MON HERITAGE : MA VIE

Ecrit par Marc Aurèle

Sans transition aucune, sans même une courte pause, sans même me demander si j’étais prêt, il commença sa lecture. Les termes juridiques m’ennuyaient davantage et j’avais soif que le discours aille à sa fin. Qu’avais-je à foutre des biens matériels de cet homme à qui je dois toute ma vie ? Qu’allais-je prendre en plus de ce qu’il m’avait déjà confié et qui pour moi n’était pas des moindres à gérer ? Qu’avait-il de spécial et de particulier pour que sans cette lecture on ne pouvait point l’inhumer sans ce protocole ? La lecture du testament suivait son cours et moi je n’écoutais presque rien. J’entendais juste les mots voler. Les voitures se voir distribuer entre les agents et les dettes consolidées par des ventes de ci ou de ça. Les parcelles, les maisons changeaient de mains. Je n’avais point d’intérêt à tout ceci, même si mon nom était revenu à plusieurs reprises. Puis l’homme s’arrêta. - … Telles étaient les volontés de ton père jusqu’à la veille de son voyage qui lui coûta la vie. Mais la veille de sa mort il me fit appeler à son chevet et ajouta ceci… Là, je me réajustai dans le lit. Je pensais un instant que le discours était fini quand il enchaîna. - Mon fils, je m’en vais en paix car je sais aujourd’hui mieux que quiconque, que les choses ne sont pas toujours ce qu’elles donnent l’air d’être. Notre dernière conversation en a dit long. J’ai l’avantage de pouvoir te faire don d’un organe que cet accident t’a arraché. Et même si mon lobe cervical a une quarantaine d’années de plus que toi, il pourra toujours te servir. Je sais que tu n’y comprendras rien et que tu trouveras que ce sont mes blagues habituelles. Non, ce n’est point le cas ! Mon médecin ne me donne plus d’espoir, car je passe de complication en complication et même si je suis assisté par des machines, je préfère être utile. On m’a annoncé que tu ne pourrais plus être fonctionnel, à moins que tu subisses cette intervention. Alors, je préfère me savoir un peu en vie au travers de toi. Désormais, tu devras te charger de beaucoup et de tout. Je ne te laisse pas de liste, mais je te laisse la sagesse et l’intelligence que la grâce de Dieu t’accordera. Désormais rien ne se fera plus sans toi dans la famille CELESTE et telle est ma dernière volonté… Le silence qui s’en suivra ne s’explique pas. Il ne s’affiche pas et ne se présente pas non plus. Je sentis une douce brise parcourir tout mon être. Un vent doux et léger traversa la chambre. Je regardais mes frères les uns après les autres. Ainsi, j’héritais. J’héritais de la vie d’un homme et sans être consulté, j’en devenais responsable. Je partais en campagne pour me ressourcer. Je voulais profiter de la verdure et de la nature. Je n’avais aucune envie des bruits du weekend, encore moins de rencontrer des amis qui généralement se donnent au libertinage. Mes trente ‘’piges ‘’ étaient pour moi plus que des ans, c’était l’étape de la concrétisation. Le don de mon père ne me sortait pas vraiment du manoir, mais je compris dès lors que pour vivre, ce sont nos responsabilités et nos engagements qui nous donnent droit de cité.
HERITAGE PATERNEL