Quand la vérité éclate
Ecrit par Farida IB
Debbie.....
Lorsque Paterson se gare devant l'hôtel bas de gamme du sieur Elli, je descends en faisant attention de ne pas marcher sur ma robe. D’un geste de la main, je la remonte légèrement en refermant la portière. Au même moment Bertrand, le gardien sort et m'accueille avec un sourire tendre que je lui rends pendant que je m'approche près de lui.
Bertrand : bonsoir madame
Moi avec enthousiasme : bonsoir ! Je t'ai dit de ne pas m'appeler comme ça, je ne suis pas encore sa madame.
Bertrand : mais petit patron, il a dit toi sa madame.
Moi souriant en hochant la tête : c'est pour bientôt.
Bertrand content : ehhh madame je vais venir manger du riz à vous mariage. Vous invitez moi hein.
Moi : bien sûr Bertrand, tu seras parmi nos invités d'honneur.
Il fait un tour de danse sous mes rires puis d'un coup, il redevient sérieux.
Bertrand : mais petit patron, il parti ? Grande madame avec la petite fille est venue le chercher.
Acquiesçant d'un air entendu en cherchant une parade pour couper court.
Moi : elles l'ont retrouvé.
Bertrand : ah Dieu merci.
Moi : oui, sinon comment tu vas ? Et madame et les enfants ?
Bertrand : ils vont bien, madame a fait bébé sept.
Moi : ah oui ? Super ! Mes félicitations, fille ou garçon ?
Bertrand soupirant : fille encore, hmmmm.
Moi positivant : ah bah, tu vas manger beaucoup beaucoup de dots. Il y en aura parmi elles qui en recevront plusieurs. Imagine-toi tout cet argent, les matériels, et même les vivres.
Sur le moment, son visage passe de la déception à la rêverie appuyé par un sourire en coin.
Moi : et puis elles peuvent devenir de grandes femmes d'affaires, avocates, ingénieures ou journaliste à la télévision et pourquoi pas t’envoyer en vacances en Europe ? Il est connu que les femmes s'occupent mieux de leurs parents que les hommes.
Bertrand (faisant mine de réfléchir) : on dirait que toi avoir raison inh madame.
Moi renchérissant : mais bien sûr ! Considère-toi très chanceux. De toutes les manières, c'est ata (Dieu) qui donne.
Il me regarde en hochant la tête.
Moi : je suis sure qu'elles sont toutes jolies.
Bertrand : oui ehh, leur maman teint bien clair, les fesses bien bien (se stoppant en me regardant penaud) en tout cas mes enfants, ils iront à miss Togo.
Moi amusée : amen à ton vœu ! Bon Fo Bertrand, je suis venue récupérer ma voiture. Elle a trop duré ici maintenant.
Bertrand se grattant la nuque : hmmm, madame vous voiture hmmm.
Moi plissant les yeux : qu'est-ce qu'il y a ?
Bertrand : ah madame, grand patron a envoyé vous voiture foulière. (fourrière)
Moi interloquée : oh
Bertrand : il a dit c'est volaire, non bligand.
Moi : ah
Bertrand : grand patron est dedans.
Il a à peine parlé qu'on entend une voix féminine depuis l'intérieur.
La voix : c'est qui ?
Bertrand : c'est madame, madame euhhh
Une jeunette déboule en moins de deux secondes.
La jeunette : quelle madame (me fixant) toi c'est qui ?
Moi abêtie : euhhhhhh
La jeunette (me bousculant) : heeee tu es sourde ?
Tonton Fulbert arrivant à son tour : chérie, c'est qui ? (beugant sur moi) Deborah ?
Je ne sais pas comment elle se retrouve devant moi en m'administrant une gifle. Je la regarde et lui rend sa baffe en multipliant sa puissance par cent. Elle met la main sur sa joue et me regarde avec fureur.
Moi : je peux savoir lequel est ton problème ?
J'ai accompagné ma question par une autre baffe, celle-là, elle ne l'a pas vu venir. Elle lève les yeux et me regarde maintenant d'un air choqué. Je l'attrape par les cheveux, prête à enclencher une vraie bagarre, mais quelqu'un me happe la main et me tire vers l'arrière tandis que tonton Fulbert se met devant sa connerie qui me jauge d’un regard furieux que je soutiens en respirant le buffle.
Paterson : Deborah calme-toi.
Moi (la voix posée, mais tendue) : je suis calme, trop calme même parce que si je me fâche elle risque de se retrouver dans son village.
