Partie 13

Ecrit par Owali

J’ouvris mes yeux et vis le plafond tout blanc, mon regard balaya les environs de gauche à droite. 

Mais où étais-je ? Que m’était-il arrivé ? 
- Racky ? Racky ? Tu t’es réveillée ? Tu vas bien ? Karim ! Karim ! Elle s’est réveillée venez ! s’écrit Coumba au dessus de ma tête.

Karim déboula dans la pièce suivi de ma tante et de Lamine ! 
- Hey mon cœur… tu t’es enfin réveillée ! Me dit-il avec un sourire. 
- Sama dom yangui fi ! (Mon enfant tu es là?)

Tous avaient un air grave sauf Karim qui s’efforçait de sourire je ne sais pas trop pourquoi. 
- Où…où sommes nous ? demandè-je complètement perdue.
- Nous sommes à la clinique, tu as eu un petit malaise.
- Malaise ? Et…et mon bébé ? Il va bien au moins ? 

Aucune réponse. Ils avaient tous le regard fuyant.
- Répondez-moi s’il vous plaît Karim ?! Lamine ? Coumba ?

Toujours rien…
- Le médecin arrive chérie, il t’expliquera tout.

Je sentis mon cœur s’emballer. Quelque chose ne va pas ! Qu’est-ce qu’ils ne veulent pas me dire ? Je me souviens que j’étais sous la douche et puis…et puis…Oh non !  Je commençais à m’agripper au bras de Karim et le regardais avec détresse mais il restait impassible. Calme et souriant. S’il agit comme ça, c’est qu’il n’y a rien à craindre alors je me repris peu à peu.

Quelques minutes plus tard, le médecin fit irruption dans la chambre. 
- Bonsoir mesdames et messieurs, Bonsoir Madame Seye, comment vous sentez vous ?
- Je veux savoir comment va mon bébé Docteur s’il vous plaît ! Personne ne veut rien me dire, on vous attendais je ne sais pas trop pourquoi, alors dites-moi que tout va bien.
- Je suis désolée Madame SEYE mais… je suis au regret de vous annoncer que vous avez perdu votre bébé ! 
- Non non !!! Ce n’est pas possible !! Non Karim s’il te plait dis-moi que c’est faux ! 
- Calme toi chérie s’il te plait !! 
- Ne me dis pas de me calmer !! Tu es la ! Tu me souris alors qu’on a perdu notre bébé ?!?
- Chérie je suis aussi triste que toi mais c’est juste que…
- C’est juste que quoi ? Tu es triste et puis tu me souris ??? Tu es sur que tu vas bien toi ? Dis plutôt que tu te réjouis !

Il ouvrit grand ces yeux étonnement. 
Ma tante me dit un truc que je n’entends pas tellement je suis lancée dans mes attaques.
- C’est toi le responsable ?!? Assassin ! Tu voulais t’en débarrasser pour pouvoir…

CLAP !

Ma tante venait de me coller une gifle monumentale sous le regard de toute l’assistance.  J’étais encore plus en colère. Je voulu me lever pour sortir de cet endroit de malheur, mais Karim m’en empêcha. 
- Docteur faites quelque chose !
- Infirmière ! Appela ce dernier
Une infirmière entra immédiatement avec une seringue contenant un calmant, Karim et le Docteur l’aidèrent à m’immobiliser pendant qu’elle me piquait. 

Et ce fut un autre trou noir…

***

Je me réveillais au milieu de la nuit Karim était en face de moi sur le fauteuil en train de somnoler, voyant mes yeux s’ouvrir il se redressa immédiatement ! 
- Hey... chérie !!

Le voir me rappela tout et je me mis à pleurer.
- Pourquoi Karim ? Pourquoi cela m’arrive à moi ? 
- Ce n’est pas juste à toi que ça arrive mon cœur… c’est à nous.

Il me laissa pleurer un long moment dans ses bras, puis quand je fus un peu calmée redressa mon visage et me regarda dans le blanc des yeux. 
- Cet enfant avant même sa naissance je l’aimais déjà de façon si intense tout simplement parce qu’il était fait de toi et de moi, saches que sa perte me fais autant mal à moi, même si la douleur d’une mère semble inégalable. Mais nous sommes des musulmans Racky et un musulman croit au destin le bon comme le mauvais, certes ça fait mal mais ressaisies toi je t’en prie ! 
- Nous sommes des musulmans ? Nous sommes des musulmans sérieux Karim ? Quel est ce Dieu qui ôte la vie à un si petit être et laisse ses parents dans la douleur ? Et toi quand tu couchais avec une femme euh non avec une pute ? Où était ta foi musulmane ? 
- Tu déformes tout Racky ce n’est pas ce que je voulais dire, j’ai beau être un musulman je suis un être humain… avec des faiblesses !
- Sois sur que moi aussi ! Alors laisses moi exprimer ma douleur pour nous deux car telle est ma faiblesse, je n’ai pas envie de croire au destin pour le moment. 

