Mes péripéties

Ecrit par Farida IB


Cassidy…


J’ouvre lentement les yeux. 


Je me revois dans les mêmes vêtements qu’hier et les souvenirs de ma soirée refont surface. Je soupire. Je me redresse et grimace à cause du bruit dehors qui n’arrange rien à mon mal de tête. J’ai mal dormi, mais vraiment absolument mal dormi. Mon humeur et ma motivation ont pris un sacré coup, je dois avouer. J’ai passé la nuit a élaboré un plan d’action contre ce pervers de Me Elli. Mais bon laissons tomber, il n’en vaut pas la peine. N’est-ce pas ?


Ma mère m’a appris à ne jamais garder rancune. Je pardonne et j’avance. C’est ce que je compte faire. 


Je m’enfonce de nouveau dans le lit lorsque j’entends l’autre fofolle aka Saliha (mon unique copine) échanger avec ma mère dans la cours. À quelques secondes près, elle fait irruption dans la chambre. Je vous laisse imaginer une fille qui déborde tout le temps d’énergie, qui ne se vexe pratiquement jamais et dont la bonne humeur est contagieuse.


Saliha : heeooo bonjour ici !! 


J’entends des pas s’approcher.


Saliha : ok vu qu’il n’y a personne ici, je repars avec mes croissants et mon pot de déguè.


Je sors brusquement de ma cachette et la vois en train de les poser sur l’unique table de la chambre.


Saliha me fixant : donc comme ça, tu es là ? Ah moi je pensais qu’un génie de la forêt était venu t’enlever.


Je me redresse les yeux écarquillés.


Moi : tu n’es pas sérieuse ?


Saliha : très sérieuse ! Ma chérie, il se passe des choses qu’on ne maîtrise pas.


Je secoue la tête débitée, elle me coule un regard attendri.


Saliha : tu me raconteras ce soir.  Pour l'instant je veux, non j'exige  que tu fasses disparaître cette mine de deuil. (je souris) Il faut que j'y aille avant que Madame ordre (sa mère) vienne me faire le bruit ici.  


Moi amusée : ok, merci pour le petit-déjeuner. Bonne vente à toi.


Saliha : merci, tu sors de cette chambre.


Je hoche la tête et la regarde s’en aller. Je m’apprête à me recoucher lorsqu’elle passe sa tête au travers de la porte.


Saliha : c’est un ordre !!


Moi (pas du tout motivée) : oo-ook.


C’est le bruit du portail qu’on referme qui me renseigne sur son départ définitif. Je ne tarde pas aussi à sortir du lit pour aller me débarbouiller dans le coin emménagé dans la cours dans ce but. Je vais ensuite rejoindre ma mère qui s’active à la cuisine.


Moi (me plaçant derrière elle) : ma mère que j’aime.


Maman : tu as une autre que tu n’aimes pas ?


Moi : rhoo prend ça comme ça.


Elle se retourne et me regarde enfin.


Maman : ça va ?


Moi : ça peut aller, j’ai connu des jours meilleurs.


Maman : tant qu’on a le souffle, on ne désespère pas.


Moi lui souriant : jamais !


On s’installe à la véranda pour trier des haricots et elle aborde le sujet de mon rendez-vous. Je lui réponds par un soupir triste.


Maman : il ne peut rien pour toi c’est cela ?


J’acquiesce de la tête.


Maman : tu vois ma fille quand je te dis qu’il faut qu’on fasse un tour au village. On doit voir claire dans cette histoire.


Moi : rhoo mam il ne s’agit pas de ça. En fait (pesant mes mots) c’est comme d’habitude !


Maman ébahie : le sexe ?? (je fais oui de la tête pendant qu’elle ajoute d’un ton scandalisé) Mais c’est l’ami à ton pépé ??


Moi : apparemment, leur amitié ne lui importe pas vraiment. 


Maman : ce n’est pas du tout loyal de sa part, ton pépé n’hésiterait pas une seconde à lui rendre ce genre de service.


Moi haussant l’épaule : les doigts de la main ne sont pas égaux.


Maman : tu as raison ma chérie.


Il y a un flottement pendant lequel elle semble réfléchir puis reprend après un pont de soupirs.