Il rigole en secouant la tête, celle-là est en train de se chauffer. J'ai aussi une envie folle de sauter sur elle, mais je trouve qu'elle ne vaut pas la peine de ruiner ma manucure.
La fille : Berti lâche moi, je vais tuer cette sale garce ! Pour qui se prend-elle pour me gifler ?
Tonton Fulbert veut dire quelque chose, mais je l’ai devancé toujours zen.
Moi : euh de quel droit toi, tu me tapes ? Tu me connais ? Sais-tu qui je suis ? N’importe quoi comme ça.
La fille piquée au vif : n’importe quoi toi-même, qui ne vous connaît pas les bordelles de Lomé. Est-ce que j’ai besoin de ta biographie pour savoir que tu n'es nulle autre qu'une bitch parmi tant d'autres ? Voleuse de mari comme ça là !
J’ai lâché un rire sarcastique, non mais elle n’est pas folle ?
La fille : elle rit au nez de qui ? (se débattant) Berti lâche-moi je t’ai dit (criant) lâche-moi !!!
Tonton Fulbert furieux : oh, mais tu te calmes maintenant, ça suffit !
La fille : ne me demande pas de me calmer, je ne me calme rien du tout. Je dois lui régler son compte à cette petite effrontée. (me fixant avec mépris) Je vais régler ton cas tout de suite et maintenant, je vais t'enlever l'idée de convoiter le mari des autres.
Moi rire sans joie : que l'homme-là t'appartient ? Tu dois être malade n'sa parce que là je ne vois pas d'autres explications à ta folie.
Elle veut bondir sur moi, mais il la retient encore plus.
Tonton Fulbert la grondant : mais Maely qu'est-ce qui te prend ?
La Maely : c'est à moi que tu poses la question Berti, c'est moi que tu réprimandes alors qu'elle vient me manquer du respect chez moi ? Qu'est-ce qu'elle vient foutre ici ? C'est toi qui l'as appelé ? C'était elle au téléphone ce matin, n'est-ce pas ? (élevant la voix) Réponds moi Fulbert, c'est elle qui t'a envoyé les nudes aussi, je parie. Toujours les mêmes choses avec toi, la même rengaine. Il y a toujours une, je ne sais quoi qui doit surgir de je ne sais où. (me regardant de haut en bas avec dédain) On est tombé bien bas là ! Tu pars maintenant ramasser les bébés qui n'ont pas fini de téter les seins de leur mère, des enfants à peine sortis du collègue qui osent venir me tenir tête à moi ? (en larme) Tu n'as pas honte Fulo, tu n'as pas honte de monter sur une petite fille comme elle...
Tonton Fulbert serrant les dents : Maely tu m'arrête ça ! ! Tu arrêtes ça tout de suite !
La Maely pleurant : je n'arrête rien Berti, j'en ai marre (snif) marre de devoir tout le temps lutter avec tes putes (snif) marre de toutes ces filles qui essaient de t'avoir déjà que je n'ai pas de répit à cause de ta femme. Ça fait des années que tu me promets de la renvoyer, mais rien y fait ! Tu passes ton temps à collectionner des bêtises....
Moi (avec un ton au dessus du sien) : non mais oh du calme madame, ça suffit maintenant ! Je ne suis même pas un peu dans vos conneries (regardant Berti) tonton Fulbert d'abord bonsoir.
Elle ouvre la bouche parler et la referme aussitôt en me regardant d’un air décontenancé. Paterson éclate d'un rire sarcastique qu'il efface en avisant les éclairs que je lui lance. Je me retourne vers le père Elli qui a répondu à ma salutation entre temps et sa connerie de Maely fait une petite mine derrière lui.
Moi : je suis simplement passée récupérer ma voiture.
Tonton Fulbert : quelle voiture ?
Moi : la Licra.
Tonton Fulbert : c'est la tienne ? (oui de la tête) Qu'est-ce qu'elle faisait garer dans ma maison ?
La Maely me devançant : oui, qu'est-ce que ta supposée voiture faisait chez nous ? D'abord, qui es-tu ?
Tonton Fulbert brute : Maely tu vas te taire à la fin !? Va m'attendre à l'intérieur ! Du balai !
Elle croise les mains sous sa poitrine la bouille bien amarrée, mais s'exécute néanmoins. Bertrand qui n'a pas changé de position depuis le depuis tout à l'heure ouvre la porte et s'écarte pour la laisse entrer. Elle prend tout son temps pour me toiser et tchiper avant de disparaître derrière la porte que Bertrand s'est empressé de refermer.
Tonton Fulbert : parle Deborah.