J’étais amer et à cet instant j’avais envie de jeter ma colère sur quelqu’un et lui était là, malheureusement… Après une longue nuit à pleurer dans la chambre d’hôpital avec Karim boudant dans son coin, c’est à peine si le matin on s’est dit bonjour à son réveil. Il prit une douche et pendant ce temps l’infirmière vint m’apporter le petit déjeuner et les médicaments que je refusais bien évidemment de prendre.
- Il faut que tu manges ! M’intima Karim
- Sa yoni nekoul ci ! 
- Bien sûr que ça me regardes tu es ma femme !

A ces mots je le foudroyais du regard et il se tut. Tante Alima rentra à ce moment.
-Assalamou aleykoum ! 

Karim répondit mais moi non ! Ce qui l’énerva ! 
- Tu vas bien Karim ? 
- Alhamdoulilahi 
- Vous avez pris votre petit déjeuner ? 
- Elle refuse de manger et de prendre ses médicaments. 
- Anh ?! Racky ?

Aucune réponse de ma part j’avais le dos tourné. 
- Racky man douma sa morom dengue ?! Quand je te parle tu me réponds tu m’entends ?

Au son de sa voix je sentis qu’elle était vraiment énervée et que j’avais plutôt intérêt à répondre.
- Oui yaye ! 
- Quand je dis Assalamou aleykoum tu me réponds !!
- Oualeykoumou salam yaye ! 
- Mogueun ci yo !! Maintenant tu te lèves et tu me prends ce petit déjeuner et tes médicaments !! Tu penses que toutes ces années je me suis occupée de vous pour que tu viennes te laisser mourir ici ! Mougneu !! 
- Ca va tante ne soit pas trop dure avec elle s’il te plait… 

Je me redressai et me mis à picorer mon petit déjeuner sous le regard menaçant de ma tante puis elle m’accompagna prendre une douche.  Karim était resté tout ce temps dans la chambre dans son coin sans piper mot.  Vers 11h le médecin passa pour nous expliquer la situation. 
- Bonsoir tout le monde, madame Seye je suis désolée pour votre perte. Vous pourrez rentrer chez vous dès demain mais j’aimerai vous revoir dans un mois si possible pour faire des analyses complémentaires car j’ai cru déceler quelque chose...
- Quelque chose comme quoi ? demande Karim inquiet
- Nous en saurons plus après les examens ! 
- Merci Docteur
- Pas de quoi à bientôt ! 

Le Docteur sortit et Karim le suivi. Ayant laissait la porte entre ouverte, je perçu leur conversation. 
- Docteur s’il vous plaît ma femme à réagit de façon plutôt brutale, est-ce normal ?
- C’est tout à fait normal Mr Seye, il ne faut surtout pas la brusquer et lui laisser du temps. Je suis prescrirais des antidépresseurs à faible dose si cela peut vous rassurer. 
- Oui oui Docteur s’il vous plait ! Encore merci ! 

Vers 15h un petit défilé de personne s'enchaîna, Lamine, Coumba, la mère de Amadou chacun avec un mot se voulant réconfortant mais moi je ne les écoutais pas j’avais bien trop mal pour ça. 
La vie de la femme sénégalaise. 
Une femme est censée restée vierge jusqu’au mariage pendant que l’homme fait ce qu’il veut parce que il n’y a pas de trace. Une fois mariée s’il ne te trompe pas après des années de mariage, il t’emmène une Co épouse et tout ce que l’on te dira c’est ‘mougneu’. 
Je détestais ce mot !! Cela signifiait en d’autre terme c’est le destin genre supporte quoi !! 

***

Je passais une nouvelle nuit à pleurer si bien que le lendemain j’eus du mal à me lever tôt. A l’heure du petit déjeuner l’infirmière dut me réveiller gentiment. Tante Alima arriva peu après et m’aida à prendre ma douche, Karim signa les papiers de sortie et je tournais le dos à cet endroit rempli de mauvais souvenirs !  A notre arrivée à la maison Coumba nous y attendait. 
- Bonne arrivée à vous !

