Partie 12 : entre le marteau et l'enclume
Ecrit par labigsaphir
[ MALICK ]
Je sursaute en entendant le bruit du portail, puis la voix du gardien.
- Patron ! Patron !
Je me lève, me dirige vers la porte et constate qu’il porte Blessing, ensanglantée. Je la lui prends des mains, la pose sur le canapé avec délicatesse et lui demande d’un signe de la main, de veilleur elle. Je cours à la chambre, récupère la trousse de secours et reviens au salon. Je nettoie les blessures de Blessing : la lève fendillée, des blessures sur les coudes, les mains et les bras. Elle est recouverte d’une fine couche de poussière.
- Que s’est-il passé ? Finis-je par demander, préférant me maitriser.
- Mmmm, fait-elle à cet instant, elle ouvre les yeux et me regarde.
- Ça va, chérie ?
- Oui, Malick, ça va. Où suis-je ?
- Chez moi.
- Et ta femme ?
- Qui ? C’est toi, ma femme.
- Non, Salima.
- Pourquoi penses-tu à Salima ?
- C’est à cause d’elle qu’elle est dans cet état, m’apprend le gardien.
- Pardon ?
- Salima l’a poussée et frappée, elle est tombée la tête première sur le sol d’où le sang.
- Où est-elle ? Parvins-je à dire sans gronder ?
- Devant la barrière où il y a un attroupement. Je préfère ne pas répéter les mots qu’elle utilise pour traiter …
- Traiter ma femme ?
Des coups répétés sur le portail et ressemblant des coups de semonce, nous font tourner la tête.
- As-tu bloqué la porte ?
- Non, patron. Je la portais. J’ai juste poussé du pied.
- Va le bloquer.
A peine ai-je fini de parler que des voix lointaines puis distinctes me parviennent. Je me redresse en reconnaissant les voix de Salima et Jade.
- Laisse-nous s’il te plait ! Va fermer mon portail ! Si une autre personne rentre dans ma concession, tu perds ton travail.
Le gardien s’en va, tout penaud pendant que Salima et sa sœur, rentrent dans mon séjour.
- Comment peux-tu m’humilier de cette façon, Malick ? Je suis encore ta femme ! Nous sommes toujours mariés à la mairie et à la coutume.
- Salima, fait sa sœur, doucement.
- Doucement, quoi ? Doucement quoi, Jade ? Vas-tu accepter que ton mari ramène une pute à la maison alors que toi, tu vis dans une chambre miteuse et porte l’enfant de ton époux ?
- Salima, ta gueule ! Dis-je simplement en la regardant.
- Ta gueule, quoi ? C’est à moi que tu t’adresses, Malick ? A cause de quoi ? A cause de cette pute ? C’est à moi, ta femme que tu dis : ta gueule ! Que voudrais-tu montrer à cette pétasse ? Que c’est elle qui a le brassard ? J’ai souffert avec toi pour que tu deviennes quelqu’un et c’est ainsi que tu me remercies ?
- Salima, dégage de chez moi !
- Non, c’est aussi chez moi.
- Salima, tu portes un enfant, je n’ai aucune envie de te frapper.
- Comme cette maison est déjà devenue l’armée du salut, moi aussi je me ngamba( caler, Beti, langue du Cameroun).
- Salima, si tu n’as pas dégagé d’ici dans deux minutes, tu ne me reconnaitras pas.
- C’est ce que nous verrons, Malick. C’est ce que nous allons voir ! Je ne bouge pas. Tu vas me tuer avec ton enfant.
- Ton batard, oui.
Blessing se met à bouger, ouvre à nouveau les yeux, me regarde et tend la main vers moi. Je prends la sienne et la caresse.
- Chérie, ça va ?
- Blessing, j’ai été douce avec toi. Si tu remets encore les pieds dans cette maison, ce que je t’ai fait sera…
- Ne sera rien ! Criai-je en m’avançant vers Salima.
- Pardon, Malick. Dit Jade en se mettant devant Salima.