Je lui sers le mensonge que sa connerie m'a laissé le temps de préparer.
Moi : c'est Armel qui l'utilisait pendant que j'étais en voyage, il n'a pas eu le temps de la ramener avant de voyager à son tour.
Tonton Fulbert arquant le sourcil : tu sais où se trouve Armel ?
Moi : il est aux Émirats !
Tonton Fulbert ahuri : qu qu.... Qu'est-ce que tu as dit ?
Moi : il est au Koweït pour être plus précise.
Tonton Fulbert : pourquoi ? Qu'est-ce qu'il est parti chercher là-bas ?
Moi : il faudra lui poser la question (enchaînant en faisant genre) je peux prendre ma voiture maintenant ? J'ai une course à faire.
Tonton Fulbert (se grattant la tête) : ça va être un peu compliqué, je l'ai envoyé à la fourrière étant donné qu'on ne savait pas à qui ça appartenait. Je vais les appeler.
Je suppose que par " on " il veut dire sa Maelymochetruc, non mais les hommes quoi ! Tu veux tromper ta femme au moins aies la déchéance de choisir une fille qui peut rivaliser. Une mocheté sans pareille avec ses mollets durs durs là qui ose encore venir l'ouvrir devant les gens. J'allais la frapper, ses parents n'allaient pas reconnaître. Non mais des conneries ! C'est maintenant que ça me chauffe le cœur, ça me brûle, mais je reprends d'un ton qui se veut calme.
Moi : quand est-ce que je pourrai la récupérer ?
Tonton Fulbert : ce soir, je te la ferai parvenir directement à la maison.
Moi : ok, je vais alors y aller. (lui donnant le dos) Bonne soirée,
Tonton Fulbert : merci, je m'excuse pour le comportement de Maely.
Je lui réponds dans les narines, j'étais déjà devant la portière ouverte côté chauffeur de la voiture de Paterson. Je monte et entreprends de mettre la ceinture de sécurité lorsque Paterson me rejoint. Je n'attends pas qu'il finisse de s’attacher pour démarrer en trombe et rouler à vive allure. Il tient la poignée de maintien pour arceau de sécurité et se tourne vers moi.
Paterson voix apeurée : mais qu'est-ce que tu fais ?
Moi : ....
Paterson : hoo ralentis ! Debbie Debbie Debbie arrête-toi.
Moi augmentant la vitesse :....
Paterson : Debbie, tu vas nous faire tuer. Debbie nous allons tomber sur un carré... (hurlant) Attention ! ! !
Je freine brusquement en regardant le conducteur du titan en face de moi toute tremblante. Il descend et nous rejoint en gueulant sur moi. Paterson pousser un soupir avant de descendre également en claquant la portière. Il cause quelques minutes avec le conducteur qui regagne son véhicule ensuite il vient se planter devant moi.
Paterson : descends !
Je me décale sur le siège passager sans me le faire répéter. Il reprend sa place au volant avant de redémarrer. On roule dans un silence tendu qu'il brise au bout d'un moment. Pendant ce temps, je me suis remise de mes émotions.
Paterson : c'était quoi ça ?
Moi : je voulais évacuer.
Paterson (me lançant un drôle de regard) : tu voulais nous faire évacuer à l'hôpital weh, non mais tu es folle ?
Moi la petite voix : je suis désolée.
Il me lance un autre regard, réprobateur cette fois et soupire.
Paterson : on peut dire que nous l'avons échappé bel.
Moi voix aiguë : oui
Paterson donnant un coup au volant : hooo ne recommence plus jamais ! J'ai eu la peur de ma vie.
Je ne réponds pas, je baisse le regard sur mes ongles. Pardon le regard de chien enragé là, mieux je me tais. Il n'ajoute plus rien non plus et se recentre sur sa conduite. Je me mets à ruminer tout ce que j’aurais dû faire à cette bêtasse. C’est cela même qui me met le plus en rogne, de ne pas m’être défoulée sur elle comme il se doit. Tu viens prendre le mari d'une autre et c'est toi qui te permets d'être jalouse. N'importe quoi comme ça, dans d'autres circonstances est-ce qu'elle peut tenir devant moi à plus forte raison maman Eunice. Tonton Fulbert même ce n’est pas la peine, tout ce qui se passe actuellement ne l'intéresse pas alors que tout est entièrement de sa faute. Il se la coule douce pendant que sa femme malheureuse rejette les torts sur leur fils. L'enfant est à bout, toutes les frustrations qu'il a dû subir et moi par ricochet.
Dring dring.
