Cassidy Attila
Ecrit par Farida IB
Armel…
Je m’agite, je me tourne et me retourne dans le fauteuil du salon chez Bradley en pensant à mon lit extra-large à la maison. Ça fait trois jours que je squatte les fauteuils des gens et trois nuits que je dors vraiment mal. Pas que les meubles ne soient pas confortables, mais ils ne sont absolument pas conçu pour dormir. Par contre ce matin, le petit conclave des sœurs Amah dans la cuisine en est pour beaucoup. Je ne sais pas qui d'entre mon frère et le mari de Clara (la sœur de Tina) a cliqué sur le bouton dérangé. Ce dont je suis sûr, c'est que la personne sera crucifiée. Quand ces trois là se réunissent pour trancher sur le sort de quelqu'un, même le diable s'assoit pour prendre des conseils.
Je récupère mon téléphone sur la table basse pour consulter l'heure. Il n'est que 8 h 15, et déjà ça parle des hommes. Avouez-le une bonne fois les filles, la vie de femme est nulle sans hommes. C'est nous qui mettons du piquant dans votre existence.
J'entreprends d'envoyer un message à celle qui est ma priorité en ce moment, j'ai nommé miss Diapena. Celle-là alors, elle me mène la vie dure ces trois jours là. Ce qui m'étonne beaucoup d'ailleurs parce que Debbie n’a nulle espèce de rancune. Elle est toujours celle qui fait le premier pas quel qu'en soit le désaccord, et ce, le même jour. Elle n'aime pas se couché fâchée contre qui que ce soit, bon nonobstant sa mère. De plus, mes histoires de cul ne l'ont jamais dérangé. Enfin, elle s’est toujours montrée fair-play. Il faut reconnaître que j'ai touché le fond cette fois, j’ai vraiment déconné. Et visiblement, j'en ferai longtemps les frais.
Je me plonge dans mes pensées et réfléchis sur comment rattraper le tir avec elle. Le plus tôt ça sera, mieux je me porterai. Vous me croirez ou pas, je tiens beaucoup à cette fille. Cela va de soi, c'est une fille que tout homme aimerait avoir dans sa vie. Elle fera une excellente épouse et une mère exceptionnelle. Une main de fer dans un gant de velours, il suffit de voir comment elle gère sa famille. Pour ma part, je ne dirai pas que je l'aime d'un amour fou, du moins pas autant qu'elle l'aurait souhaité. Mais j'en suis beaucoup attaché. J'ai besoin d'elle pour garder mon équilibre intérieur.
Je suis toujours plongé dans mes pensées quand Tina fait son entrée dans le salon. Elle se confond en excuses depuis sa position.
Tina : pardonne-nous chou, je me doutais bien qu'on allait te réveiller avec tout le vacarme que nous étions en train de faire.
Moi me redressant: ce n'est pas grave, il fait jour de toute façon.
Tina : en effet et si tu souhaites te mettre à l'aise la salle de bain est libre. Je t'ai ramené des vêtements de rechange (précisant) à ta taille.
Moi : lol il râle encore ? Ce ne sont que des vêtements !
Tina (se mettant face à moi) : mais ce sont les siens, tu connais trop bien ton frère pour savoir qu'il n'aime pas partager ses affaires personnelles.
Moi : lol de toute façon, je compte faire un tour à la maison aujourd'hui.
Tina : tu es prêt à affronter l'ouragan ?
Moi : anh anh pas maintenant, pas maintenant. Je vais voir ma maman et profiter pour prendre deux ou trois trucs.
Tina : donc tu es encore là ?
Moi hochant la tête : je suis encore là.
Tina contente : super, trop sympa de t'avoir rien que pour nous. Les garçons sont aux anges.
Moi (arquant le sourcil) : pas toi ?
Tina : mais bien sûr, je suis la femme la plus comblée du monde. J'ai mes deux maris à la maison.
Moi amusé : dans tous les cas, la polyandrie te réussit bien krkrkr.
Tina riant de concert avec moi : tu as vu ça non ? (plus calme) bon je retourne à mes cocottes, je te fais une salade de fruits avant le petit-déjeuner proprement dit ?
Moi : oui, s'il te plaît merci.
Tina : vas-y pour de la salade de fruits à mon invité de luxe.
