Mathieu Lotié TONA
Ecrit par Plénitudes by Zoé
Chapitre 4 : Mattieu Lotié TONA
Le plan est simple : vaincre Barbie. Barbie, c’est la « Reine » autoproclamée de cette prison. Si je veux me faire une place au sommet, je dois prendre sa place. Vous savez comme dans le films la femme la plus forte de la prison est souvent une noire ou une latino très badass, eh bien dans la vraie vie ce n’est pas forcément le cas. Barbie est blanche, menue et pas plus forte qu’une souris. Mais ce qui la place à la tête de cet endroit, ce sont les relations de son copain. C’est la petite d’un gros trafiquant et parrain du crime organisé, Daemon, mon concurrent direct lorsque j’étais à l’extérieur et malgré tous mes efforts je n’arrivais pas à passer à la tête du réseau.
Je recueille mes infos grâce à mon boulot à la buanderie et la détenue qui ne m’avait pas attaquée cette fois-là. Elle s’appelle Mégane et n’est pas très bavarde en général elle se fait toute petite pour éviter les ennuis. Mais elle a compris que je pouvais la protéger et depuis elle ne me lâche que lorsque nous sommes dans nos cellules respectives.
En parlant de cellule, mes hauts faits ont fait le tour de la prison et la plupart des détenues me laissent tranquille mais les gros bras, elles ont décidé de prouver leur force en me défiant à chaque pause quasiment. Je les mate plutôt facilement sauf pour le cas de Robin, une femme black bâtie comme une charpentière et avec la force de deux hommes. Si elle avait réussi à me toucher plus d’une fois j’étais morte. Mais je suis plus rapide et je lui filais entre les doigts à chaque fois. Mes poings ne sont pas aussi destructeurs que les siens mais à la longue je suis venue à bout de son endurance. Voilà un combat que je n’aimerais pas refaire. Alors je lui ai proposé de rejoindre notre petit groupe et elle a accepté. Nous voici donc trois à essayer de nous évader. Je suis bien évidemment la leader de cette petite sauterie très sympa.
Robin a sa sœur à l’extérieur et souhaite aller la rejoindre et fuir le pays avec elle et surtout l’empêcher de finir au même endroit qu’elle. Mégane elle a une petite fille qui a été obligée d’aller vivre chez son père et sa nouvelle femme qui la maltraitent. Pauvre petite, on dirait un remix de Cendrillon.
Revenons-en à Barbie. Même si elle n’est pas plus haute que trois pommes, elle a un puissant soutien. Les détenues qui ne sont pas ses gardes du corps, soit l’aident ou l’informent de tout ce qui se trame, soit elles ont trop peur de se la mettre à dos qu’elles ne nous aideront jamais. Il nous fallait un endroit tranquille à Mégane, Robin et moi pour élaborer notre plan, la buanderie qui a été désertée par les trois brutes de la dernière fois qui sont toujours en isolement sauf celle à qui j’ai refait le portrait qui est à l’infirmerie. Robin a donc demandé à être assignée à la buanderie et nous voici à fomenter des plans d’évasion.
Nous sommes tombées d’accord sur un plan. Et la première étape de ce plan consiste à ne pas priver Barbie de son influence. Sans le soutien de Daemon, elle n’est rien et elle ne peut rien ici. Comment l’en priver ? Il faut qu’on fasse croire à Daemon qu’elle n’est plus digne de sa confiance et donc qu’elle le trompe. S’il pensait que c’était avec l’une des femmes d’ici ça risquerait plus de l’émoustiller qu’autre chose. Mais je vais faire d’une pierre deux coups. Lui faire croire que Phillipe est l’amant de sa copine. S’il ne se fait pas torturer et sauvagement assassiner, alors il sera obligé de fuir le pays en abandonnant toutes mes richesses derrière lui et je n’aurai qu’à récupérer ce qui m’appartient.
Ai-je précisé que selon mon plan, nous ne pourrons pas toutes les trois nous enfuir ? Il n’y aura que moi qui ai une réelle chance de sortir d’ici. Prison fédérale hautement sécurisée oblige. Mais ça, elles n’ont pas besoin de le savoir. Entre les autres et moi, je me choisis toujours !
*****
Un samedi après-midi, une voiture 4x4, le genre de voiture que tu n’as jamais vu et dont on te parle comme d’un mythe qui n’arrive dans le village que tous les trente ans environ, se gare dans notre cour. En sortent un homme et une femme d’un certain âge qui sont venus déposer leur fils rebelle et à la tête dure. Ils espèrent que le priver du confort auquel il est habitué pourrait provoquer un déclic chez lui. L’intéressé lui-même refuse de sortir de la voiture jusqu’à ce que son père éteigne la climatisation de la voiture et le tire dehors. Un jeune homme d’à peu près 18 ans avec un physique que je n’avais jamais vu par ici sort, réajuste son col en fusillant son père du regard avant de détourner les yeux. Et c’est là que la magie se produit, nos regards se rencontrent et je me fige sur place. Peut-être pressentais-je qu’il ne m’apporterait que des ennuis mais dès qu’il me décocha son sourire de tombeur je me suis immédiatement détournée, gênée.
