Partie 20
Ecrit par Ornelia de SOUZA
-Alors tu aides ton amant à s'échapper? À nous deux maintenant! murmura Carin si proche de moi que je sentais son souffle.
Mon cœur battait la chamade. Roland avait été très malin sur ce coup. Je l'avais très mal jugé. Il m'avait fait plongé avec lui à défaut d'obtenir ce qu'il voulait. Maintenant je n'avais plus aucune porte de sortie. Je n'arrivais plus à réfléchir tellement la peur m'handicapait. Carin ne me ferait pas de quartier et je le savais. Moi qui avait mit tant de temps à gagner sa confiance. Ce salaud de Roland venait de tout me faire perdre.
-Je te parle! cria t-il en me frappant le bras.
-Pitié ! Ne crois pas ce qu'il t'a dit... C'est...
-On a dépassé cette étape Mélaine; dit-il. Tu penses me berner avec tes doux mots? Tes mots de sorcière ? Tes mots de vipère ?
J'eus droit à un autre coup sur le même bras. À quoi jouait-il?
-Arrête ça! Tu me fais mal!
-Ah oui? Tu n'as encore rien vu; fit-il en redressant les manches de sa chemise.
Immédiatement, il saisit ma gorge avec sa main. Il la serra si fort que je manquai de suffoquer puis il relâcha sa prise avant de me foutre un coup de poing sur la joue. Ma lèvre se fendit et le goût du sang m'envahit la bouche. Je n'eus pas le temps de réaliser ce qui m'arrivait que je reçus un coup de tête. Une forte migraine me paralysa toute entière. Carin me poussa sur le lit puis m'observa de haut.
-Regarde toi trainée ! Tes vêtements sont déchirés comme la serpillière que tu es. Je n'arrive pas à croire que je me sois laissé berner par toi. Amélie avait raison. Mon Dieu!
Il semblait dorénavant parler tout seul plutôt qu'à moi. Il se mit à faire des va et vient alors que je me recroquevillais sur le lit. J'avais connu un Carin qui perdait les pédales, qui buvait, qui ne se maîtrisait pas mais je ne connaissais pas ce homme violent à l'extrême. Il fallait maintenant que je sorte de cette maison mais mon corps ne réagissait toujours pas. Je n'étais pas habitué à ce niveau de violence. Il était vrai qu'un homme fou amoureux péterait les plombs en découvrant l'infidélité de sa femme mais Carin n'est pas fou amoureux de moi alors je ne comprenais pas sa réaction.
Je le vis se tenir la tête et se la secouer dans tous les sens en marmonnant des choses que je n'entendais pas. Soudainement il se retourna et monta sur le lit. Il saisit mon cou de sa main gauche puis de sa main droite, il me donna plusieurs coups de poing sur le visage. La plupart de ses coups atterrissait sur mon oeil. Je n'arrivais même pas à hurler car Carin exerçait une assez forte pression sur mon cou. J'avais l'impression que celui ci allait se briser. Je frappai Carin sur le bras pour qu'il lâche mon cou mais il ne les ressentait même pas. J'avais tellement peur pour ma vie que les coups qu'il donnait sur mon visage m'importaient peu. Il fallait qu'il lâche mon cou. Les secondes s'éternisait. Je savais qu'à ce rythme là, je ne survivrais pas. Carin allait me tuer.
Toutes mes forces me quittèrent. Alors que j'étais sur le point de perdre connaissance ou de mourir, Carin me lâcha. Je pris plusieurs bouffées d'air et je fus prise d'une forte quinte de toux. Je venais de passer assez près de la mort.
-Tais toi! grogna Carin en me giflant
Je roulai et je tombai hors du lit pour être loin de lui. J'avais l'impression que mes poumons allaient sortir par ma bouche. Je tentai de me tenir à quatre pattes mais un coup de pied dans l'abdomen me ramena à terre. Carin n'était pas juste. Il me battait comme si j'étais son égal masculin.
-Pitié ! arrivai-je à dire.
-Pitié ?répéta Carin. Pitié de quoi? Tu as eu ce que tu voulais. Épouser le riche héritier Carin. Le voici! Le voici le vrai Carin alors ne te plains pas salope.
À cet instant précis, je versai une larme de désespoir. À cet instant précis, plus rien ne comptait. Ni ce mariage, ni l'argent. Rien ne comptait mis à part ma vie.
-Tu vas me tuer? murmurai-je
-Te tuer? Non! Non! Je ne vais certainement pas me faire enfermer pour toi. Tu n'en vaux pas la peine.
-Je suis désolé Carin; murmurai-je. Rien de ce que Roland a raconté n'était vrai mais je suis désolée. Laisse moi partir et après on va s'expliquer.