J’incline mes yeux sur mon téléphone qui sonne dans la boîte de rangement latérale. Quand on parle du loup…
Moi décrochant : allô !
Paterson me jette un coup d'œil, je souffle.
Armel ton inquiet : qu'est-ce qu'il y a ?
Moi soufflant à nouveau : rien de spécial
Armel : t'es où ? Tu n'es pas encore rentrée ?
Moi : pas encore, en route pour la maison.
Armel : Debbie, tu décroches un appel pendant que tu conduis ?
Moi : ce n'est pas moi qui conduis. Enfin, je n'ai pas pu prendre ma voiture comme prévu.
Armel : comment ça ?
Moi : ton père l’a envoyé à la fourrière.
Armel : quoi pourquoi ?
Moi : il a dit qu'il ne savait pas qui était venu la garer là.
Armel rire nerveux : tu me fais une blague là ?
Paterson au même moment : et ce n'est pas tout !
Je lui fais les gros yeux, mais le type enchaîne juste.
Paterson : ils ne se sont pas contentés d'envoyer la voiture à la fourrière.
Là, je le fusille du regard.
Armel : que s'est-il passé Debbie, qu'est-ce que monsieur Elli t'a fait ?
Moi : nada
Armel entre les dents : Deborah tu me dis ce qui s'est passé ou je te jure que tu auras affaire à moi.
Moi (activant le haut-parleur en m'adressant à Paterson) : parle puisque tu as déjà commencé !
Il ne se gêne pas du tout, il raconte tout dans les moindres détails tout en restant concentré sur sa conduite. J'ouvre seulement la bouche et le regarde. Armel raccroche avec rage juste après qu'il ait fini.
Moi : satisfait ?
Paterson : quoi ? Tu ne voulais pas lui en parler ?
Je le toise sans répondre.
Paterson : je ne comprends pas pourquoi tu veux cacher une info aussi crousti euh je veux dire importante, elle s’en est prise à toi.
Moi (secouant la tête débitée) : toi vraiment ce n'est pas la peine.
Paterson : non copina, je suis trop fière de toi, un doublé et pas des moindres ! Mais il fallait la laisser pour que je la corrige pour toi.
Moi le regardant mal : tchipp ne n’énerve pas, au moment où il fallait parlé tu ne faisais que loler. Même pas essayé de me défendre rien, retchippp !
Paterson : c’est parce que ma mère m’a appris à ne pas battre les femmes inh, elle allait voir ce que j’allais lui faire.
Moi (le dévisageant de haut en bas) : mouais, c’est ça ! Un peureux comme toi wesh.
Paterson : ne sous-estime pas ma force de frappe petite, attends de me voir en action pour en juger toi-même. Ce ne sont pas tes petites giflettes là dont il s’agit, de vrais coups de poing.
Moi tchipant : Pati tais-toi, roule !
Paterson : rhoo je commence à regretter de t'avoir révélé ce surnom ou plutôt que tu l'es découvert en fouinant tes yeux de biche partout ! Tu me massacres le surnom, on dit Pati. Le "P" se prononce dans la gorge (reprenant avec démonstration) P et le "A" au niveau du palais mou, " TI" comme T.I. le rappeur ou mieux Cardi B la go bobaraba.
Je plisse les yeux d’incompréhension.
Paterson : rien à voir, je sais.
J’égrène un sourire que j'efface aussitôt.
Paterson : bingo ! J'ai réussi à faire sourire Hulka.
Je le regarde en souriant et finis par rire, il rigole aussi.
Paterson sérieux : bon ce n’est pas pour casser l’ambiance que je viens de réussir à dérider, mais il faut que je te dise quelque chose avant que tu ne l’apprennes par d’autres personnes.
Moi le regardant intriguée : j’ai eu ma dose des mauvaises nouvelles Pat.
Paterson : ce n’est pas une mauvaise nouvelle en soi, du moins mauvaise dans le sens où tu vas devoir faire équipe avec Véronique sur un dossier.
Moi froissant la mine : pourquoi ? Et pourquoi pas toi ?
Paterson haussant l'épaule : c'est la patronna qui en a décidé ainsi.
Je souffle.
Paterson : et si ça t'intéresse de savoir, ça porte sur la violence à l'encontre des hommes.
Moi : c’est intéressant comme sujet, mais travailler avec Véronique nan, je ne peux pas. C’est un suicide.
Paterson : en même temps, tu n’as pas le choix.
Moi : hum.
*** De l'autre côté du moyen orient ***
Voix de l'opératrice : votre correspondant est actuellement inaccessible, veuillez le rappelez plus tard merci !
