Mea culpa

Ecrit par Farida IB


Debbie....


Noémie : Debbie ? Ne me dis pas que tu es restée assise là toute la nuit !


Je remue la tête de droite à gauche en émergeant de mes pensées. Elle soupire pendant que je me passe la main sur le visage en allongeant mes pieds pour les dégourdir. Ça fait quand même un moment que je suis assise dans un coin de la chambre, à réfléchir sur la raison qui puisse pousser Armel à agir comme il l'a fait. J'ai relu son message, je ne sais  combien de fois et visionné la vidéo à plusieurs reprises. Je ne vois toujours pas en quoi sa présence, là-bas, changerait quoi que ce soit. Il m'a bien spécifié dans son message qu'elle a trouvé refuge à l'ambassade alors qu'est-ce qu'il peut bien y faire ? Quand bien même je connais mon type et je sais que c'est de sa nature de vouloir jouer les James Bond (dédicace) je n'arrive pas à faire la part des choses. Mon corps, mon âme, tout mon être, tout en moi est en alerte car il s'agit ni plus ni moins de son dernier coup. Le plus machiavélique de tous ceux qu'il a eu à faire, je dois dire parce que ce coup-là, je ne l'ai pas vu venir. (soupire à en fendre l'âme.) Me voilà de retour sur tous mes ressentis d'antan. Ce mélange d'insécurité, d'impuissance, une surdose de colère et de frustration. Pour tout dire, j'ai la mort dans l'âme. 


En vérité, je n'aime pas du tout l'idée qu'elle ressurgisse dans nos vies, de cette façon en plus et surtout maintenant. La peur ? Oui ! J'ai peur, j'angoisse, je bous de l'intérieur. Le fait de ne pas savoir s'il le fait par compassion ou par passion, je crois que c'est là où se pose le problème. Ça me prend la tête et rester ici n'arrange rien. Rentrer à Lomé ne servira à rien non plus selon Noémie, mais je préfère être là-bas qu'ici, près de l'aéroport. Il est 4 h 21 j'attends seulement que 6 h se pointe pour me rendre à la gare. Comme je n'ai pas pu fermer l'œil à force de ruminer, j'ai tout remballé, nos valises bouclées à double tour. Vous l'aurez compris, je suis plus que prête à lever l'ancre.


Brrr brrrr.


J'échange un coup d'œil avec Noémie.


Noémie : c'est lui ?


Je lève les yeux sur elle en haussant l'épaule. 


Moi déglutissant : privé.


Le téléphone en main, je décroche le cœur battant la chamade. Entendre sa voix presqu'aussitôt décuple ma rage au ventre.


Armel d'un trait : hey bonjour, d'abord, tu n'as pas le droit de m'appeler par mon prénom au complet. Je sais que tu m'en veux et tu as raison de m'en vouloir. J'en suis désolé bébé, je tiens à te rassurer que ça n'a rien avoir avec elle ou ce qu'il s'est passé entre nous. Tu me connais trop bien pour savoir que je l'aurais fait pour n'importe qui d'autres que je connais. Quoique je regrette d'être parti comme ça sur un coup de tête, j'aurais dû attendre de t'aviser qu'on décide ensemble quoi faire. Je regrette sincèrement, pardonne-moi cette maladresse.


Je souffle un grand coup, débitée. C'est qu'il m'a fait perdre mes moyens.


Armel : je (soupirant) parle-moi, dis quelque chose s'il te plaît.


Noémie me chuchotant : qu'est-ce qu'il dit ?


Je lui fais signe d'attendre en lui montrant la paume de ma main. Elle ne l'entend pas de cette oreille, elle se redresse et s'approche de moi en collant son oreille sur l'appareil.


Armel : Debbie ?


Moi : je suis là, tu reviens quand ?


Armel : euh, c'est compliqué.


Moi :  " c'est compliqué " ne me renseigne pas.


