Partie 25 : en garde

Ecrit par labigsaphir

Je suis assise dans un coin de cette salle des services de police anglais. Mon avocat et moi, y sommes depuis une heure, déjà. Au début, j'ai cru perdre la tête mais mon avocat qui est là, ne m'a pas lâché d'une semelle, me rassurant à chaque fois. J'ai essayé de joindre maman, mais elle doit être dans l'avion, la conduisant en Angleterre et papa, lui, est au travail. Ceci dit, j'ai réussi à lui parler, il m'a rassuré comme il pouvait, m'assurant du professionnalisme de Maître Connoly. J'ai essayé de joindre Allan, il répond aux abonnés absents ; je sais qu'il refera surface d'un moment à l'autre.

Après la lecture des chefs d'accusation qui me sont reprochés, sans exagération, je me suis entretenue avec mon avocat. Il a conseillé que nous venions au poste de police, donner notre version des faits ; nous savons tous que c'est un piège.

- Mademoiselle Croft, résonne une voix !

Mon avocat et moi, nous tournons tous les deux vers le propriétaire de la voix, un officier de police.

- Oui, c'est moi, fais-je la voix ferme

- Suivez-moi !

Mon avocat et moi, nous levons tel un seul homme et suivons l'officier qui nous fait rentrer dans une salle au milieu de laquelle, trône une table et trois chaises. A cet instant, je pense à une célèbre série américaine passant sur la chaîne numéro 1, tous les dimanches ; qui aurait cru que je me trouverais dans une situation pareille un jour.

- Asseyez-vous, je vous prie !

- Merci, faisons-nous en chœur.

L'officier s'en va et nous sommes rejoints quelques minutes plus tard, par un homme de petite taille, trapu, un ventre bedonnant, une tête ronde, des yeux globuleux et un nez fin. Le sourire qu'il affiche, bien que doux tranche avec la froideur de ses yeux. D'emblée, il m'est antipathique.

- Bonjour Mademoiselle Croft et Bonjour Maître Connoly. Est-ce bien cela ?

- Oui, répond Maître Connoly, imperturbable.

- Alors dit-il en feuilletant le dossier devant lui. Navré pour le retard que nous avons accusé. J'ai noté que vous vous êtes présentée de votre propre chef à la police, ce qui est courageux.

- Ok, poursuit Maitre Connoly.

- Vous savez et connaissez mieux que quiconque, dit-il en se tournant vers mon avocat, qu'il y a une procédure suivre. Nous ne pouvions entendre votre cliente, sachant qu'aucune plainte n'avait été déposée par son employeur. Il a donc fallu attendre que Messieurs Klaus STERN, assisté de Monsieur Jamice STERN, portent plainte.

- Et de quoi accuse-t-on ma cliente ?

- Votre cliente est accusée de faute grave et trahison, ce qui pouvait encore se régler au sein de l'entreprise, et espionnage industriel pour ne citer que ceux-là.

- Pour ne citer que ceux-là, relève mon avocat dubitatif.

- Un audit interne en cours de sein de l'entreprise, Maitre. Une fois que nous aurons les conclusions, nous vous dirons exactement ce qu'il en est.

- Ok.

- Alors mademoiselle STERN, vous vivez en France et êtes la petite-fille de Klaus Stern.

- Oui, monsieur l'agent.

- Etes-vous consciente de la gravité des faits qui vous sont reprochés ?

- Oui, monsieur.

- J'ai du mal en vous regardant, à croire que vous soyez capables de faire ce qui vous est reproché mais seulement, tous les indices récoltés ne mènent qu'à une personne, vous.

- Poursuivez, je vous prie, lâche mon avocat.

- Selon la loi, nous avons la possibilité de vous mettre en garde à vue durant 48 heures ; Le procureur de la république a été saisi et la procédure, enclenchée. Et il est 15 heures, elle commence maintenant. Dit-il en regardant l'horloge murale et notant l'heure dans le dossier.

- Mademoiselle Croft, qui sont vos complices ?

- Je n'ai pas de complice puisque je ne suis déjà pas coupable de ce qui m'ait reproché.

Durant des heures et des heures, j'ai répondu aux questions qui pour la plupart, m'avaient déjà été reprochées sous l'œil avisé de mon avocat, me demandant de temps à autres de ne rien dire. Au bout de 6 heures, mon avocat s'en est allé, j'ai eu le droit de manger un sandwich et boire de l'eau. L'agent a été remplacé et j'ai tout de suite été réveillée par son remplaçant pour un autre interrogatoire.