Clic
Je soupire de frustration en jetant mon téléphone sur le lit.
Moi : putain ! !
C'est le cinquantième appel, je crois que je lance vers les numéros de monsieur mon père et aucun ne passe. Je suis sûr qu'il m'a mis sur sa liste noire. J'ai la rage à un point, vous n'avez pas idée ! Qu'il pousse ses vices sous le nez de sa femme, c'est leur problème, mais que ses garces se donnent le droit de porter la main à ma femme à moi (tapant un poing dans le mur) j'ai des envies de meurtres, je vous jure qu'elle plutôt qu'ils ont la chance que je ne me trouve pas sur place. Il aurait non seulement ramené cette voiture sur le moment et cette fille paierait cher de sa chair ! Je me mets à tourner sur moi tel un lion en cage pendant une quinzaine de minutes. J'étais à ça de péter les plombs quand j'ai entendu une sonnerie.
Tiiinnnngggggg.
Voix dans l'interphone parlant anglais : sir Armel, c'est Manju. Il est l'heure.
Je passe ma main sur le visage pour essayer de me calmer.
Moi allant appuyer sur le bouton : deux secondes, j'arrive.
Je me dirige vers la douche pour me rincer le visage vite fait. Je décide de garder mon Jellaba (bah, on s'adapte) après avoir ramassé mon passe de sécurité, repris mon téléphone, je remets mes souliers et porte ma montre en sortant de la chambre. Tout cela avec des gestes brusques tellement que j’ai les boules. C'est dans le même état d’âme que je monte dans l'ascenseur malgré tous les exercices que je fais pour calmer mes nerfs. Il y a Debbie qui essaie de m'appeler au moment où je débouche sur le hall de l'hôtel où je loge depuis mon arrivée. Je coupe l'appel et attends d'être bien installé sur la banquette arrière pour la relancer. Manju, mon guide, mon interprète en herbe et chauffeur que j'ai réservé en amont, referme la portière avant d'aller prendre place à l'avant.
Manju : sir, quelque chose ne va pas ?
Je lève le regard vers lui et le vois, qui me fixe à travers le rétroviseur tout en attachant sa ceinture.
Moi : non mais ça ira.
Manju : qu'est-ce que Manju peut faire pour vous ? Je mets de la musique ?
Moi amusé : arabe ?
Manju faisant une grimace : j'ai de la bonne musique américaine pour jeune, vous connaissez Nick Miraj ?
Il fait le manœuvre pendant que je souris doucement.
Moi : Nicki Minaj tu veux dire.
Manju (hochant la tête d'un air entendu) : oui voilà, tu veux l'écouter ?
Je cale le téléphone contre l'oreille avant de lui répondre.
Moi : juste après cet appel.
Je lève le pouce en l'air lorsqu'elle décroche, il hoche la tête et démarre pour une destination que j'ignore pour le moment.
Debbie : allô ça va mon cœur ?
Sa voix a le don de ralentir quelque peu ralenti mon élan de colère donc je mets quelques secondes pour lui répondre avec un ton plus posé.
Moi : ça peut aller, tu es finalement rentrée ?
Debbie : affirmatif et ma choum aussi, je l'ai retrouvé à la maison.
Moi sceptique : hmm, tu es sûre de toi ?
Debbie : mais bien sûre, il me l’avait signifié et il a tenu sa parole. Là, je l'ai mise à chauffer ensuite, je ferai un tour au lavage. Tu veux qu'on fasse un appel vidéo pour que je te montre ?
Moi : je ne suis pas en ligne, je viens de quitter l'hôtel.
Debbie : je te ferai quand même la vidéo, tu verras ça plus tard.
Moi maugréant : de toute façon je réglerai tout ça une bonne fois sur place. Mon père va m'expliquer le pourquoi du comment sa grosse salope se permet de lever la main sur toi. Alors elle (rire nerveux) c'est sa dernière fois de taper quelqu'un, (avec force) je vais la niquer. Je vais la taper mal même et monsieur Elli hmmm ! D'ailleurs, tous auront pour leur compte. Ma vie, ils me sentiront tous passer.
Manju me jette un coup d’œil sûrement parce que j’ai haussé le ton avant de se concentrer sur sa conduite.
Debbie le ton rieur : j'ai l'impression que c'est de tes enfants dont tu parles. Ce n’est pas comme si je n’ai pas su me défendre non plus hein. Tu me connais, tu es au courant de moi.
