Partie 28 : Tout est fini

Ecrit par Fleur de l'ogouée

Koumba Marimar

 

Nous ne sommes plus que deux étrangers qui cohabitent sous le même toit, qui partagent les mêmes repas et qui ont transmis 23 chromosomes chacun à un être vivant. La relation est bien finie, j’ai eu du mal à m’y faire mais ces trois dernières semaines m’ont confirmé ce dont je me doutais depuis longtemps. Cette relation était de toute façon vouée à l’échec, j’ai commencé à me chercher un studio pour le petit et moi, je voulais déménager d’ici la fin du mois, hélas une mauvaise nouvelle m’a amené à repousser ce projet, ma grand-mère au village est gravement malade, elle pourrait bien y passer, je me dois de rentrer pour être à ses côtés. Quand hier j’ai émis l’hypothèse d’y aller avec le petit, Marc m'a hurlé dessus comme il ne l’a jamais fait, j’ai eu mal terriblement mal, mal d’avoir fait un enfant avec un homme qui ne m’aime pas, mal de m’imaginer ma grand-mère partir sans voir son arrière-petit-fils.

Je range mes affaires silencieusement, quelques larmes rebelles roulent sur mes joues, grossièrement j’enfuis de manière aléatoire des vêtements dans le sac, dans mes pensées je ne l’entends même pas arriver

-Écoute Mari je suis désolé pour hier, je ne voulais pas te crier dessus comme ça, j’aurais dû te faire comprendre calmement que ce voyage avec les trains du Gabon qui passent leur temps à dérailler est dangereux. Et la vie au village n’est pas adaptée à un enfant de 6 mois.

-J’ai compris Marc j’irai seule, mais à mon retour il faudra qu’on parle

-Mari je suis désolé pour mon attitude de ces dernières semaines, je me suis laissé aller mais ça ne se reproduira plus je te promets

 

N’ayant pas la force d’argumenter j’acquiesce simplement, je suis bien décidée à partir et ses excuses minables n’y changeront rien. Dans mes recherches j’ai trouvé ce petit studio tout mignon à la cité Pompidou, à moins de 15 minutes du centre-ville, dans un petit immeuble de famille, les propriétaires sont un couple de retraités, ils semblaient sympathiques, je me projetais déjà dans ma future vie, ce coup de fil a tout chamboulé. Triste je continue à faire ma valise avant que l’alarme de mon téléphone ne se déclenche, il est l’heure de tirer du lait pour Aimé-Gérald. J’ai commencé la diversification alimentaire en début de semaine et c’est tant mieux, je ne sais pas combien de temps durera mon voyage mais au moins je sais qu’il pourra se nourrir autrement qu’avec du lait maternel.

 

Marc-André Moussavou

 

Je ris aux éclats encore une fois en lisant un message de Jessica, depuis que nous avons échangé nos numéros nous ne cessons pas de nous parler. Elle est drôle, intelligente et sa beauté est la cerise sur le gâteau, sa présence me ravie. Quand nous nous voyons, nous passons nos soirées à rigoler, s’empiffrer de toute chose comestible et à s’enivrer, une relation platonique sans arrière-pensée. Elle est à mi-chemin entre la femme parfaite et l’ami parfait, je peux parler de foot avec elle, d’actualité politique, de jeux vidéo, bref avec elle je ne m’ennuie jamais. En si peu de temps elle a réussi à prendre plus de place dans ma vie que je n’en ai à lui consacrer. Tellement obnubilé par elle que j’en ai oublié Marimar, c’est la mère de mon enfant mais je la traite comme une étrangère, je m’en veux beaucoup, je répète sans cesse les mêmes erreurs à croire que je n’apprends jamais de mes fautes passées. Et voilà qu’hier je me suis emporté et j’ai menacé de la faire emprisonner si elle quittait la ville avec mon fils. J’ai été trop dure avec elle, je ne sais pas qu’est-ce que je pourrais bien faire pour me faire pardonner. Demain en fin d’après-midi j’irai l’accompagner à la gare d’Owendo, je vais profiter du trajet pour faire mon mea culpa, elle ne mérite pas ça, je ne la mérite pas. La voir si triste me fend le cœur, je n’ai jamais su décrire mes sentiments pour elle mais je la porte dans mon cœur, la voir triste me peine.