Armel : elle n'a pas son passeport, elle


Moi (l'interrompant en prenant un ton bourru) : je veux savoir quand est-ce que tu reviens Mel.


Armel calmement : dès qu'elle sera en mesure de voyager.


Moi : quand ? Donne-moi une date, un jour, une heure.


Armel : dans une semaine au plus, si tu veux bien m'aider.


Moi (levant le sourcil, excédée) : tiens donc !


Armel : j'ai besoin de toi pour me sortir de là Deborah, t'es la seule sur qui je peux compter. J'ai conscience de te mettre dans une position inconfortable, mais je suis déjà ici. Le plus vite, je règle cette situation, le plus tôt, je rentre et la vie reprendra son cours normal.


Je soupire profondément, ravalant ainsi ma frustration. Il a tout de même raison sur ce point, enfin sur le fait qu'il soit déjà parti. Cependant, vous me voyez apporter une aide à cette femme ? 


Moi : qu'en est-il de l'ambassade, les autorités auxquelles elle a fait appel. Leur rôle, c'est lequel ?


Armel : ils font de leur mieux, mais à leur rythme. Sauf que (soupirant) sauf qu'à cette allure, je touche du bois, c'est son corps qu'ils risquent de rapatrier.


Ces derniers mots me ramènent à la vidéo. Il faut reconnaître que c'est un cas désespérant, alarmant pour être plus précise. Elle n'a plus rien de la " tata Cassidy " qui m'inspirait. Parce que oui, avant la grande découverte, je la kifais bien. Elle dégageait une aura tellement positive, une assurance et cette rage de vaincre hautement contagieuse, tout le contraire dans cette vidéo. Ce n'était plus qu'une loque de chair abandonnée à la maladie et à la souffrance. Je me surprends à avoir de la compassion pour elle.


Moi : comment va-t-elle ?


Il met une seconde de trop pour répondre avec un ton surpris et comme une pointe d'hésitation dans la voix.


Armel : euh, pas terrible, elle est... Elle est sous traitement. 


Je me passe la main sur le visage en soupirant de dépit.


Moi : bon rétablissement à elle. Alors que puis-je faire pour toi monsieur le sauveur de ces dames ?


Je devine qu'il a souri juste avant de se racler la gorge et de me dire ce qu'il attend de moi.


Moi : résumons, je vais à l'adresse map que tu viens de m'envoyer pour réclamer ses pièces d'identité. Du moins les copies que je t'envoie par mail.


Armel : oui, c'est exact. 


Moi : et ensuite ?


Armel : il faut attendre qu'on lui délivre un laissez-passer, mais combien de temps exactement, je ne saurai le dire.


Moi : ok, je vais de ce pas rentrer à Lomé et m'assurer que cette histoire soit vite réglée. Il est hors de question que tu restes longtemps près de cette femme et je tiens déjà à te prévenir, I don't want hear you say she raped you. Don't try to hurt me anymore, don't try oww ! I dont Care, I'm ready to go to jail for murder.


Armel : rhooo bébé


Moi sérieuse : il n'y a pas de bébé qui tienne Sé, tu es un homme prévenu.


Armel : just trust me please.


Moi : anyway !


Armel soupirant : tu as la liste ?


Moi (essayant de me rappeler la liste dont il est question) : euh (ah oui) on en reparlera, ce n'est pas...


Armel (me coupant la parole, raffermissant sa voix) : il n'y a rien à redire sur ce point, je veux que cette liste te suive à Lomé. Dès mon retour, j'entame les démarches, je ne veux pas avoir à attendre.


Moi : je l'ai.


Armel : bien !


Flottement.


Armel subitement : je t'aime Yendounette, même si ça ne suffit pas à te rassurer quant à cette situation, je tiens à ce que tu ne le perdes pas de vue.


Moi : je veux que tu me le dises en face, devant nos deux familles réunies.


Armel : considère que c'est fait. Encore une fois désolé de nous avoir mis dans cette situation.


Moi avec force : de T'avoir mis dans cette situation tchip, ce n'est même pas un peu moi.


