Partie 15

Ecrit par Ornelia de SOUZA

Je me servis un verre de whisky sec et je le descendis d'un trait. Amélie m'observait au loin, une expression de reproche accrochée au visage. Elle n'aimait pas me voir boire mais ces temps-ci, je ne pouvais pas m'en empêcher. Je n'arrivais plus à gérer les différentes pressions que je subissais de part et d'autre. Inès m'avait confirmé sa grossesse et je m'étais plus ou moins fait à l'idée d'avoir un enfant d'elle mais je n'acceptais pas encore les allégations de Mélaine. J'avais depuis cet guet-apens dans ma maison familiale reçu plusieurs appels de menaces de la part d'Ashley. Elle voulait que j'épouse Mélaine et ne manquait aucune occasion de me rappeler que je serais aussi lâche que mon père si je n'accomplissais pas ses volontés à elle. Elle me tiendrait aussi pour responsable s'il arrivait quoi que ce soit à notre mère selon ses dires. J'en avais tout simplement marre et je me refugiais de temps en temps dans l'alcool. J'avais déjà manqué plusieurs de mes thérapies et il m'arrivait de boire pour ne pas avoir à me réveiller dans la nuit.


-Je ne supporte plus ça Carin... Tu ne vas pas ajouter l'alcool à ta maladie j'espère ?

-Tu sais bien que je ne suis pas alcoolique ; dis-je en me servant un autre verre. Je sais parfaitement me contrôler.

-Très bien; murmura t-elle semblant déposer les armes. Tu vas être en retard pour ta séance d'aujourd'hui...

-Non, aujourd'hui je n'y vais pas. Je dois faire passer des test à cette menteuse de Mélaine.

-Là c'en est trop Carin; s'emporta Amélie. Tu te trompes de priorités. Si cette folle est vraiment enceinte, tôt ou tard son ventre s'arrondira alors je ne comprends pas pourquoi tu t'en occupes autant.

-Mais tu ne vois pas la pression que ma famille me met Amélie ; rétorquai-je. Je dois m'occuper de tout ça avant de me concentrer à nouveau sur mon traitement.

-Alors il faut que tu partes! lâcha t-elle d'une voix à peine audible

-Pardon? dis-je ne comprenant pas sa phrase.

-Si je t'héberge ici, c'est uniquement dans le but que tu te soignes mais vu que cela t'importe peu, tu n'as plus rien à faire ici.


Un rire nerveux m'échappa avant que je ne vide mon verre cul-sec. Elle n'allait pas m'abandonner maintenant. Je n'arrivais pas à croire tout ce qui me tombait sur la tête. Amélie était sensé me comprendre et m'épauler et là, elle me virait de chez elle uniquement parce que je ne faisais pas ce qu'elle désirait.


-Espèce d'égoïste ! l'insultai-je hors de moi

-C'est toi l'égoïste; me dit-elle immédiatement. C'est toi l'égoïste de ne pas penser à moi, à Inès et à ta mère. C'est toi l'égoïste de ne pas te soigner pour nous. Carin, même si les autres l'ignorent, moi je sais de quoi tu es capable et j'ai peur de te voir aller plus loin. J'ai peur parce que je sais que tout ça finira mal si tu ne fais pas quelque chose. Je ne veux pas être témoin de ta perte.


Je pressai si fort le verre que je tenais qu'il éclata m'entaillant la main. Rien de ce qu'elle donnait comme argument ne me semblait valable. Tout ce que je voyais et qui me mettait dans une rage folle, c'était qu'elle m'abandonnait. 

Elle s'approcha de moi inquiète mais je reculai d'un pas. 


-Je me barre de ta pauvre baraque; dis-je plus amère que jamais. Mais je ne veux plus jamais te revoir de ma vie.


Je tournai alors les talons et je sortis de l'appartement en serrant les poings incrustant les débris de verre dans la paume de ma main. Je ressentais à peine de la douleur alors que je saignais. Je pris le volant de ma voiture, direction l'hôpital pour mettre fin aux mensonges de Mélaine et pour la sortir définitivement de ma vie. Comme je venais de le faire avec ma petite Amélie, pensai-je avec un léger pincement au cœur.


Une fois dans le hall, je fus immédiatement interpellé par Roland. Il me prit par le bras et m'obligea à le saluer. Je dévisageais chaque personne présente dans le hall dans l'espoir d'apercevoir Mélaine. 


-Mon cher ami, cela fait un petit moment... commença Roland

-Excuse moi Roland; dis-je coupant court à son élan. Je cherche quelqu'un...

