gardant un œil attentif sur eux et par moment, je gère quelques crises. On s’occupe ainsi jusqu’à deux heures plus tard où je suis plus que lasse, je décide alors de prendre une pause pour initier une activité culinaire avec les enfants puisque c’est l’heure du goûter ensuite nous pouvons nous amuser ensemble. Je les rassemble donc pour qu’on se mette d'accord sur une recette.


Moi : on fait des gâteaux ?


Naïla renfrognant la mine : on fait tout le temps des gâteaux avec mamie.


Ça, c’est vrai.


Moi : une verrine tarte alors, au citron meringué spéculoos comme vous l’aimez.


Khalil depuis sa chambre : les enfants, je vous invite à prendre une glace ensuite, on va au restau.


Eux : supppeerrrrrr.


Moi catégorique : NON


Laïla/Naïla/Samir : mais pourquoi ? 


Moi : je ne veux pas partir au restaurant avec lui.


Nabil/Zeina : nous, on veut y aller.


Khalil le ton rieur : je ne mords pas vous savez.


Moi : tchuiipp !!


Nabil ton implorant : steuuuppllaaitttt maman.


Mariam et Hamid : s’il te plaît tata, papa ne nous amène jamais mangé de glaces.


Moi : parce que papa travaille tout le temps.


Samir : et c’est pour ça qu’on veut profiter le faire aujourd’hui parce que si on rentre à la maison on ne pourra plus en manger.


Le même chantage tous les jours (rire). Bof, ce n’est rien de leur faire plaisir. Je ne veux juste pas me retrouver assise à la même table que mister tête en l’air.


Moi : ok, je vous emmène manger  vos glaces.


Nabil mine de chien battu : tonton Lil aussi, il est seul ici.


Je roule des yeux.


Les jumelles en chœur : s’il te plaît tata.


Moi soupire exaspérée : comme vous voulez.


Khalil : voilà que vous devenez raisonnable.


Moi : pffff !!!


Anyway, je peux compter sur leur présence pour ne pas l’envoyer paître.


On se retrouve donc à Crazy Cream (le choix des traitres là tchiipp) ils prennent leurs glaces et moi je me contente d’un S’more milk-shake au chocolat. Et une fois de plus, je suis auditrice de leurs conversations, du coup, je m’occupe en échangeant avec mes copines. À Murielle et à Zaïdia, je raconte ma semaine avec Khalil et à Tina l’incident d’aujourd’hui. Tina en bonne défenseuse des causes perdues tiraille avec moi sur mon soi-disant comportement.


Tina : « Ils ont raison, tu fais chier à la fin ».


Rhooo, elle ne peut même pas mâcher ses mots un peu.


Moi : « j’avais raison, il lui a cassé une côte »


Tina : « C’est toi, Liam ? C’est ton corps ? Mais qu’est-ce que le type t’a fait au juste ? ».


Je nettoie le visage d'Hamid avant de répondre.


Moi : « C’est un sac à bêtise le mec. »


Ping SMS.


Manaar : « Dis moi tout au moins ce qui se passe, tu ne peux pas couper les ponts d’un seul coup sans me donner la raison ».


Comme si j’avais besoin d’une autre raison pour le faire, je l'ignore et retourne dans la conversation avec Tina.


Tina : « genre c’est à toi de l’éduquer quoi ? Tchhiipp attend que nous rentrons demain de notre week-end, je viendrai te foutre la raclée que tu mérites »


Moi : « lol »


Nabil : maman on peut bisser ?


Khalil qui répond : oui, si vous voulez.


Moi : non, ils risquent de zapper le dîner.


Ils rouspètent.


Khalil : ah ok (se tournant vers eux) désolé les kids, une autre fois.


Je replonge ma tête dans mon téléphone.


Tina : « Puce, je sais pourquoi tu fais ça. Je sais que tu ne veux plus te laisser marcher sur les pieds. Sans aucun doute, cette carapace te protège de la personne qui voudra te blesser. Mais si tu ne laisses pas tomber, elle t’isolera aussi de la personne qui veut t’aimer ».


Moi : « Mdr, où tu as vu quelqu’un qui veut m’aimer dans cette histoire ? »


Tina : « Tu n’en sais rien, ton âme sœur peut sortir de nulle part et tu le renverras avec cette attitude de rombières. »


Moi : « pffff »


Je vide mon verre et leur fait signe de se dépêcher.