Armel : c'est maintenant comme ça, mes problèmes ne sont plus les tiens ?


Moi : je n'ai pas envie de t'insulter Elli.


Armel biaisant : tu me fais signe dès que vous embarquez ?


Moi : okay.


Je me tourne vers Noémie en raccrochant.


Moi : il faut qu'on bouge. 


Noémie me fixant d'un air perdu : ah euh ok.


Je laisse le téléphone sur ma valise et me lève pour me diriger vers la porte. Elle me suit.


Noémie : rassurée ?


Moi me tournant à demi : pas tant que je ne l'aurais vu.


Noémie du tic au tac : tu es enceinte ?


Je me stoppe net et me tourne vers elle les sourcils froncés.


Noémie : je mange un peu l'anglais, tu sais ?


Moi amusée : est-ce que tu m'as entendu dire que j'étais enceinte ?


Noémie : anyway !


Moi : lol


Noémie : mais sérieusement pourquoi il est si pressé de t'épouser ? Vous êtes encore trop jeune.


Je hausse les sourcils, mais n'émets pas de commentaire. Je ne veux pas rentrer dans cette discussion maintenant, il y a plus urgent à régler. Toutefois comme ma bouche me démangeait trop, je lui fais « genre il y a un âge pour se marier ? » Puis j'ajoute « réveille les petits !» en sortant de la chambre. Je n'attends pas sa réponse avant de refermer la porte en allant prévenir les grands-parents du changement de programme. Bien entendu, j'ai subi un interrogatoire digne de l'inspecteur Columbo de la part de grand-maman auquel cas, j'ai dû prétexter une urgence au boulot. Je suis ressortie avec Sophie et nous sommes aller nous doucher chacune de son côté avant de nous relayer pour apprêter les petits. Les cousins ont fait sortir nos valises que notre oncle s'est chargé de mettre dans son taxi. Pendant que nous disons au revoir et remercions  tout le monde pour l'accueil, grand-maman me prend en aparté pour me donner quelques-unes de ses recommandations d'usages.


Grand-maman concluant : tu me dis s'il y a quoi que ce soit qui t'arrive, quoi que ce soit ne néglige rien.


Moi hochant la tête : je compte bien le faire.


Grand-maman : hum


Moi souriant : n'nan, tu t'inquiètes trop (la prenant dans mes bras) vous allez me manquer.


Elle passe sa main dans mon dos qu'elle frotte en donnant sa bénédiction pour la route. J'attends mon tour pour faire la bise à grand-papa et nous démarrons en direction de la gare. Sur place, mes cadets se hâtent à mes trousses tandis que je cours vers les guichets de réservations. Il fallait le faire au moins 24 h avant le jour du voyage, raison pour laquelle je me retrouve à surenchérir sur le prix du transport. Votre pote va me rembourser mon argent, je ne m'inquiète même pas un peu. Une fois les tickets obtenus, je les amène prendre le petit-déjeuner puis nous embarquons dans l'autocar Etrab. 


À 7 h pile-poil nous quittions Cinkassé et c'est à ce moment que je sors mon téléphone dans l'intention de lui écrire quand je m'aperçois qu'il m'a matraqué de messages et d'appels. Je rétorque par un « En route » auxquels il répond automatiquement. Tout le long du trajet, il a continué à m'écrire et à m'appeler pour suivre notre progression jusqu'à me décharger complètement la batterie. J'ai demandé à Paterson de venir nous récupérer, c'est pourquoi en descendant de l'autocar je le cherche du regard en tournant sur moi-même lorsque je sens une tape sur mon épaule. J'oblique vers lui et lui tombe dans les bras en le serrant fort contre moi. Il m'a manqué inh Pati. (son surnom coquin, ne lui dites surtout pas que je vous l'ai revélé).


Paterson : je sais, je sais que je t'ai manqué, mais pas besoin de m'étrangler.


