Partie 11 : SALIMA
Ecrit par labigsaphir
[ MALICK ]
- De quel droit ?
- Malick, tu baisses d’un ton ! Ce n’est pas l’éducation que je t’ai donnée.
- Excuse-moi maman, fais-je en me rasseyant.
- Calme-toi, en plus nous ne sommes pas seuls.
- Augustin, il faut excuser Malick. C’est l’émotion, il faut comprendre : mon oncle paternel, toujours en train de calmer la situation.
- J’ai compris mais qu’il se calme. Fait celui en prenant la main de Salima dans la sienne.
Je les observe et n’ai qu’une envie, tous les envoyer bouler. Je ne sais ce qui m’énerve le plus, la diplomatie de ma fille ou les larmes de crocodiles de Salima. Je croyais qu’Auguste me comprendrait, étant un homme comme moi mais non. Il semble qu’il ait décidé de prendre le parti de sa nièce. Je soupire, ferme les yeux et me tourne vers lui.
- Tonton Auguste, toi à ma place, qu’aurais-tu fait ?
- Malick, je comprends ta colère mais le divorce n’est pas toujours la solution.
- Humm.
- A l’époque de nos ancêtres, lorsque le climat était tendu entre une femme et son mari, la répudier était la dernière solution. L’homme avait l’habitude de construire une case à sa femme, derrière la maison. Si son mari lui répugnait, elle allait s’y installer durant quelques jours, semaines ou mois, le temps pour la crise de passer.
- Elle a quitté son foyer durant trois et revient avec une grossesse qu’elle m’attribue ?
- Malick, fais une échographie et nous serons fixés. Intervient ma mère.
- Maman, qu’elle fasse ce qu’elle veut mais il est hors de question qu’elle revienne chez moi.
- Malick, tu sembles avoir oublié que vous êtes non seulement mariés à la coutume mais aussi à la mairie ; Augustin, il n’en rate jamais une, celui-là.
- Elle s’est rendue coupable d’abandon du domicile conjugal, tonton.
- Elle porte votre enfant, tu peux pardonner. La femme est comme un enfant, tu sais. Tu as laissé faire dès le départ.
- Pardon ?
- A chaque fois que vous aviez des soucis, elle quittait le domicile conjugal pour aller chez ses parents, tu laissais faire et allais la récupérer. C’est devenu une sorte d’accord entre vous. Que voudrais-tu que nous fassions maintenant ?
- Je souhaite la répudier.
- Non, mon fils, intervient tonton Abdul, tu ne peux pas la répudier pour ce que vous aviez l’habitude de faire.
- Je ne l’aime plus et ai déjà une autre femme.
- Pardon, pardon, dit Salima en se levant.
Elle vient se jeter à mes pieds et se met à me baiser les pieds en pleurant.
- Je veux rentrer à la maison, chérie, je veux rentrer à la maison. Je t’aime toujours et porte notre enfant.
- Salima, arrête de t’humilier ainsi. Je ne t’aime plus et tu le sais. Qui sait avec qui tu as conçu cet enfant.
- Quinze ans de vie commune et je n’ai pu te donner un enfant, ça travaille, chéri. J’ai beaucoup culpabilisé et étais perturbée.
- Ne pas avoir un enfant, ne pas pouvoir en donner à son mari, peut détruire une femme, appuie ma mère.
- Ecoute ta mère, Malick, avance Augustin. Ta femme t’aime encore et souhaite que vous effaciez l’ardoise.
- Non !
- Vous êtes mariés, je te rappelle, repart-il. Vous êtes mariés devant Dieu, les Hommes et les ancêtres. Tu dois prendre tes responsabilités en mains et t’occuper d’elle.
- Non, elle a quitté le foyer. Elle a pu survivre trois mois hors du foyer sans donner de ses nouvelles, qu’elle continue.
- Non, Malick, intervient Abdul, je comprends ta colère mais c’est ta femme. Elle n’appartient plus à la famille d’Augustin mais à la nôtre. Salima, est notre femme et nous devons nous en occuper.
- Faites donc ! rétorquai-je en m’impatientant.
- Abdul et Augustin, insister ne servirait à rien maintenant. Je connais mon fils, lorsqu’i est dans cet état, insister l’énerve encore plus. Laissez-le respirer, nous en reparlerons.
- Maman, ma décision est prise, dis-je sur un ton dur. Je veux divorcer et vais le demander.
- Et ma grossesse ? Demande Salima en tendant les mains vers Augustin et Abdul.
- Salima, toi aussi ! réplique ma mère.
- Toi aussi, comment ? S’énerve Augustin, il est l’auteur de la grossesse.
- Bonne journée à tous.
Je quitte la pièce, récupère ma voiture et démarre sur les chapeaux de roues. M ajournée est foutue. Comment ai-je fait pour l’aimer durant toutes ses années ? La famille est certes importante mais personne ne me forcera à faire quoi que ce soit. Je roule durant une vingtaine de minutes puis gare sur le bas-côté.