Tina : « Tu sais bien que j’ai raison. »


 Moi : « Est-ce que c’est moi ? À chaque fois que j’essaie de mettre balle à terre, il vient avec une nouvelle botte »


Tina : « ce n’est pas un saint, c’est un être humain comme toi et moi. Je ne sais même pas pourquoi tu prends le type en griffes alors que tu me racontes des choses sensas sur lui. Comparativement, au portrait que tu as dépeint de lui au début, je trouve qu’il n’en est rien, et même que c’est toi la sorcière dans cette histoire »


Moi : « lol c’est arrivé là-bas ? »


Tina : « ça a dépassé ».


Un serveur amène l’addition et Khalil sort une carte de crédit pour payer. Je le regarde genre : tu pouvais faire ça ? Je pense qu’il a saisi le fond de ma pensée.


Khalil sourire gênée : en fait, je ne savais pas que ces moyens de paiement pouvaient exister dans…


Le regard noir que je lui lance l’empêche de terminer sa phrase, il nous prend peut-être pour une tribu de la Papouasie tsssrrrr.


Il me regarde avec un sourire contrit qui finit par me mitiger.


Moi : je vous le concède cette fois. Vous savez, c’est certes un minuscule pays, mais ce n’est pas pour autant qu’il est isolé du monde et il y a bien longtemps que la civilisation est passée par ici.


Khalil se grattant la tête : c’est ce que je constate.


Moi (aux enfants) : ok, on y va !


Laïla fixant Khalil : ensuite, on va au restaurant hein tonton Lil.


Moi (m’empressant de répondre) : oui, mais il faut qu’on rentre d’abord à la maison nous préparer. Le temps pour vous de digérer les énormes glaces que vous venez d'engloutir.


Ce qu’ils font sans bouder. Pendant le trajet retour les discussions tournaient autour des menus à choisir au restaurant, discussions qui découlent sur la liste des allergies de tout le monde. Je sais que Samir est allergique aux noix et les jumelles à la cannelle et aux ananas, ce sont d'ailleurs les seuls à avoir des allergies dans la famille. Néanmoins comme tonton Lil a parlé de son hyper allergie tout le monde l’était aussi du coup. Le type seul est allergique aux amendes, aux noix, aux crustacées, aux sojas... Bref, je me demande comment il a pu réussir à se nourrir pendant toutes ces années. Bon, lui-même là-bas. 



À 20 h, nous étions attablés autour d’une table aux Noces (restaurant fast-food pizzeria). Chacun avait eu pour son goût et pour sa santé. L'atmosphère était bien détendue. Je suis toujours sur mon téléphone, mais je participe quelques fois et ris aux divers commentaires. Un moment, je suis bien captivée par ma discussion avec Zaï lorsqu’une question que Zeina adressait à Khalil me ramène vers eux.


Moi fronçant les sourcils : Zeina répète un peu ce que tu viens de dire.


Zeina : euhh je demandais si tonton Lil et toi allez vous marier.


Je cligne des yeux plusieurs fois et la fixe pantoise un moment au bout duquel Khalil pouffe de rire, je lui lance un regard furieux.


Moi : ce n’est pas mon copain, il est là pour qu'on travaille ensemble et c’est tout. 


Laïla : mais ce serait trop génial si vous vous mariez tous les deux.


Nabil renchérissant : wehh !!


Moi mal à l’aise : mais d’où est-ce que vous sortez ça ? Votre tonton Lil a sa vie à Abu-Dhabi.


Mariam : c’est quoi Abou Chabi ?


Moi la fixant : Abu-Dhabi chérie, c’est une ville loin d’ici.


Khalil au tac : vous m’épouserai donc si jamais je décidais de rester ici ?


Moi embarrassée : ce n’est pas ce que j’ai dit.


Khalil : c’est ce que ça sous-entend.


Moi sur la défensive : c’est un lapsus de ma part, je ne pense pas que vous et moi ça puisse aller sur ce terrain un jour.


Khalil : vous n’en savez rien.


Moi le fixant avec dédain : ne vous mettez pas de telles idées dans la tête, vous et moi ça ne peut jamais coller. 


Khalil s’essuyant la main : vous savez, il y a un proverbe de chez moi qui dit « ne dis jamais jamais, ne dis jamais, toujours, laisse au temps le soin de prononcer ces mots. »


Moi : tchiipp ! (m’adressant à Zeina durement) Toi, je ne veux plus entendre de pareilles sottises sortir de ta bouche.