-S'expliquer ? S'expliquer de quoi? Tu n'as jamais été enceinte. Dire que je me suis tant culpabilisé pour quelque chose qui n'existait même pas. Tu es une femme méchante Mélaine. Je ne vais pas te laisser nuire à d'autres.
Sur ces mots, il me prit par les cheveux m'obligeant à me lever pour avoir moins mal. Il me poussa en avant pour me faire sortir de la chambre, puis de la maison. Arrivé au dehors, il ouvrit la portière de sa voiture et voulut m'obliger à y entrer. Je me débattis car je ne savais pas où il pouvait me conduire ni ce qu'il pouvait me faire. Je lui donnai un coup de coude dans les côtes et il me lâcha. C'était mon unique chance de fuire. Je me mis à courir sans regarder en arrière. Notre quartier était assez long et je savais que je devrais parcourir une assez bonne distance avant de trouver de l'aide mais je n'étais pas découragé. Au début, j'entendis les pas de Carin dans mon dos mais au bout d'un moment, ils disparurent. Je respirai de soulagement mais je ne m'arrêtai pas pour autant. Un instant plus tard, j'entendis le ronronnement d'un moteur de voiture. Une voiture dans ce quartier? Je tournai la tête pour me rendre compte qu'il s'agissait de Carin. Il s'était tout simplement retourné pour me poursuivre avec sa voiture. L'adrénaline me fit accélérer mais je savais que je ne pouvais pas aller aussi vite qu'une voiture.
-Mon Dieu; hurlai-je. Je sais que je ne suis pas pieuse et que je ne prie pas souvent mais aide-moi, je t'en supplie. Je ferai tout les dons possibles à l'église. Aide moi...
Je n'eus même pas le temps de finir ma prière que la voiture me heurta de plein fouet me propulsant à terre. Carin en descendit et me souleva à demi inconsciente pour me déposer sur la banquette arrière de sa voiture. Alors que le désespoir m'envahissait sur cette banquette, Carin démarra la voiture avec une rage certaine. Il roula pendant un laps de temps alors que je récupérais un peu de force. Je me redressai pour constater qu'il m'avait conduite dans sa maison familiale. Pourquoi? Mais c'était tout de même une bonne chose. Ashley et sa mère, elles allaient m'écouter. Elles allaient me défendre et l'empêcher de me faire subir l'horreur à nouveau.
Il ouvrit la portière et m'ordonna de descendre. Je ne me fis pas prier. Dame Esther descendit les escaliers à notre rencontre mais elle ralentit face à la mine serrée de Carin et à mon état qui ne devait pas être très reluisant.
-Que se passe t-il? hurla t-elle en accélérant le pas vers moi. Ma fille...
-Pousse toi! lâcha sèchement Carin en la déviant de sa trajectoire et en m'obligeant à monter les marches.
La gouvernante n'abandonna pas pour autant. Elle nous suivit en essayant de comprendre ce qui se passait. Carin me tenait comme un maitre qui tenait son chien en laisse ou comme un policier qui tenait un voleur. Dans la salle de séjour, Ashley et sa mère papotaient comme à leur habitude. Elles se retournèrent à notre apparition. La mère de Carin porta sa main à sa bouche pour étouffer un cri. Ashley accourut vers nous et Carin me poussa vers elle. Je m'effondrai dans ses bras fatiguée et elle me retint avant que je ne tombe à terre.
-Carin! cria sa mère. Que s'est-il passé ?
-Mélaine, qui t'a fait ça ? questionna Ashley en me secouant
-C'est moi! lui répondit Carin avec assurance
-Quoi? s'exclamèrent Ashley et sa mère.
-Mon fils, es-tu malade?
-Carin; intervint Dame Esther. Ne dis pas n'importe quoi.
-Esther, taisez-vous et sortez! ordonna la mère de Carin
-Laissez nous seuls! hurla Ashley devant l'inexécution de la gouvernante.
Elle me laissa à terre et attaqua son frère. Un coup sur l'épaule, un autre sur le bras mais Carin n'eut pas de mal à la maitriser. Il lui maintint les mains pendant quelques secondes puis il la poussa en arrière.
-Mais maman; fit Ashley choquée. A t-il bu?
-Mon Dieu! hurla sa mère en s'élançant vers le téléphone. Je dois appeler le prêtre. Nous sommes tous en danger. Carin, maîtrise toi je t'en supplie.