Je lui donne une tape sur l'épaule en riant de son ton sarcastique, il lève une main dans lequel Junior tape tout excité juste avant que Sophie et Caroline viennent s'accrocher à lui et qu'il les étreigne toutes les deux. Bref les embrassades quoi. Pendant ce temps, Noémie me dévisage en s'approchant de nous d'un pas timide.


Moi (soutenant son regard) : quoi ?


Noémie pointant mes lèvres du doigt : c'est ton premier rire de la journée.


Paterson plisse les yeux en me regardant faire une grimace.


Paterson : un souci ?


Moi : rien qu'on ne puisse gérer, on y va ?


Paterson : pas encore, je n'ai pas salué la chérie de mon cœur (lui ouvrant ses bras) viens là toi.


Elle le regarde et me regarde avec hésitation. J'arque le sourcil et la regarde.


Moi : bah quoi ?


Elle n'a pas pu répliquer avant que Paterson la tire dans ses bras. Elle hésite un moment avant de passer la main dans son dos pour répondre à l'étreinte. Ils se détachent l'un de l'autre après avoir échangé un regard.


Moi me foutant de lui : pay attention toi, je te vois venir avec ma sœur.


Noémie baisse le nez gênée pendant qu'il remue la tête et me fixe avec un rictus au coin des lèvres. Il nous conduit à sa voiture avec nos valises à la traîne. Je lui donne un coup de main pour les mettre dans le coffre avant de prendre place à l'avant. Nous mettons nos ceintures en synchronisation et il démarre le temps de vérifier que les ceintures sont bien bouclées derrière.


Moi me tournant vers lui : tu as quelque chose de prévu ce soir ? Un rencard ?


Paterson : non, enfin, si tu ne trouves pas d'inconvénients et si le voyage ne vous a pas trop épuisé, je vous inviterais bien à sortir.


Sophie/Caroline : wehhhh !!!


Junior répète après elle en criant très fort, tout le monde a rigolé.


Moi : pas trop possible, j'ai une affaire urgente à régler. On fera un aller-retour pour les déposer à la maison.


Derrière (ton déçu) : owww.


Moi (leur jetant un coup d'œil) : on vous ramènera quelque chose, pas sûr qu'on ait à manger à la maison.


Paterson : le mieux c'est qu'on le fasse en même temps avant de rentrer.


Nous acquiesçons en chœur. Il s'arrête donc aux pyramides pour nous prendre des pizzas et nous redémarrons avec leur bavardage. C'est dans un vacarme total que nous déchargeons nos affaires une fois que Paterson s'arrête sur le bas-côté de la concession. Ça attire des curieux comme maman Eunice et Marianne qui sortent comme une fusée de leur maison et avancent vers moi d'un pas pressé. Je dépose prestement le sac que j'avais en main pour les rejoindre intriguée par le ton alarmé de la voix de maman Eunice.


Maman Eunice (depuis sa position) : enfin Deborah tu es là, dis moi que tu sais où il se trouve, dis moi qu'il va bien.


Je plisse les yeux et la regarde, perdue.


Moi : tu parles d'Armel ?


Maman Eunice en pleurs : qui d'autre ohh Debbie mon fils est porté disparu (pleurant à chaudes larmes) ça fait deux jours que je me promène partout à sa recherche, il n'est nulle part (les mains sur la tête) nulle part ohh Deborah sauve moi.


Moi larguée : ah


Maman Eunice (tiquant en posant une main sur sa poitrine) : tu ne sais donc rien ? 


Je la soutiens de justesse avant qu'elle ne se laisse choir sur le sol. Je l'amène s'asseoir sur les bordures de la pente de leur garage.


Maman Eunice (gesticulant) : mon Dieu, je suis foutue. Tu étais mon dernier espoir, Armel où es-tu eeeeehh, son père va me tuer. (lamentations)


Moi sortant de ma torpeur : il n'a pas disparu, enfin je sais où il se trouve.


Elle me regarde subitement dans l'espoir que j'ajoute autre chose.