Moi : lol n’essaie pas de dédramatiser la situation, je ne laisserai pas passer cette histoire, je t'en donne ma parole.
Debbie : arrive d'abord ici !
Moi : je suis encore là pour une petite semaine. Demain, tu feras scanner les documents que tu m'enverras sur mon e-mail afin que je m'occupe de faire ce qu'il faut.
Debbie : déjà fait, tu les verras une fois en ligne.
Moi sublimement ravi : tu es efficace dis donc !
Debbie : ce n'est pour ça que tu as sollicité mon aide ?
Moi hors contexte : tu me manques mi amor.
Debbie ton surpris : euh moi aussi. Euh non je voulais dire, tu l'as bien cherché !
Moi souriant lentement : je retiens la première phrase.
Debbie : si ça peut te faire plaisir. Alors comme ça, tu vas voir ta Casstchiza ?
Moi pouffant de rire : Cass quoi ?
Je rigole quelques secondes avant de pouvoir rétorquer.
Moi : nan, je ne vais pas voir Cassidy, je vais faire un peu de tourisme.
Debbie : ah, monsieur se joue les touristes pendant que je me fais du sang d'encre, que sa mère déprime.
Moi : ne prends pas ce ton sarcastique s'il te plaît, c'est Manju mon ange gardien qui m'a proposé une sortie vite fait. Ça m'évite de me gratter les couilles sur mon lit d'hôtel toute la soirée comme à mon habitude.
Debbie extrapolant : je suis passée voir ta mère toute à l'heure.
Moi agacé : Deborah…
Debbie me coupant la parole : écris-lui un message, juste un mot.
Moi avec humeur : Deb ?
Elle va vraiment me saouler votre copine, j’ai eu Bradley en ligne très tôt ce matin pour la même histoire. J’en ai profité pour me vider. Je lui ai exprimé mes ressentis par rapport au fait qu’ils me traitent tous comme le mouton noir de la famille, du manque de soutien et de la distance entre nous. En tout cas ça m’a fait du bien de parler. En ce qui concerne sa mère j’ai été plus que clair, je suis arrivé à ma limite. Je me suis trop donné pour elle pour ne pas être vexé, déçu par son comportement surtout notre dernière altercation que j’ai encore en travers de la gorge. Et plus on me parle d’elle, plus ça me revient comme si c’était il y a quelques heures. D’autant plus que j’ai toujours la bosse de trop sur la tête. C’est trop chiant et ça commence sérieusement à m’agacer que Debbie en parle inlassablement.
Debbie dans son délire : fais-le pour moi Sé, les parents n'ont jamais tort de surcroit la mère. Pardonne-la pour la vie qu'elle t'a donné.
Voix au fond : vérité vraie.
Debbie sur un ton de reproche : dada !
Moi amusé : c'est ta mère ?
Debbie : oui
Moi : passe-lui le bonsoir de ma part.
Debbie : ok, on se reparle plus tard.
Moi : okay kiss doudounette.
Debbie : lol kiss.
C'est elle qui raccroche, je reste à fixer l'écran avec sourire. C'est Manju me sort de ma rêverie à un moment donné.
Manju : sir n'a plus besoin de Nick Miraj.
Moi élargissant mon sourire : plus du tout, non. Où allons-nous ?
Manju : vous verrez.
Je hoche simplement la tête. Du peu que je sais de lui, il a des bons plans en hôtels, restaurants, visites en plus de maîtriser son pays comme sa poche. Pendant qu'on roule, il me montre Kuwait city. J'ai entendu pas mal de choses négatives sur cette ville, mais elle en demeure pas moins une belle ville. Nous avons circulé entre les avenues, j'étais sans voix. C'est impressionnant tout ce qu'il y a comme tours, gratte-ciels, hôtels de luxe, centres commerciaux que je précise sont différents des malls et des souks. Ils sont dans le futur eux, je ne vous dis pas. Manju m'explique qu'au-delà de la ville, c'est le grand désert. Le type même de la ville Etat quoi. Bon bof il y a des îles, neuf en tout qui sont rattachées à ses côtes que j'aurais visité volontiers dans d'autres circonstances. Manju m'emmène néanmoins sur le pont qui surplombe l'une d'entre elles.
Manju me renseignant : ici, c'est l'île Bubiyan, la plus grande. Mais si Sir a envie d'aller sur une île, permettez-moi de vous suggérer Failaka. (l'air nostalgique) C'est un rêve.
Moi : une prochaine fois assurément.
Manju : incha Allah.