-Maman, tu penses que je suis possédé ? questionna l'homme. Tu penses que ton fils est possédé ?? C'est ça le plus drôle de l'histoire. Vous ne m'avez jamais protégé toutes les deux. Au moindre soucis, vous aviez toujours cru sans preuve que c'était moi le problème. Vous n'êtes pas ma famille.
-Mon fils; tenta sa mère
-Tais-toi! ordonna t-il sèchement.
-Ne parle pas à maman comme ça !
-Vous avez fait entrer cette vipère dans ma vie; continua t-il en me méprisant du regard. Ashley, toi qui la protège tant, sais-tu ce qu'elle a fait?
-Rien qui ne mérite que tu la battes de la sorte; répondit Ashley sans hésiter.
-Tu en es sûr ? dit Carin en ricanant. Et si je te disais qu'elle était l'amante de Roland ?
Je vis le visage d'Ashley se décomposer. Elle n'en croyait visiblement pas ses oreilles.
-Tu ne me crois pas? demanda Carin.Demande lui! Demande aussi à ton amant. Comme la vie est drôle inh. Vous couchez avec le même homme. Maman...
-Mon fils...
-Ne m'appelle pas comme ça. Je suis ton fils? Je t'informe qu'elle n'a jamais été enceinte non plus. Son amant et elle ont magouillé tout ça pour mettre la main sur notre fortune familial.
Le silence était de marbre dans la pièce. Ashley n'osait plus me regarder. Carin avait le regard triomphant car finalement il avait raison. J'avais tellement honte d'être là, exposée comme un vulgaire objet. Elles me jugeaient et je le sentais.
-Pardonne moi mon fils! murmura la mère de Carin. Ne t'inquiète pas ! On va trouver une solution. Tu vas divorcer et elle va sortir de nos vies.
-Pardon maman? Non, ne rêve pas. Vous me l'avez imposé et vous allez la supporter. Toi, lève toi!
Il s'adressait à moi. Il me prit par le bras et me traina dans les escaliers avec Ashley et leur mère à notre suite.
-Aidez moi! implorai-je
Aucune ne semblait vouloir ou même être en mesure d'agir. Il ouvrit la porte d'une chambre et me poussa à l'intérieur.
-Tu es mon épouse alors tu vas rester là jusqu'à ce que je décide quoi faire de toi.
Il referma la porte derrière moi sur ces mots. J'entendis leurs pas s'éloigner alors que la peur se logeait totalement dans mes entrailles. Dans quoi avais-je bien pu me fourrer?
******
(Yves)
J'étais plongé dans mes comptes avec une forte migraine. Ma sœur une fois de plus avait dû revenir à la maison car je ne pouvais pas régler les frais de l'hôpital. J'avais maintenant très peur car je ne savais plus comment m'en sortir. Les dettes s'accumulaient et les créanciers venaient toquer à la porte. J'avais déjà été la victime de plusieurs scandales mais jusqu'ici j'avais tout fait pour que ma douce sœur ne s'en rende pas compte. La dame avait sacrifié sa vie pour moi à la mort de nos parents. Elle avait arrêter ses études et avait trouvé un emploi de serveuse dans un bar pour me nourrir et pour que je puisse continuer mes cours. J'avais obtenu mon BTS grâce à ses sacrifices mais aujourd'hui le destin avait décidé à nouveau de nous frapper. Une leucémie avait été diagnostiqué à ma sœur. Une maladie vraiment très agressive et très rude. Ma sœur avait totalement changé. Elle était tout le temps sujette à de petites infections et elle avait perdu énormément de poids. Elle était triste et désespérée et je l'étais tout autant qu'elle. Je n'avais pas les moyens pour les différents traitements que sa maladie nécessitait mais je n'abandonnais pas. J'avais aussi la malchance de n'avoir pas pu trouver un emploi, ce qui rendait notre situation encore plus difficile mais je ne perdais pas espoir.
-À quoi tu penses mon frère ? demanda Désirée ma sœur en m'entourant de ses bras
-Rien; dis-je en refermant mon calepin un peu surpris. Je pensais que tu te reposais.
-Oui mais je n'arrivais pas à trouver le sommeil.
-Pourquoi ma sœur ? Il faut que tu te reposes. C'est primordial pour...
-Yves; m'interrompit-elle. Je m'inquiète pour notre situation. Où trouves-tu tout cet argent alors que tu n'as même pas d'emploi ?
-Ma sœur, je t'ai déjà dit de ne pas t'occuper de ça. Tu t'es occupé de moi pendant des années. C'est mon tour de te rendre la pareille.
-Tu ne me dois rien; continua ma sœur. J'ai vécu ma vie et je ne veux pas que par ma faute, tu gâches la tienne.
