Marre de cette vie
Ecrit par Fleur de l'ogouée
Koumba Marimar
Je sens la faim envahir tout
mon ventre, depuis presque deux jours je n’ai rien avalé, la galère va me tuer.
Cynthia ma seule amie de cette foutue cour commune n’est pas là, d’ailleurs je
n’ai même pas de crédit pour l’appeler. La famine m’envahit, je sors une
dernière fois pour voir si elle est revenue. Quand je sors de ma chambre,
j’aperçois un homme très distingué qui fait son entrée, surement l’un des
clients de Fabiola ou de Gisèle, donc je continue mon chemin, je toque à la
porte de Cynthia toujours aucune réponse, je m’assois sur mon tabouret devant
ma porte pour réfléchir à la vie de misère que je mène. J’entends Gisèle qui crie depuis sa chambre
‘’ Moussavou attend moi dehors’’ il continue quand même de frapper à sa porte,
puis elle sort de là avec un pagne noué à sa poitrine.
-Je dis hein Moussavou, tu ne
peux pas attendre. Quoi comme tu as un peu quitté les beaux quartiers pour
venir dans le mapane là, tu es pressé de retourner ?
-Ya Gisèle, calme-toi un peu
-Va t’assoir là-bas
Elle lui montre le tabouret
qui est à côté de moi et retourne dans sa chambre. Il s’approche, me demande la
permission pour s’assoir. Il s’assied et je retourne dans mes pensées, la
famine veut ma mort, je n’ai pas eu une seule rentrée d’argent. En général, je
fais des petits boulots par ci par là, ménage, babysitting, repassage, mais là
que dalle, mes petites économies j’ai dû envoyer ça à ma grand-mère qui est
malade au village, je suis dépassée de cette vie.
Fatiguée de tout cela, je sens
mon corps lentement s’effondré de cette chaise, las de tout cela, que me reste
t’il à faire dans cette vie. « Gisèle apporte de l’eau », c’est la
dernière chose que j’écoute avant de sombrer. C’est quelques minutes après que
je reviens à moi. Le monsieur me tapote légèrement, je ne sens plus mon corps,
je suis trop faible pour faire le moindre mouvement. C’est lorsque Gisèle me
donne ma première bouchée de bouillon de poisson, que je me sens revivre, je ne
savais pas que le manque de nourriture, pouvais causer ce genre de chose. J’en
bois encore quelque louche avant que celle-ci ne s’écrie
-Moussavou, je te disais bien
que la petite là avait faim, voilà à peine quelques bouchées elle est déjà en
forme. Ma petite quand je te dis souvent de venir worker au trottoir avec nous
tu fais la belle, que toi ton vagin il y a l’or dedans non, nous qui baisons
pour gagner nos vies au moins nous mangeons à notre faim.
Elle est retournée dans sa
chambre, j’ai commencé à pleurer elle a raison, qu’est-ce que j’ai à refuser de
me prostituer comme les autres ? Une vie de pauvreté, je vais continuer à
mendier le travail de gauche à droite, purée j’en ai marre de tout cela, les
autres naissent dans les familles aisées, pourquoi pas moi ? Je me suis
retrouvée orpheline à 15ans, avec ma grand-mère, nous nous sommes débrouillés toute
les deux pour survivre, puis après avoir fait le tour de mes options au village
j’ai décidé de venir en ville pour me chercher. Déjà 6ans que je vis dans cette
chambre miteuse, dans cette cour insalubre, dans ce quartier mal fagoté, j’en
ai marre. Pendant que je me morfonds, le monsieur me donne un billet de 10.000
Fcfa avant de s’en aller, je lui aurais chanté une sérénade si je n’étais pas
aussi fatiguée et surprise par son geste. Pendant qu’il s’éloigne, je réfléchis
à comment je vais dépenser cet argent, je vais prendre le petit sac de riz,
quelques boites de conserves, la bouteille d’huile et un peu de poisson fumé,
bref je pense au festin que je vais me taper en rentrant du marché. Ce billet a
eu l’effet d’une boisson énergisante, un vrai regain de force. Je vais enfiler
une grosse robe dans la chambre, et ensuite direction le petit marché, c’est à
grand pas que je m’y rends, si je pouvais m’envoler je le ferais tellement j’ai
hâte d’enfin pouvoir me remplir le ventre. En passant je vois une annonce qui
semble récente, collée sur poteau électrique, il s’agit d’un restaurant de la
zone qui cherche des serveuses, demain j’irai postuler, il me faut un salaire
mensuel, une source de revenue sure parce que les petits boulots c’est bien
mais quand tu es fauché c’est difficile, j’ai frôlé la mort aujourd’hui à cause
de la famine.