-Je sais qui tu cherches; murmura t-il en se rapprochant de mon oreille droit. Elle est dans mon bureau avec ta sœur. Je suis au courant de toute l'histoire et il vaudrait mieux qu'on gère ça dans le calme. Suis moi.


Je fronçai les sourcils suite à son ordre puis je le suivis. J'avais toujours soupçonné Roland et Ashley d'avoir une relation. Je pensais même que cette relation était la cause du divorce imminent de ma sœur mais ces histoires là ne me regardaient pas. Et je ne supportais pas qu'au nom de cette relation, Ashley expose ma vie à l'un de mes collègues. Roland ouvrit la porte de son bureau sur une Mélaine en sanglots que Ashley réconfortait une fois de plus. Je me dirigeai immédiatement vers les deux femmes dépassant Roland et je m'adressai à Mélaine.


-Tu ferais mieux de dire la vérité maintenant parce que aujourd'hui que tu le veuilles ou non, ce sera la fin de tes manigances.

-Éloignes toi d'elle! intervint Ashley en faisant une fois de plus barrière.

-Écoute Carin; lança Roland. Il faudrait mieux que je m'occupe de ça.

-NON! criai-je en me retournant. C'est à moi d'examiner cette menteuse et de révéler son mensonge au grand jour.

-Tu n'es pas assez calme pour t'occuper de ça ; continua Roland. Ce n'est pas...

-Je te dis que je m'en chargerai alors...

-Tu ferais mieux de l'écouter; dis Ashley

-Tu n'es pas en état mon ami; reprit Roland. Laisse moi faire et aies confiance. Je révélerai la vérité au grand jour mon ami.


D'une part, il avait raison. Être jeté dehors par Amélie m'avait énormément rendu nerveux et j'étais capable d'agresser Mélaine en l'auscultant. D'autre part, Roland faisait partie des rares amis que j'avais et il ne m'avait jamais déçu. Je pouvais donc aisément lui faire confiance. Je ne voulais pas créer un scandale alors sans un mot, je sortis du bureau de Roland pour me réfugier dans le mien qui était inoccupé à cet instant-là. Je patientai ainsi dans un stress qui ne disait pas son nom jusqu'en fin de journée. D'habitude les résultats de la prise de sang prenait plus de temps mais je savais que Roland étant le gynécologue principal pouvait accélérer les choses. J'avais largement eu le temps de vider une bouteille de Rome qui trainait dans l'un des tiroirs de mon bureau, de m'endormir et de me réveiller. Un bruit contre la porte de mon bureau retentit et je me redressai avec un ouf de soulagement.


-Entrez! lançai-je touchant du doigt ma libération émotionnelle. 


La porte s'ouvrit et Roland entra premièrement suivie de près par Ashley et Mélaine. Il tenait une enveloppe en main et rapidement je conclus qu'il s'agissait des résultats du test. 


-Tiens mon ami; dit-il en me tendant l'enveloppe. Je te laisse lire toi-même les résultats.


Je lui arrachai presque l'enveloppe des mains avant d'en sortir le papier sur lequel était inscrit les résultats. Je parcourus le papier des yeux et là, horreur. Non seulement les résultats étaient positifs mais le nombre de semaines correspondait à notre supposé "rapport". Non, ça ne pouvait pas être vrai. Je rêvais. Je lus une fois de plus le papier avant de le poser dégoûté sur mon bureau. J'attrapai ma tête avec mes deux mains et le ricanement de Ashley me parvint à peine.


-Et maintenant? commenta t-elle. Tu vas continuer à nier tes actes?


J'étais presque sûr que cet enfant n'était pas de moi mais je ne pouvais pas le prouver maintenant. Roland m'observait, incrédule attendant une quelconque réaction de ma part. Sur le point de m'effondrer, je ressentis enfin la douleur des débris de verres présents dans la paume de ma main.


-SORTEZ D'ICI! hurlai-je à pleins poumons. SORTEZ D'ICI!


Roland me jeta un regard triste avant de convaincre Ashley et Mélaine de le suivre hors de mon bureau.


-Pauvre homme! me lança Ashley avant de refermer la porte derrière elle


Je glissai aussitôt de mon siège vers le sol sous mon bureau. Je ne pouvais plus retenir mes larmes. J'etais incapable de contrôler la tristesse qui m'envahissait. J'hurlai d'un cri sourd avant de me recroqueviller sur moi-même sous mon bureau. Je perdais une fois de plus le contrôle.