-Qu'est-ce que tu racontes? m'emportai-je
Je ne supportais pas qu'elle s'exprime de la sorte. Je lui devais tout et cette vie que j'avais, c'était elle qui me l'avait offerte alors je pouvais bien la gâcher. Et puis, elle n'était pas si âgée que ça. Elle venait à peine de rentrer dans la quarantaine et il lui restait beaucoup de choses à vivre.
-Yves...
-YVES! cria une voix lointaine qui interrompit ma sœur à mon plus grand bonheur
-Oui; repondis-je en voyant venir mon vieil ami Kevin
-J'ai une bonne nouvelle pour toi; continua Kevin en reprenant son souffle. Du travail!
Je me levai brusquement. J'avais raison de ne pas abandonner. Mon heure avait enfin sonné.
-Quoi? Dis moi mon frère !
-Un riche homme recherche un garde du corps; dit-il.
-Non! lança ma sœur. Mon frère ne fera pas ça. C'est peut-être dangereux.
-Mais non Désirée, on est au Bénin et il ne se passe jamais rien. Je t'en prie, rentre et laisse moi gérer.
-Tout ça ne me plait pas; tenta ma sœur pour me dissuader.
Je ne pris pas la peine de lui répondre. J'entraînai Kevin vers le portail pour avoir plus de précision sur cette offre. À ce stade, je ne pouvais plus faire la fine bouche. Tout ce qui venait à moi était bon.
-Mon frère, ce travail c'est pour moi mais tu es plus dans le besoin donc je préfère que tu le prennes. Il parait que l'homme est vraiment riche et qu'il cherche quelqu'un de confiance en urgence. Donc tu dois vite réfléchir sinon le boulot sera pour quelqu'un d'autre.
-Je n'ai pas besoin de réfléchir ; répondis-je dans la hâte. Tu penses que j'ai le choix? Je vais me changer et on y va. Ce boulot ne doit pas m'échapper.
Chose dite, chose faite. Kevin et moi grimpions sur le même zem par manque de moyen d'en prendre un individuellement. La maison de l'homme se trouvait dans une zone résidentielle inhabitée en grande partie. Il fallait vraiment être nantie pour pouvoir habiter ces quartiers là. Nous sonnions et nous fûmes surpris de voir le propriétaire même nous ouvrir.
-C'est pour? dit-il d'une voix enroué
-C'est pour le travail! répondit Kevin
-Vous êtes deux à postuler?
-Non; répondit Kevin une fois de plus. Juste lui.
-Est-il muet? demanda l'homme en se retournant vers moi
-Non; répondis-je immédiatement.
-Très bien! Suivez-moi! dit-il après m'avoir détaillé du regard.
J'avais une assez mauvaise première impression sur cet homme mais je n'étais pas là pour ça. Je le suivis sans un mot dire laissant mon ami Kevin au portail. Il me conduisit à la véranda et il s'installa dans un siège en bois. Son verre de whisky était posé sur la table près d'une bouteille à moitié vide.
-Qu'est-ce que vous regardez? Vous voulez que je vous serve un verre?
-Non; fis-je confus.
-Vous avez déjà fait un boulot du genre? questionna t-il
-Non mais je sais que j'en suis capable. Vous ne serez pas déçu Monsieur. Donnez moi juste ma chance.
-Assez! m'interrompit l'homme. Je n'aime pas les lamentations. Le travail consistera à protéger et à conduire mon épouse au besoin. Rien de bien dangereux. Elle ne devra aller nulle part sans que je ne sois prévenu auparavant. Vous me comprenez?
-Oui oui
-Pour sa sécurité bien-sûr ; m'expliqua t-il devant mon air ahuri. Sachez que j'ai assez de moyen et que mon épouse a été victime d'une agression assez violente. Vous aurez vous-même le temps de le constater. Mon épouse est quelqu'un d'assez libre et c'est pour cela que j'ai besoin de quelqu'un de confiance pour la contrôler. Vous êtes assez baraqué donc je pense que vous pouvez parfaitement faire l'affaire. Quand pouvez-vous commencer?
-Tout de suite même si vous le désirez ! répondis-je
-Demain ce sera bien ; dit-il. Soyez ici à 8h du matin. Et ne vous inquiétez pas, votre salaire sera deux fois supérieur à la norme.
Il se leva sur ce pour m'escorter au portail. Il me tendit sa main que je pris en guise de salutation.
-J'ai besoin d'avoir 100% confiance en vous.
-Vous ne serez pas déçu ; répondis-je avant de sortir de la maison.
Je retrouvai mon frère et ami dehors adossé contre un mur.
-Déjà ? Comment ça s'est passé ?
-Bien mon frère ! Bien! Je commence demain.