Zeina se triturant les doigts : mais je demande parce qu’il te regarde comme tonton Liam regarde dada Amou.


Je me tourne furtivement vers Khalil qui louche sur le décolleté de ma robe, je la remonte gênée.


Nabil : ce serait genre trop génial si ça pouvait arriver.


Moi roulant des yeux : vous le connaissez que depuis une semaine et vous voulez déjà que je me marie  avec lui.


Naïla qui n’a pas bronché depuis tout ce temps : oui, parce qu'il est gentil en plus, il est beeaauuuu, il a les yeux bleu d’Azur et la peau brun d’Asmar. Nous, on veut que tu te maries avec lui.


Moi sciée : donc vous avez décidé et moi, je m'exécute juste !!!


Eux amusés : ouii


Moi : tssrrrrrr.


Zeina : mais dada pourquoi tu ne l’aimes pas ? Il est gentil pourtant.


Moi avec humeur : hoo hoo hoo, ça suffit cette histoire ! 


Je soupire pour me calmer parce que le ton de ma voix avait déjà alerté les autres clients. Il y a Khalil qui n’arrête pas de sourire, j’ai envie de l’étrangler lui. 


Moi continuant : une glace, de la bouffe et de petites attentions et vous voulez déjà m’envoyer en mariage. Est-ce que je vous ai dit que je cherche un mari ?


Laïla : nous on n'aime pas le fait que tu sois seule.


Non mais ces enfants-là me veulent quoi au juste ? 


Moi ton péremptoire : je ne veux plus entendre quelqu’un parler de mariage ici.


Nabil : mais…


Moi lui criant dessus : Nabil, j’ai parlé.


Un silence pesant s’installe d’un coup.


Moi : finissez de manger, on s’en va.


Ils s’exécutent la tête baissée, la mine tristounette. Non mais c’est quoi leur problème, moi me marier à un tête à l’air pareil. Si c’est injure eux-mêmes, tchiipp !!


Lui-même ne dit plus rien et se contente de me lancer des regards goguenards et de faire des rictus au coin des lèvres. À un moment ça m’agace et je le regarde avec mon air le plus hostile.


Moi : quoi ?


Khalil trop zen : vous savez, la vérité sort parfois de la bouche des enfants.


Moi : n’en rajoutez pas une couche s'il vous plaît !


On quitte le restaurant sur cette note, et même jusqu’à la maison. On arrive devant sa porte que, Nabil traîne les pas.


Moi : quoi encore ?


Nabil : je veux rester avec tonton Lil.


Moi levant les yeux au ciel : tu ne veux pas non plus déménager chez lui ?


Nabil euphorique : je peux maman ?


Moi : ggrrrrr.


Khalil : ça ne me dérange pas qu’il passe la nuit avec moi.


Nabil ton suppliant : allez maman dis oui s’il te plaît…


Moi reprenant ma marche : de toute façon, ma voix ne compte plus dans cette maison depuis que vous avez connu (articulant en le fixant) votre  " tonton Lil ". 


Il se met à sautiller.


Moi à Khalil : ce sera à vos dépens, s’il casse quelque chose là-bas vous réglez ça entre vous.


Khalil : j’assume !


Moi me tournant vers Nabil : j’espère que tu ne reviendras plus chez moi, un traite comme ça. Tu priorise un étranger au détriment de ta mère.


Il court et vient m’entourer la taille.


Nabil : rhoo ne soit pas jalouse mamounette, je t’aime gros comme ça.


Moi le réprimandant faussement : tu dis ça pour me bluffer, n’est-ce pas ?


Nabil : Nop love you so so mum.


Je lui fais un bisou sur la tête, puis sur le front.


Moi aux autres : allons-y, (lorgnant son hôte) laisser-les dans leur chose !


Khalil sourit.


Yusef la petite voix : tata, est-ce que je peux y aller moi aussi ?


Moi le fixant les yeux tout rond : même toi ?


Samir : moi aussi, je veux dormir avec eux.


Hamid : moi aussi.


Moi : et bien faites donc, allez-y même ça nous fait plus de place. (regardant les filles) Ça vous dit une soirée entre filles ?


Elles : ouiiii


Naïla : on va faire quoi ?


Moi réfléchissant vite : soirée pyjama !


Zeina : yessss !!


