RETROUVAILLES LUGUBRES

Ecrit par Marc Aurèle

-       Bonjour Brice, comment vas-tu ?...

Il leva la tête et, machinalement, écarta ses deux bras et accéléra sa démarche. Du haut de son mètre quatre-vingt, mon frère ainé afficha un large sourire et m’enlaça fortement. Tout comme moi, il ne voulut plus défaire cette étreinte et deux minutes durant, nous nous tapotâmes fraternellement. Je sentis quelques larmes tomber sur mes épaules, puis couler dans mon dos.

-    Bonjour frérot, Dieu merci, tu as recouvré la mémoire…

-    Oui fofo, et les autres ? Papa, Erick et lhys ?…

Le silence était revenu car personne ne semblait entendre mes questions et le visage qui tantôt avait pris des couleurs, s’était à nouveau assombri.

-    Tu nous as vraiment manqué ! On était tous effrayés pour toi, pour ta mémoire.

Mon interlocuteur, tout en parlant, s’assit sur le bord du lit, m’offrant son dos.

-    Est-ce que papa va bien, il faut que j’aille le voir…

Cette question vint comme une boulette. Ce fut comme la blague idiote qu’il ne fallait point faire, mais c’est cette question qui me taraudait le plus depuis que je me suis retrouvé. L’atmosphère de la chambre redevint fade et calme. Mon frère me regardait comme si au travers de moi, il voyait une quelconque image étrange. Il ouvrit la bouche et sa réponse tomba comme un coup de marteau sur l’enclume dans une forge calme.

-    Papa n’est plus, frérot ! Il t’a fait et s’en est allé. Pour nous, tu es notre père désormais…

Il s’en suivit un long silence. Je ne comprenais rien à la phrase que je venais d’entendre et le regard que je posai sur lui en disait beaucoup.

Il m’a fait et s’en est allé ! Qu’elle était cette nouvelle façon de faire un homme en se tuant presque ? Que voulait dire cette phrase ? Où s’en était-il allé, mon père ? La pluie de question tombait dans ma tête. Mon âme se remplissait d’émotions et l’envie de manger me quitta. Je demandai à la jeune infirmière qui venait de faire son coming back, de récupérer le plateau.

-    Papa est décédé. il avait eu plusieurs fractures et a succombé une semaine après son admission à l’hôpital. Conformément à ses dernières volontés, il est toujours à la morgue et nous attendons que tu te remettes pour l’inhumation…

-      

Mon frère avait pris une pause pour me laisser parler, mais je n’avais rien à dire.

-    Parlant de dernière volonté, il y a eu beaucoup de choses qui te concernent et je pense que maintenant que tu as repris le sens de la vie et retrouvé tes esprits, il faudra que tu sois informé.

-   

J’avais toujours le silence comme réponse et à présent des larmes perlaient sur mon visage. Je voulais des réponses et Brice m’en donnait.

-    Je vais faire venir les autres. On va ensemble décider de comment procéder pour la suite. Je t’aime Marcy, à tout à l’heure.

Il ne me regarda plus et s’en alla sans hésiter. La jeune infirmière avait assisté et sans rien dire non plus, lui emboîta le pas. Je me retrouvai seul dans la salle qui du coup, devint plus large et plus grande. Je me sentis tout petit, telle une étoile esseulée dans l’univers. Je pleurais sans un seul son. Les larmes coulaient sur mes joues. Je revoyais l’homme allongé sur ce brancard qui disparaissait dans la salle des soins intensifs. Puis je le revoyais sur l’autoroute, gisant dans son sang. La tragique scène qui avait emporté mon père, défilait sous mes yeux. J’étais plongé dans ma rêverie et je ne sus quand la chambre s’était remplie. Une main me frôla la joue et je me retournai.

Lhys tout de noir vêtue, était là. Elle se tenait à mon chevet. Erick, Brice, des oncles et des tantes à moi étaient là et se tenaient debout tout autour du lit. La chambre de malade qui tantôt était large, devint étroite. Tout le monde se bousculait pour voir le miraculé. J’aperçus alors au fond, l’homme à la toge noire aux côtés de ceux qui visiblement, devaient être du corps médical. Brice s’approcha et me prit la main.

-    Les médecins ainsi que Mr LAINÉ doivent te parler.

-

-    Je vais demander à ceux qui le savent déjà de se retirer, ajouta-t-il en se retournant vers l’assistance.

Je vis quelques tantes et oncles sortir en même temps que les infirmiers et aide-soignants venus en spectateurs. Les deux médecins et l’homme de droit s’approchèrent du lit.

-    Marcy, bonjour ! Vos constantes sont très bonnes depuis bientôt quinze jours et pour une première, c’en est une. Vous venez de nous tirer de la torpeur mon équipe et moi. Déjà, il est important que vous sachiez que vous avez été très brave et très fort durant les quarante-cinq derniers jours.

-

L’homme attendait une réponse et n’en eut point. Il fit une courte pause et continua.

-    Vos antécédents médicaux ne vous permettaient pas les efforts que vous avez effectués le jour de l’accident et ont failli vous coûter la vie. Les effets de l’adrénaline vous ont donné un second souffle et une force qui vous ont maintenu en vie. Maître LAINÉ, le notaire de votre père doit ici donner lecture des dernières volontés de cet homme qui n’est plus. Toutes nos condoléances.

Le docteur s’effaça et laissa l’homme de droit se placer à mes côtés. Il était si proche de mon père qu’on le croyait un parent, un membre de notre famille quand mes frères et moi étions plus jeunes. Mon père et lui avaient opté pour les mêmes coupes de cheveux, le même style vestimentaire et passaient le clair de leur temps ensemble. Il avait ses manies à lui et malgré qu’il essaye de cacher sa douleur, il affichait une petite mine des jours noirs.

-    Fiston… ton père nous a quittés et s’en est allé. Je t’attends pour lui faire le discours tant promis. Mais en attendant, je dois, en vertu des pouvoirs qui me sont conférés, de mon serment, donner ici lecture des dernières volontés de feu Cynthe CELESTE…

HERITAGE PATERNEL