Moi: il est au Koweït.


Maman Eunice s'écriant : TU DIS QUOI ?


Elle n'était pas la seule à l'avoir dit alors je me retourne pour voir ma mère et presque tout le voisinage qui se sont attroupé derrière nous. Seule Noémie est en train d'aider Paterson à faire rentrer nos affaires.


Maman Eunice : Deborah parle moi, il est où tu dis ?


Moi la fixant : au Koweït.


Il y a un tollé qui se soulève ensuite tout le monde parle en même temps. Maman Eunice me fait signe de la suivre chez elle et n'attend pas qu'on passe la porte pour s'enquérir des explications. Ma mère et Marianne nous ont suivi, au moment où cette dernière referme la porte, Bradley émerge dans le hall avec le même visage affligé que sa mère. Je me retrouve sur le banc des accusés dans leur séjour, les questions fusant de partout. Ce n'est que des minutes après qu'ils m'ont laissé l'occasion de leur expliquer calmement les faits. J'ai beau répéter les mêmes choses, preuves à l'appui personne ne voulait vraisemblablement me croire.


Bradley dubitatif : tu es sûr de ce que tu avances ?


Moi : certaine


Maman Eunice (remuant la tête le regard hagard) : dis moi sincèrement où il est Deborah, dis le moi, je t'en prie. Je sais qu'il est parti à cause de moi, je reconnais avoir été dure avec lui. Je l'ai maltraité, rejeté, violenté. Je voulais simplement qu'il me parle, je vous jure que ce n'était pas mon intention de le chasser de la maison. Dis lui Deborah, dis lui que je m'excuse de l'avoir porté ce coup à la tête. 


Bradley et moi parlons tous les deux en même temps.


Moi sur le cul : oh ?


Bradley ton stupéfait : quoi, qu'est-ce que tu racontes ?


Dada ouvre seulement les yeux et la bouche en la fixant dépassée.


Maman Eunice (recommençant à se lamenter) : je ne sais pas ce qui m'a pris Bradley, je m'en veux terriblement. J'ai vraiment fait n'importe quoi, je suis prête à lui demander pardon à genoux, j'ai eu tort ohhh. Debbie dis lui de rentrer à la maison quel que soit l'endroit où il se trouve actuellement. 


Bradley (la voix contrariée) : si je veux bien comprendre maman, ça fait deux jours qu'on cherche Armel partout, qu'on épluche cette ville, que tu nous fais ton cinéma alors que tu l'as toi même chassé de la maison et que tu l'avais battu en plus ?


Maman Eunice (secouant la tête en le fixant) : je ne l'ai pas chassé, Bradley, je lui ai dit de sortir de la cuisine pas de la maison.


Bradley haussant le ton : alors quoi maman ? (elle sursaute) Qu'est-ce qui se passe ici au juste ? Depuis le temps, je n'ai pas cessé de te poser des questions, de vous les poser à tous les deux. C'est quoi le réel problème entre Armel et toi !? Pourquoi tu t'en prends à lui, qu'est-ce qu'il t'a fait ? (fronçant les sourcils en la fixant) Il est plus que temps que tu m'expliques clairement les choses, je veux toute la vérité. (appuyant) Toute la vérité !


Moi : euh, on va vous laisser discuter (me levant en fixant un regard insistant sur ma mère) dada ?


Elle sort de son hébétude et m'emboîte le pas.


Bradley : attends Debbie, tu as un numéro sur lequel je peux le joindre ?


Je m'arrête en faisant oui de la tête.


Moi : je vais chercher mon téléphone, mais d'abord, il faut que je le charge.


