L'ÉVEIL DE KAMA – LES ÉLUS. Chapitre 10 : Ténèbres

Ecrit par Le Kpetoulogue

L'ÉVEIL DE KAMA – LES ÉLUS

Chapitre 10 : Ténèbres


Il court vers le lieu que lui a indiqué Sholanah. Il a peur, il tient à cette famille qu’il a trouvée. Il ne veut pas la perdre. Il court de toutes ses forces. Tout ce qu’il espère à chaque pas qu’il fait, c'est de tomber sur Rokia et Eyamba en chemin. Les voir sains et saufs qui rentrent. Il ne cesse de prier pour cela. Il implore encore et encore Dieu, de toutes ses forces, il implore ce Dieu dont son frère ne cessait de lui parler. Ce Dieu si protecteur, capable d’absolument tout. Ce Dieu si miséricordieux dont il porte l’un des noms. Mais il ne les croisa point sur le chemin jusqu’à ce qu’il arrive sur les lieux. Une fois là, il voit réuni quatre miliciens qui discutent et ricanent. Il s’approche d’eux, quand il remarque adossé à un arbre, un corps avec la tête éclatée. Il n’a aucun mal à reconnaître le corps d’Eyamba. Tout en tremblant il s’approche de son corps 

L’un des miliciens le remarquant : << Encore un autre petit frère de cette pute >>

Rahim : << Ro … Ro … Rokia, ou est Rokia ?? Qu’avez-vous fait de ma sœur ? Ou est-elle ?? >> 

Un autre des miliciens en pointant dans une direction : << on en a fini avec ta chienne de sœur >>

En regardant là ou pointe le doigt du milicien, Rahim voit un corps inerte. Il reconnaît ce corps. Il redonnait ses cheveux. Même déchiquetée, il redonnait cette tenue. Tout appartenait à celle qui était devenu sa grande sœur depuis un peu plus d’un an. Et sans doute son premier amour. Le corps de Rokia … 

Il a peur de s’en approcher, est-elle morte ? Est-elle morte ? L’ont-ils tué ? Pourquoi? Qu’est-ce qu’elle leur a fait ? Que leur a fait Eyamba pour qu’ils le tuent ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi c’est toujours aux faibles de souffrir sur cette terre maudite ? Pourquoi personne ne leur vient en aide ? 

Rahim à la gorge nouée. Il veut savoir. Il veut que quelqu’un réponde à ses questions. Il regarde les miliciens, les yeux inondés de larmes et leur dit 

Rahim : << Pourquoi ? Pourquoi avez-vous fait cela ? >>

L’un des miliciens s’approche de Rahim: << haha, Pourquoi ? Haha. Écoute-moi bien petit, il n’y a pas de pourquoi. On fait ce qu’on veut, comme on veut. On l’a fait juste parce qu’on en avait envie >>

Rahim : << Pourquoi? Qu’est-ce qu’ils vous ont fait ? Qu’est-ce que nous vous avons fait?? >>

Le milicien : << Comprend bien que pour nous vous n’êtes rien. Vous n’avez absolument aucune valeur, que de misérables vers de terre qu’on peut écraser comme on veut. La vie, c'est comme ça, les forts écrasent les faibles. Tu n’as qu’à t’en prendre à Dieu d’être né du mauvais côté >>

Rahim se demande … Dieu … qui est donc ce Dieu ? L’on dit de lui qu’il est le créateur de toute vie et de toute chose. L’on dit de lui qu’il est juste. Alors pourquoi laisse-t-il les innocents mourir ? Pourquoi n’a-t-il pas répondu à ses prières ? Pourquoi il les a abandonnés ? En a-t-il encore quelque chose à foutre de l’Afrique ? 

Le milicien : << Et cette pute là-bas … >>

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase, que prit de colère et de rage, Rahim lui envoie son poing en pleine face. Avec une telle force qu’il lui pète instantanément le nez. Le milicien se met à hurler de douleur 

Le soldat : << aarrrhg … aaaarrhg, bordel. Ce bâtard m’a pété le nez. Aaarh... Tu vas le regretter fils de pute >>

Rahim fonce sur lui, pour lui assener un autre coup. Le milicien sort tout à coup son couteau et le poignarde profondément. Rahim s’arrête, regarde le sang couler sur sa chemise, et s’écroule 

Un autre milicien : << mais qu’est-ce que tu fous bordel ? On perd des travailleurs-là. Le chef va nous gueuler dessus >>

Son compagnon lui fait remarquer que Rahim lui a pété le nez, et par conséquent il ne pouvait pas laissez son acte impuni. Rahim est couché sur le sol, bouillant de rage, de colère. Pourquoi faut-il que le sort s’acharne sans cesse sur lui ? Qu’a-t-il donc fait de mal ? Pourquoi à chaque fois qu’il vit un moment de bonheur, on le lui arrache aussitôt brutalement ? Depuis qu’il est né, il a tout perdu à cause de ces foutues milices. Non il ne va pas se laisser faire. Non, il se refuse à mourir.