En ma qualité de bonne à tout faire dans cette maison, c’est moi qui me suis chargée de préparer de l’eau, de faire les vas et viens, de servir tout le monde… pendant que tous les autres étaient assis avec les invités à discuter et à essayer de me faire tomber avec des croche-pieds pour les plus jeunes. Pas étonnant que le neveu de Somié m’ait prise pour la bonne de ce dernier.
Ils ont tous dormi chez nous et j’ai dû leur laisser ma case pour dormir avec les enfants. Ce qui me convenait parfaitement malgré le fait que je les entendais m’insulter, ils n’étaient même pas discrets et n’essayaient pas de l’être. Au moins, ce soir je n’aurai pas à sentir le gros corps de mon « mari » sur moi.
Le lendemain matin, les parents du jeune homme s’en vont, le père lui jetant un regard dur et la maman qui ne voulait pas lâcher son enfant. Cela se voyait qu’elle n’était pas forcément d’accord mais qu’elle n’avait pas eu le choix. Ça m’a fait mal de voir ça. Il y a bien des parents qui tiennent à leur enfant, contrairement aux miens.
Les journées qui ont suivi, le jeune homme me suivait partout, cherchait le moindre prétexte pour m’approcher et me parler et me toucher, de légers frôlements, des caresses discrètes. Et pas besoin de vous dire que j’y étais sensible, et pas qu’un peu. Je n’avais jamais ressenti ça, ni vu quelqu’un comme Lotié, il avait un teint plus clair que les hommes d’ici, une musculature impeccable et pas dure comme l’ont ceux qui travaillent dans les champs, mais en même temps une douceur sans égale. Qui a le temps d’être doux dans ce trou paumé quand tout le monde doit se préoccuper de ce qu’il va manger et de comment il va nourrir sa famille. Et après tout ce que je vivais ces dernières années, j’en avais bien besoin de douceur. J’aimais particulièrement le voir soulever des altères qu’il avait fait en coulant du ciment dans des ballons en plastique et en y mettant une barre au milieu pour que le tout tienne. Quand il faisait des abdos et transpirait à grosses gouttes. C’est étonnant comme les mêmes choses peuvent te dégoûter chez une personne que tu n’aimes pas et t’émoustiller chez une personne que tu apprécies. Car oui je l’appréciais et la sueur que je trouve dégoûtante sur Somié, j’avais envie presque de la boire sur Lotié. C’était la première fois que j’expérimentais le réel désir et cela ne me plaisait pas trop. Donc les premiers jours, j’étais très désagréable avec lui, je pensais même le détester mais à force, il a su m’amadouer. Il tranchait radicalement avec tout ce que je croyais savoir en matière d’homme.
Nous allions à l’école ensemble, nous révisions ensemble vu que nous étions dans la même classe et Ms Brown aussi était sous son charme. Elle me disait que c’était dommage que ce ne soit pas lui mon mari, que si elle avait 20 ans de moins, elle ne se ferait pas prier, qu’elle m’encourageait…
Bien sûr, Lotié a fini par savoir que j’étais sa tante par alliance et non une bonne et pendant quelques jours, il m’a fuit comme la peste avant de revenir avec encore plus d’insistance et une déclaration enflammée.
« Depuis que je suis arrivé ici, je n’ai que toi en tête, rien d’autre. Tellement d’ailleurs que je me suis assagi sans même m’en rendre compte. En venant, je pensais à faire chier le plus de gens possible, sauter de filles en filles, m’amuser et montrer à mon crétin de père que ça ne change rien qu’il m’envoie loin de la maison. Il n’a d’ailleurs fait ça que pour être tranquille avec ses maîtresses et pouvoir cogner sa femme quand il le veut. Mais tu m’apaises complètement, chaque fois que je pose les yeux sur toi, je n’ai plus cette colère qui me consumait de l’intérieur. Je m’en sens libéré et je ne veux pas me séparer de toi, que tu sois ma tante ou pas je m’en fous. Tu es à moi et je te promets de t’emmener en ville et de t’épouser dès que nous aurons une situation plus stable. »
Il ne m’en fallut pas plus, nous étions ensemble, officiellement. Et cette nuit-là fut notre première nuit ensemble. J’ai usé d’un stratagème qui a porté ses fruits pendant quelques jours pour que Somié ne me touche plus. Lorsqu’il est entré dans ma case, je me suis mise dos à lui, ai plongé un doigt dans ma gorge et me suis obligée à vomir, il est sorti immédiatement, il ne supporte pas la saleté. Dès qu’il est sorti, j’ai nettoyé et discrètement ai fait entrer Lotié. Et pour une fois, ce n’était pas que douleur et dégoût, c’était même plutôt agréable, je comprenais enfin pourquoi les filles de mon école en parlait comme d’un truc vraiment bien.
Quelques jours plus tard, cela ne suffisait plus à retenir Somié qui avait dû se contenter de ses « vielles peaux » de premières femmes comme lui-même le disait. Il fallait trouver une autre idée, une meilleure idée qui nous ferait tenir jusqu’à la fin du BAC sans qu’il ne me touche plus. Parce que s’il le faisait, Lotié risquerait de le tuer. Il ne sait pas contrôler son tempérament.