- Je n’ai pas l’habitude de taper sur les femmes mais toi, toi !
- Que tu vas faire quoi ? Fait Salima derrière Jade. Malick, que vas-tu faire ? Elle fait quoi dans mon foyer ?
- Salima, ferme aussi ta bouche ! Gronde Jade.
- Crois-tu Blessing incapable de te frapper ? Elle a été respectueuse envers toi et a respecté ton ventre.
- Salue Pute ! Je sais que Jack t’a laissée et s’en est allée avec une autre femme et une femme plus riche.
- J’ai horreur des femmes vulgaires et tu te demandes encore pourquoi je ne veux plus de toi.
- Je vais rester là ! J’ai gentille envers toi et ton divorce, tu ne l’auras jamais, de mon vivant.
- Salima, Dehors !
- Je ne sors pas, je suis ta femme. Je ne sors pas.
Je l’attrape par la main et la tire vers la porte.
- Pardon, pardon, Malick, ais pitié de son ventre. Supplie Jade en pleurs.
- Qu’il va faire quoi, hein ? Il va faire quoi ? Crie Salima en s’agrippant à la porte.
[ BLESSING ]
J’assiste à la scène, perplexe par la ténacité et la pugnacité de Salima à retrouver son foyer alors que Malick, n’est plus disposée à la revoir. Puis-je vraiment ignorer le fait qu’ils soient encore mariés ?
Je me redresse et parviens à m’asseoir en geignant. Malick qui est en train de la mettre à la porte, se retourne.
- Bébé, ça va ?
- Ça ira mieux, fais-je en me levant avec difficulté.
J’ai des vertiges, il lâche Salima et me rattrape en plein vol, je me sens encore faible.
- Pourquoi t’es-tu levée ?
- Je vais rentrer chez moi.
- Non, tu dors ici.
- Ecoute, Salima est ta femme, en plus d’être enceinte. Il ne faudrait pas la brutaliser, promet-le-moi.
- Blessing,
- Malick, promets.
- Promis.
- Merci. Maintenant ramène-moi chez moi.
- Non.
- S’il te plait, Malick.
- Ok.
Il m’aide à me lever, me tient la main et nous nous dirigeons vers sa chambre où il prend ses clés de voiture. Il ferme la porte de sa chambre, ainsi que celle de sa cuisine à clé et demande au chat d’aller rester avec Salima et Jade au salon. Humm, le chat, celui-là, je l’avais presque oublié. Depuis que j’avais fait comprendre à Malick que j’en ai peur, il se fait plus discret.
QUELQUES HEURES PLUS TARD…
Je suis réveillée par la connerie du téléphone. J’ouvre les yeux, tends la main et décroche machinalement en gémissant.
- Bébé, ça va ? S’enquiert-il inquiet.
- Non, j’ai une migraine atroce.
- Je peux revenir.
- Non, reste là-bas. De toutes les façons, je ne suis pas de bonne compagnie en ce moment.
- As-tu pris des médicaments ?
- Je vais les prendre de suite.
- Ecoute, je préfère te conduire à l’hôpital avant que ça ne dégénère.
- Non, chéri, ça ira.
- En es-tu certaine ?
- Oui.
- Et de ton coté ?
- Elle est toujours là et ne souhaite pas s’en aller.
- Laisse-la, tu peux bien la gérer.
- J’enrage à la savoir là et tu ne peux venir rester avec moi.
- Ce n’est pas grave, tu sais.
- Franchement, je ne sais pas pourquoi je suis rentré.
- Il le fallait, tu ne vas quand même pas lui abandonner ton domicile.
- Ce n’est qu’une maison.
- Hummm…
- Qu’ y a-t-il ?
- Ne quitte pas, je reviens.
- Ok.
Je vais prendre les médicaments et avale un gâteau à la 2,4,6 avant de revenir m’allonger et écouter son monologue durant quelques minutes.
- Blessing,
- Mmm.
- Tu ne dis plus rien.