On quitte le pont, bien entendu après avoir immortalisé le moment. J'ai même attaché leur foulard tout ça, j'étais vraiment dans le mood. Nous nous sommes arrêtés dans un restaurant parce que banalement ça fait trois heures que nous faisons que des va-et-vient et ça m’a creusé le ventre. Je ne suis jamais venu là donc je le laisse commander pour nous. Pendant qu’il discute avec le serveur, je jette un regard autour de moi, j’ai lu sur l'enseigne que c'est un restaurant fusion. Quand le buffet arrive effectivement, il y avait un peu de toutes les cuisines du monde. Mon kiff, c'étaient les burgers, rien à voir avec ce que j'ai mangé toute ma vie, toute ma vie, je répète. J'ai pris une pose pendant que je tapais un croc dans le burger, j’enverrai ça à Debbie plus tard. Pour le dessert, j'ai préféré prendre un thé local à base de camomille et Manju est allé sur une crêpe de coco. Puis nous sommes allés digérer au bord d’une plage en allant découvrir les trois tours vedettes du pays dans toutes leurs splendeurs. Nous sommes montés dans le pont en boules d'or d'où j'ai une excellente vue sur la plage. Pas mal pas mal du tout.
Ensuite, nous sommes rendus dans quelques centres commerciaux, j'ai profité pour acheter des souvenirs étant donné que je n'en aurais peut-être plus l'occasion. J'ai aussi fait un tour dans les souks, c'est un marché traditionnel en fait. J'y ai trouvé des chaussures moins chères et d'autres trucs de femme. Manju m'a soutenu dans mes choix. J'ai fait une bonne affaire en prenant des paires pour toutes les femmes de ma vie, madame Elli y compris. Ne me demandez pas pourquoi je l'ai fait par instinct. Je voulais voir quelque chose d'extraordinaire du coup Manju m'a envoyé dans un aquarium, un peu le genre dans " Aquaman" pour ceux qui auraient suivi le film. J'irai peut-être dans le désert faire un safari avant de partir.
Tout en pensant à cela, je réfléchis à ce qui m’a amené ici. Je peux quand même me le permettre dans la mesure où Cassidy va mieux, pas bien, mais mieux. Ce sont les mots du médecin qui s’occupe d’elle après ma visite un peu plus tôt dans la journée. Elle reste cependant sous observation jusqu'à son expatriation. Vous ne me croirez pas si je vous dis qu'on ne s'est pas vu jusque-là. Du moins pas de visu, c'est elle qui ne veut pas me voir. Je pense qu'elle a honte que je la vois dans son état ou du fait de l'histoire entre nous.
À l'heure de la prière, Manju me déposait devant l'entrée de l'hôtel. Je me suis arrêté quelques minutes, observer l'engouement autour des mosquées. J'ai oublié de vous dire qu'il y a autant de mosquées autant qu'il y a d'hommes. N'empêche que, bref ! J'arrive à peine dans ma chambre que je sors mon téléphone pour envoyer les photos à Debbie. Sa réponse ne s'est pas fait attendre.
Debbie : même pas joli.
Avec le sticker qui boude. Je m’allonge sur un sofa et réponds avec un sourire moqueur comme si elle pouvait me voir.
Moi écrivant : Diapena c'est quoi ton malheur dans mon bonheur ?
Debbie : Elli laisse-moi savourer ma pâte, ton burger qui sent là.
Moi : lol t'as le seum inh.
Sonnerie de téléphone.
C'est un numéro masqué.
Moi écrivant : on s'écrit après, j'ai un appel. (décrochant) Allô.
Madame Elli : Armel, mon chéri, je t'en supplie ne raccroche pas s'il te plaît.
Pris de court je ne dis rien alors qu'elle me demande à plusieurs reprises si je suis toujours là. Je ne sais pas ce qui me retient de raccrocher, peut-être ses supplications qu'elle appuie par des pleurs. Ça me fend le cœur un moment.
Moi serrant les dents : maman arrête.
Madame Elli : je veux simplement que tu m’écoutes, j’ai besoin de te parler.
Je me suis fait prier deux minutes. Ça n'arrivera pas deux fois dans ma vie.
Moi : je t’écoute.
Madame Elli : je m'en veux énormément Armel, je regrette tout ce qui s'est passé.
Moi : malheureusement ça ne change rien maman, j'ai toujours aussi mal.
Madame Elli : snif* pardonne-moi.
Moi : c'est dur, c'est dur de penser que tu aies pu me faire ça après tout ce que j'ai dû écumer pour toi. Après avoir passé le clair de ma vie à te soutenir maman, c'est dur !