 Il hoche lentement la tête. Je sors donc du séjour puis de la maison complètement bouleversée par les révélations de leur mère. Je suis outrée, cette guerre froide prend une tournure qui ne me plaît plus, absolument plus. Tout cet acharnement contre son fils alors qu'il essaie juste de la protéger. Je présume que c'est l'une des raisons qui l'a poussé à prendre le large parce que je ne veux pas parier sur son état d'esprit actuel.  (soupir) Je ne sais pas quoi faire, ni comment m'y prendre pour que les choses redeviennent comme avant, car ça ne peut pas continuer ainsi. (soupir lasse) Tout compte fait, je tenterai une approche avec le fils en espérant qu'il soit réceptif. Je soupire à l'idée.


Dada : Deborah, je te parle.


Moi (levant les yeux sur elle) : excuse-moi, tu disais ?


Dada : c'est quoi cette histoire ? Armel est vraiment parti au Koweït ?


Moi soupire lasse : c'est comme je l'ai dit une dizaine de fois, il y est en ce moment même où je te parle.


Dada faisant sa pointue : donc sa mère l'a battu inh, tu sais ce qui se passe entre eux ? (me regardant du coin de l'œil) Tu dois forcément savoir.


Moi : je viens d'apprendre comme toi dada.


Dada : si tu le dis ohh et c'est qui la fille qu'il doit secourir ?


Moi : une amie.


Dada regard aigu : quel genre d'amie ? 


C'est Paterson sur qui nous tombons en passant notre portail qui m'évite de répondre à la question.


Moi m'arrêtant à sa hauteur : tu rentres ?


Paterson : non, je venais t'attendre dans la voiture. (biaisant vers dada) Bonsoir maman.


Dada le dévisageant : bonsoir jeune homme.


Moi : c'est mon collègue.


Paterson : son ami.


Dada (le scrutant de haut en bas) : hmmm.


Elle lui a passé un scanner ma parole.


Moi grimaçant : tu veux bien m'attendre quelques minutes de plus ? Il faut que je gère un contretemps.


Paterson : prends ton temps t'inquiète.


Je le remercie en allant l'installer dans mon salon avant de regagner la chambre toujours suivie par ma mère. Elle reprend dès qu'on franchit la chambranle de la porte.


Dada : tu n'as pas répondu à ma question.


Je me tourne vers elle agacée et fronce direct les sourcils en la fixant.


Moi : c'est quoi cette mine ? Tu es malade ?


En fait maintenant que je la regarde de plus près et avec la lumière forte de ma chambre, je m'aperçois qu'elle a mauvaise, mais très mauvaise mine. 


Dada : je vais bien. 


Dit-elle alors qu'elle s'assoit sur le lit en faisant une grimace vite fait.


Moi : tu es sûre ? (oui de la tête) Tu n'en as pas l'air pourtant, tu as une sale tête.


Dada : j'ai passé la journée à dormir, c'est pourquoi.


Moi haussant les sourcils : une journée à dormir ? (elle hoche la tête) Ça doit être un début de palu. Il vaut mieux qu'on aille à l'hôpital.


Dada : je ne suis pas malade Deborah, du moins j'ai la bonne maladie.


J'arque un sourcil interrogateur, mais ne dis rien. Bon, je ne suis pas certaine d'avoir compris ce qu'elle veut dire par "bonne maladie" et comme je suis déjà assez embrouillée, je préfère ne pas y penser. J'ai récupéré mon sac dans la foulée du coup, je sors mon téléphone pour le brancher. Je le pose sur la tête du chargeur et entreprend ensuite de troquer mon jean contre un pagne. 


Dada : je vais voir mes enfants.


Moi narquoise : ah parce que moi, je suis ta sœur ?


Dada : je t'ai trop vu toi.


Moi : lol, nous avons outrepassé les salutations.


Dada me souriant : ce n'est pas grave.


Je décide aussi d'aller tenir compagnie à Paterson en attendant que le téléphone se rallume alors je la suis au salon où nous trouvons Paterson qui sourit sur son téléphone. Il a dû sentir notre présence vu qu'il lève les yeux et me fait un sourire auquel je réponds. Dada passe sa route, mais du coin de l'œil je peux entrevoit le regard méfiant qu'elle fixe sur lui jusqu'à ce qu'elle passe la porte. Je plisse les yeux tout en prenant place dans le canapé en face de lui. C'est moi où elle ne l'apprécie pas beaucoup ?