- Pourquoi ne m’as-tu pas dit que vous étiez mariés civilement.
- Je n’y voyais aucune importance.
- Crois-tu que ce soit normal que je l’apprenne par une tierce personne ?
- …
- Malick,
- Non. Tu as raison, ce n’est pas normal.
- Pourquoi ne m’as-tu rien dit ? Pourquoi me l’avoir caché ?
- …
- Pourquoi ne l’as-tu pas avoué dès le premier jour ?
- Si je te l’avais dit, tu m’aurais quitté.
- Et c’est vrai. Tu as donc décidé de me priver de mon libre-arbitre, m’obligeant à vivre dans le mensonge. Tu m’as donné le rôle de briseuse de couple et maitresse.
- Tu n’es pas ma maitresse.
- Qu’ont pensé tes amis, sachant que tu es toujours marié et m’as présenté à eux ?
- Tu es la femme que j’aime, Blessing Cela fait des mois qu’ils viennent ici et n’ont pas vu Salima.
- Humm,
- Tu n’aurais pas dû et c’est à cause de tout cela que je me suis faite violentée, aujourd’hui.
- Cela ne se répètera plus, je te le promets.
- Est-ce cela qui va empêcher tes voisins de me traiter de pute ?
- …
- Malick !
- Excuse-moi, chérie.
- Crois-tu que je veuille hypothéquer ma vie pour toi ?
- Non, il ne serait en effet pas juste.
- Malick,
- Oui, chérie.
- Je crois qu’il serait mieux pour nous, de prendre une pause jusqu’à ce que tu règles tes soucis de couple.
- Non, Blessing, non. Je ne peux accepter, tu t’éloigneras de moi.
- C’est pourtant ce qui va se passer.
- J’ai peur de te perdre, bébé.
- Tu es en train de me perdre à cause de tes mensonges.
- Je confesse pour mes mensonges, Blessing. Seulement, je croyais bien faire.
- Non, tu m’as blessée dans tous les sens du terme.
- Chérie, je t’aime.
- …
- Je t’en prie, ne me quitte pas.
- Désolée, j’ai besoin de calme, prendre du recul. Occupe-toi de ton épouse et de votre bébé.
- S’il te plait, Blessing.
- Bonne soirée.
- Non, ne raccroche pas.
Je raccroche et éteins le téléphone. J’ai des larmes aux yeux mais ne peux faire autrement. J’ai grand besoin de calme pour réfléchir.
UNE SEMAINE PLUS TARD…
- Non, Camron mais merci d’avoir pensé à moi.
- Cela fait une semaine que tu es triste, je ne sais trop pourquoi.
- C’est vrai que la voiture de ton chéri, ne gare plus en face depuis quelques jours.
- Decielle, c’est ma vie privée.
- Excuse-moi, Blessing. Awooooo l’amour fait mal.
- Decielle, toi aussi ! Intervient Camron en tapant l’épaule de Decielle. Mon neveu sera baptisé, vient en tant que pote comme Decielle, si tu préfères.
- Non, merci. Camron, ça ira.
- De toutes les façons, tu as le billet et peux changer d’avis.
- Non, je ne crois pas.
- Je vais vous déposer les filles, propose Camron.
- Non, j’ai besoin de marcher.
- Arrête de faire ta râleuse, lâche Decielle en grimaçant.
- Decielle, fiche-lui la paix ! Attendez-moi ici, je vais chercher mon reliquat chez la vendeuse de beignet d’à côté.
- Les enfants de bobos, mangent aussi les beignets de la route ? Demande Decielle, ouvrant les yeux.
- Une petite fille m’a accostée le matin en disant qu’elle a faim. Que voulais-tu que je fasse ? Que je refuse de lui acheter en acheter alors que j’en ai plus qu’il n’en faut ?
- Je n’ai rien dit de tel, Camron.
- Voilà ! Réfléchis donc avant de l’ouvrir, la prochaine fois.
- Eukieeeee, Camron, humm.