Maman : tu devrais vraiment m’écouter et laisser tomber tous ces rêves démesurés. Tu rêves trop grand pour un pays où les gros diplômes ne servent qu’à faire la fierté des parents.


Moi : il n’y a pas de mal à vouloir sa place au soleil !


Maman : oui c’est vrai, mais cette philosophie t’a déjà mené où ? Toi et les autres ? Regarde Paul (le fils d’un colocataire) Bac +5 en mathématiques, il est Dj dans une boite de nuit. Ne parlons pas de Mimi (une autre voisine) et ses frères. Ils font tout ce qui leur tombe sous la main pour joindre les deux bouts malgré leur master. Tu devrais songer à faire pareil.


Moi la moue boudeuse : moi, je ne suis pas née pour souffrir ! (elle fait un rire sarcastique) Mais franchement maman toutes ces années d’études sur le campus et Dieu seul sait combien c’est pénible d’étudier dans cette jungle. J’ai consenti à d’énormes sacrifices pour y arriver (secouant la tête) je ne peux pas abandonner aussi facilement. Je vends tes beignets, c’est déjà quelque chose. Mais moi ce que je veux, c’est pouvoir exercer le métier pour lequel j’ai étudié tant et tant d’années. Une carrière d’avocate, une vraie !! 


Maman : je t’ai dit ici que ça ne servait à rien de faire les longues études pour une femme. 


Moi : pfff maman ne commence pas.


Maman : ayoohh il y a toujours l’option mariage. La femme, sa vraie place c’est au foyer ! 


Moi : je viens de divorcer.


Maman : il y a deux ans !


Moi : peu importe, maman je suis déjà passée par là. Je l’ai quand même fait alors que j’avais juré taratata ne jamais me marier. Et je l’ai appris à mes dépens donc ne compte pas sur moi pour récidiver.   


Maman : tous les hommes ne sont pas pareils tu sais ?


Moi : ils m’ont pourtant convaincu qu’ils le sont bel et bien (insistant sur les mots) à deux reprises !  Honnêtement, ce matin j'ai tout sauf l'envie de parler des choses qui fâchent (me levant) je vais manger.


Maman : c’est ça fuit comme toujours ! 


Je préfère !


Le mariage, les relations  franchement c'est le cadet de mes soucis en ce moment. Je m’y suis déjà frottée et tout comme elle ça ne m’a rien apporté de bien. Il s’appelait George, c’était mon colistier lors d’une élection de délégués à la fac de droit. J’avais 25 ans, j’en étais folle amoureuse. Nous avons vécu une relation intense, un feeling hors norme. Nous avons passé trois belles années jusqu’à ce que je dise « oui, je le veux » devant le maire. Du jour au lendemain il s’était transformé en tout point au prototype junior de mon père. Un mari intransigeant, violent de surcroît, sournois et un infidèle notoire. Celui-là même qui a pourri toute mon enfance, même adulte j’en garde encore des séquelles. 


À l’époque, je n’avais rien à envier aux autres enfants, quoique j’aurais tout donné pour avoir leur paix intérieure. Mon père avait tout pour lui. Un bon poste, une bonne situation familiale, mais ne ratait jamais une occasion de rabaisser ma mère. Tous les jours, c’était à base de bagarres, des injures, cris, brisures. Bref de la violence sous toutes ses formes. Non seulement lui, sa mère, ses sœurs, ses maîtresses qu’il ramenait chez nous en les faisant passer pour ses cousines s’y mettaient également à cœur joie. Mais elle est toujours restée. Au fond, elle était persuadée qu’il allait changer. D’autre part, elle s’est accrochée soit disant pour moi. J’étais pourtant traumatisée par ses pleurs nocturnes, par ces petits frères et sœurs qu’on ramenait au compte goutte et dont elle devrait s’occuper sans broncher. Combien de fois j’ai souhaité les voir séparer, combien de fois ai-je voulu prendre le large vers une destination inconnue. Ça m’a d’ailleurs valu des séances chez des psychologues et dès que j’ai eu une ouverture, je me suis barrée à la cité universitaire. Aujourd’hui, il regrette ses actes et essaie de se rattraper comme il peut, mais plus rien ne sera normal.  