Elle s'en va en me laissant avec un sourire béat sur la lèvre. Je remets le canapé en l'état et trace sous la douche avant de les rejoindre dans la cuisine. Dès qu’ils me voient, Magnime et les enfants me sautent dessus. Après la cérémonie des bisous, câlins et salutations d'usages, je m'attable à côté de Magnime et pose la petite Léana (leur petite dernière) entre mes jambes. Nous prenons les nouvelles des uns et des autres jusqu'à ce que Magnime ouvre le sujet de mon anniversaire qui se profile à l'horizon.
Magnime : tu as prévu quelque chose ?
Moi (non de la tête) : pas encore.
Tina : obligé, il y aura une grande fête comme d'habitude puisque Monsieur Elli fête son anniversaire le même jour.
Clara : tu es né le même jour que ton père ? (je fais oui la tête) Ooh la chance !!
Moi : je ne vois pas en quoi c'est une chance.
Elle arque le sourcil et me regarde perplexe, mais n’émet pas de commentaires.
Magnime : en tout cas moi (s’adressant à ses sœurs) j'aurais aimé naître le même jour que papa. Vous vous imaginez les cadeaux que je devais me faire tous les ans ?
Clara confirmant : d'autant plus que tu es sa fille préférée.
Magnime (pointant Tina du doigt) : c'est elle sa fille adorée.
Tina à Clara : je croyais que c'était toi.
Clara lui répondant : non c'est toi
Moi (à un moment donné) : mes dames hoo ! Si le but de votre tirade est de me faire rougir de jalousie, c'est réussi. J'en ai même la chair de poule (mettant un bras en évidence) regarder !
Elles tournent un regard moqueur vers moi avant d'éclater de rire franchement sans égard à ma mine boudeuse. La même atmosphère prévaut tout le petit-déjeuner durant jusqu'à ce que Clara nous fausse compagnie en prétextant des courses à faire. Tina profite du fait que Magnime l’ait raccompagné pour s'enquérir de la situation entre le boss et moi. Jusque-là je n'en ai parlé à personne et je ne compte pas du tout lui en parler pour éviter que ça tombe dans les oreilles de mes frères. C'est pour ça que je cherche des prétextes afin de ne pas rentrer dans le vif du sujet, mais c'est sans compter sur la curiosité de madame Elli numéro 2.
Tina insistant : tu as dû faire quelque chose de très grave pour qu'il en arrive à t'extirper de la maison.
Moi évasif : je l’ai saigné.
Tina : mais encore ?
Moi : c'est plus que d'habitude, il fallait que j'en mette plein la vue à Keyla.
Elle arque le sourcil.
Moi la renseignant : celle que j’ai embarquée avec moi (elle hoche la tête) et je peux t'assurer qu'elle n'est pas prête d'oublier ce voyage, moi non plus pour tout dire.
Je dénote du regard insistant qu'elle fixe sur le mien qu'elle n'est pas du tout convaincue de cette réponse, mais elle passe néanmoins sur le sujet de l'anniversaire pour mon plus grand plaisir. D'ici à ce que tout se tasse avec mon père, je préfère vraiment garder cette affaire pour moi.
Quand même à vous, je vais le dire. Mais attention, c'est motus et bouche cousue (promis?). Bon vous vous souvenez que pour mon voyage, je voulais que le boss me passe sa carte de crédit n’est-ce pas ? Et bien il a fait mieux, il m'a signé un chèque en blanc pour y inscrire le montant que je désirais. Comme je ne rate jamais les occasions en or je me suis bien servi dans son argent, qui n'est ni plus ni moins que l'argent du contribuable qu'il a spolié à l'Etat par le passé (confer PLS 2). Je ne vois même pas pourquoi il pète une durit, cet argent ne lui appartient pas. À priori, c'est l'argent du peuple dont je fais parti. La chance qu'il ne peut rien intenter contre moi, c’est sa responsabilité qui est engagée. De plus, il sait trop bien qu'il gagnerait plus à ce que cette affaire ne s'ébruite pas.
Magnime revient prendre le train en marche.
Magnime : sinon ça te dit un groove au Privilège (night club) ? Depuis le temps que tu nous le réclames.
Je hausse les épaules.
Moi : je ne sais pas trop, bon on verra. Je n'ai pas la tête à la fête en ce moment.
Tina pince-sans-rire : il y a de quoi (lorgnant mon téléphone) tiens répond à (écarquillant les yeux pour lire) Sacha, elle te remontera peut-être le moral.