Paterson : on dirait que ta mère ne m'apprécie pas beaucoup.


Moi surprise : c'est drôle, je viens de penser la même chose.


Paterson m'imitant : c'est drôle, on me l'a déjà fait celui-là.


Moi (me confondant en excuse) : je suis désolée, c'est notre septième sens. C'est plus fort que nous.


Paterson riant : septième sens carrément ! Au moins je sais maintenant de qui tu le tiens.


Je lui fais un sourire contrit sans émettre un commentaire.


Moi : euh, je te sers autre chose à boire ? (me levant) Je dois avoir une bouteille de Martini au frais.


Paterson : ça ira, par contre dis moi ce que je peux faire pour toi. Noémie m'a tout raconté, tu n'es pas tenue de tout gérer toute seule. 


Je lève la tête surprise, mais agréablement et touchée par sa sollicitude. Je le regarde un moment avant de soupirer en passant la main dans mes cheveux.


Moi : sois juste là pour moi.


Paterson : c'est faisable (je souris) comment te sens-tu ?


Je souffle un grand coup en voulant lui répondre, je fus suspendue par la sonnerie de mon téléphone. Je fonce dans la chambre en espérant que ce soit Armel. Quand je constate que c'est lui, je décroche en ressortant précipitamment du bâtiment pour leur domicile. 


Moi d'emblée : ma batterie m'a lâché.


Armel : j'avais deviné, vous êtes bien rentré ?


Moi : oui.


Au passage, je demande à Noémie d'aller faire la conversation à Paterson.


Armel : pourquoi t'es essoufflée ?


Moi : je ne suis pas essoufflée, je suis en train d'aller chez vous. Ta famille te cherche, ils pensaient tous que t'avais disparu.


Armel grognon : si par ma famille, tu entends madame Elli, je ne veux pas lui parler.


Moi : je voulais dire Bradley, mais ils sont tous inquiets à ton sujet. Ta mère est dévastée, Armel.


Armel : m'en fous !


Je roule des yeux, je déteste quand il dit ça et il le sait. Je m'arrête devant la porte de leur maison en prenant un ton conciliant.


Moi : j'ai appris ce qu'il s'est passé et je comprends que tu lui en veux à mort en ce moment, mais je peux te garantir qu'elle regrette. Je pense qu'il serait bon d'avoir une vraie discussion tous les deux.


Je l'entends rigoler nerveusement.


Armel : elle regrette, elle regrette quoi ? Ses regrets sont supposés changer quoi en fait ?


Moi attrapant la balle au vol : peut-être rien, mais toujours est-il que ça ne servira à rien de rester sur une mauvaise note. Je ne suis pas en train de minimiser ta déception, tes ressentiments, essaie juste de passer par-dessus ta colère pour une fois que tu te retrouves à sa place. Imagine le nombre de fois que tu l'as déçu et qu'elle t'a pardonné. Compte le nombre d'années où elle t'a accepté tel que tu es malgré tes erreurs. Elle n'est qu'une humaine après tout.


Armel soupire frustré : ....


 Marianne ouvre la porte sur les entrefaites et me rejoint d'un bond en chuchotant.


 Marianne : c'est Armel (oui de la tête) je veux lui parler s'il te plaît.


Armel au même moment : c'est Marianne ?


Moi : oui


Armel : donne lui téléphone s'il te plaît.


Elle prend l'appel et fond tout de suite en larmes en le suppliant de rentrer. La conversation vire ensuite dans un jeu de questions/réponses pendant qu'on regagne la maison. Lorsqu'on rentre dans le hall, sa mère débarque en larmes suivie de Bradley qui arbore un visage grave.  


Bradley s'approchant de Marianne : passe-le moi.