Mariam : je n’ai pas apporté mon pyjama.


Moi : tu as quelques affaires ici avec moi.


Elles me sautent dessus et c’est en traînant les pas que nous pénétrons mon appartement. Les garçons sont justes venus prendre leurs affaires de couchage et ont déserté l’appart. Même le bain, c’est là qu’ils l’ont pris. Je suis moi-même dépassée par l’affaire. 


La journée du dimanche s'étiole entre ménages, devoirs et activités ludiques. Les enfants ont même réussi à glisser une trêve entre Khalil et moi. Du coup, nous avons mangé ensemble toute la journée et l’avons aidé à faire le ménage dans son appartement. Bien sûr avec toutes les précautions requises. Je n’ai pas très envie de passer une nouvelle nuit blanche, la dernière fois, je l’ai eu en travers de ma gorge.

Il à également participé aux divers jeux jusque dans la soirée. Ensuite   nous sommes partis les déposer à deux, vous devinerez l’institution qui a instauré cette loi. Le trajet retour se fait dans une atmosphère bizarre parce que je ne savais plus quelle attitude adopter avec lui. Je crois qu’il l’a remarqué. Donc à un moment, il entame une conversation.


Khalil : j’ai passé un excellent week-end.


Moi : euh heureuse pour vous.


Khalil : je crois que je les aime bien ces enfants, ils sont attachants.


Moi : je crois qu'eux aussi, ils vous aiment bien.


Flottement.


Khalil reprenant la voix posée : je suis désolé pour ce qui s’est passé hier avec votre beau-frère, je ne l'ai pas fait exprès.


Moi lui jetant un coup d’œil : ce n’est rien, je vous présente également mes excuses pour ma réaction excessive. J’ai eu une peur bleue, c’est pourquoi.


Khalil l’air stupéfait : euhh je comprends.



Khalil…


C’est tout ce que je dis, mais au fond, j’étais genre WHAT ? Elle s’excuse ? 


Je vais nécessairement avoir besoin d’une encyclopédie pour comprendre cette petite, je n’ai jamais vu autant de mystères incarnés en une seule personne. Sinon je dis vrai quand je dis que j'ai passé un agréable week-end, surtout le tour au restau, j'ai adoré voir la miss blêmir lors de sa tirade avec les enfants. En résumé, ils ont réussi à me contaminer leurs humeurs positives, mais ce n'est pas pour autant que j’ai changé d’avis sur ma décision de garder mes distances avec elle. Elle est résolument un mystère pour moi et je n’ai pas les armes qu'il faut pour désamorcer son ambivalence. Je suis le genre à pouvoir vendre un frigidaire à un Esquimau, mais votre copine-ci dépasse mon niveau de compétence. La seule chose de bien que j’ai remarqué sur elle c’est toute l’attention qu’elle porte aux kids, elle les maîtrise tous autant qu’ils sont. Par ailleurs, les seules fois où elle fait montre d'amabilité et de sympathie, c’est lorsqu’elle se retrouve avec eux. Le reste du temps elle se transforme en dragonne des îles tartares. 


C’est sur cette pensée que je regagne mon appartement et passe directement sous la douche. À la sortie, je porte un short et m’affale sur le divan au salon. Je décide de tenter le numéro d’Ussama pour voir si sa colère s'est un tant soit peu estompée. Malheureusement, je me rend compte après quelques tentatives que c’est toujours coton. Jemal m’a raconté le fin mot de l’histoire et il le faut dire ça me surprend et pas qu’un peu. Depuis mon cerveau refuse d'enregistrer l'information. Comment est-ce possible qu'un mignon mec comme lui peut réagir de la sorte face à une beauté ? C’est vraiment intriguant cette histoire. 


Je finis par laisser tomber pour appeler Yumna qui se plaint toujours autant de ne pas avoir des nouvelles de son frère adoré. Je la rassure comme je peux et on finit par se charrier comme d’habitude avant que je ne coupe pour rappeler maman. Vous savez ce que c’est, « tu as mangé quoi, tu dors bien ? Etc… » Elle abuse parfois, comme si j'étais un bébé puff ! C’est après tout ça que je lance le numéro de Jemal qui m'informe qu'il n’a toujours pas réussi à dompter le Kamikaze, je cite Ussama. La seule solution qui nous reste à explorer, c'est d’envoyer Salim en renfort. On se prend donc en appel vidéo. 