Moi : pfff pas celle-là.
Magnime taquine : mais ce sont tes... (faisant mine de réfléchir) Chewis nan ?
Tina hilare : j'ai une idée qui va sûrement te plaire. Et si tu les invitais toutes pour une partouze autour d'une piscine ?
Moi : rires* rien que de l'imaginer ça donne l'eau à la bouche, mais non. C'est mission suicide. À la rigueur, je choisis une avec qui je passe la journée et la soirée au calme.
Tina suggestive: la nouvelle par exemple.
Moi : pas sûr, elle m'a clairement signifié qu'elle ne fait que dans les quartizards (40 ans et plus) mais elle est toutefois partante pour les trips de ce genre et des parties de jambes en l'air par moment.
Magnime ahurie : elle n'a pas froid aux yeux dit donc.
Tina : moi, j'aime bien son style. Je trouve que c’est très honnête de sa part. Elle n'est pas dans vos histoires de " je t'aime, moi non plus ".
Moi : certainement ! Sinon, j’ai ma petite idée sur comment passer la journée du 14. Je profiterai de l’occasion pour me rabibocher avec ma madame, j’ai fait le con avec elle.
Magnime (mine stupéfaite) : décidément, j’en apprends des choses aujourd’hui. Tu as une madame toi ?
Moi : oui, la reine du royaume. Elle est là avant toutes les autres et elle a toujours été là. Si je dois me caser là tout de suite, je ne vois personne d’autre qu’elle.
Tina se racle faussement la gorge.
Magnime : et comment ? Notre Casanova, serait-il amoureux ?
Moi : lol ce n’est pas arrivé là-bas, tout de même je suis réaliste.
Magnime : en tout cas ohh ! Fais comme tu le sens, mais on va quand même programmer notre groove après.
Moi : je suis OP, si tant est que c’est vous qui payez.
Magnime : on le fera ! Bon ce n’est pas tout, mais il faut que j’y aille. Je dois passer voir Roméo.
Tina se racle encore une fois la gorge et on se fait un sourire entendu. On en reparlera. Magnime lance un regard inquisiteur qui passe d’elle à moi.
Magnime : quoi ??
Tina : on a rien dit (à moi) Chou de moi tu veux bien la raccompagner ?
Magnime (pendant que j’installe le bébé dans sa chaise haute) : oui c’est ça, ça sortira de vos gorges un jour.
Moi : rires* (me levant) on y va !
Je l’escorte à sa moto et reste à discuter avec elle quelques minutes avant de retrouver Tina qui nourrit le bébé. Je m’occupe des plus grands que je laisse devant leur dessin animé et reviens aider à ranger. On le fait en discutant de tout et de rien.
Tina : dans un autre registre, tu feras trop un bon mari.
Moi : ma mère me le dit souvent (faisant le fier) la femme qui m’aura, aura tout gagné.
Tina : avec de l’AVC en pourboire.
Moi faussement outré : qu’est-ce que tu veux insinuer par là ?
Tina : moi je n’insinue rien du tout, ce n’est pas dans ma bouche que tu vas manger ton piment " sent bon". (me prenant de court) Au fait, qu’est-ce que tu as encore fait à la pauvre Debbie ?
Moi : moi ? Rien, pourquoi tu me parles d’elle ?
Tina m’imitant : « Elle est là avant toutes les autres et elle a toujours été là » moi mon cerveau est en avance sur Rolls-Royce, je ne dors pas au premier rang comme les autres.
Moi : on ne peut rien te cacher inh ?
Tina souriant : n’y penses même pas, j’ai des yeux de lynx.
Moi riant : sans blague (soupirant) elle m’a surprise avec… Enfin, tu sais ce que c’est.
Tina : je vois le genre et franchement je la plains. J’ai beau réfléchir à tout ça, je ne vois pas la raison pour laquelle elle reste avec toi. Elle est juste maso cette fille.
Moi : bah, c’est parce que je la mets bien.
Tina : tsuuipp dans quoi même ? Tu n’arrêtes pas d’humilier la pauvre petite. Le temps de te rendre compte que tu tiens là une perle, tu l’auras perdu.
Moi : petit cœur est tombé sur une bombe comme le dit Diams. Mais t’inquiète, je vais me rattraper. Je vais ralentir un peu mes bails pour me consacrer à elle.
