Partie 29 : retour aux sources

Ecrit par Fleur de l'ogouée

Koumba Marimar

 

Je m’installe dans le wagon VIP avec mon sac, enfin je peux me laisser aller, je suis fatiguée j’ai l’impression de porter trop de choses sur mon dos, hâte de me ressourcer près des miens. Assise au fond de mon siège je repense à ces six années passées dans la capitale, j’étais venu avec des rêves de grandeur, je pensais trouver un travail, trouver un mari et vivre une belle vie de citadine. Au lieu de ça, je me retrouve à vivre avec un homme qui ne m’aime pas et ne me respecte pas. Que vais-je donner comme nouvelles ? Ma vie en ville n’est qu’une vaste illusion, vais-je assumer de raconter mon histoire à tous ? Assise seule je me plonge dans le fauteuil et m’endors. Le train quitte la gare d’Owendo, c’est parti pour 12 h de route avant d'arriver à Franceville, une fois sur place il me faudra encore 3 h de route en bus pour arriver jusqu’au village. Le sommeil est la seule chose qui me consolera de tous mes tourments.

 

Moussavou Marc-André

 

C’est décontenancé que je quitte la gare avec mon fils, nous bravons les bouchons et arrivons à la maison une bonne heure plus tard. Fatigué par ces heures en voiture, je le mets au lit en essayant de ne pas le réveiller puis je file me prendre une douche. La maison semble si vide, elle me manque déjà, ne pas savoir quand elle reviendra me stress un peu. Je sais qu’elle ne veut plus de moi et que cette relation est finie à ses yeux, mais je suis bien décidé à lui prouver ma bonne fois, j’espère sincèrement qu’elle me donnera une chance de m’expliquer. J’aime bien Jessica et a mes yeux c’est la femme parfaite, mais son mode de vie n’est pas le mien, elle se fait entretenir par des ministres et le dit à qui veut l’entendre, maintenant que j’ai un enfant ce que je recherche c’est de la stabilité, Marimar est la mère de mon fils elle et c’est celle qu’il me faut.

Je réchauffe la nourriture qu’elle a préparé à midi et je me pose devant la télé comme un père célibataire, j’ai juste le temps de prendre une bouchée de ma nourriture, avant que mini Moussavou ne se mette à pleurer, je me lève et le récupère dans sa chambre pour m’occuper de lui. Une fois mini moi tout propre, je lui donne à manger et je le pose dans sa balancelle, il va suivre le match avec son vieux père.

La première nuit sans elle a été difficile, le petit n’a pas arrêté de pleurer la nuit, je me suis levé plusieurs fois pour le calmer à croire qu’il ressent l’absence de sa mère. Ce matin j’ai pris deux tasses de café noire avant d’aller au travail, Dieu merci c’est vendredi et ce soir c’est le week-end je vais pouvoir bien me reposer et faire la grasse matinée demain. Je laisse le petit à la crèche et me dirige au travail tout fatigué, je prends une troisième tasse de café avant de me lancer dans mes tâches du jours.

En sortant du boulot je prends un plat à emporter chez un traiteur asiatique au quartier louis, ensuite je fonce récupérer le petit. La dame de la crèche m’a rapporté que le petit a été grincheux toute la journée, elle m’a conseillé de lui faire écouter le son de la voix de sa maman, que peut-être ça le calmera, donc ce soir je vais essayer de l’appeler je pense qu’elle est déjà arrivée dans son village.

Je l’ai douché, donné à manger avant de moi-même passé à table, pendant mon repas je reçois un message de Marimar qui vient à peine d’arriver dans son village, je croyais qu’il ne fallait que 3 h de route pour y arriver. Je la rappelle immédiatement.

-Coucou maman tortue tu as fait un bon voyage, finalement tu es déjà au village ?

-Voyage fatiguant mais agréable, je viens à peine d’arriver au village c’est une longue histoire que j’ai pas trop le temps de te raconter et là-bas Gégé va bien ?

-Pas très bien, il a pleuré toute la nuit, même à la crèche il a été grincheux

-Oh mon pauvre bébé, est-ce qu’il ne fait pas ses dents aussi ? Quand il a eu ses premières dents c’était pareil

-Ah je n’y avais pas pensé, je vais vérifier si de petites dents ont fait leurs apparitions

-Si jamais c’est le cas je t’ai donné des astuces dans le cahier que j’ai laissé

-D’accord, attends je lui donne le téléphone pour que tu lui parles

Elle discute avec lui pendant qu’il balbutie quelques mots et c’est la scène la plus mignonne que j’ai vu de ma vie, je dois me battre pour que cela reste ainsi. Après son échange avec le petit, nous discutons un peu, l’échange est assez cordial, je ne ressens pas cette jovialité dans sa voix, nous écourtons l’appel quand quelqu’un l’appel pour passer à table.

 

Koumba Marimar

 C’est ce matin à 7 h que nous sommes arrivés à Franceville, par le plus grand des hasards j’ai croisé la petite sœur de ma mère en sortant de la gare, elle venait accompagner son fils qui lui allait sur Libreville. Je n’ai pas eu de peine à la reconnaître malgré que plus de dix ans se sont écoulés depuis la dernière fois où l’on s’est vu. En m’approchant d’elle, son regard surpris s’est posé sur moi

-Marimar ? C’est vraiment toi ?

