L'horrible vérité

Ecrit par Les petits papiers de M

Evelyne

Oui je ne suis pas vierge. Mais je n’ai jamais eu la force de l’avouer à quelqu’un. Ni à ma sœur, ni à Cynthia. Comment aurais-je pu ? Moi la fille pieuse et droite toujours citée en exemple autant à l’école, en famille que dans les groupes de l’Eglise où je militais ? Moi, ancienne miss vierge de son état ? Il était impensable pour moi de laisser savoir que j’avais failli avant le mariage.

Il y a trois ans, avec Loïc, nous étions aux portes du mariage. Avec sa famille, il préparait déjà la dot. Pour nous, note union n’était plus qu’une question de jours. Alors un soir, sur un coup de tête, nous avions décidé de franchir le pas. Je ne saurais dire exactement ce qui nous animait. Mais après deux ans d’une relation complètement chaste, nous nous retrouvions sur mon lit à échanger des baisers fiévreux. Lui, n’était pas puceau. De cinq mon aîné, il avait déjà connu plusieurs filles. Mais c’était la première fois que nous allions si loin.

A aucun moment je n’avais douté ou hésité. Je n’avais même pas l’impression de pécher parce que dans mon cœur et ma tête, nous étions déjà mariés. C’est ainsi que d’une main expérimentée, il m’avait conduite aux portes du plaisir avant de me prendre pour la première fois. Nous y avions passé toute la nuit parce que Loïc était convaincu qu’il devait bien déblayé la première fois pour que je n’aie pas mal le lendemain. Puis nous nous étions endormis avant de nous réveiller en sursaut quelques heures plus tard. Nous avions bavardé trop longtemps. Il était presque huit heures et il était en retard pour le boulot.

Il n’y arrivera jamais. Dans la précipitation, il était parti sans son casque. Quelques minutes plus tard, une voix inconnue m’informait que le propriétaire du téléphone était entré en collision avec un camion. Le temps pour moi de rejoindre ses parents au CNHU, il n’était plus. Il avait emporté notre secret dans sa tombe, je l’avais enterré dans mon cœur. Je l’avais confessé une fois et décidé ensuite de rester chaste jusqu’au mariage en me promettant de dire la vérité à celui qui voudra m’épouser. Mais vous connaissez la bouche des gens non ? L’étiquette de vierge m’était restée collée. Mais lorsqu’on aime vraiment quelqu’un, est-ce un détail si important ?

J’ai essayé autant que j’ai pu de retarder ce moment. Non seulement pour mon vœu mais également par peur de sa réaction. Je sais qu’il sait, je peux le sentir. Mais il ne s’est pas arrêté pour autant. Pour dire les choses simplement, il m’a baisée. Sans aucune douceur, il a juste pris son pied, a joui, puis s’est levé pour retirer son préservatif sans un mot. A son retour, il s’est juste couché et la seconde d’après, il ronflait. Tout ça pour ça ? Trois minutes d’ahanement et de sueur sur moi pour ensuite s’endormir sans s’enquérir de mon plaisir ? Ok, j’ai menti, mais est-ce une raison ? Fatiguée par ma veille et mes réflexions, j’ai fini par me laisser emporter par le sommeil.

 

Ronel

Une fois que j’ai été sûr qu’elle s’est endormie, je me suis levé pour récupérer mon téléphone et m’assurer que le film était dans la boîte. Malheureusement, le téléphone avait glissé et du coup je n’avais pas tout, mais assez pour valider mon pari. Je me suis recouché à côté d’elle et nous ai fait un selfie que j’ai envoyé dans le groupe.

@brothers : validé ! Préparez mes dos

Maintenant que c’est fait, il faut que je décide de la marche à suivre. On peut tout me dire, mais cette fille est aussi vierge que je suis puceau. Je l’ai senti, j’en suis même certain. Elle est étroite certes, mais vierge, j’en doute. Par quel miracle elle fait croire à tout le monde qu’elle est une sainte nitouche ? Mon Dieu ! Une totale perte de temps et d’énergie. Dans tous les cas, elle vient de me donner les clés pour me débarrasser d’elle. Mais avant, je dois prendre mon pied. Alors une fois sorti de la douche, c’est par mes caresses que je l’ai réveillée, en lui faisant une fois encore l’amour sans lui laisser le temps d’en placer une. Une fois bien vidé, je l’ai laissée me précéder dans la douche.

-          Notre séjour va prendre fin maintenant. J’imagine que je n’ai pas besoin de te dire pourquoi

-          Je ne savais pas comment te le dire

-          Tu m’as menti. Pendant tous ces mois où nous avons été amis avant même que cette relation ne naisse. Tu es une hypocrite incroyablement talentueuse. Et toutes ces fois où je me suis retenu, luttant violemment contre mes envies pensant te ménager. A aucun moment tu n’as pu me le dire ?