Je suis passée par toutes les émotions, la peur, la colère, la tristesse, le désespoir, la haine et sauf la joie, me demandant quand est-ce tout cela devait s'arrêter. J'ai pleuré mais au bout d'un moment, blasé, j'ai relevé la tête en décidant de me battre, sauver mon honneur et mon avenir. J'ai eu le droit de dormir, poser la tête sur la table, durant la nuit ; je fais l'impasse sur les courbatures.

Au petit matin, je suis rejointe par mon avocat qui demande à s'entretenir avec moi.

- Comment a été la nuit ? S'enquiert-il, manifestement inquiet.

- Courte !

- Et l'interrogatoire ?

- Durant toute la nuit, j'ai pu dormir quelques heures.

- Ok. Tenez bon, nous vous sortirons de-là.

- Ok. Le commissaire de police étant un ami, il me devait un service.

- Huhum.

- Je lui ai demandé de laisser votre mère et un certain Allan, vous voir.

- Merci Maître Connoly.

- Il n'y a pas de quoi.

Il se lève, fait signe à un des gardiens qui nous demande de le suivre. Je soupire en sortant de celle-ci et quelques minutes plus tard, nous nous arrêtons devant une porte que je pousse, maman est la première personne que je vois. Sans réfléchir, je cours vers elle et enfouis ma tête dans son cou avant d'éclater en sanglots, indifférente à la présence des autres personnes.

- Ça va aller, dit-elle, une fois que je suis calmée.

- Oui, ça va aller, je suis désolée, maman. Fais-je en enlevant une poussière imaginaire sur son chemisier.

- Viens, me dit-elle en me tirant à elle ; nous allons nous asseoir sur l'un des bancs de la salle.

- Maman, je n'ai rien fait, commençai-je.

- Tu n'as pas besoin de me le dire, je le sais, me coupe-t-elle avec douceur. De tous mes enfants, tu as toujours été la plus fragile, sensible et altruiste. Je sais que tu n'es pas capable de faire ce dont, on te reproche. Tu es déjà incapable de tuer une mouche et combien de fois, menacer l'avenir de près de 20 000 personnes.

- Je le pense aussi, fait une voix derrière moi ; je me tourne vers elle, ce n'est autre qu'Allan.

- Merci pour ta confiance et le déplacement.

- Dès que j'ai entendu, je suis venu. J'aurais voulu faire quelque chose, faire jouer mes relations mais il s'agit de l'entreprise STERN.

- Je comprends et merci pour l'intention.

- De rien, tu le mérites. Navré que tu te retrouves là ; il parait tellement triste et sincère que j'en suis chamboulée.

- Ton père n'a pu se libérer, mais il te soutient et prie pour toi ainsi que tes frères.

- Merci, cela fait du bien de savoir que je peux compter sur vous tous.

- J'ai aussi eu l'appel d'Amicie et puis, celui d'Odessa, continue-t-elle.

- Mes amies et un certain, Elric qui semblait vraiment inquiet.

- Ils sont gentils, je les appellerai une fois que cette affaire sera réglée.

- C'est bien de penser positif, chérie.

- Merci maman.

- Alors, Maître, qu'en es-t-il réellement de la situation.

- Des mails entre votre fille et son supposé complice, ont été interceptés que ce soit par sa boite mail ou par le réseau interne de l'entreprise ?

- Les lois du travail n'empêchent-elle pas d'accéder à ma boite personnelle ?

- Vous avez accédé à votre boite mail faisant usage du réseau internet de l'entreprise alors que selon le contrat, vous n'avez pas le droit. Et de ce fait, vous leur avez ouvert la voie et donner l'autorisation de rentrer dans votre bail afin d'y chercher des indices ou des preuves.

- Donc ma boite mail est accessible à n'importe qui en ce moment ? M'alarmai-je en me tournant vers ma mère.

- Malheureusement, oui. Seulement, je vous conseillerai de changer le mot de passe, si cela peut vous aider à vous sentir mieux.

- Vous semblez dubitatif, remarque ma mère.

- Hier en partant d'ici, j'ai rencontré un ami informaticien, un ingénieur de renommé qui m'a assuré qu'il était très facile de pirater une boite mail, une fois que l'on avait eu le mot de passe, ne serait-ce qu'une fois.

- Ah bon ?

- Vous vous êtes connectée au réseau internet et y avez laissé votre mot de passe. Une personne a dû le récupérer, rentrer dans votre boite mail et rechercher, le mail d'urgence. De-là, vous pourriez changer le mot de passe un millier de fois que cela n'y changerait rien. Il suffirait juste solliciter la boite mail d'urgence et le tour est joué.