Tina : tu as intérêt ! La prochaine fois que tu déconnes, je vais moi-même la coacher pour qu’elle t’oublie définitivement.
Moi : ça n’arrivera pas.
Tina claquant la langue : en tout cas ! Trêve de bavardage, je vais gentiment te laisser avec tes enfants et faire un tour rapide au magasin. Mais avant ça te dit un featuring entre l'igname pilée, une la sauce claire truffée de la viande d'agouti saillant pour le déjeuner ?
Moi : rhhooo toi tu sais trop comment m'avoir. C'est flippant la façon dont tu me maîtrises.
Tina : c’est normal, je suis ta femme. Il faille que je veille au grain.
Moi : qu’est-ce que je donnerai pour avoir une femme comme toi ?
Tina : une femme comme moi ? Lol tu ne peux pas supporter, elle te mettra au pas.
Moi : wallah elle n’est pas prête de naître cette fille qui va me mettre au pas.
Tina : sait-on jamais !!
*
En fin d’après-midi quand j’arrive chez les parents, je me stationne devant la maison du grand-père de Debbie. Leur maison est juste en face de la nôtre en fait. Je passe par l’entrée qui débouche directement sur nos chambres et au fur à mesure que je me rapproche de la bâtisse, je perçois des bribes d’une conversation entre ma mère et Debbie.
Maman à elle : grand merci pour le grand ménage et pour le massage, ça m’a fait un bien fou. Je te revaudrai ça.
Debbie : vous ne me devez rien du tout maman Eunice, je l’ai fait avec plaisir.
Maman : c’est gentil à toi, n’oublie pas de prendre des provisions pour la maison dans la cuisine et dit à Sophie de passer chercher son colis avec Marianne.
Debbie : d’accord, je ne vous remercierai jamais assez pour tout ce que vous faites pour nous.
Maman : il n’y a pas de quoi ma fille, on va dire que c’est un échange.
Le reste de la conversation est entrecoupé par des éclats de rire, je suis tout ça en traînant les pas dans le couloir. Au moment où je m’apprête à passer le seuil de la porte de la chambre des parents, je croise Debbie qui s’en va.
Moi discret : mi amor !
Elle tourne la tête du côté opposé avant d’allonger sa bouche.
Debbie : tcchhhrrrr.
Elle s’en va sans demander son reste. Bon ok, c’en est assez. Il faut vraiment que je règle son cas à celle-là et ça ne saurait tarder. Je me fige en réfléchissant à la meilleure manière de passer furtivement lorsque j’entends maman dire...
Maman : une bénédiction cette fille, j’aurais aimé l’avoir comme belle fille. Si seulement Marianne pouvait être comme elle à cet âge, je serai une mère comblée. Ça me changerait de ses frères, des vrais têtes de mules ceux-là. Ça ne m’étonne pas vraiment, ils tiennent ça de leur père. (soupirant) Et l’autre qui veut ma mort avant le jour que Dieu a prévu pour moi.
Je me lance sur la pointe des pieds.
Maman continuant : j’ai tellement prié pour qu’il change, apparemment Dieu (elle s’interrompt) Franck Armel Djidjoho Elli, vient là tout de suite !
Vous voyez ça ? C’est le signe que je suis mort dans mon propre film. (soupir)
Moi entrant : bonsoir maman, je pensais que tu dormais.
Maman (sans détour) : toi alors qu’est-ce qui t’arrive ? Tu voles maintenant ?
Moi : rhoo maman déjà les gros mots. J’ai pris cet argent, je ne l’ai pas volé.
Maman fulminant de colère : c’est la même chose imbécile ! Est-ce que ça t’appartient ? Tu as travaillé cet argent ?
Moi avec humeur : mais lui non plus…
Maman me criant dessus : tu vas te taire à la fin ? C’est incroyable ! Tu as fini de farfouiller dans les slips à tout-va, c’est au vol que tu veux maintenant t’adonner hein ? (faisant un geste d’ensemble) À toi tout seul tu es un conglomérat de firmes malveillantes (tapant un poing dans sa main) merde alors ! (me pointant du doigt) Toi, je crois que je t’ai confondu à la maternité.
Moi excédé : ah maman !
Maman : oui parce que moi, je n’ai pas accouché un voleur. Je n’ai pas élevé un brigand et il n’y aura pas de brigand dans ma maison. (ton dur) Tu vas rendre cet argent à ton père et tout de suite !
