Partie 19 : Les nuages se dissipent

Ecrit par Fleur de l'ogouée

Gregory

Elle n’a toujours pas répondu à mon message, je me sens vraiment bête d’avoir agis de la sorte hier soir, ce n’était pas de sa faute, j’ai bien vu comment cet idiot de Wilfried s’est installé sans qu’elle ne lui donne la permission. Elle et moi étions tous deux les victimes d’une présence désagréable mais j’ai laissé mon égo prendre le dessus. En me réveillant j’ai appelé mais elle n’a pas décroché, je ne peux pas arriver chez ses parents comme ça sans invitation, je vais lui laisser le temps de décolérer et je vais la rappeler plus tard. Un samedi sans saveur, les filles sont allées à moutouki (à la friperie) pour trouver quelque petites pièces, le dernier est allé au foot, depuis que j’ai réaménagé ici il commence à se calmer, fini les sorties à pas d’heure, les fréquentations douteuses et l’alcool à outrance, on a pu discuter à cœur ouvert, il voudrai faire une formation en boulangerie pâtisserie. J’en ai discuté avec maman et les plus grands, Sindy a déjà trouvé un centre de formation, c’est une institution catholiques gérée par des sœurs donc le prix d’inscription et les mensualités sont assez peu élevés, la prochaine session aura lieu dans 2 mois, on va se serrer la ceinture pour qu’il puisse commencer les cours.

Je fais la lessive silencieusement vu que je suis seul et je n’arrête pas de penser à la soirée d’hier, j’ai bien vu comment les deux la regardaient avec envie, c’est une très belle femme, qui prend soin d’elle, est coquette, intelligente et en plus vient d’une bonne famille, les hommes la désireront toujours c’est un fait. Si je ne suis pas capable d’assumer cela il vaut mieux que je me retire de la course, a-t-on déjà vu un diamant étincelant ne pas être convoité par les bijoutiers ?

Je n’ai pas encore l’argent pour le champagne, pour les grands restaurants, pour les voyages mais je sais que je suis une bonne personne, que par mes qualités je pourrais combler une femme. Mais est-ce suffisant pour une femme comme elle ?

 

Tania

Mr Ndong est allé chercher Romain à son hôtel, j’ai tellement peur de me retrouver seule avec lui, il sait être convainquant ce sale type. Ils ne tardent pas à arriver, nous nous installons dans un des bungalows, papa et tonton Uche sont dans son bureau tandis que maman et tantine parlent chiffons dans l’un des salons, nous attendrons qu’ils finissent pour passer à table.

-Je pensais qu’on serait que tous les quatre, que ton oncle et sa femme soit là me met la pression

-La pression pourquoi ? Ils savent que nous ne sommes plus ensemble, tu n’as aucun souci à te faire

-Taï sérieusement, ne dis pas que tu ne repenses jamais à nous, ne dis pas que tu n’imagines même pas que les choses puissent reprendre entre nous et franchement, un garagiste ? Un vulgaire mécanicien, si c’est pour le sexe je peux comprendre mais ne me dis pas que tu penses sincèrement te caser avec un homme de ce niveau social là, je te connais tu aimes les belles choses et tu es une adepte des marques de luxe, pourra-t-il t’en offrir ?

Avant que je puisse répondre nous sommes appelés à table, nous déjeunons dans la grande salle à manger, la table est soigneusement dressée, la nourriture sent divinement bon. Romain a enfin l’opportunité de saluer les parents, papa semble heureux de le voir et maman a affiché un sourire de façade, oncle Uche et sa femme ne l’avaient vu qu’une fois donc ils ne se souviennent pas vraiment de lui, nous nous installons paisiblement, lui en face de moi comme a voulu maman.

Le repas se passe bien, la discussion est tournée sur des banalités rien de bien sérieux, je me contente de manger silencieusement et d’interagir quelques fois à coup de monosyllabe. Une fois le dessert fini nous allons tous au boudoir de maman pour prendre thé, café ou cognac pour papa et tonton Uche. Puis papa a posé la question qu’il ne fallait pas

-Dis-moi mon petit Romain on ne t’as plus vu depuis des lustres, qu’est-ce qui t’emmènes au Gabon ? Le business ?