Contrairement à elle, j’ai tôt fait de divorcer. Notre quotidien à deux a fini par ressembler à un chemin de croix. En aucun cas, il voulait me voir épanouir. J’ai passé les trois années de notre mariage à compter  ses enfants adultérins. J’ai récolté des MST, j’ai écouté sa mère me traiter de tous les noms d’oiseaux parce que j'avais des difficultés à concevoir. D’hyper sociable et extravertie, j’étais devenue une petite chose toute grise. Un beau jour, je me suis levée et j’ai dit stop. Je suis partie sans jamais regarder derrière. Il est vrai que je n’ai plus le confort auquel j’avais droit à ses côtés, mais je suis bien dans ma peau, heureuse et immunisée. Plus jamais je ne me laisserai berner par les illusions d’une vie heureuse en couple. Mieux me concentrer profondément et tranquillement sur ma personne et mes rêves. Ce qui n’est pas gagné avec tous ces vicieux en costume.


C’est ce que je répète à Saliha devant nos plats de spaghetti chez Diallo bien entamé. Ce soir, c’est elle qui invite. Même s'il est fort probable qu'on trouve des volontaires pour nous assurer la soirée. Entre temps, j’aidais ma mère a comptabilisé la vente de la journée lorsqu’elle est venue m’enlever toute enthousiaste. On sent la fille qui a fait des affaires louches dans la journée. Je suis bien curieuse d’en savoir plus, mais c’est un sujet beaucoup trop sensible qui risque de gâcher la soirée si bien partie. 


Elle me regarde vider mon verre d’eau d’un trait avant de parler.


Saliha : franchement, je ne vois pas ce qui te répugne autant dans le fait de leur donner un ariano (un coup rapide) pour avoir un poste, un bon qui te permettra d’acheter tout ce que tu veux. Tant qu’ils ne te violent pas, ça passe. Tu le donnes bien à ce va-nu-pieds de Kokou sans rien gagné en retour. 


Moi : ce n’est pas la même chose, Kokou ne m’a jamais conditionné encore moins contrainte. Je le fais de ma propre volonté et puis un Gboviam (une frappe comme le dit quelqu’un) par moment n’a jamais fait du mal à personne.


Oui, il faut que je vous avertisse déjà que ce n’est pas pour autant que je suis sexuellement inactive. La légende raconte qu’il faut rester célibataire jusqu’à ce qu’on soit apprécié(e) mais il faut faire les manèges de temps en temps pour briller. 


Saliha (levant une main dans laquelle je tape) : très nécessairement important.


On rigole. 


Moi reprenant : ce que je ne veux pas, c’est d’un travail obtenu sexuellement. Ce serait bafouer mon honneur et mes principes, tu vois ? 


Saliha roulant des yeux : toi et tes grandes théories, je te signale que ça ne paye pas les factures.


Moi : et puis rien ne me garantit que j’aurais le poste en cédant. (soupir rageur) Je regrette, mais vraiment le temps où il te suffisait d’avoir un bon CV, des expériences et de la volonté à 200 % pour avoir un travail.    


Saliha (balayant l’air du revers de la main) : les choses ont évolué ma chérie et le droit de cuissage (dédicace) a fait son apparition.


Moi éclatant de rire : toi, tu me sors toujours des drôles de termes comme ça.


Saliha : tant mieux si ça te détend ! (changeant de sujet) Sinon ma proposition pour le Koweit tient toujours. Trouve les 500.000 et je gère le reste.


Moi (secouant vigoureusement la tête) : s’il faut partir à l’aventure, je préfère partir au pays de l’oncle Sam.


Saliha : et comment comptes-tu t’y prendre déjà ?


Moi : c’est évident, la loterie visa !


Saliha : rien n’est sûr avec ce jeu, en plus il faut attendre octobre pour jouer et l’année suivante pour prendre connaissance des résultats. 


Moi : je ne suis pas du tout pressée !


Saliha : pendant ce temps moi je me fais mes millions au calme.


Sa phrase me fait cogiter deux minutes.  Moment au cours duquel elle me fixe en hochant la tête, mais ne dit rien. Ce n'est quand même pas mal comme proposition. Si je ne peux pas travailler dans l'immédiat, j'irai au moins me faire des sous en espérant gagner le visa pour les USA. Je pense comme ça et je souris. C'est trop mon pays de rêve ! Depuis que je tente d'y aller, pépé Gilbert a même lancé des pistes qui ont échoué lamentablement. N'empêche que chaque année, je tente ma chance à la LDV.