Un milicien remarque une chose bizarre sur Rahim 

Le milicien : << Oh les gars … qu’est-ce qui se passe sur le petit ? >>

Rahim ne s’en rend pas compte, mais sa rage, sa haine éveille en lui une chose mystérieuse. Au fond de lui il entend comme quelqu’un, ou quelque chose l’appeler. Il se voit marcher dans une vallée aride d’un blanc immaculé. Il fait nuit, devant lui se trouve un gouffre. La voix provient de la, elle l’appelle. Elle semble vouloir l’aider. Rahim avance vers ce gouffre, pas à pas. Il n’essaie pas de résister à cet appel même si elle ne semble être qu’obscurité et ténèbres. Rahim s’y abandonne. Il est encore inconscient quand son corps se remet debout. Une sorte d’aura sombre, bien plus sombre que la nuit se dégage tout autour de lui. La peau sur ses membres se blanchit. Ses cheveux se mettent à pousser encore et encore et s’enroulent les uns aux autres comme des lianes. Ils deviennent de plus en plus longs, jusqu’à toucher le sol. Mais ça ne s’arrête pas là. Une fois au sol, ses cheveux se dispersent partout comme une myriade de serpents. Remplissant toute la zone et formant un brouillard aussi sombre que son aura. Toute expression a disparu de son visage, sa présence ne semble plus humaine. Quand il respire, un souffle noir lui sort du nez.

Au même moment dans le refuge de Kama, Mohatundé a comme un mauvais pressentiment. Il sent un malaise, quelque chose qu’il n’avait pas connu depuis bien longtemps. Duma qui est en sa compagnie lui demande ce qui se passe ? Mohatundé ne lui répond pas et court vers la maison de Kama. En ouvrant la porte, il la voit au milieu de la pièce le visage décontenancé. En apercevant l’inquiétude de Mohatundé, elle lui dit 

Kama : << ce n’est pas celui à qui tu penses … c’est plutôt … Rahim ... >>

Mohatundé : << Rahim ? Impossible >> 

Du côté de Rahim, maintenant ce sont les miliciens qui sont apeurés de voir sa transformation. La chose qui se tient devant eux est tout sauf humaine. L’un d’eux se met à crier que c’est un génie, un démon. Rahim ne réagit pas. Il reste là immobile, les yeux perdus dans le vide, il semble comme absent de son propre corps. Ce qui habite son corps présentement n’est que haine et colère, son esprit à lui-même semble s’être endormi. Laissant la place à ses plus noirs sentiments. Les miliciens paniquent de plus en plus, se demandant quoi faire. L’un d’eux sort son arme et tire sur Rahim. Subitement du brouillard , un bras fait de ce même brouillard s’élève et au bout de ce bras un visage apparaît … c’est le visage de Eyamba. En ouvrant la bouche, le visage avale la balle. 

La peur du milicien s’intensifie. Il tire encore et le même phénomène se produit, mais cette fois, au bout du bras se trouve le visage de Rokia. Alors l’un deux prends sa kalash et se met à mitrailler Rahim. Là ce sont plusieurs bras qui s’élèvent du brouillard successivement à une vitesse égale voir supérieure à celle des balles pour les avaler toutes. Au bout de ces bras, le visage de tous ceux que Rahim a connu. Sa mère, son frère, Duma, Isaac, le vieil homme Mohatundé, Kamperipa, Ketso, Nenkavu, Sholanah, que des gens qui lui sont chères. Rahim ne bouge toujours pas. Le milicien finit par décharger son arme.