-Non monsieur Boussougou quoi que l’un de mes amis d’université aimerait bien que j’investisse dans sa société. Je suis ici pour Tania

J’ai envie de m’étouffer, non je commencerai par l’étouffer ensuite je m’étoufferais. Papa n’étant pas le genre à fouiner a répondu « ça ce sont vos histoires de jeunes alors » et a changé de sujet, je remercie infiniment l’univers à ce moment-là. Lorsque tous les sujets de conversation sont enfin égrainés tonton et tantine prennent congés, ainsi maman et papa se retirent pour les raccompagner tandis que Romain et moi restons là.

-Romain je pense qu’à côté du mot culot dans le dictionnaire se trouve ta photo, tu es vraiment sans gêne

-On parle de quoi exactement ?

-De tout, tu débarques au Gabon la bouche en cœur pour essayer de faire en sorte que l’on se remette ensemble, ensuite accompagné de ton salopard d’ami vous faites tout pour que je passe la pire des soirées avec mon petit ami et enfin tu oses dire devant mes parents que tu es là pour moi, n’a tu pas de limite ?

-Mais écoute toi, bientôt tu m’accuseras de créer les guerres et les tsunamis, qu’ai-je fait de mal ? C’est mal de se rendre compte qu’on a assurément laisser partir l’amour de sa vie ? C’est mal d’essayer de la reconquérir ? Je ne comprends pas pourquoi tu ne te sens pas flattée

-Me sentir flattée ??? Mais tu divagues mon cher ami, si tu es amnésique laisse-moi te rafraîchir la mémoire. Tu m’as largué, reprise, puis relargué, avant d’épouser une parfaite inconnue quelques semaines plus tard, tu sais le nombre de séance chez la psy qu’il m’a fallu pour me sortir la tête de l’eau ? J’avais perdu toute estime de moi, j’étais froide et sans cœur, obnubilé par la peur de revivre une histoire similaire. C’est trop facile de venir ici et de faire comme si tu n’avais pas fait de ma vie un enfer

-J’ai longtemps hésité à te contacter pour m’excusé, tout de suite après mon mariage j’ai su que j’avais fait une erreur, j’ai épousé une folle qui se shootait aux antidépresseurs et qui a fait de ma vie un enfer. J’ai compris avec le temps que te laisser partir avait été ma plus grande erreur dans cette vie et j’ai décidé de venir tenter le tout pour le tout, si je n’étais pas venu je me serais posé trop de question. Je peux comprendre que tu as tourné la page mais j’ai besoin de toi

Je ne sais pas à quel moment il s’est rapproché de moi, il a posé ses lèvres sur les miennes, mis ses bras autour de ma taille et le temps s’est arrêté, stupide, tu es stupide me répète mon cerveau. Cet instant n’a duré que quelques secondes avant que je me dégage de son étreinte, je ne suis pas un jouet, il n’a pas le droit de me faire cela.

-Ecoute Romain tu as fait beaucoup de kilomètres c’est bien mais toi et moi ce n’est plus possible, je sais que dans le fond tu n’es pas une mauvaise personne mais le vide que tu cherches à combler ou le passé que tu cherches à revivre ce ne sera pas avec moi. Je suis avec Grégory maintenant, il n’a pas eu la chance de grandir avec la cuillère en or comme toi et moi mais il a énormément de qualités humaines. Que cette relation marche ou pas, ça ne changera rien au fait que la notre soit terminée, j’ai été comme toi obnubilé par les titres, par l’argent et par la profession mais celle que je suis aujourd’hui s’intéresse aux personnes avant de regarder le matériel. Tu m’avais dans ta vie, j’étais éperdument amoureuse de toi au point de te pardonner tes infidélités, de mettre ma vie en pause pour t’accompagner dans ta cure de détox, au point d’attendre inlassablement que tu me reviennes, au point de vouloir le pire pour ta femme et toi mais aujourd’hui j’ai avancé, j’ai muri, je suis devenue plus forte. Merci d’être venu, j’ai enfin pu te dire ce que je gardais dans mon cœur depuis toutes ces années néanmoins le déplacement est vain, tu n’auras pas gain de cause.