*******

(Mélaine)


Je ne pouvais m'empêcher de sourire car j'avais remporté une importante bataille. Cela n'avait pas été facile mais maintenant Carin et toute sa famille étaient convaincues que je portais vraiment un enfant de lui. J'avais pris des risques hors-normes et ils avaient payé. Il ne restait plus qu'à convaincre Carin de m'épouser, ce qui aurait été plus facile si cette défigurée d'Inès n'avait pas été enceinte. Néanmoins, je ne craignais plus cette femme et sa grossesse car j'avais un plan solide et le soutien de la famille de Carin.

J'avais d'ailleurs été invité à un dîner familial par Ashley et j'avais été surprise par la présence de Roland mais j'étais tout de même très heureuse d'être à cette table. La mère de Carin était aux petits soins avec moi et tentait de gaver son "petit-fils" à travers moi comme toute grand-mère. 


-Non, merci maman; dis-je une énième fois alors que la mère de Carin me proposait de reprendre une portion de tel met.


Roland comme à son habitude se goinfrait ignorant la présence du reste de la table. Il mangeait comme si sa vie en dépendait pendant qu'Ashley l'épiait du regard. J'avais de plus en plus l'impression que ces deux-là couchaient ensembles même si Ashley m'avait dit qu'elle était une femme mariée et heureuse dans son foyer. Quoique le mariage n'empêchait rien. Je ne pouvais compter le nombre d'hommes mariés avec lesquels j'avais couché.

Irina, l'autre sœur de Carin par contre ne m'appréciait pas vraiment. J'avais clairement l'impression qu'elle se méfiait de moi et cela n'arrangeait pas mes affaires. La famille au grand complet devrait encourager Carin à m'épouser car s'il recevait un seul soutien contraire, mes plans risquaient de ne jamais aboutir. 

J'étais sur le point d'apostropher Irina lorsque Carin fit son entrée dans la pièce. Je ne m'attendais pas à le voir et de plus, pas dans cet état. Il était totalement débraillé avec une barbe mal taillé et une chemise froissée à laquelle il manquait deux ou trois boutons. Il ne tenait pas vraiment debout et ses yeux rouges lui donnaient un air effrayant. Il avança de quelques pas et l'odeur qu'il dégageait me provoqua un haut le cœur. Il était incontestablement soûl. 


-Que fais-tu ici? demanda sa mère en se levant de son siège.

-Je... Je... Je viens... Je viens...balbutia Carin

-Tais-toi! cria Ashley. Tais-toi et respecte notre mère. Comment oses-tu te présenter ici dans cet état ? Sors d'ici!

-Tais-toi! hurla à son tour Carin en se rapprochant de sa sœur.


Il s'arrêta à son niveau et s'adressa à elle.


-Laisse moi tranquille espèce de vieille aigrie! Vis ta vie et laisse moi tranquille!


Sa sœur aînée se leva pour se mettre à sa hauteur.


-Je ne vais jamais épouser cette femme; dit-il en me désignant de l'index

-Fais ce que tu veux pauvre mec mais je ne te laisserai pas tuer notre mère.

-Contrôle toi Carin! intervint leur mère à l'autre bout de la table


Je n'avais jamais vu Carin dans cet état mais cela ne m'effraya guère. Bien au contraire, cela témoignait de sa faiblesse. Un homme toujours bien soigné qui se laissait aller pour de telles raisons ne pouvait pas résister bien longtemps à la pression familiale.


-Carin; tentai-je. Calme...

-Tais-toi! m'arrêta t-il. Penses-tu que tu as droit à la parole dans la maison de mon père ?

-Mais...

-Tais-toi! grogna t-il. Vous êtes toutes des sorcières. Maman, tu me déçois tellement. Tu ne crois plus en ton fils.


Je sentais presque son souffle chaud de rage. Était-ce moi qui provoquait tant de colère en lui? 

Sa mère nous lança un regard à Roland et à moi puis baissa la tête de honte. Cette femme si hautaine et suffisante n'acceptait donc pas que son fils l'humilie de la sorte.


-Carin; dit-elle d'une voix ferme en relevant la tête. Tu m'as assez fait honte. Ici, c'est et ce sera toujours ta maison mais aujourd'hui tu m'obliges à te demander de sortir. Tu reviendras lorsque tu...

-Tu me jettes hors de votre maison? sembla s'offusquer Carin.

-Il s'agit aussi de ta maison mais tu n'es pas en état de...

-En état de quoi maman? questionna t-il. En état de quoi? De jouer au fils parfait que tu as mis au monde? Je m'en vais mais comprends que je n'y mettrai plus pied. Je n'épouserai pas cette femme que tu tentes de m'imposer.

-Tu n'épouseras pas non plus cette défigurée; fit la mère de Carin suscitant la stupéfaction de tous. Je répète mon fils que tu n'epouseras pas cette défigurée qu'elle porte ton enfant ou non. Ton choix, c'est de t'en aller et de ne plus remette les pieds ici? Très bien! Grand bien te fasse mais n'espère surtout pas revoir ta mère vivante. Au revoir!