-Oui, tantine Wami c’est moi

Elle me prend dans ses bras et commence à sangloter, je me sens un peu mal alaise nous n’avons jamais été proche, elle m’a toujours repoussé, je ne comprends pas trop sa réaction. Elle me propose de passer la nuit chez elle, parce que de toute façon les voitures qui font trajets pour le village n’ont pas de départ prévu aujourd’hui. J’accepte donc de la suivre chez elle, je n’ai pas vraiment le choix, je ne comptais pas passer la nuit ici donc je n’avais pas prévu de lieu où dormir. Nous arrivons chez elle après une dizaine de minutes en voiture, sa maison est assez grande et bourgeoise, je ne savais pas qu’elle avait réussi. Elle me présente à ses deux enfants qui sont encore au foyer, sachant que l’aîné étudie et vit maintenant au Maroc et que le second avec qui elle était à la gare, va sur Libreville faire son passeport en vue de rejoindre son frère car il vient d’avoir son baccalauréat. Elle me montre la chambre que je vais occuper et je m’y installe, un peu fatiguée je finis par m’endormir.

C’est à midi que je me réveille, une des filles cogne à la porte me signalant que nous allons bientôt passer à table, je prends une douche rapidement, j’enfile une robe en pagne et je me dirige au salon. En marchant dans le couloir j’entends pas mal de bruit, quand j’ouvre la porte je m’aperçois qu’il y a quelques invités. Tantine Wami me présente à son mari, trois de ses collègues et les femmes de deux d’entre eux sont présents. Nous passons à table, discutons de tout et de rien, mangeons un sublime repas concocté par le cuisinier. Un des collègues de mon oncle, le plus jeune d’entre eux n’arrête pas de me regarder avec insistance, puis il lance à ma tante

-Mais madame le maire tu nous avais caché que tu as des nièces si magnifiques ?

-Pardon Phil laisse-moi l’enfant

-Je ne fais que remarquer oh

Technique de drague flairée à 10 km à la ronde, je me contente de manger, demain je vais revoir ma grand-mère, la seule mère qu’il me reste. Après le déjeuner, alors que les autres invités s’en vont, le jeune collègue insiste pour que lui accorde quelques minutes à l’abris des regards, chose que je refuse. Je rejoins le couple dans le salon et m’installe près de ma tante, qui exprime à son mari à quel point elle est contente de revoir la fille de sa défunte grande sœur. ‘’Et sinon qu’est-ce qui t’emmène dans la zone, besoin de te ressourcer ?’’ Étonnée je regarde ma tante qui semble aussi attendre ma réponse

-Mais maman est malade c’est pour ça que je suis là ?

-Quelle maman ?

-La tienne, enfin maman Paulette, elle est gravement malade depuis une semaine

Elle se lève, tourne dans la pièce en tapant entre ses mains et en répétant sans cesse « ces gens veulent me tuer », je ne comprends rien, comment peut-elle ignorer que sa propre mère est sur son lit de mort, je sais qu’elle à quitter le village depuis très longtemps mais couper les ponts au point de ne même pas avoir les nouvelles de la santé de sa mère c’est inquiétant.

-Ecoute je ne peux pas passer une minute de plus ici sachant que son état est critique et que je peux éviter le pire. Je vais demander à un des chauffeurs de la gare routière de nous accompagner au village, il est 14 h, nous serons arrivés avant la tombée de la nuit

Le jeune collègue dont la présence n’était pas nécessaire à proposer de nous accompagner, c’est ainsi que nous nous sommes mis en route tous les quatre, le mari de ma tante à insister pour venir aussi, une de ses sœurs qui habite à deux pas de chez eux est venu s’occuper des enfants.

Je me retrouve au milieu de trois inconnus dont une tante que je n’ai pas revue depuis des années, qui ignorait que sa mère est gravement malade. Plus nous nous enfonçons dans la forêt, plus je me demande ce que je fais là, j’aurais simplement dû me débrouiller à trouver une voiture pour faire le trajet. Silencieusement, nous avançons avant que ma tante brise le silence, je suis assise près d’elle à l’arrière tandis que les deux hommes sont à l’avant « J’ai été bannie du village » lance ma tante, je me tourne vers elle, je n’ai jamais vraiment su pourquoi elle a disparu, certaines personnes racontaient des histoires farfelues, ça m’intrigue

-Le chef du village a convaincu tout le monde que j’ai tuée ta maman avec la complicité du féticheur du village. En réalité il a abusé de moi à plusieurs reprises, m’obligeant à garder le silence, tout ceci à durer un an. Quand j’ai enfin trouvé le courage de le dénoncer sur la place publique il a monté cette histoire farfelue et tout le monde l’a cru. Ta maman est morte suite à une maladie, je n’ai rien à avoir dedans, je n’avais que 16 ans pourquoi aurais-je voulu tuer mon unique sœur.

Elle s’effondre et moi aussi, je n’ai jamais cru à cette histoire de toute façon mais dans le village beaucoup y ont cru. Enfant, j’ai toujours pensé que ma tante me détestait et me repoussait, alors qu’elle portait les propres fardeaux de sa vie. Je me sens terriblement mal, nous pleurons l’une dans les bras de l’autre pendant de longues minutes.

Finalement ce voyage m’apportera peut-être la paix que je cherche. 

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