Jemal (dès qu’il apparaît sur l’écran) : ah ouais, man le To go te va bien, tu as pris du poids tout ça tout ça en trois semaine.


Moi : déjà Togo, pas To go. 


Voilà que je commence à parler comme la miss.


Jemal : c’est ça le nom ? Bah, c'est la même chose !! 


Moi : même pas !!


Salim qui nous rejoint en ce moment : qu’est-ce que vous avez encore fait ?


Jemal : rhhooo type pourquoi tu nous rentres directement dedans comme ça ?


Salim : parce que je vous maîtrise comme les doigts de ma main.


Moi lui souriant : toujours aussi grincheux toi.


Salim : tu n’es parti que depuis trois semaines, on ne change pas en trois semaines encore que c’est ma personnalité donc no way que je change.


Moi soupirant : c'est vrai que ça fait juste trois semaines que je suis là. Mais les gars avec tout ce que j’ai vécu cette semaine, j’ai l’impression d’être dans ce pays depuis une année.


Jemal pouffant de rire : elle te mène toujours la vie dure ?


Moi : et comment !? J’en suis arrivé à vouloir retirer mes armes, parce que cette fille est une énigme.


Salim : vous parlez de qui ?


Jemal : sa collabo !


Salim brusque : c’est toi ! Tu veux quoi si tu fais ton play-boy au lieu de te concentrer sur ce pour quoi, tu es parti là-bas ?


Moi : je t’assure que pour une fois, je suis clean, avec elle, j’essaie simplement d’être courtois. Sauf que la miss m’a directe pris en griffes. (soupire las.) D’ailleurs, j’ai pris la décision de faire comme tu dis, je me concentre sur ma mission et basta.


Salim : c’est mieux pour toi, maintenant, c’est quoi le véritable problème ?


Jemal lui raconte.


Salim dès qu’il finit : de vraie tête de linotte vous deux ! De quel droit vous permettez vous de vous immiscer dans la vie de l’enfant ?


Jemal : il est en âge de…


Salim le coupant sévèrement : est-ce qu’il vous a demandé quelque chose ? (non de la tête) Non mais ça ne se fait pas d’humilier quelqu’un ainsi, qui plus est ton petit frère Khalil. Il y a sûrement un autre moyen de le lui faire comprendre, la discussion par exemple ! Ensuite, vous essayez de trouver une solution à son gré (élevant la voix) et à son su.


Moi la petite voix : ok, on a compris, on a merdé comme d’habitude. Tu nous proposes quoi comme alternative ?


Salim plus calme : laissez sa colère s’estomper, il reviendra de lui-même.


Jemal : type essaie quand même de lui parler, peut-être que toi tu auras plus de chance que nous.


Il soupire et se passe une main dans les cheveux.


Salim : je vais voir ce que je peux faire.


Moi : merci bro, je te revaudrai ça.


Salim : toujours à réparer vos erreurs, et plus vous prenez de l’âge plus vous en faites et des plus saugrenues. Les gars à un moment pensez à vous servir de vos cervelles.


Moi : rrhoooo Salim !!


Salim : mais puisque vous vous comportez comme des gamins alors que vous êtes en âge de faire des enfants.


Jemal faisant la moue : c’est bon bro, on a compris c’était une erreur.


Salim : bien ! Alors Khalil, raconte ton histoire avec cette fille. (à moi,) Qu’est-ce qu’elle t’a fait ?


On passe le reste du temps à triper dessus pour aboutir à la même conclusion, celle de me comporter en bon collaborateur et pas plus. On se laisse plus tard en bon terme. Je me sers un reste de pizza au frigo que j'accompagne d’un jus de pruneau ensuite, je vais me coucher. La semaine promet d’être abrutissante, autant me reposer suffisamment pour avoir la force de l’affronter. 


Je me mets au lit et tombe sans transition dans un sommeil profond. Je suis réveillé plus tard par la voix de quelqu’un qui hurle. J’ouvre difficilement mes yeux pour me rendre compte qu’il s’agit de Nahia.


Nahia hurlant à tue-tête : tu sors de chez moi, j’ai dit ! Va retrouver ta chère et tendre !!


Voix d’homme : Nahia calme-toi s’il te plaît.


Nahia hurlant de plus bel : Manaar sors de chez moi ! Sors d'ici !!!


Mais ça, c’est encore quelle histoire ????  


Le tournant décisif