Saliha (me sortant de ma rêverie) : et maintenant pourquoi tu souris bêtement ?


Moi : rien, je cogitais vite fait par rapport à ton histoire là.


Saliha : et ?


Moi : laisse-moi le temps d'y penser, tu veux ?


Saliha : et bien pense vite, l’opportunité ne t’attendra pas indéfiniment.    


Elle clôt ce sujet pour me raconter ses déboires à mourir de rire sans manquer de jouer aux entremetteuses auprès d’un autre client de la cafète à qui elle donne un faux numéro. Le mec tout content paye nos plats et nous commande à boire avant de partir.


Moi lorsqu’il s’en va : celui-là ne manque pas d’air. 


Saliha : laisse, il n’a pas pitié pour sa vie. Il veut se faire aplatir encore plus qu’il l’est. 


Moi : ah donc c’est moi le bulldozer ?


Saliha enfonçant le clou : c’est seulement maintenant que tu t’en rends compte ?


Moi : pour ton info, je suis ronde et sexy, je ne suis pas grosse ! Et j’envoie ! Beaucoup plus que tu le penses. 


Je me rends compte que j’ai parlé à voix haute lorsque j’entends un « tout à fait beauté » parmi les autres clients autour de nous. La gênance ! Pendant que je cherche la personne du regard, il parle de nouveau en s’adressant au Diallo.


Lui : Diallo la prochaine tournée est pour moi.


Saliha : ohh yesss !! Diallo donne nous deux autres Chill citron bien tapé et tu nous fais des plats à emporter.


Moi : gneugneu, continues à me négliger ! Les vrais gars vont me valoriser.


Le lascar sourit de toute sa denture.


Saliha chuchotant : ne t’arrête surtout pas, il est à deux doigts de sortir les billets de banques.


Moi : Sali escroc !


On rigole tranquille lorsque mon voisin Paul s’emmène. Il lance une salutation générale quand il nous aperçoit, il vient se mettre à côté de moi.


Paul : mes femmes de nuit.


Saliha s'écriant : yeux voient yeux ! Fo-Paul moi particulièrement je t’en veux et beaucoup d'ailleurs. Tu as zappé tes frangines !


Moi : moi de même.


Il se place entre nous et nous entoure l’épaule.


Paul : je suis pourtant versé.


Saliha : quelqu’un a dû te ramasser alors.


Paul : rire* on dit quoi les filles ? C’est toujours un plaisir de vous revoir.


Moi : tranquille on est là grand, on chille pas mal.


Paul : c’est ce que je vois là, qu’est-ce je peux faire pour vous faire plaisir ce soir ?


Saliha (regard en biais vers le type) : trois fois rien, un gentleman célibataire nous a déjà pris en charge (le type sourit encore, lol) mais on ne dira pas non à une invitation dans ton club un de ces quatre.


Paul : considérez que c’est fait.


Moi (me frottant les mains) : prépare-toi à être ruiné.


Paul me souriant : je n’attends que ça.


Saliha et moi nous nous entrechoquons nos mains en l’air en riant. Mais sérieusement, elle n'est pas belle la vie ?



On passe quelques jours.


Debbie…


Ça fait une demi-heure environ que je tourne en rond chez Evame (concessionnaire d’automobiles et de motos) hésitante devant la panoplie de couleurs et de formes de motos qui s’offre à moi. Ça, c’est toute ma vie. Je n’arrive jamais à me décider. Principalement lorsqu’il s’agit d’un choix personnel. Autant dire que c’est mon plus gros défaut, j’hésite pour tout absolument tout. Pour éviter ça, je me fais toujours accompagner dans ce genre de situations, mais j’étais tellement excitée lorsque leur secrétaire m’a contacté que j’ai débarqué dans la minute qui a suivi. 


J’inspire profondément et me mets en retrait pour les observer. C’est dans cette position qu’un vendeur vient me trouver.


Le vendeur tout sourire : alors mademoiselle, vous avez pu vous décidez ?