Je retourne dans la chambre et silencieusement je l’aide à faire sa valise, elle n’y met pas d’article en particulier à croire qu’elle y met juste tout ce qui lui tombe sous les bras. Une fois fini, je la prends dans mes bras et la laisse pleurer, elle en avait besoin, elle s’agrippe à moi et se laisse aller aux larmes, c’est une torture de la voir comme ça. Pendant quelques instants nous restons là silencieusement, elle pleurant, moi caressant son dos tout doucement, je me rends compte à cet instant que j’ai beaucoup d’affection pour elle. Après cette longue accolade, elle se met à ranger la chambre de manière frénétique, moi je me dirige dans la cuisine pour apprêter le dîner. Au menu de ce soir, blanc de poulet mariné, pommes de terre sautées et salade verte, je veux qu’on passe une soirée tranquille, sans prise de tête. Pendant que je m’affaire en cuisine, elle s’occupe d’Aimé dans leur chambre, elle dort maintenant avec lui dans la chambre que nous avions emménagée pour lui. Nous ne nous sommes plus touchés depuis si longtemps, j’ai envie de passer mes mains sur son corps et renoué ces échanges qui nous ont menés à concevoir ce petit bout de chou.

Une fois le repas prêt, je dresse la table, sort la bouteille de vin que j’ai mis au frais, ce soir papa et maman vont un peu faire la fête. J’éteins la lumière, allume des bougies, parfume le salon et je m’assois en attendant qu’elle couche le petit et prenne sa douche. Une fois prête quand elle pousse la porte, elle est totalement surprise, Marc la machine à plus d’un tour dans son sac.  

En fond sonore il y a cette musique que j'aime nobody de Keith Sweat, l’ambiance est plus que romantique, la tension sexuelle survole la pièce, j’aimerai sauter les étapes et arriver directement au dessert, mais en parfait gentleman je me retiens, je la regarde avec envie, ce magnétisme qu’elle dégage me donne chaud, comment ai-je fait pour ne pas lui sauter dessus pendant tout ce temps, elle est belle et son petit côté peste innocente me titille. Nous discutons de son voyage de demain, elle a laissé un cahier où est noté toutes les consignes à appliquer pour Aimé, je lui ai dit que Gémina viendra m’aider de temps en temps, qu’il ne faut pas qu’elle s’inquiète, que sa priorité soit sa grand-mère. Nous discutons de tout et de rien et ça faisait longtemps que nous n’avions pas été aussi proche, la distance qui s’est installé entre nous est totalement de ma faute, les sorties répétées, les nuits d’ivresses à draguer tout ce qui à des seins. Je ne sais pas d’où me vient ce besoin frénétique de tout gâcher, j’avais enfin ce que je voulais ma propre famille, une maison et un travail génial, mais il a fallu que je fasse le con, aujourd’hui j’ai l’impression que tout s’est brisé entre nous, elle a déjà tellement enduré dans cette relation, je peux comprendre son ras-le-bol.

 

Koumba Marimar

Surprise de le voir s’investir au dernier moment, en sortant de la douche j’ai trouvé le repas prêt, une ambiance tamisée et un Marc décontracté, cette relation est vraiment plus rebondissante qu’une balle de ping-pong, avec lui c’est soit tout noir ou tout blanc, il n’y a jamais de juste milieu. Je suis touché par son geste mais cette fois ci nous avons atteint le point de non-retour, je suis bien décidé à quitter cette maison à mon retour et à reconstruire ma vie, je lui ai donné plus d’un an de ma vie et qu’est-ce que j’ai récolté de bon ? Larmes, trahison, tristesse sont le champ lexical de cette union, je n’en peux plus j’ai atteint mon maximum et son petit numéro de charme n’y changera rien.

Nous finissons de manger gaiement, je fais la vaisselle pendant qu’il range la cuisine, nous avons une bonne dynamique d’équipe, c’est vraiment dommage que les choses n’aient pas marchés entre nous, c’est un père remarquable, il s’occupe à la perfection de Gégé mais c’est un amant effroyable, il est grand temps que je me laisse la chance de rencontrer quelqu’un de bien et qui m’aimera vraiment.

Alors que je finissais de faire la vaisselle, j’ai senti son corps se coller contre le mien, son bassin contre mon postérieur, ses lèvres sur mon cou, mon sang n’a fait qu’un tour, dire qu’être dans ses bras ne m’avait pas manqué ne serait que mensonge. Pendant quelques secondes je ferme les yeux et laisse ses mains explorées mon corps, je me sens si faible à cet instant, comment pourrais-je résister à tant de savoir-faire. Il me faut une force surhumaine pour me décoller de lui et par de grand signe lui demander d’arrêter son cinéma, aucun mot n’arrive à sortir de ma bouche, mon corps le réclame mais ma tête me dicte le contraire, ne cède pas me répète-t-il. Nous nous regardons pendant une longue minute, ensuite il s’en va en direction de sa chambre, sur son visage se lit sa frustration et sur le mien aussi d’ailleurs, j’aurais voulu une dernière nuit de plaisir mais je sais que ça compliquera les choses.