-          La virginité n’est pas que physique. Elle est aussi spirituelle. Je suis chaste depuis de nombreuses années

Et voilà ! putain de bonne femme… quand je pense à tous ces idiots qu’elle a mené en bateau en leur faisant croire qu’elle ne franchirait pas le cap avant le mariage.

-          Tu as un sacré culot quand même. Tu m’as menti ! menti alors que je t’avais tout donné. Même hier lorsque je t’ai proposé de t’engager avec moi, tu n’as rien dit

-          Tu ne m’as pas laissé le temps de t’expliquer. Je voulais te le dire mais je n’y arrivais pas. Toute cette histoire est juste un vaste malentendu

-          Ouais, c’est ça. Fais ton sac, je t’attends à la voiture

J’ai ignoré ses protestations en récupérant mon trolley. Je suis passé régler la facture avant de la rejoindre à la voiture. C’est la mine bien serrée que j’ai conduit jusqu’à Cotonou en allant me garer directement chez elle.

-          Je reconnais t’avoir menti. Mais c’était une erreur de bonne foi. Si tu m’en donnes l’occasion je pourrais tout expliquer

-          Ou me mentir à nouveau. Comment pourrais-je te croire désormais ? qu’est ce qui me prouve même que je suis le seul homme là maintenant ?

-          Ronel !

-          Ne joue pas à l’indignée avec moi s’il te plaît. Je te souhaite un bon weekend

C’est en traînant des pieds qu’elle est descendue du véhicule. Elle n’avait pas encore franchit son portail que je reprenais mon chemin. Quelques minutes plus tard j’étais chez Moutiou qui habite à quelques rues de chez elle. Nous avons été rejoints par Sam et Pepito.

-          Mout : ah petit tu as fermé nos bouches hein

-          Hahahaha !!! c’est vous qui doutiez de ma force de frappe. Je vous ai dit que j’allais plier ça

-          Pep : sinon qu’une photo ne veut rien dire hein

-          Si c’est pour ne pas cracher mon argent, pep tu as menti

J’ai sorti mon téléphone en leur montrant une partie de nos ébats avant que mon téléphone ne glisse. Seul Sam n’a pas voulu regarder parce qu’il ne voulait pas voir sa petite dans des positions bizarres.

-          Mout : j’ai mal au cœur. La petite là doit être bonne

-          (riant en me frottant les mains) tu n’imagines pas à quel point. Etre le premier a toujours une de ces saveurs….

-          Sam : tu comptes faire quoi d’elle maintenant ?

-          Disparaître. Rosine rentre à la maison demain avec la petite. La vie va reprendre son cours. Y a quoi ? tu veux pleurer pour ta petite ?

-          Sam : Je pensais vraiment qu’elle ne te céderait pas. Je n’aurais jamais mis un tel pari sur sa tête sinon

-          Mon gars, ça, tu gères avec ta conscience

Sa remarque a eu le don de plomber l’ambiance. Du coup, j’ai récupéré mes sous et je suis rentré chez moi. J’ai passé le reste de ma soirée à réaménager la maison pour que Rosine la retrouve telle qu’elle l’avait laissée. Ensuite j’ai appelé mon transitaire pour lui remettre les deux millions en complément pour la Lexus, dernier cri, que j’ai décidé d’offrir en cadeau à ma femme. Et avant de me mettre au lit, j’ai rayé miss HOUSSOU alias j’attends le mariage de mon répertoire et de ma tête, et j’ai remis mon alliance qui « était chez le bijoutier pour nettoyage ».

 

Evelyne

Je reconnais que je n’aurais pas dû lui mentir. Mais est-ce si grave pour justifier une semaine de silence ? C’est comme si je n’avais jamais existé. Il ne répond ni à mes appels, ni à mes messages. Au début il les lisait, mais depuis deux jours ce n’est plus le cas et mon cœur saigne. J’en suis malade. Il va vraiment mettre fin à une relation qui prend à peine son envol juste pour ça ? Finalement, n’y tenant plus, je me suis rendue dans son bureau le vendredi.

-          Bonjour Alain, comment tu vas ? Ronel n’est pas arrivé aujourd’hui ?

-          Ça va ma belle. Et toi ?

-          Ça va

-          Ro n’est pas là. Il revient dans trois semaines je crois

-          (surprise) ah bon ? il est où ?

-          Je ne sais pas. Mais sa femme vient d’accoucher du coup il a pris les congés qu’il cumulait depuis un moment. Tu n’étais pas au courant ?

-          (grosse boule dans le ventre) euh…si. En fait je suis au courant pour le bébé. Mais je ne savais pas qu’il avait eu les congés

Nous avons été interrompus quelques minutes par un autre collègue. C’est alors que j’ai remarqué pour la première fois une photo posée sur son bureau. Lui, posant aux côtés d’une magnifique dame qui tenait une petite fille dans ses bras. La famille parfaite.