- Mince !

- Oui, mademoiselle Croft, nous sommes dans une ère où rien n'est caché. Je lui ai parlé de l'incident concernant votre mail, il a répondu que la personne a pu en bloquer les paramètres quelques minutes, le temps de rechercher ce dont il avait besoin afin de revenir quand et comme il le souhaitait. Il a par ailleurs eu la possibilité de rentrer dans la boite à votre insu, envoyer des mails, en se faisant passer par vous.

- A quel moment ? Très souvent je consulte mais mails.

- Nous avons une petite idée de quand est-ce que ce méfait était fait. L'informaticien est en ce moment en train de travailler dessus. Seulement, nous avons besoin de votre accord afin de pénétrer dans votre boite mail et chercher des miettes de pain blanc qu'il a pu laisser, espérant qu'il ait fait preuve d'amateurisme.

- Vous avez mon accord.

- Veuillez inscrire ici, vos coordonnées et données.

- Ok ; je prends le papier qu'il me tend et note rapidement.

- Bien ! C'est déjà cela de réglé.

- Huhum, fait ma mère en me caressant l'épaule.

- Concernant les échanges internes, comment cela a-t-il été possible ?

- Nous attendons encore les conclusions de l'audit interne de Stern, pour réagir.

- Votre informaticien pourra-t-il témoigner lors de l'audience ?

- Bien sûr, il a l'habitude, nous rassure Maître Connoly. Nous pensons que pour avoir accès à certains documents en plus du fait qu'ayez dit n'avoir jamais consulté certains documents,

- C'est vrai, réaffirmai-je.

- Nous pensons que pour consulter certains documents, il faudrait un certain niveau d'accréditation et être haut dans la hiérarchie.

- C'est logique, confirme maman.

- Même avec votre niveau d'accréditation du fait que vous soyez une actionnaire non-négligeable de la société, il faudrait avoir certains codes et mots de passe. C'est là où le coupable a vraiment péché et nous pourrons déjà avancer cette thèse afin de gagner du temps et faire plier à la fois l'entreprise et le procureur de la république.

- Mais encore, continue ma mère.

- Y aurait-il une imprimante dans votre bureau ?

- Comme dans tous les bureaux de responsable, oui. Pourquoi ? Répliquai-je, ne voyant pas où il voulait en venir.

- Savez-vous qu'ne coordonnant un ordinateur à une imprimante, vous laisses des traces même si vous effacez l'algorithme de commande, que ce soit dans l'imprimante ou l'ordinateur.

- Ah bon ?

- Malheureusement, oui. Une copie des documents que vous avez imprimés, a été retrouvée à fois dans l'imprimante et l'ordinateur. Ce sont ces fameux documents que vous avez signés et scannés afin de les envoyer à votre supposé-complice, par mail.

- C'est assez élaboré pour une profane de l'informatique, dit Allan.

- C'est vrai mais aujourd'hui, avec l'essor des réseaux sociaux et l'avancée technologique, tout le monde est capable de le faire. Le fait que tout ait été dans le bureau de mademoiselle Croft, tend à prouver que la personne souhaitait que ce soit elle qui soit incriminée.

- Et elle a réussi, murmurai-je.

- Ne vous découragez pas, nous vous sortirons de-là.

- Que va-t-il se passer ? Demande ma mère en serrant ma main.

- La garde à vue se termine demain, il y aura deux alternatives. Soit elle est transférée dans une prison après l'accord du procureur général de la république, en attente du procès. Soit une caution que je pense conséquente, sera exigée, pour qu'elle soit libérée avec ordre de ne pas quitter le territoire anglais.

- Je suis étudiante et j'ai mes cours, m'exclamai-je.

- Malheureusement, nous n'y pouvons rien, compatit-il.

- Et les recherches ? Demande Allan.

- Tout ce qui sera trouvé chez STERN, nous sera transmis afin que nos spécialistes s'y penchent avant le procès.

- Quand aura lieu le procès ? S'enquiert maman.

- Si procès, il y a lieu. Klaus Stern a encore la possibilité de se rétracter, retirer la plainte et toutes les charges seront abandonnées.

- Mais il restera toujours une trace de cette plainte, m'insurgeai-je en me frottant les mains.

- Malheureusement, oui, confirme l'avocat.

- Je tiens à être blanchie de tout, quitte à aller au procès !

- Et l'autre possibilité ? Continue ma mère, en me caressant la main.

- Soit la plainte est maintenue telle quelle, la procédure suit son cours et vous pourrez aller en prison.