Moi : mais maman j’ai déjà dépensé la moitié de cet argent.
Maman (faisant fi de mon intervention) : tu vas lui rendre cet argent, dans sa totalité et dans les minutes qui suivent ou tu es un homme mort.
Moi calmant le jeu : ok ok je vais le faire, mais de grâce ne te mets pas en colère. Ce n’est pas bon pour état.
Maman : mon état ? Tu me parles de mon état que tu as pensé à moi avant de commettre ton délit ? Armel qu’est-ce que tu me veux ? (méprisante) Pourquoi tu t’obstines à me décevoir un peu plus chaque jour ? À chaque fois que je parviens à convaincre ton père de te laisser une chance, tu fais toujours tout foirer. Pourquoi tu… Ahhhhh !!!
Elle grimace de douleur en s’attrapant le dos.
Moi paniqué : maman !! Maman, tu vas bien ? Respire s’il te plaît.
Je me précipite vers elle et me propose de l’aider à s’asseoir, elle me repousse violemment.
Maman s’allongeant sur le lit : lâche-moi, ne me touche pas. Wooléé !! (voleur)
Moi inquiet : mais maman tu ne vas pas bien là.
Maman (un point plus calme) : c’est ta présence qui me rend malade, sort d’ici. Va, va voir ton père au cabinet, tu lui remets son argent avant que je te renie.
Moi soupire débité : ok c’est bon, j’y vais.
Je sors de là pas rassuré du tout donc je laisse un message Debbie pour qu’elle s’occupe d’elle avant de redémarrer pour le cabinet de monsieur mon père.
*** Un moment plus tard ***
Cassidy…
Téléphone collé à l’oreille, j’arrive devant l’un de ces grands immeubles de la ville de Lomé et lève les yeux pour lire l’inscription sur l’enseigne.
Moi à mon grand-oncle : c’est écrit Cabinet d’Avocat Me Elli.
Pépé : oui c’est bien là, je vais donc te laisser. Tu le salueras de ma part.
Moi : je ne manquerai pas et toi n’oublies pas de prendre des comprimés avant de t’amuser avec la petite Jamaïcaine.
Voix en fond sonore : la petite Jamaïcaine te passe le bonjour.
Je me couvre la bouche prise de honte.
Moi : hi Angela.
Angela : hi Cassie.
On se met à papoter pour prendre des nouvelles l’une de l’autre lorsque mon grand-oncle vient mettre fin à l’appel. J’arrange une énième fois mes vêtements avant de m’engouffrer dans le grand hall. Faut pas suivre, j’ai rendez-vous avec Maître Elli comme dans Fulbert Elli. Juriste de son Etat, avocat à la Cour Pénale Internationale et adulé par la majorité des VIP de ce pays. Si ce n’est mon amour de grand-oncle, d’où est-ce moi Cassidy Attila, fille du fin fond de Démakpoè (quartier) je sors pour le connaître ?
D’une démarcheuse gracieuse, le sourire d’une Comtesse, je sors de l’ascenseur et marche vers la splendide demoiselle derrière la vitre à la réception.
Moi d’un ton solennel : bonsoir Madame, je me nomme Cassidy Attila. J’ai rendez-vous avec Me Elli.
Elle : bonsoir, bien sûr vous êtes attendue. (me désignant les sièges au coin) Prenez place un instant s’il vous plaît, il vous recevra dès qu’il aura fini son entretien.
Moi lui souriant : d’accord, merci.
Je m’assois sagement pour me familiariser avec l’endroit. À un moment de mon inspection, un ascenseur s’ouvre sur un jeune homme que j’ai l’impression d’avoir déjà vu quelque part. Pendant qu’il avance vers moi en grandes enjambées, je fixe intensément sa bouille amarrée jusqu’au moment où les souvenirs de nos rencontres me reviennent.
Moi lui lançant : décidément, toi tu me suis partout.
Il s’arrête et se tourne vers moi les yeux plissés.
Moi : la glace choco-canelle, l’aéroport.
Son visage se détend peu à peu.
Lui : ah oui toutes mes excuses, j'avais la tête ailleurs (me scrutant de haut en bas) il faut reconnaître aussi que vous êtes plus belle que toutes les autres fois qu'on s'est vu.
Mais quel charmeur.
Moi : merci.
C’est l’intervention de la demoiselle à la réception pour m’introduire au Me Elli qui interrompt l'échange.