Je donne un coup de poing sur le volant et manque briser mes phalanges, c’est douloureux.
- Merde !
Je ferme les yeux, ouvre la bouche et respire fort. J’ai l’impression que ma tête va exploser, tellement je suis énervé. Mon téléphone se met à sonner, c’est ma mère. Je n’ai aucune envie de l’entendre, je coupe l’appel et compose le numéro de John, mon cousin, avocat.
- Allo, fait-il de suite.
- …
PENDANT CE TEMPS…
[ BLESSING ]
- Oui, pour la formation, tout va bien.
- Et le call-box ?
- Ça va.
- T’en sors-tu ?
- Oui, maman, je gère.
- Je m’inquiétais parce que le centre où tu prends les cours est cher et il est sérieux.
- C’est vrai.
- Attends, tu dis avoir pris l’argent où ?
- C’est mon copain qui m’aide à payer.
- Humm, Blessing.
- Ne t’inquiète pas.
- J’espère que tu ne fais pas des choses bizarres à Yaoundé.
- Maman, cela fait trois mois que nous sommes ensemble et nous n’avons rien fait.
- Serait-il « moan Yesus » ?
- Quoi ?
- Tu connais la chanson de la ponceuse, « Moan Yesus » ?
- Nooon, je ne crois pas.
- Alors, depuis trois mois ?
- Humm, nous en reparlerons, maman.
- Pourquoi pas maintenant ?
- Je dois me rendre au secrétariat, je te rappelle.
Je raccroche, mets le portable dans mon sac et fais mine de ne pas remarquer le regard interrogateur de Faith.
- Blessing,
- Pas maintenant, Faith.
- Je ne suis pas une amie qui va te dire oui, oui parce que tu donnes des billets de 10 000 fcfa de temps à autres. Tu sais parfaitement que je m’en fous de ton argent.
- …
- Jusqu’ici, Malick et toi, n’avez encore rien fait.
- Oui, il n’est pas pressé et est prêt à attendre.
Nous sommes à la montée Anne-Rouge, elle m’accompagne chercher mon lait de toilette à l’institut de beauté. Nous rentrons dans le magasin et discutons quelques minutes avec la dame de l’accueil avant d’être reçue par la directrice de l’institut. Malick a décidé de prendre un abonnement mensuel pour mes soins, c’est le premier rendez-vous. Je suis enthousiasmée et rosis de plaisir devant la qualité du service et les produits utilisés. Je décide par la même occasion de changer le lait de toilette et prendre une gamme de produits pour le corps.
Une demi-heure plus tard après avoir signé les papiers et visité l’institut, nous le quittons en souriant.
- Tu ne m’as toujours pas dit ce qui se passe entre Malick et toi.
- Je ne comprends pas.
- Tu fais semblant ou quoi, Blessing ?
- Humm.
- Depuis trois mois ?
- Il est musulman et souhaite simplement que nous n’ayons pas de rapports, hors mariage.
- C’est tout à son honneur et toi ?
- Moi, quoi ?
- Cela ne te dérange-t-il pas ?
- Si mais que faire ?
- As-tu déjà pensé à te marier avec lui ?
- Avec tout ce qui est en train de se passer, non !
- Pourquoi ?
- C’est encore compliqué, Faith. Entre sa famille qui es foldingue et son ex-femme qui refait surface, il est hors de question que je me prenne une balle perdue.
- Et pourtant, tu y es déjà, ma chère. Tu as été présentée officiellement à sa famille et ses amis.
- Bof, ça peut se corriger, tu sais.
- Malick est un homme responsable, il ne fait rien à la légère.
- Ça aussi, je le sais.
Nous arrêtons un taxi pour le centre-ville, précisément la Cathédrale. Il y a là, un charmant petit restaurant. Dans le taxi, nous observons le silence, chacune dans ses pensées.
- Faith, s’il te plait, accompagne-moi à la banque.
- Laquelle ?
- Le Crédit Lyonais.
- Tu n’as pas encore 21 ans et tu as réussi à y ouvrir un compte.
- Un ancien dragueur. Non, n’ouvre pas les yeux de cette façon, il n’était qu’u dragueur.
- Ok. Malick sait-il que tu as un compte ?
- Non et il ne le saura que si tu le lui dis.
- Oh !
- Nous nous comprenons. Tu sais, Faith, je suis certes très jeune mais le fait de devenir mère m’a rendue plus sage. J’ai un enfant et porte toujours ma famille sur mes épaules.
- Huhum.
- Je sais pouvoir tout perdre sur un claquement de doigt, surtout avec le retour de Salima.
- C’est vrai.
- Je mets des sous de côté, si jamais ça tournait mal.
- Et si ça marche ?
- Tant mieux.
- S’occupe-t-il toujours de tes frères ?
- Toujours, il gère comme un grand. J’avoue avoir moins de souci.
- Raison pour laquelle tu as abandonné le call-box.
- Humm.
- C’est une petite fille qui occupe maintenant ta place, j’ai remarqué.