- Quoi ? M'exclamai-je en m'agrippant à ma mère.

- Calme-toi, ça ira, fait-elle en me prenant dans ses bras.

- Mademoiselle Croft, vous devrez être forte, savoir prendre sur vous et être observatrice.

- Ok.

- Aussi, je vous demanderai de repenser à tous les évènements qui ont eu lieu, du jour de votre admission dans l'entreprise jusqu'à ce jour. Le cerveau humain est une véritable machine, il est possible que votre subconscient ait capté certains détails et que vous n'en ayez pas conscience. Je reviendrais vous voir régulièrement afin d'en discuter et noter, ce qui nous aidera dans les cadre des recherches et de l'enquête.

- Ok.

- Le fait que vous ayez un casier judiciaire nul est une aubaine, nous pourrons demander la libération sous caution.

- Nous payerons même s'il faut hypothéquer la maison, m'assure maman le regard mouillé.

- Merci maman. Dites-moi, comment a-t-on pu apposer ma signature sur des documents avant de les scanner ?

- Je suppose que tout a été fait lors de la perte temporaire de votre attaché-case dans l'avion. Il suffisait de scanner la majorité de vos documents, apprendre signer comme vous et le tour était joué.

- Pourrait-on faire intervenir un graphologue ? Demande Allan.

- C'est fait, nous y avons déjà fait appel ; il est très efficace, cet avocat.

- Merci Maître, fait maman.

- Garder le moral haut et restez positive, termine-t-il en se levant.

- Merci Maître.

- Etes-vous bien traitée, ici ?

- Oui, Maître mais les barreaux, eux...

- Je comprends, je comprends...Ça ira, je vous assure. Navré mais je dois prendre congé de vous, il y a encore fort à faire.

- Nous comprenons, dit maman en lui serrant la main ainsi qu'Allan qui prend immédiatement sa place.

- Ça ira ?

- Oui.

- Je suis désolé de ne pouvoir rien faire. J'aurai tant aimé te sortir de-là. Je suis un consultant de STERN, je travaille donc pour STERN et ne pas malheureusement me mettre en porte-à-faux, au risque de trahir la confidentialité des accords signés entre mon employeur et moi.

- Je comprends et merci pour ton soutien.

- Bon, je vais attendre ta mère dehors, je suppose que vous voulez un peu d'intimité.

- Merci, Allan.

- Courage à toi et à demain.

- Merci.

Ma mère me prend une fois de plus dans ses bras, je l'entends renifler avant qu'elle ne se détache de moi.

- Ça ira, ma chérie, ça ira ; j'ai l'impression qu'elle le dit beaucoup plus pour moi que pour elle.

- Oui, maman, ça ira, ne pus-je que répondre.

- Je te demanderai juste de ne pas sombrer et nous faire confiance.

- Ok. As-tu des nouvelles de Vayana ?

- Non, aucune.

- Elle ne t'a même pas appelée ?

- Non.

- Et papa ?

- Non, plus. J'ai pourtant essayé de la joindre mais ça ne passe pas.

- Ok, ce n'est pas grave. Maman, papa et toi, me cachez-vous quelque chose ?

- Non, pourquoi ?

- J'ai l'impression que papi et Vayana, ne m'ont vraiment pas en odeur de sainteté. Je ne me souviens pourtant pas avoir posé un acte ou dit quelque chose pouvant exciter leur colère.

Elle se détache complètement de moi, se met à arpenter la pièce quelques minutes puis revient vers moi.

- Il ne s'agit pas de toi mais des histoires de famille, comme dans toutes les familles ; son regard est fuyant.

- S'il ne s'agit que des vieilles histoires, pourquoi ne pas m'en parler ?

- Parce qu'elles n'ont aucune importance ; elle s'efforce de sourire en s'asseyant.

- Comment Vayana a-t-elle été au courant ?

- Je ne comprends pas ; elle parait sincère.

- J'ai eu l'impression. En fait, j'ai l'intime conviction que Vanaya est au courant de ces vieilles histoires.

- Je ne crois pas, non, murmure ma mère.

- Son attitude envers moi, en est une preuve. Quand je suis arrivée hier à l'entreprise voici ce qui s'est passé...

Lorsque j'ai terminé, elle ouvre grand les yeux, prend son sac, se penche vers moi et m'embrasse avant de se diriger vers la porte. Avant de traverser le seuil de la salle, la main sur la poignée de la porte, elle se tourne vers moi.

- Garde la foi, j'ai une affaire urgente à régler. Je reviendrais vers toi dans quelques heures. 


Jeneya CROFT, l'Impé...