Moi soupirant : j’avoue que j’ai l’embarras du choix, elles sont plus tentantes les unes que les autres.


Le vendeur : je vous comprends parfaitement ! Vous savez ici chez Evame chaque auto reflète la personnalité de son acheteur. Et quand je vous regarde, je vois en vous une force bienfaisante, je vois une lionne.


Je fais la grimace d’une lionne qui enfonce ses griffes sur la croupe de sa proie en rugissant, ce qui le fait éclater de rire. Il rit brièvement avant d’ajouter.


Le vendeur ajoutant : mais par-dessus tout, une femme déterminée. 


Il se faufile entre les engins et s’arrête devant une de la marque Haojue ayant la forme d’une moto de course.


Le vendeur : elle est faite pour vous, simple et novateur.


Moi d’accord avec lui : je me vois bien sur ça.


Le vendeur : c’est parfait, quelle couleur préférez-vous ? 


Moi réfléchissant : euhh…


Le vendeur : si je peux me permettre, je vous suggérerai du blanc avec une frise rose fluo comme le sweat que vous portez actuellement. Qui soit dit en passant vous va à ravir.


Je baisse la tête pour me regarder avant de hocher la tête en souriant.


Moi : merci, vous êtes très observateur j’avoue.


Le vendeur : je le prends comme un compliment, alors on la prend ?


Moi : oui, on la prend. 


Le vendeur : d’accord, si vous le désirez nous allons déjà procéder à l’assemblage des pièces. Par la suite, vous aurez juste à signer la charte et elle à vous.


Moi : bien sûr. 


Il ouvre la marche et je le suis vers une porte vitrée qui s’ouvre sur un showroom. Pendant que je le suis vers son bureau, mon téléphone sonne. Je devine par la sonnerie que l'appel vient d'Armel et le sors sans hésiter de mon sac. Ça fait des jours que je ne réponds à ses appels et messages que lorsque c’est vraiment nécessaire. Enfin plus pour lui donner des nouvelles de sa mère. Au passage, elle va bien. Elle a eu une petite hausse de tension, rien de bien grave. Là par contre, il mérite amplement que je fasse des efforts de communication. J’attends néanmoins la fin du refrain de la chanson que je lui ai attribuée pour décrocher. Pendant ce temps, je m’excuse auprès du vendeur qui vient de m’installer dans son bureau.


Moi : salut toi, 


Armel : bonsoir, comment tu vas ?


Moi : bien et toi ?


Armel : idem, je t’appelle pour savoir si la société Evame t’a contacté pour réceptionner ta moto ?


Moi : oui oui, je suis avec eux en ce moment même. Je voulais finir  avant de te faire signe.  


Armel : je vois, j’espère que tu as fait le bon choix.


Moi : on m’a un peu aidé, mais je suis sure que c’est le meilleur choix que j’aurai pu faire.


Armel : grand bien te fasse.


Moi : évidemment ! Tu me sauves la vie, carrément. 


Armel : je sais.


Moi : en revanche, ce n’est pas pour autant que je te pardonne ce que tu as fait.


Armel : j’en suis bien conscient, crois-moi je n’essaie pas de t’acheter. C’était dans mon programme de t’offrir un engin pour te faciliter tes déplacements et comme j’en ai maintenant les moyens, je suis passé à l’action. 


Moi : à propos, tu as gagné à la loterie ou quelque chose du genre ? D’où sors-tu tout cet argent dernièrement ?


Armel : on peut dire ça.


Moi sceptique : hmmm j’espère seulement qu’on ne viendra pas m’envoyer à la prison centrale.


Armel : lol tu n’as rien à craindre.


Moi toujours sceptique : hmm si tu le dis.


Je regarde le vendeur qui vient s’asseoir en posant un lot de papier sur la table.


Armel : fais-moi confiance.


Moi : ok, il faut que je te laisse. Je dois signer la paperasse.


Armel : tu feras attention en rentrant.


Moi : sans faute.


Il raccroche et j’attends une heure pour rentrer en possession de MA MOTO (oui oui ne soyez pas jaloux krkrkr). Je décide de prendre ma soirée parce que dans tous les cas je ne peux pas  me concentrer sur le travail. Je trouve donc rapidement une excuse à tata Tina pour ne pas retourner au magasin où je travaille les après-midi et aussi pour la cave le soir avant de démarrer pour la maison.  