Elle m’aida à descendre et à rentrer dans la maison, je me dirigeais direct vers la chambre d’amis 
- Tu ne vas pas dans notre chambre ? Me demande Karim
- Non ! Elle me rappelle de trop mauvais souvenirs ! 
- Tu veux donc que je te rejoigne ici et qu’on s’installe dans cette celle-ci ?
- Non Karim ! Pour le moment je préfère que tu dormes là-bas et moi ici j’en ai besoin ! 

J’avais presque crié et Coumba était devant la porte et me regarda avec un air réprobateur. 
- Je suis désolée… lachai-je entre les dents 
- Je pensais rester ici quelques jours si ça ne vous dérange pas comme ça je pourrai m’occuper de toi Racky et Karim tu pourras reprendre le travail l’esprit tranquille. 
- euh je ne sais pas si…
-Oui restes ! Coupai-je la parole à Karim
- Que décidez-vous alors ? Je vous laisse seuls un peu… 

Elle sortit 
- Je ne sais pas si c’est une bonne idée Racky, tu ne crois pas que l’on devrait surmonter cette épreuve à deux ? Se consoler mutuellement ? 
- Non !! Tu seras au boulot et moi je serai seule ici ! 
- Mais je peux prendre un congé ! 
- Toi et moi savons bien que non ! Tu en as trop pris ces derniers temps ! De plus j’ai besoin d’un membre de ma famille Karim, s’il te plaît c’est tout ce que je te demande. 

Il sortit à son tour de la chambre en grognant je ne sais quelles paroles et alla rejoindre Coumba au salon. 
- Alors qu’avez-vous décidés ? 
- Tu peux rester le temps qu’elle se remette un peu, vous dormirez donc ensemble dans la chambre d’amis
- Et toi tu comptes dormir seul ? 
- Je n’ai pas le choix, c’est elle qui décide ! 
- Je suis désolée Karim…
- Tu n’as pas à t’excuser ! Je veux juste que le temps fasse son travail et que je puisse retrouver ma Racky joyeuse. 
- Incha’Allah ne t’inquiètes pas, sois juste patient. 
- Merci pour tout ! 

Coumba avait fait le déjeuner et je refusai d’aller manger au salon avec eux, elle m’apporta mon repas dans la chambre et me surveilla pour que je mange, puis elle me donna mes médicaments et je m’endormis presqu’ aussitôt. 

Les jours passaient ainsi, rythmés par les repas et la prise des médicaments, j’étais toujours aussi agressive et aigrie vis-à-vis de Karim et je sentais que sa patience s’épuisait peu à peu, on en était arrivés à ne même plus se parler. Il sortait tôt et rentrait tard pendant que moi je ne quittais pas le lit assommée par les médicaments, je détestais prendre des douches car c’est à ce moment que je pouvais voir cette tache brune qui divisait mon ventre en deux souvenir de cet enfant. 

Un mois passa ainsi et il fallait retourner voir le docteur. Ce matin-là Coumba me supplia presque pour que je me douche et ce n’est que le coup de fil menaçant de tante Alima qui me fit aller prendre cette douche. Elle était venue chaque vendredi pendant un mois et pendant cette seule journée j’étais la plus docile possible. Quand je finis de me laver je décidai d’aller au salon attendre Karim qui devait m’accompagner chez le médecin. Je le vis ranger son tapis de prière. 

Donc il avait recommencé à prier ? Tant mieux pour lui. Si seulement il l’avait fait plus tôt mon enfant serait peut-être encore là. 

Il sortit de la chambre et nous voilà en route pour l’hôpital, silence dans la voiture. Une fois à l’hôpital on attendit une heure de temps avant que le Dr ne nous reçoive.
-Bonjour Mr et Mme Seye, asseyez-vous ! Bon, suite aux analyses je tiens à être direct, j’avais remarqué une petite déformation au niveau de votre utérus et c’est cette dernière qui semble être la cause de l’interruption de votre grossesse. Malheureusement, cela va également fortement impacter votre capacité à concevoir à nouveau. Je vais devoir vous mettre sous surveillance, mais je ne vous recommande pas de tomber enceinte pour le moment, sinon vous risquez d’être à nouveau confronté à un échec ! 

Je l’entendis vomir son jargon médical pendant que Karim demandait des explications plus claires, moi je n’étais plus avec eux. 

Pourquoi le sort s’acharnait-il autant sur moi ? Qu’avais-je bien pu faire pour mériter cela ? Etait-ce ma vie de prostituée qui me rattrapait ? Telle était ma punition ? Je ne serai donc jamais mère ? 

Tant d’idées et d’émotions me submergèrent en même temps que je ne pu contenir le flot de larmes qui sorti de mon corps…

Lep ci Racky