Part III

Ecrit par Shalom Ametefe

Assikoe, 21 juin 2009




    Dans cette atmosphère de village, je me demandai si j'y resterai éternellement du fait que mes parents ne me fassent pas passer mes vacances en ville comme mes amis qui en avaient cette chance. Quand-même, ils me donnaient assez de liberté de bien me défouler et me reposer. Cette année, je venais d'avoir mon brevet ; une merveilleuse chance de pouvoir enfin quitter le village pour Kpalimé, une ville à 12 km de chez nous, là où je ferai le lycée étant donné qu'il n'y avait pas de lycée à Assikoe.




    Comme tous les étés,les Européens venaient dans notre localité.Cet été,ils étaient arrivés dans le cadre de notre association Top Succès pour un camp chantier.

    A Top Succès, nous eûmes pour but de "rendre le monde meilleur en œuvrant au succès de tous en tout."  Nous avions bâti l'année 2009 sur le thème : <<un esprit sain vit dans un corps sain>> donc notre mission était de sensibiliser la population rurale sur la pratique de l'hygiène, la plantation des arbres, à éviter les feux de brousse. Pour cet été, nous eûmes pour projet d'aménager un parc, planter des arbres dans les établissements scolaires du milieu, implanter des poubelles dans les places publiques afin de rendre plus attrayante cette communauté qui fut la nôtre.




    A chaque été, j'essayai de tisser des relations sincères avec quelques uns des européens. Et cette année là, je voulus plus qu'une simple relation amicale. Anne-Laure, une jeune française de 16 ans fut celle qui marqua mon esprit. Elle était venue avec sa maman qui était la présidente de l'Association Plum2coeur Strasbourg-France.




    Avec Anne-Laure tout allait parfaitement, on était presque ensemble tout le temps. Je l'emmenais dès fois aux champs, surtout les lundis et jeudis, les jours de récolte du gombo, la culture la plus pratiquée à Assikoe. Les champs de gombo, rapportaient  beaucoup aux cultivateurs surtout si les clients fixaient un prix d'achat intéressant. Ah oui ce sont eux qui décidaient de combien ils vont payer. Un peu bizarre n'est-ce pas ?

D'ailleurs c'était grâce aux champs de gombo que les parents arrivaient à subvenir aux besoins de la famille.




    Un après-midi, lorsque Anne-Laure et moi revenions de notre champ de café, cacao, avocat, orange sur la montagne, elle commença par sentir une fatigue terrible. Il nous restait un kilomètre de marche à faire avant d'arriver à la maison. Heureusement, mon ami Éric, qui abandonna l'école pour se lancer dans le métier de taxi-moto passa. Je lui demandai de ramener ma petite blanche à la maison et je continuai la marche tout seul. Je n'avais même pas fait cent pas quand, brusquement, le ciel commença à s'assombrir ; signe qu'il allait pleuvoir. Je pressai mes pas tout en sifflant. Comme la menace de la pluie devient grandissante, je me suis mis à courir et c'est en ce moment j'attendis une voix féminine derrière.




    - Hey jeune homme, s'il te plait attends moi




    Qui pouvait être celle là ? Je fis semblant de ne rien écouter et continuai ma course. La personne m'appela toujours et sa voix se rapprocha un peu plus parce qu'elle aussi s'était mise à courir.Je m'arrêtai en ce moment et la pluie commença à tomber d'un coup comme dans les films. Arrivée à ma hauteur, elle me sourit




    - Bonsoir




    - Salut, que puis-je pour toi ?




    - Je revenais de la montagne avec mes cousins et j'étais allée dans la brousse pour faire mes besoins et je viens de me rendre compte qu'ils ne m'ont pas attendu




    - Ah je vois




Comme la pluie devenait de plus en plus forte, nous commençâmes à marcher avant de lui demander




    - Où vas-tu?




    - Là où tu vas, je veux dire à Assikoe,me repondit-elle.




    Comme aucun engin ne passait, on marchait au beau milieu de la route. Au fur et à mesure qu'on progressait, on se regardait par moment. La pluie était tellement forte et avait complètement mouillée nos habits. La fille commença à trembler, à frémir, signe qu'elle ressentait la fraîcheur. Elle n'arriva pas à marcher comme cela se doit. Je pris sa main dans ma main pour la rassurer et l'encourager. Elle se blottit contre moi et nous avançâmes doucement. On continua à se jeter des coups d'œil. Au moment où je me retournai pour vraiment lui faire face pour lui demander si elle tenait le coup, avant même de m'en rendre compte elle posa ses lèvres sur les miennes. J'étais à la fois surpris et embarassé. Bon sang, qu'est-ce qui l'avait pris à faire cela ? Etait-elle fragile et sensible à ce point ? Sans pour autant la lâcher, nous continuâmes la marche dans un silence absolu, personne n'osa se regarder jusqu'à ce que nous n'arrivâmes dans la maison qu'elle habite qui n'était autre que celle d'une amie à ma mère.Assise sur la terrasse, quand elle nous voyait rentrer, elle cria:




    - Pascal que s'est-il passé avec ma nièce?




    Dans sa voix, je sentis qu'elle était soucieuse et inquiète du fait que sa nièce n'était pas rentrée avec ses deux fils. Je lui fis un bref résumé des événements sans mentionner le baiser bien sûr. Pendant ce temps, la nièce en question était rentrée pour se changer ou quoi d'autre. Je n'en avais aucune idée mais elle n'était pas ressortie jusqu'à ce que la pluie ne s'arrêta avant que je ne prenne congé de sa tante avec qui j'étais resté sur la terrasse. En rentrant chez moi, je passai au siège de l'association pour voir Anne-Laure mais elle s'était déjà couchée. Il sonnait 19 h 30 minutes.


Sous La Pluie