- Oui, elle travaille pour moi. Malick ne voulait pas que je continue à travailler, du moins à côté de la route été exposée de cette façon.
- Quoi ?
- Comme je te dis. En fait, j’ai l’impression qu’il ne veut pas que je travaille, tout court.
- Blessing !
- Qui est folle ? Tu doutes ?
- J’ai dit oui pour lui faire plaisir et changé le fusil d’épaule.
- C’est bien, mama. La petite qui est à ma place, travaille pour moi. Malick n’est pas au courant et ne le sera jamais. Camron et Marimar, ont ordre de ne rien lui dire.
- Là, je suis fière de toi, ma chérie. Ne fais pas la même erreur que moi, jamais !
- Comme c’est un homme et qu’il aime bien dépenser pour moi, je lui fais ce plaisir mais me protège.
- Il faudrait que vous vous mariiez rapidement, Blessing.
- Je ne sais pas.
- Qu’est-ce qui te gêne ?
- Le fait qu’il soit musulman.
- Il te l’a pourtant dit depuis le départ. Il ne s’en est jamais caché.
- C’est vrai mais j’ai peur de perdre ma liberté.
- Je te comprends mais…
Nous rentrons dans l’enceinte de la banque, nous mettons en rang et dix minutes plus tard, arrivons enfin au guichet. Je fais un dépôt et sortons. A peine quatre mètres, un taxi s’arrête devant nous et Myriam en descend.
- Bonjour ma BS, fait-elle joyeuse.
- Bonjour Myriam. Comment vas-tu ?
- Bien, merci et toi ?
- Ça va, ça va ; elle dévisage Faith.
- Ah oui, excuse-moi, je te présente ma copine, Faith. Elle est venue déposer des sous à la banque et m’a demandé de l’accompagner.
- Je me disais aussi, sourit-elle.
- Tu sais, Myriam, je n’ai pas encore 21 ans pour ouvrir un compte.
- Et c’est vrai, Blessing. C’est la réflexion que je me faisais à l’instant.
- Enchantée, fait Faith en souriant.
- Moi de même, répond-elle en lui serrant la main.
Je sens une certaine méfiance entre les deux femmes, c’est bizarre.
- Bon, je vais aller. Je suis descendue du taxi pour te saluer, Blessing.
- Ah bon ? C’est gentil, merci.
- Je fais un tour au marché du Mfoundi et dans la soirée, passerai à Tsinga, derrière l’église Christ-Roi.
- Mais c’est près de chez toi, fait remarquer Faith. Il faudra que je vienne voir la maison, un de ces quatre matins.
- C’est vrai, Faith.
- Je viendrais voir madame Onguene, une amie d’enfance.
- Qui, Juliette ?
- Oui, oui.
- C’est ma voisine, en fait.
- Ah, tu vois, le monde est petit. On se verra donc cet après-midi.
- Ok.
- Bonne soirée à toutes les deux.
Nous continuons vers la poste pendant qu’elle continue vers le marché du Mfoundi.
- Humm, fait Faith alors que nous traversons la route.
- Qu’y a-t-il ?
- Je ne sais pas. Je ne l’aime pas vraiment.
- Normal, tu ne la connais pas.
- Elle fouine trop dans ta vie. Heureusement que tu as dit que nous étions là pour moi. Je parie qu’elle aurait pu le raconter à son mari qui l’aurait soufflé à son tour, à son frère.
- Comme tu dis.
- Humm, méfie-toi d’elle.
- Elle aboie beaucoup mais ne mord pas, tu sais.
- Blessing, elle parait gentille mais je ne l’aime pas.
- Toi aussi, tu en fais trop.
- Ok, excuse-moi
QUELQUES HEURES PLUS TARD…
TOC…TOC…TOC…
- Qui est-ce ? Fais-je en Baillant. Malick ne m’a pas dit qu’il venait.
Je me lève, enfile des babouches et me traine de la chambre jusqu’à l’entrée en baillant aux corneilles.
- Qui est-ce ?
- Ta voisine, madame Onguené.
- Ah oui. Attends, j’arrive.
Je tire sur le loquet et fais tourner la clé dans la serrure. Madame Onguéné, ma voisine, rouge comme la tomate à force de frotter le kwanza, me sourit.
- Bonjour ma fille. Comment vas-tu ?
- Bonjour maman. Ne reste pas là, entre.
- En fait, je suis venue laisser ta BS.
- Rebonjour, Blessing.
- Ah oui, Myriam. Entrez, ne restez pas.
Je vais tirer les rideaux et leur fais signe de la main. Elle balaie la pièce du regard et ont la bouche grandement ouverte.
- Ton appartement est mieux équipé que celui de Malick, fait remarquer Myriam.
- Mieux que le tien et le mien, complète Julie.
- Oh, ce n’est rien.
- Ton beau-frère là est bien, dis donc. J’ai une de mes petite-sœurs qui cherche toujours le mariage. Tu as un beau-frère comme celui-là et me le cache ?
- Il est toujours marié, mama. Rétorque Myriam.