Je me dépêche de finir la vaisselle, ensuite je file prendre une douche bien froide avant de rejoindre Aimé dans la chambre que nous partageons désormais, mon fils est magnifique, c’est lui qui me fait tenir, quand je me sens mal il suffit que je regarde sa petite frimousse pour retrouver la bonne humeur, il est ma bouffée d’air frais, me séparer de lui sera tellement difficile. Même quand je vais au travail il me manque et là être à des kilomètres de lui sera si difficile. Raoul m’a donné un congé pour que j’aille voir maman, il est adorable, toujours avenant et j’ai l’impression qu’avec Mel une fille du travail leur relation évolue bien, ils croient que nous ne sommes pas au courant mais c’est aussi visible que le nez au milieu du visage, je suis contente pour eux. Je pensais qu’il finirait avec Gémina la peste mais apparemment leur amitié n’en est qu’une et rien de plus, celle-là depuis que je l’ai giflé se comporte mieux avec moi, nous interagissons le moins possible mais les échanges sont cordiaux, son petit air supérieur elle le laisse devant la porte avant d’entrer.

Après cette douche froide qui m’a remis les idées en place, je m’endors comme un bébé, monsieur Gégé fait ses nuits donc je ne crains pas que mon sommeil soit dérangé. Ce matin, Marc est grincheux il a pris une tasse de café noir et est allé au travail sans manger quoi que ce soit, lui pour qui le petit déjeuner est si important. Aujourd’hui bébé G ne va pas à la crèche nous allons passer la journée ensemble avant que je ne voyage ce soir, je sais déjà qu’il me manquera.

 

Marc-André Moussavou

Ce fut la douche froide hier soir, elle m’a repoussé, je me suis senti mal toute la nuit, j’ai à peine fermé l’œil, je peux comprendre son mécontentement. Je me suis levé du mauvais pied mais ma tasse de café m’a remis d’humeur gérable, je vais bosser en demi-journée aujourd’hui pour pouvoir passer midi avec Mari et le petit avant de l’accompagner à la gare.

En sortant du boulot je suis allé acheter les petites choses qu’il lui manque pour son voyage, quelques médicaments et des produits de première nécessité. En rentrant j’ai trouvé quelques invités Cynthia et son copain, une table joliment dressée et une petite ambiance festive. Je salue le couple, dépose les achats dans sa chambre, me change et les rejoins sur la terrasse. Juste le temps de boire une bière avant de passer à table, l’horloge tourne et il faut qu’on se dépêche pour que madame ne rate pas son train. Nous mangeons tous dans la bonne humeur, même Aimé dans sa chaise haute ressens cette bonne énergie, nous discutons de tout et de rien, quel après-midi délicieux! A la fin du repas il est déjà 15h, il ne reste pas beaucoup de temps, pendant que je fais la vaisselle, Marimar s’apprête et Cynthia nous aide en s’occupant d’Aimé. Une fois prête il est déjà temps d’y aller, avec les embouteillages il nous faudra bien 1h pour arriver à Owendo. Quelques larmes sont versées lorsque Cynthia et elle se disent au revoir, ensuite nous nous mettons en route, Aimé à l’arrière dans son siège auto et Marimar à mes côtés, cette image de la famille parfaite est celle que je veux, il faut que je me  batte pour ça.

Pour briser le silence alors que nous sommes sur la route depuis bientôt vingt minutes je lui demande si je l’ai brusqué hier soir

-Non, mais pour moi il est évident que le sexe ne nous aide pas

-Aider à quoi ?

-A passer à autre chose

-Pourquoi passer à autre chose? Et le petit ?

-Nous serons toujours ses parents quoi qu’il se passe entre nous

-Je pense qu’on peut recoller les morceaux Marimar, je vais devenir meilleur, je vais me consacrer à vous

Elle ne répond pas et colle sa tête contre la vitre, c’est douloureux ce qui se passe en ce moment, je suis totalement en train de la perdre. C’est silencieusement que nous arrivons à la gare d’Owendo, son train part à 18h45, nous sommes dans les temps. Je l’accompagne à l’enregistrement, une fois fait, nous retournons à la voiture pour qu’elle prenne son autre sac à main.

-J’espère qu’à ton retour nous pourrons arranger les choses et repartir du bon pied avec notre fils

-Marc, je ne veux rien réessayer, la relation est finie, tout est fini.

Elle pose un bisou sur le front d'Aimé et s’en va sans se retourner, je l’ai perdu cette fois-ci. 

9 mois pour séduire...