- Attends, je t’accompagne ; je n’ai aucune envie de rester avec elle et l’entendre cracher son venin.
Nous quittons l’enceinte de l’école et arrivons chez la vendeuse de beignet. Je suis comme anesthésiée en la voyant, soutenant sa figure de ses mains, les yeux dans le vague. Je donne l’ordre à mes pieds d’avancer mais rien.
- Qu’y a-t-il ? Demande Camron en se tournant vers moi.
- Rien, Camron.
- Mais viens !
Il me tire par la main, je fais un bruit de mes pieds, en accélérant le pas. Elle se réveille par la même occasion et pose ses yeux sur moi.
- Ma’a Jeanne, fait-elle en se tournant vers la vendeuse de beignets qui arrivent.
- Ah oui, mon petit. Voici le reste d’argent, merci pour la petite-là.
- Ce n’est rien, mama. Dit-il en tendant la main.
- La fille dont je te parlais, c’est elle.
- Qu’y a-t-il, madame ? S’enquiert Camron.
- Ta copine est une voleuse de mari, mon fils. C’est elle qui a demandé à mon mari de me foutre à la porte malgré ma grossesse. Il ne veut plus que je rentre dans mon foyer parce que ta sorcière de copine a demandé que je ne rentre plus.
- Je ne comprends pas. Mais de quoi parlez-vous ? Repart Camron, perplexe.
- N’est-ce pas ta copine, Blessing ? Elle fréquente mon mari alors que nous sommes mariés à la coutume et à la mairie.
- Quoi ? S’exclame Camron en se tournant vers moi.
- Eukieeee, c’est encore quoi cette histoire ? Demande Decielle, derrière nous ; je m’ne doutais, elle ne rate jamais une occasion.
- Demandez-lui, demandez-lui, elle est là. Blessing, tu ne réponds pas ? Tu ne fais plus la grande dame ? Une petite pute comme toi. Tu crois que c’est mon mari qui va s’occuper de ta batarde de fille ? Tu crois que c’est avec mon argent que tu deviendras riche ? Nous sommes mariés sous le régime de biens communs. S’il tente seulement, tout ce qu’il va te donner, je demanderai la moitié.
- Que raconte-t-elle, Blessing ? Me demande camron, ahuri.
- Allons-nous-en, veux-tu ?
- Ok, humm.
- Blessing, ce n’est que le début ! Crie Salima en se levant. Je viendrais ici tous les jours. Je dis bien, tous les jours que Dieu a créés. Si Malick ne veut pas s’occuper de son enfant et sa femme à cause de toi, c’est à toi que je viendrais demander des comptes. L’argent qu’il te donne là, tu vas aussi me donner un peu pour aller à l’hôpital.
Je hâte le pas, ce qui ne m’empêche pas d’entre tout ce qu’elle raconte, tellement mes oreilles sifflent.
- Je dors sur un matelas de 10 cm, sans moustiquaire étant enceinte alors que sa maitresse a une maison meublé. Dieu te voit, Blessing. Sale pute !
Je grimpe dans la voiture de Camron et garde le silence durant le trajet. J’ai réussi à m’évader et à l’arrivée, je ne sais ce que j’ai murmuré avant de m’échapper. Arrivée chez moi, je laisse choir le sac sur le sol et m’assieds lourdement sur le canapé. J’ai le souffle court, cette journée a été riche en émotions. Heureusement que dans deux semaines, la formation sera terminée, j’aurais mon diplôme et pourrait prétendre à un emploi fixe.
Je vais prendre une douche, essayant d’oublier les paroles de Salima mais tout tourne en boucle dans ma tête telle une ritournelle. J’ai fait l’effort de m’éloigner de Malick, ne répondant ni à ses appels ni à ses sms et voilà qu’elle choisit de faire de ma vie, un enfer. Je quitte la douche et m’enroule d’une serviette lorsque j’entends toquer.
- Qui est-ce ? Criai-je de la chambre en enfilant mes moufles.
- Fatima et Lubna.
- Merde ! Fais-je à voi