-          (remarquant la photo dans ma main) ils sont beaux non ? j’ai vraiment aimé la photo

-          Elle est très belle en effet

-          Si ça te dit, le service organise une visite avec une petite délégation pour aller saluer l’enfant demain. Tu pourrais te joindre à nous

-          Je verrai. J’avais déjà quelque chose de prévu. Mais laisse-moi les détails inbox

-          Ça marche

Ce sont les jambes tremblantes que j’ai rejoint mon bureau. Marié et père ! Mon Dieu, qu’ai-je fait pour mériter ça ? Mon cerveau refusait de croire ce que cette découverte pouvait impliquer. J’ai essayé de tenir le coup, mais à midi, j’ai dû signaler que je me sentais mal et rentrer chez moi. J’ai repensé à chaque instant de cette relation. Pourquoi ? Pourquoi s’est-il foutu de moi ? Ils n’ont quand même pas pu se réconcilier et avoir un enfant en l’espace de six mois ?

Mue par je ne saurais trop dire quoi, j’ai pris un zem pour me rendre chez lui. Je me sentais bien trop fébrile pour conduire. J’ai trouvé un gardien à l’entrée qui m’a introduite après que je me sois présentée comme une collègue de monsieur. J’ai été accueillie au salon par l’éblouissant sourire de la dame de la photo.

-          Bonsoir madame

-          Je vous en prie, laissez tomber les formalités. Appelez-moi Rosine. Comment allez-vous ?

-          Je vais très bien. Evelyne HOUSSOU. Je suis une collègue de Ronel

-          Je vois. Asseyez-vous je vais vous servir à boire

Le temps qu’elle a mis pour se rendre dans cette cuisine que je connaissais si bien m’a permis de reconnaître sur les murs toutes ces photos qui avaient disparu après ma première visite. C’est difficilement que j’ai pu avaler le verre d’eau qu’elle m’a offert. A l’instant où j’allais demander de ses nouvelles, Ronel a  franchi la porte. Je m’attendais à une réaction de sa part, mais il n’en a eu aucune. Il a embrassé sa femme sous mes yeux avant de me saluer comme si nous nous étions quitté la veille dans les meilleurs termes. Rosine a-t-elle seulement idée du monstre qui partage sa vie ?

-          Alors Evelyne, quoi de neuf ? tu es venue saluer notre princesse ?

-          Oh ! j’aurais pu y penser. Je viens, je vais vous l’amener

Un silence pesant durant lequel nous nous jaugions du regard s’est installé tout le temps de son absence. Elle est revenue avec un magnifique petit bébé qui avait heureusement tout pris de sa mère. En avalant le verre de liqueur que sa mère m’avait servi, je me suis permise une petite prière à voix haute.

-          On dit que nous payons les erreurs de nos pères sur plusieurs générations. Puisse Dieu te bénir en ne considérant que le bien des tiens. Que tu sois toujours la joie de ta mère.

J’ai ensuite rendu le bébé à sa mère avant de me diriger vers la porte après avoir dit au revoir. J’ai décliné son invitation à partager leur dîner. Comment aurais-je pu en voyant cette alliance briller au doigt de Ronel. Il m’avait pourtant dit qu’ils n’ont jamais été légalement mariés. L’aurait-il fait après m’avoir offert cette alliance qui pend à mon cou ?

Il ne m’a pas raccompagnée. Je suis rentrée chez moi à pied. J’ignore comment, mais j’ai marché de Fidjrossè à Agla, la mort dans l’âme. Je n’avais envie de voir personne, mais la sonnerie au portail était si insistante que j’ai dû aller ouvrir en tombant sur Kylian. Le voir a encore ravivé cette douleur cuisante qui me serre le cœur. Si seulement je l’avais choisi lui… je n’ai pas pu me retenir. J’ai fondu en larmes. J’ai pleuré si fort et si longtemps. Mais la force de  mes sanglots n’a en rien atténué ma peine. Et alors que je me calmais enfin, Kylian m’a tendu mon téléphone qui venait de sonner.

Ronel : que ce soit la dernière fois que tu souilles de ta présence notre demeure. Tu n’es rien pour moi. Tu n’as jamais compté. Te baiser n’était qu’un pari que j’ai remporté haut la main. Et je considère d’ailleurs qu’il n’était pas à ma hauteur parce qu’au final tu n’étais qu’une grosse pute sous tes airs de sainte nitouche.

Kylian qui avait lu par-dessus mes épaules m’a arraché le téléphone en le jetant loin de moi alors que j’explosais à nouveau.

-          Il m’a déshonorée, il m’a tuée. Pourquoi Kylian ? je lui ai fait quoi ? pourquoi m’amener à l’aimer si ce n’était qu’un jeu ?

-          (me prenant dans ses bras) un homme capable d’écrire de telles horreurs ne te mérite pas

Il a passé toute la soirée à me consoler, mais ce que Ronel a brisé en moi est si profond que je ne sais pas quand ni comment je pourrai m’en relever. Je pense que dès lundi, j’accepterai cette affectation sur Parakou.

 

Fin

Le pari