C’est chargé de courses que je
rentre, j’installe tout dans ma chambre et je mets déjà mon petit réchaud
dehors, je vais faire du riz avec le poisson fumé.
Dans cette cour il y a deux
studios et cinq rentrer-coucher (chambre faisant office de salon et salle à
manger aussi), je me suis disputé avec tout le monde sauf avec Cynthia ma seule
amie et avec Mâ Béa une dame qui vit dans un des studios avec ses enfants à bas
âges, deux hommes sans histoire louent le deuxième studio ce sont des frères,
ils ne sont presque jamais là. Les autres ce sont quatre filles qui font la vie
et j’ai parfois été maladroite dans ma manière de m’exprimer par rapport à leur
mode de vie, loin de moi l’idée de jouer la femme parfaite. Je suis déjà sortie
avec des hommes, je ne revendique pas le fait d’être un modèle, juste que je ne
veux pas qu’elle me propose d’entrer dans leur milieu, que chacune s’occupe de
ses affaires et gère son corps comme elle l’entend. Quand Gisèle sort avec son
client, elle s’approche en me toisant
-Je dis hein mon petit frère
qui était là est où ?
-Il est partit il y a trentaine
de minutes
-Tu as eu la chance hein, s’il
n’avait pas été là, moi comme ça je te laissais crever espèce de vierge effarouchée
Je suis habituée à son sale
caractère, Gisèle c’est la plus âgée de leurs groupes et d’après les autres
elle a eu une vie tellement difficile qu’on lui pardonne son mauvais caractère.
Au fond ce ne sont pas des mauvaises personnes, elles ont choisi un métier peu
recommandable et elles assument, c’est aussi ça le fait d’être mature. Je
termine de cuisiner, aussitôt je me sers une grosse portion de nourriture, ça
fait tellement du bien de sentir son estomac vide se remplir, au moins je ne
vais pas mourir, enfin pas aujourd’hui.
Lorsque je vais dans la douche
commune, je trouve l’une de mes voisines en larme, j’ai le cœur serré, cette
fille est bien moins âgée que moi, mais elle est contrainte par sa famille à
vendre son corps, elle avait trouvé un petit boulot dans un salon de coiffure
mais sa famille a trouvé qu’elle ne gagnait pas assez d’argent, son grand frère
était même venu ici pour la menacer, alors elle est retournée à ce métier-là.
J’ai de la peine pour elle, mais dans cette cour c’est chacun pour sois Dieu
pour tous, on ne se mêle des affaires d’autrui que lorsqu’on nous le demande.
Je retourne dans ma chambre attendre mon tour, cette vie est un combat
quotidien pour nous autres, les larmes sont nos quotidiens mais il faut trouver
le moyen de passer outre et de combattre, la vie est un combat.
Une fois qu’elle a fini je
vais me doucher, je me sens très en forme, toute la faiblesse que je ressentais
a disparu, je vais donc pouvoir faire le ménage dans ma si petite chambre. En faisant
le ménage je tombe sur des photos de ma défunte mère, ce sont des photos que je
chéri tant, les avoir le donne l’impression qu’elle est encore à mes côtés et cela
me donne la force de tenir. Déjà 10ans qu’elle est partie, le temps passe si
vite, la vie n’a jamais été tendre avec moi. Un père inconnu, une famille
pauvre et surtout des conditions de vie si misérable. J’ai dû arrêter mes
études après avoir pour la deuxième fois raté mon bac, d’un accord commun avec
ma grand-mère j’ai décidé de venir m’installer ici à Libreville. Hélas quand on
a zéro contact haut placé et zéro diplôme la vie n’est pas facile, chaque jour
je côtoie la misère et la tristesse.
Je décide de mettre du crédit
téléphonique pour appeler ma grand-mère, elle est la seule raison pour laquelle
je suis encore vivante.
- Allô maman comment vas-tu ?
- Bonjour Nanou ça va mieux, je
suis bien le traitement que le docteur m’a donné, je pourrais bientôt retourner
aux champs
- Ne sois pas presser, prend
du temps pour te reposer
- Je vais me reposer quand je
serais au cimetière, d’ailleurs je vais t’envoyer les tubercules, les feuilles
de manioc et la banane dans deux semaines avec la secrétaire du maire, elle ira
à Libreville
- D’accord maman, bon j’ai
plus de crédit porte toi bien. Bisous
Cet appel m’a fait du bien, ma
grand-mère est la seule famille que j’ai, la seule sur qui je pourrais toujours
compter.