Ce qu'elle fait sans attendre, ils s'échangent les salutations à peine que le téléphone s'est éteint à nouveau. 


Bradley me tendant le téléphone : tu lui diras de m'appeler (jetant un regard froid à sa mère) j'y vais.


Maman Eunice : il t'a dit quelque chose ? Il revient quand ?


Bradley sec : comme tu peux le constater toi-même nous n'avons pas pu parler.


Il fait demi-tour sans plus, Marianne le suit au pas et leur mère se tourne vers moi.


Moi (anticipant sur son regard interrogateur) : il va bien maman Eunice, il rentrera dès que possible.


Maman Eunice : j'ai besoin de lui parler.


Moi : je vais voir ce que je peux faire.


Maman Eunice hochant la tête : je compte sur toi.


Je mime un sourire qui se veut rassurant.


Moi : je dois y aller.


Elle hoche lentement la tête encore une fois et reste à tourner sur elle pendant que je me dirige vers la porte. Sur le moment, je prends la résolution de reporter ma mission sur le lendemain. Ça ne lui servira que lundi de toute façon. Il faut le dire, je suis littéralement harassée, j'ai qu'une envie celle de dormir. Une journée vreummaaannt !


Je retrouve Paterson et Noémie en grande discussion, je ne sais pas ce qu'il lui dit pour captiver si tant son attention.


Moi m'arrêtant derrière eux : Pat arrête ton numéro de charme.


Ils se tournent vers moi en même temps surpris.


Moi (levant les sourcils en les fixant de tour à tour)  : heu, j'interromps quelque chose ?


Paterson : lol du tout, simple discussion.


Moi : quel genre de discussion ? Ne me mélange pas la tête de l'enfant.


Noémie : mais si l'enfant même veut qu'on lui mélange la tête ? 


On la regarde.


Noémie : je plaisante voyons, même si je ne suis plus un enfant.


Moi : ah, excuse-la-nous grande.


On rigole et reste à papoter un moment avant de nous décider à passer à table. Ma mère qui nous a rejoint entre temps n'a pas cessé de lancer des regards hostiles à Paterson (rires) le repas néanmoins se passe sans incidence, le type que trop fair-play. Après le repas, il rentre chez lui en me promettant de repasser le lendemain. Les garçons m'accaparent une demie heure, c'est une fois qu'ils sont couchés que je vais m'occuper de mon corps. Je prends une douche tiède et tombe dans le lit puis dans les bras de Morphée pour me réveiller à 13 h le lendemain. J'ai sauté du lit, en allant prendre une douche pour me rendre chez les parents de Cassidy. Aussi, il faut que j'aille récupérer ma voiture, depuis le temps inh ! Ma pauvre chou doit se demander où est passée maman (loleuh). Je me prépare en l'espace d'une demie heure, j'envoie un message à Paterson et réponds à ceux d'Armel. Je l'appelle une bonne fois devant les Attila, c'est le nom qui est inscrit sur l'extrait de naissance de Cassidy. Je laisse une famille abattue, la mère totalement désemparée pour rejoindre Paterson dans la voiture puis nous mettons le cap sur Cassablanca.


Bertrand (le gardien de la maison) : ah madame, le grand patron à envoyer vous voiture foulière. (fourrière)


Moi interloquée : oh


Bertrand : il a dit, c'est volaire. Non, bligand.


Moi : ah


Bertrand : le grand patron est dedans.


Il a à peine parlé qu'on entend une voix féminine depuis l'intérieur.


La voix : c'est qui ?


Bertrand : c'est madame, madame.


Une jeunette déboule en moins de deux secondes.


La jeunette : quelle madame (me fixant) toi, c'est qui ? 


Moi : euhhhhhh


La jeunette (me bousculant) : heeoo tu es sourde ? 


Tonton Fulbert arrivant à son tour : chérie, c'est qui ? (buguant sur moi) Deborah ?


Je ne sais pas comment elle se retrouve devant moi en m'administrant une gifle.







Le Maître du jeu-2