Elle se leva et sortit de la salle sans un mot et sans un regard à qui que ce soit. Carin sous le choc du monologue de sa mère resta silencieux. Il balaya la salle du regard avant de se retourner et de se diriger vers le salon. Je me levai immédiatement pour le suivre. C'était l'occasion ou jamais d'exécuter la partie suivante de mes plans. Je l'interpellai dans le salon mais il ne s'arrêta pas. Je finis pas le rattraper dans le vestibule et il me repoussa automatiquement.


-Lâche-moi! siffla t-il

-Pourquoi fais-tu du mal à ta mère par ma faute? attaquai-je. Assume juste tes responsabilités et arrête de te comporter comme un enfant.

-Un enfant? Dit la menteuse! ironisa t-il

-Je ne mens pas; persistai-je. Tu refuses d'accepter l'évidence à cause d'Inès mais cette fille ne te mérite pas.

-Ne parle pas d'elle; dit-il encore plus énervé. Tu ne peux pas te comparer à elle...

-Je ne me compare pas! le coupai-je. Je ne suis pas non plus une sainte mais arrête d'idéaliser cette femme. Elle n'est pas aussi parfaite que tu le crois. Tu ne la connais pas.

-Et toi tu la connais ? demanda t-il en ricanant.

-Mieux que toi visiblement ; dis-je totalement sûr de moi.

-Et que sais-tu ? demanda t-il un sourire moqueur aux lèvres.

-Cette femme a déjà porté un enfant... Que dis-je?Elle est déjà mère. Comme elle te colle cette grossesse, elle l'a déjà fait avec quelqu'un d'autre qui lui a été assez malin pour ne pas se laisser tromper. Carin, elle est mère et je suis sûr qu'elle te l'a caché pour te mettre le grappin dessus.


La dernière partie de ma révélation était bien évidemment fausse mais Carin lui, ne le savait pas. Je ne savais rien concernant les circonstances de la naissance de la fille d'Inès mais parfois il est nécessaire d'édulcolorer les choses pour qu'ils aient plus d'impacts.

La tête que Carin fit me rassura sur le fait que ma flèche avait touché sa cible. Il fallait impérativement qu'il arrête d'idéaliser cette défigurée.


-Et tu penses que je vais te croire ainsi Mélaine ? Je sais déjà quelle genre de serpent venimeux tu es alors économise ton venin. Il n'a plus d'effet sur moi.

-Si tu ne me crois pas, demande lui Carin... Demande lui.


Son sourire moqueur venait de s'effacer. Il ne connaissait pas Inès aussi bien qu'il le pensait. J'étais fière de la manière dont j'avais déplacé mes pions. Avec son petit mensonge, Inès venait de se condamner et de perdre la confiance de Carin. Je savais exactement à quelle moment glisser cette histoire d'enfant caché dans les oreilles de Carin et impulsif comme je le decouvrais, il était fort probable qu'il arrête d'envisager une quelconque union avec la défigurée.


-Je ne te crois pas Mélaine et c'est la dernière fois que tu parles d'Inès. Tu ne lui viens pas à la cheville alors abstiens-toi de prononcer son prénom à nouveau.


Je souris en l'observant sortir du hall totalement éméché. Malgré ses mots, je savais que j'avais semé le doute dans son esprit.


-Alors? dit Roland dans mon dos. Tu as pu calmer ton fou?

-Shut! fis-je agacée. On peut t'entendre...

-Non, l'idiot a plombé l'ambiance du dîner. Les filles ont rejoint leur mère pour la réconforter alors nous sommes tout seuls.


Il m'attrapa par la hanche pour appuyer ses mots et je me dégageai aussitôt de son emprise. 


-Pas ici! N'importe qui peut nous surprendre.

-Tu as raison; murmura le pervers. Alors dis moi où et quand?

-Je ne sais pas où mais quand je serai mariée à Carin.


Il souffla de lassitude avant que je ne change de sujet.


-Te souviens-tu de notre discussion ? 

-Laquelle?

-Par rapport à la grossesse de la défigurée ; répondis-je. 

-Je ne veux pas me mêler de cette histoire Mélaine. Je connais très bien des hommes pour faire ce boulot mais je ne vais pas...

-Je n'ai pas besoin de toi. J'irai moi-même réglé les détails alors oriente moi tout simplement.


Ma décision était prise. Bientôt Inès ne serait plus un obstacle. Ni elle, ni le bâtard qu'elle porte.


Entre coups et amour