Lorsque je gare devant la concession, il y a Noémie assise devant son étalage de fruits de saison. Elle ne se doute pas de ma présence à quelques pas parce qu’elle est en grande discussion avec un jeune homme dans la même tranche d’âges qu’elle tout en pelant ses oranges. Il y a Sophie qui sort de la maison avec un panier contenant des arachides frais et des ustensiles pour les griller. C’est son idée pour anticiper sur sa rentrée scolaire prochaine. Une belle initiative, mais qui ne me réjouit pas le cœur pour autant. Je finis par klaxonner pour marquer ma présence. 


Moi (tout en mettant la clé en évidence) : visez-moi un peu mon nouveau bébé.


Sophie lâche ses affaires et court vers moi pendant que Noémie fait de même.


Sophie : dagan c’est à toi ?


Moi : ouuuiii !!!


Noémie : dis vrai ?? C’est à toi ? Tu l’as acheté ?


Moi : on me l’a offerte.


Noémie se met dans tous ses états et Sophie vient monter derrière moi.


Noémie (dansant carrément) : ehhh c’est qui ce bienfaiteur là qui nous fait du bien comme ça ? En plus, elle est trop belle !


Moi amusée : n’est-ce pas ? J’ai du goût moi.


Sophie : on va l’arroser inh ?? Fais-moi faire un tour s’il te plaît, s’il te plaît, s’il te plaît.


Moi riant : d’accord, on va l’arroser avec du liha (boisson locale à base de maïs) krkrkr.


On éclate tous de rire. Ma mère arrive à ce moment-là, sûrement alertée par le bruit des réjouissances.


Dada : vous avez quoi à jacasser comme ça dans le quartier ?


Sophie : dada regarde, elle a une moto maintenant (descendant de la moto) elle va nous déposer à l’école avec.


Dada me fixant : une moto ? Tu as l’argent pour acheter une moto et tu nous laisses souffrir dans cette maison ? Ça aurait pu servir à d’autres fins.


Je soupire seulement.


Noémie : rhoo dada toi aussi, c’est un cadeau.


Dada à moi : je peux savoir de qui ?


Moi évasive : quelqu’un !


Dada : que ce quelqu’un nous signe un bon chèque pendant qu’on y est.


Moi (ne la calculant même pas un peu) : où sont Caro et Junior ? Allez tous vous préparer, nous allons sortir fêter ça.


Silence.


Moi fronçant la mine : qu’est-ce qu’il y a ?


Noémie : ils ne peuvent pas, ils sont punis.


Moi arquant le sourcil : pour ?


Sophie : c’est Fo-Yéma qui les a punis.


Je lance direct un regard à ma mère.


Moi répétant : ils ont été punis pour quoi ?


Dada sur la défensive : ne me regarde pas comme ça, il faut bien corriger les enfants quand ils font des bêtises.


Je descends précipitamment de la moto devinant que je ne vais pas aimer ce qui va suivre.


Moi furax : de quel droit les punit-il ? Quoi qu’il en soit, j’espère pour lui qu’il ne leur a pas touché un seul cheveu. Je l’espère seulement pour lui. 


Je me dirige vers le portail en regardant droit devant moi, ma mère me suit et les filles retournent à leurs occupations.


Dada : tu vas où comme ça ? 


Moi : je vais voir si ton soit disant cousin de la fesse gauche qui se croit tout permis ici n’est pas venu me tabasser les enfants comme à son habitude. Mais gare…


Je beugue lorsqu’en ouvrant le portail, je les aperçois à genoux sur l’allée en gravillon qui sépare nos bâtiments. Ma tension monte d’un cran quand plus près, j’avise le visage tuméfié de Caroline. Ce qu’on remarque à première vue étant donné qu’ils sont très clairs de peau, Noémie, Etiam et elle à l’instar de notre arrière grand-père maternel contrairement à nous autres qui sommes beaucoup plus foncé. Bon ça, c’était des détails. Il y a Junior qui pleure des cordes, là je vois rouge carrément. Je rêve ou il a osé toucher à mon bébé !? Dites-moi que je rêve là ?