Moi : désolée, je dois y aller.
Lui (dans les vapes) : ah euh ok.
Je me lève et fais deux pas puis reviens sur mes pas..
Moi : par contre la prochaine fois que je te revois, je t’épouse direct (ajoutant) sans formalités.
Il sourit juste et je me tourne vers la demoiselle qui m’indique l’emplacement du bureau de Me Elli avant de foncer vers celui-ci. Sinon il n’est pas mal le petit dans son genre. Les deux ou trois fois qu’on s’est rencontré, j’ai remarqué son insolence vestimentaire au superlatif absolu, mais surtout remarqué qu’il est trop jeune pour moi. Du coup, on ne va pas s’étendre là-dessus.
J’arrive devant la porte du bureau du Me Elli et attends son aval pour y entrer. Une fois à l’intérieur, il se lève et tend une main que me dépêche d’aller serrer.
Moi : bonsoir Me Elli.
Me Elli : bonsoir Mademoiselle Attila, finalement j’ai pu mettre un visage sur cette voix.
Moi sourire colgate : finalement oui.
Me Elli : et je dois vous dire qu’il est agréable à regarder.
Moi : merci, je suis flattée.
Il m’indique le siège en face à de lui, j’attends qu’il reprenne sa place pour faire de même.
Me Elli : je tiens à te présenter mes excuses pour tous ces faux rendez-vous que je t’ai donnés, je dois avouer que ça fais deux semaines que je te tourne en bourrique.
Moi : ce n’est pas grave, je sais que vous êtes un homme occupé.
Me Elli : merci pour la compréhension, alors ton…
Moi le renseignant : mon grand-oncle.
Me Elli : oui en effet, il m’a dit que tu es la fille à sa nièce.
Moi hochant la tête : c’est bien cela.
Me Elli : d’accord. Il m’a un peu briefer la situation, mais vu que tu es là, tu sauras mieux m’en parler.
Moi : effectivement et je tiens également à vous remercier pour cette aubaine. En fait, j’ai un doctorat en droit de la famille et ça fait un peu plus de trois ans que je continue de tirer le diable par la queue (m’éclaircissant la voix) excusez-moi l’expression. J’ai postulé un peu partout, mais sans aucune réponse. J’ai tenté tous les concours pour intégrer la fonction publique, ce fut une succession d’échecs. C’est ainsi que mon grand-oncle au cours de son dernier séjour à Lomé m’a demandé de vous contacter pour voir si vous aurez un poste disponible pour moi à tout hasard.
Me Elli : tu as tapé à la bonne porte, Gilbert (prénom de mon grand-oncle) est comme un frère pour moi et je serai plus que ravi de lui rendre ce service.
Je souris toutes mes dents dehors.
Moi : merci d’avance.
Me Elli : je t’en prie, tu vas commencer par un stage histoire de renforcer tes capacités avant d’intégrer définitivement mon effectif.
Moi : comme ça ? Pardon, je veux dire vous n’allez pas suivre la procédure habituelle ?
Me Elli : et pourquoi donc ? Je suis certain que vous avez toutes les capacités requises.
Moi : moi spécialement, j’aimerais avoir la prétention d’atteindre votre niveau un jour. Sous votre mentorat, j’espère.
Me Elli : tu n’as pas à t’inquiéter pour cela, je peux être un bon maître.
Moi : je n’en doute pas une seconde.
Me Elli : et un gentleman aussi. Avec ton accord, je voudrais t’inviter à sceller cette rencontre autour d’un bon souper. On profitera pour mieux faire connaissance.
Moi : ce serait avec plaisir.
Qui allait même refuser lol ?
Il m’emmène dans le plus somptueux des restaurants qu’il m’ait donné de voir. Je passe la soirée à l’écouter me raconter ses exploits d’ici et d’ailleurs, son parcours de combattant. Comme moi, il avait trimé pour obtenir son premier contrat de travail. Le long de la soirée, il m'a donné gage de sa bonne foi pour aspirer exercer ce métier dont j’ai tant rêvé. C’est sans aucun doute la chance de ma vie, que dis-je une providence. N’oubliez pas de remercier pépé de ma part. (rires) On passe donc la soirée à deviser gaiement comme de vieilles connaissances. Mais quel homme !? Quelle Éloquence !? ET quel charisme !?