Nous restons silencieusement assis l’un à côté de l’autre pendant quelques minutes, puis il se lève et je fais de même pour le guider vers la sortie. J’ai commandé une voiture avec chauffeur sur une application de taxi à la mode et je le raccompagne jusqu’au portail où nous nous disons au revoir.

-Je garderai en mémoire la femme que tu es, exceptionnelle dans tous les domaines, je le vois dans ta manière dans ton langage non verbal que tu as assurément plus confiance en toi et plus mature. Aucun autre homme ne fera la bêtise que j’ai fait, t’avoir laisser partir a été la plus grande erreur de ma vie. Je m’excuse de t’avoir brisé le cœur dans le passé, je m’excuse de t’avoir abandonné, tu mérites quelqu’un qui t’aimes, te respecte, te chérisse et te soit fidèle, Tania je ne t’oublierais jamais

Nous nous enlaçons avant qu’il monte dans son taxi qui s’est garé quelques secondes plus tôt, j’ai quelques larmes qui roulent sur mes joues. Je ne sais pas pourquoi je pleure, peut-être c’est la joie de voir ce chapitre se fermer réellement, la peur de l’inconnu ou autre chose mais je n’ai pas le temps d’être triste. Retourner avec lui aurait été un choix facile, son père m’aurait assurément donné du travail dans la société familiale, nous aurions emménagé dans un quartier chic de Paris, puis aurions mis un bébé en route après s’être sobrement mariés dans une petite cérémonie laïque entouré de nos proches. Aurais-je été heureuse ? Il dit avoir changé mais dans sa manière d’être, se tenir, de penser rien ne semble avoir changé.

Je rejoins maman dans son boudoir, elle aime s’y réfugier pour coudre ou lire. Elle tricote une énième écharpe qu’elle obligera papa a porté même sous 31 dégré.

-Hey sweet darling, ça pas l’air d’aller fort, vient t’asseoir avec ta petite maman

-ça va maman t’inquiète, je cherche juste mon téléphone

-Tu ne peux pas me tromper, tes yeux sont humides et ton fond de teint a coulé

-Maman j’ai peur que le laisser partir soit une erreur et si c’est vraiment lui l’homme de ma vie ?

-Ecoute babe, je ne dis pas que l’homme parfait existe mais l’homme de ta vie est celui qui t’aimeras et sauras ta vraie valeur, il a peut-être changé mais si ce n’est pas le cas, vous allez revivre la même chose que dans le passé et tu seras à nouveau malheureuse. Ne te laisse pas gagner par la nostalgie et choisi ce qui est bien pour toi, fait le choix qui t’arrange toi

-Tu as raison maman, je suis même soulagée qu’il s’en aille, sa présence a fait remonter beaucoup de souvenirs autant les mauvais que les bons et j’ai pendant quelques minutes été focalisé sur nos bons moments au point d’oublier ce qu’il m’a fait vivre

-Tu l’as beaucoup aimé c’est normal, le contraire de l’amour ce n’est pas la haine mais l’indifférence, aujourd’hui tu n’as pas été indifférente et ne t’inquiète pas c’est normal, on n’oublie pas son premier grand amour du jour au lendemain. Tu es la digne fille de sa mère, je sais que tu feras le bon choix. Même si j’ai dit ne pas l’apprécier, je vais toujours t’épauler peut import le choix que tu feras mais ne te remet pas avec lui par habitude et par sécurité, dans la vie il faut prendre des risques et même en amour il faut prendre des risques

-Merci pour tes conseils maman, je t’aime

Elle m’enlace avant que je ne me dirige vers ma chambre. 

La belle et la bête