Moi fonçant sur eux : ohh mon Dieu, mais qu’est-ce qu’ils ont pu faire pour mériter un tel traitement ? (pointant Caro du doigt) Regarde, regarde la petite est toute défigurée et Junior au bord de la panique.


Dada : ça leur passera !


Son intervention a le don de m'enrager. Je me retiens tout de même de lui jeter sur le visage toutes les horreurs qui me passent par la tête en ce moment destinées à Fo-Yéma. Non mais c’est quoi ces comportements de sauvage ? Je sais que nous sommes en Afrique, que les questions d’éducation sont l’affaire de tout le monde, mais il y a quand même des limites ! 


J’emmène les enfants dans ma chambre et garde Junior contre moi. Je pense leur plaie en grondant.


Moi : donc moi je me casse le cul pour m’occuper des enfants, c’est pour qu’il vienne les bastonner comme bon lui semble !? Quel qu’en soit la raison, il n’y a pas à battre des enfants de cette manière. Ce n’est pas lui qui s’en occupe quand ils sont malades. Ce n’est pas lui qui a veillé Junior cette nuit parce qu’il chauffait. Ça ne lui suffit pas de jeter ses griffes sur Caroline, c’est à Junior qu’il s’en prend maintenant. Là, c’est trop ! Et crois moi, il payera cher. J’irai le retrouver dès que je finis avec eux.


Dada (derrière moi) : tu n’iras nulle part et tu ne feras rien du tout. Junior dès qu’il s’est rétabli, il est parti faire les choses des grands avec la fille de la voisine !


Moi relevant brusquement la tête : quelles choses de grands ?


Dada : tu veux que je te fasse un dessin ?


Moi la fixant : mais c’est un enfant ???


Dada : ce n’est plus un enfant s’il connaît ces choses !


Moi piquée au vif : franchement dada, tu es pathétique !


Dada criant : surveille ton langage jeune fille !!


Moi (sur le même ton) : non mais tu t’entends parler ? Et même si c’était le cas, ce sont des enfants. On est tous passé par là. 


Dada : ce n'est pas pour autant que je vais cautionner la bordelerie dans ma maison. Il faut faire en sorte qu'il ne recommence pas.


Moi : peut-être, mais ce n’est pas une raison suffisante de battre à sang un enfant de 3 ans. Que Fo-Yéma s’occupe d’abord de la poutre dans ses yeux avant de s’en prendre aux miens. On connaît tous ses filles ! Nul besoin de te rappeler qu’elles sont loin d’être des modèles d’enfants, mais c’est lui qui est tout le temps fourré ici soit disant pour redresser les tiens. Ça commence à bien faire là ! 


Dada : ehh ehh ehh, ne prends pas tes grands airs avec moi  et ne t’en prends pas à ton oncle non plus. S’il y a quelqu’un qu’il faut fustiger dans cette histoire, c’est bien Caroline. C’est elle qui entraîne son frère dans la débauche.


Ah ?


Caroline (se mettant à pleurer) : je n’ai rien fait (se tournant vers moi) dagan je n’ai rien fait.


Dada lui criant dessus : tais-toi là-bas ! On t’a vu aller chez le vieux mécanicien avant-hier, malgré notre interdiction de l’approcher. Junior a dû te voir à l’œuvre vu que tu le traînes toujours avec toi.


Moi : dada ??


Dada : quoi dada ? Cette petite fille est trop gâtée, je ne sais même pas de qui elle tient.


Je soupire profondément et me passe la main dans mes tresses.


Moi : va, laisse-nous seule s’il te plaît. Je vais leur parler.


Dada : parle-leur bien sinon la prochaine fois, c’est à votre père que je vais rapporter les faits. Tu sais bien que lui n’ira pas de mains mortes avec eux.


Moi sarcastique : ah, parce qu’il sait qu’il a des enfants ici ?


Elle me toise et tchipe avant de s’en aller. Elle est sur le point d’ouvrir la porte lorsque je suspends son geste.


Moi : tu diras à Fo-Yéma que la prochaine qu’il touchera aux petits, c’est la police qui viendra nous séparer.


Dada : tcchhrroumm tu lui diras toi-même.


Moi sur un ton de défi : ohh que je le ferai !!




Le maître du jeu