Madame Elli : je n’ai pas voulu te faire du mal.
Moi rire jaune : bah oui ça m’a fait un bien fou de te voir jour après jour t’acharner contre moi. Ce fut avec un grand plaisir que j’accueillais tes injures, tes cris, tes rejets depuis que la lumière s’est faite sur cette année. J’écoutais à cœur joie celle que j’aimais le plus, pour qui je donnerais ma vie m’accabler de reproches et me pousser dans mes derniers retranchements. Ça ne m’avait pas du tout blessé de ne pas avoir eu ma mère cette année pour partager mes peines, mes exploits. Mais non maman, tu ne m’as pas fait du mal, tu m’as brisé.
Madame Elli : je voulais juste que tu me dises la vérité, ça m’a aussi fait mal de savoir que tu protèges ton père.
Moi m’insurgeant : tu n’as pas le droit de me dire ça maman, c’est plutôt toi que j’essayais de protéger. Je l'ai toujours fait d'ailleurs, j'ai toujours été là pour amortir les coups de ton mari. Je me suis pris la tête avec lui un nombre impondérable de fois à cause de toi. Parce que je ne supporte pas son manque de respect vis-à-vis de toi, parce que contrairement aux autres, je sais qu'il est resté égal à lui-même. Et quand il n’était pas là, je faisais en sorte de combler son vide…
Madame Elli : je ne t’ai jamais demandé cela, Armel, je ne t’ai pas demandé quoi que ce soit. C’est à la mère de protéger son enfant pas le contraire. Tu ne peux pas préserver le secret de ton père soit disant pour me préserver moi alors que ça me détruit de ne pas savoir. Encore que tu es mal placé pour savoir ce qui est bien pour moi.
Je me redresse sur le sofa, vexé.
Moi : oh oui ça, je l’ai bien compris maman, j’ai compris que je dois arrêter me faire du souci pour vous. Car tout ce que je fais de bien ou de mal dans cette famille me revient toujours comme un coup-de-poing en pleine figure. Désormais, je me consacre à moi et à moi seul. Tu veux qu’on parle de ce qu’il s’est passé le jour du baptême ? Ok ! Je vais te le dire. J’ai surpris ton mari qui voulait violer Cassidy dans la toilette des visiteurs le jour du baptême de Mila alors que tu étais à quelques mètres. Tiens-toi bien ce n’est pas tout ! Ce soir, je te dirai tout ce que tu veux savoir. Je n’en ai plus rien à foutre de ce qui se passera après. (sans transition) En ce moment même où nous sommes en train de parler, il fait son love tranquille avec une petite à Cassablanca. Tu peux aller vérifier si ça te chante ! En tout cas, elle raconte là-bas qu’elle attend qu’il te vire pour prendre ta place. Je ne te parle même pas du jour de mon anniversaire l’année dernière où je l’ai surpris en train de disputer une autre de ces petites avec un jeune homme de la même génération que moi ou Eddie au maximum. Ou cette fois où je suis tombé sur leurs ébats entre ma monitrice du prytanée et lui. La même qui a abusé de moi à ce moment là et qu’il était censé envoyer au trou. Je ne te parle même pas du nombre de secrétaires (insistant) particulières qu’il s’est fait sur votre lit conjugal. Est-ce que je t’ai dit qu’il a payé l’oncle de Cassidy juste pour l’avoir dans son lit ? Ça, c’était la meilleure !
Je l’entends pousser un cri aigu qui me fait froncer les sourcils.
Moi continuant cependant : bah la voilà ta vérité, et ça ce n’est qu’un résumé parce que même après trois mois, je n’aurais pas fini de tout lister.
Je finis par prendre une grande inspiration et attends quelques minutes d’avoir son retour, mais rien. Je décide de raccrocher quand j’entends comme une voix paniquée qui crie maman maman ! Maman réveille-toi.
Moi fronçant les sourcils : allô ? Marianne, c’est toi ?
Marianne en pleurs : allô Armel, je crois que maman a fait une crise.
Je tique.
Marianne : qu'est-ce que je fais ? Elle ne se réveille pas.
Moi : appelle les secours (me levant étourdi) je suis en route, j’arrive.
Marianne : t’arrives où ?
Moi lui criant dessus : appelle le 118, dépêche-toi.
Je raccroche et appelle Debbie.
Moi lorsqu’elle décroche : ma mère a piqué une crise.
Debbie : doux Jésus ! Raccroche, raccroche. J’appelle les secours.
Je raccroche et enchaîne de réserver le prochain vol disponible vers Lomé.