L’un des miliciens : << c’est un sorcier. C’est un démon. Fuyons … VIITE VIIITE >> 

Ils se mettent à courir pour rejoindre leur véhicule un peu plus loin. Rahim qui était pourtant à au moins 10 mètres derrière eux, apparaît subitement devant eux en s’élevant du brouillard. Il les fixe chacun à tour de rôle. Progressivement ses yeux deviennent totalement blancs. C’est comme si son corps est maintenant habité d’une conscience qui murmure, mais c’est une conscience autre que la sienne. Même sa voix est totalement différente. Les soldats paniquent, tremblent d’effroi. À chaque fois qu’ils essaient de s’enfuir dans une direction Rahim apparaît subitement devant eux. Ce dernier ouvre enfin la bouche et leur dit 

Rahim : << je vais tous … vous tuer >>

Aussitôt dit, en un clin d’œil, Rahim tient dans sa main la gorge d’un milicien. Sa main agrandie par l’ombre enserre complètement le cou du milicien. Ce dernier se débat et tente de donner un coup de poing à Rahim. Mais un bras gigantesque avec un visage de lion cette fois apparaît et d’un trait lui tranche tout le bras jusqu’à l’épaule.

Le milicien : << AAAAAAARRRRRGGGHHHHHH MON BRAAAAAASSSSSS AAAAAARRRRRGGGGHHHHHH >>

Voyant ce qui vient tout juste de se produire, un autre milicien grimpe à un arbre pour s’y cacher. Un autre profite du fait que Rahim tient l’un d’entre eux pour essayer de s’enfuir. Tandis que le dernier, terrifié tombe par terre, tremblant sur lui-même. La peur le fige pétrifie. Le milicien que tient Rahim continue de crier de douleur. Mais sa voix commence à s’effacer. Il suffoque. Rahim resserre de plus en plus son étau, tellement fort qu’il finit par le décapiter. Du sang lui gicle partout sur son visage, ce sang se fait aussitôt absorber par l’ombre. Rahim se dirige ensuite vers le milicien pétrifié de peur. Ce dernier se met à le supplier 

Le milicien en pleurs : << Pardon, pardon. Je t’en supplie, laisse-moi la vie sauve. J’ai une famille qui compte sur moi, par pitié. Je te donnerais ce que tu veux, absolument tout ce que tu veux. Laisse-moi partir >>

Rahim : << famille … une famille … ils avaient aussi une famille … ils étaient aussi ma famille, as-tu eu pitié d’eux ? >>

Le milicien ne cesse de supplier Rahim, mais ce dernier ne prête point d’attention à ce qu’il dit. Ses supplications ne l’atteignent pas. Comme transporté par le brouillard, il continue d’avancer vers lui. Le milicien comprenant que Rahim ne l’épargnerait pas, rassemble son dernier courage et cherche à s’enfuir. En se retournant, ce qu’il voit est un immense éléphant fait de brouillard. Cet éléphant fait environ deux fois la taille d’un éléphant normal. Il a à peine le temps d’hurler que l’éléphant l’écrase d’un coup de patte. A terre se trouve un amas de chair, d’os, de sang, d’organes, confondue. Rahim se dirige ensuite envers vers le milicien qui s’est réfugié dans l’arbre. Ce dernier se croit en sécurité, là-haut. D’où il est, il n’aperçoit même pas Rahim. Vu que l’arbre dans lequel il a grimpé est touffu, il se dit que par conséquent s’il ne voit pas Rahim alors lui aussi ne le voit pas. Mais c’est tout le contraire, Rahim le voit clairement comme en plein jour. Il le voit distinctivement à travers les feuilles. Du brouillard s’élève une ombre. Guidé par les yeux de Rahim, l’ombre serpente sur l’arbre et grimpe, se faufile entre les branches, glisse sur les feuilles et finalement attrape le milicien par son pied avant de le détacher avec force de la branche à laquelle il était agrippé. Le milicien se met à crier, à prier Dieu. Il demande pardon pour tous ses péchés, il implore encore et encore Dieu. Pendu par les pieds, l’ombre le descend au niveau de Rahim. 

Le milicien : << Moi je n’ai rien fait. Ce n’est pas moi qui les ai tués. Je n’ai rien fait du tout, pardon laisse-moi partir. Je promets que tu ne me verras plus jamais, s’il te plaît >>

Rahim : << … Tu n’as rien fait … c’est exactement cela ton péché. Tu n’as rien fait du tout pour empêcher tes compagnons de tuer les miens >>

Le milicien : << par pitié, laisse-moi la vie pour l’amour de Dieu >>

Rahim : << Dieu? Son amour ? Quel amour a-t-il eu pour moi quand je le suppliais de sauver les miens ? >>

Des fils d’ombres très fins s’élèvent du brouillard. Ses centaines de fils fins, des milliers, des millions. Les fils pénètrent le corps du milicien par ses pores. Se faufilent à travers ses oreilles et ses narines. S’engouffrent à l’intérieur de sa gorge. Les cris de douleurs du soldat sont stridents. Les fils le remplissent, le faisant gonfler de partout, jusqu’à ce qu’il éclate comme un ballon.


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