Je quitte le restaurant, les étoiles pleines les yeux même si dernièrement j’évite de mettre la charrue avant les bœufs. Me Elli se propose de me raccompagner chez moi, proposition que j’accepte volontiers. Durant tout le trajet, je me voyais déjà dans mon costume d’avocate, mon attaché-case à la main, défendant toutes ces victimes de bourreaux scrogneugneu. De temps en temps, je sors de mes pensées pour lui indiquer l’itinéraire pour arriver chez moi et par le plus grand des hasards, il se trouve qu’il a l’une de ses résidences sur la ruelle opposée. Il conduit jusqu’à l’intersection et se gare sur le bas-côté.
Me Elli : alors ma chérie, tu as passé une bonne soirée ?
Moi : oui, c’était plus que bien.
Me Elli : ravi de l’apprendre. Là, tu préfères que je t’amène chez toi ou qu’on fasse un tour dans ma résidence histoire de terminer cette prise de contact en beauté ?
Ma bouche s’ouvre légèrement et je cligne des yeux plusieurs pour être sûr d’avoir bien entendu.
Moi : euh faire quoi dans votre résidence ?
Me Elli égrenant un sourire : les Africains et leur manière à répondre à une question par une autre. Tu sais bien ma belle, tu n’es pas une petite fille voyons.
Je manque de lui coller une gifle lorsqu’il rapproche son visage du mien et enlève vite fait la main avec laquelle il me caressait la cuisse. Non mais je rêve là ?
Moi : vous allez beaucoup m’excuser, mais je ne suis pas ce genre de filles Me Elli.
Me Elli : appelle-moi Fulbert, tu n’as rien à craindre. Tu l’auras ton boulot en plus d’une vie de rêve.
Moi : vous pouvez vous les garder (ouvrant la portière) vous êtes sans scrupule.
Me Elli désinvolte : on oublie la case stage, je te signe un CDI directement.
Moi le toisant : non mercii !!!!
Je claque la portière en me retenant de lui cracher dessus, le type me lance alors…
Me Elli : je te croyais plus ambitieuse, sache que tu n’auras ta chance nulle part si tu comptes que sur ton intellect. Grosse comme tu es, tu ne pourras jamais exercer ce métier !
Il démarre en trombe et me laisse dans une humeur partagée entre le dégoût et la colère. Il m’a fait rêver le temps d’une soirée tout ça pour ça pffff. Dire que sa dernière phrase ne m’a pas touché serait me mentir scrupuleusement à moi-même. J’en ai même les larmes aux yeux. Je commence à prendre l’habitude que des recruteurs fassent preuve de méchanceté gratuite à mon endroit, mais celui là c’est la crème des crèmes. En plus, il vient de toucher un point sensible. Ce n’est pas comme si j’étais complexé par mes formes, il faut dire que je suis enrobée comme un bon rôti succulent. Toutefois, j’ai parfois l’impression que c’est cela qui constitue un frein à mon épanouissement professionnel. Je ferme les yeux pour empêcher mes larmes de couler. Toujours garder la tête haute.
Moi à moi-même : ok Cassie, tu es belle, tu es forte, tu es bien comme tu es.
Je le répète en boucle pour me redonner la pêche jusqu’à la maison. D’autant que je me souviens, je n’ai jamais été comme la plupart des petites filles qui rêvent d’être leur princesse préférée des dessins animés ou de trouver le prince charmant. Non, petite, je savais ce que je voulais et exactement ce que je ne voulais pas. Je voulais devenir une avocate de renommée, mais pas des moindres ! Je voulais défendre la cause des femmes martyrisées et des enfants qui grandissent dans des foyers toxiques. Durant toute ma scolarité, j’ai confronté ce rêve à la réalité du mieux que je pouvais. À 30 ans, je suis docteure en droit de la famille, j’ai obtenu le CAPA avec brio. Depuis lors, je trime et c’est à croire que je ne suis pas au bout de mes peines. Mais bon, je finirai par y arriver et par mes propres moyens.
Lorsque j’arrive devant chez moi, je trouve ma mère devant sa marchandise de beignets où je les laisser des heures auparavant. Je lui lance une salutation rapide de loin pendant que je marche vers le portail.
Maman : mais tu vas où ? Viens me faire le compte-rendu de ton rendez-vous.
Moi : je ne veux pas en parler.
Je m’engouffre à l’intérieur et vais m’enfermer dans ma chambre.