Partie 31 : Rien n'est jamais perdu

Ecrit par Fleur de l'ogouée

Samira Moussirou

 

Je le savais c’est une mauvaise nouvelle, l’ami procureur de Simon n’a pu rien faire Brad sera quand même déférer à la prison centrale dans une heure, c’est affreux il va devoir côtoyer les plus grands bandits de ce pays, vivre dans une cellule infame et risquer sa vie pour un crime qu’il n’a pas commis, pendant ce temps nous on devra chercher un avocat qualifié pour gagner ce procès. On m’a recommandé un cabinet d’avocat M&K Partner. Il y a trop d’information qui affluent à mon cerveau, il faut que j’agisse. Simon me dépose à la maison avant de ressortir aussitôt, il a une réunion très importante qu’il ne pouvait pas déplacer, c’est donc seul que j’irai à la recherche de cet avocat. Je prends une douche froide pour me motiver, j’enfile cet ensemble bleu marin, un blazer et un pantalon large, j’ai troqué ma tenue de dame d’intérieur, pour celle de femme d’affaire. Ce genre de cabinet est un endroit où traîne ces personnes qui se sentent supérieures dans leurs trois pièces, tenant attaché-case et café en main. Mais j’efface mes aprioris, c’est pour Brad que j’y vais. Devant cet immeuble en glace du bord de mer, je me tiens droite, d’un pas décisif je pousse la porte. Très bien accueillie, j’explique brièvement à la secrétaire pourquoi j’ai besoin d’un avocat, elle m’installe dans une salle d’attente et quelques minutes plus tard je suis conviée à entrer dans un bureau

-Bonjour madame, je suis Yves je suis juriste et je seconde maître Maganga. Alors je voudrais savoir pourquoi souhaiter vous recourir à nos services.

- Alors je suis Samira Moussirou, je viens pour mon frère Bradley Davis, accusé à tort de meurtre

- Je vois, alors il s’agirait de quel type d’homicide d’après les enquêteurs ?

- Je ne sais pas trop, ils ont juste dit c’est un meurtre de sang-froid, ils l’ont appréhendé chez lui après que les secours ont emmené la femme qui s’est elle-même donné la vie

 - D’accord je transmets les informations à maitre Maganga

   

Lydia Mbourou épouse Maganga

 

Je ne sais pas pourquoi je suis venue bosser aujourd’hui je suis un peu fatigué, on se relaies toutes les trois à la clinique pour veiller sur Mél, à son réveil elle a été perturbée de constater qu’elle n’était plus enceinte, elle s’est enfermée dans un mutisme, ni parole ni geste, elle reste prostrer toute la journée, on a vraiment peur pour elle, son psychiatre lui a donné un nouveau traitement. Quand Yves le jeune juriste que je forme depuis quelques mois apparaît en me relatant les charges dont sont accusé un potentiel client, je me redresse et écoute attentivement ce qu’il me dit. Moi j’aime les cas complexes, quand tous les avocats de Libreville te ferment la porte c’est là que je prends le relais. Les preuves peuvent incriminer un innocent, c’est pour ça que j’ai ma propre équipe, j’avoue que je me suis inspirée des films américains, on prend chaque étape du puzzle et on s’assure de prouver l’innocence de notre client. Je lisse les pans de ma jupe droite, je revêts ma paire de lunette, j’efface cet air épuisé et je me dirige vers la salle de réunion.

Grande fût ma surprise quand j’ai vu le visage de la concernée, la dame que nous avions croisé avec Bradley, vraiment celui là il ne va jamais disparaître de nos vies, le gardien de la clinique nous a assuré que la femme qui a agressé Mélanie était avec lui. Je demande à Yves de m’attendre dehors, j’ai deux mots à dire à la bande à Bradley. « Quel culot de venir vous présenter dans mon cabinet après ce que vous avez fait à ma sœur » c’est la phrase que je voulais balancer, mais en temps que chef d’entreprise je vais prendre sur moi et faire la comédie tout en lui disant ce que je pense d’elle et de son bon ami.

-Bonjour, je suis maître Maganga, associée principale de M&K Partner

- Bonjour maître, je tenais tout d’abord à vous souhaiter mes sincères condoléances

Bon j’essaie de rester calme mais cette femme veut me pousser à bout où quoi, de quelle condoléance parle-t-elle ? J’ai envie de la gifler comme ça

-Je vous demande pardon ? Condoléances par rapport à quoi ?

-J’ai entendu dire que Mélanie était décédée, donc je suis un peu confuse

-Ma sœur est bien vivante, vous direz bien à votre Bradley que sa fin à lui est bien plus proche que prévu

-Ecoutez je ne sais pas si vous connaissez tout ce qui s’est passé à la clinique, je pense que je me dois de vous apporter quelques éclaircissements

Elle me relate des faits rocambolesques, une femme enceinte de Bradley, qui a poussé Mélanie et s’est ensuite suicidé, une histoire digne de Nollywood, tout ça met mes pauvres nerfs a rude épreuve, je vais devoir trouver le moyen de me débarrasser d’elle, je ne représenterai pas ce Bradley, qui ne nous dit pas qu’il a tout orchestré, je refuse d’associer mon nom à ce genre d’histoire, en plus c’est comme ci je trahissais Mélanie.

-Ecouter madame il y a conflit d’intérêt, votre ami est sûrement la raison pour laquelle ma sœur est dans l’état dans lequel elle se trouve, je ne peux répondre favorablement à votre requête

-Je vous en supplie, Bradley c’est la seule famille que j’ai, il est innocent, il risque de finir sa vie en prison pour rien

Nous qui avons toujours cru que c’était une de ses conquêtes apparemment ils sont de la même famille, cela ne change rien à ma décision, je ne représenterai pas Bradley.

-La seule chose que vous pouvez faire c’est voir Maître Koumba mon associé ou voir un de nos juniors, pour ma part ce sera non

Avant qu’elle ne puisse ajouter quoi que ce soit, je me lève et sors de la pièce, je me dirige vers mon bureau, je me fais une infusion pour me détendre, j’ai vraiment cru que je ne sortirai pas de là sans l’avoir insulté, mais au final j’ai un peu pitié d’elle, j’espère pour eux que Franck va accepter de les représenter, même si avec son emploi du temps j’en doutes fort.

 

Samira Moussirou

 

Elle est partie, me voilà au point de départ. Comment je vais faire, monsieur le procureur a dit que c’est le meilleur cabinet du pays, il ne perde quasiment jamais d’affaire, je suis dépitée. Mais en même temps comment lui en vouloir, si j’avais su que c’était son cabinet je ne serais jamais venu. Le jeune homme qui m’a reçu au début fais son entrée dans la pièce

-Alors tout est réglé ?

-Elle ne nous représentera pas, j’ai besoin de voir Maître Koumba s’il te plaît

-Je suis vraiment désolé qu’elle ne soit pas prête à s’embarquer avec vous, c’est elle la meilleure et monsieur Franck m’a dit en début de semaine qu’il ne prendra pas d’affaire pendant 15jours, le temps de régler ses affaires en cours

-Et les avocats juniors ?

­-Bon je pense que maître Yombê et Boulou sont libres, je me renseigne et je reviens vers vous

Il m’a présenté aux deux jeunes avocats, ils m’ont rassuré du mieux qu’ils pouvaient et ont dit qu’ils prennent l’affaire en main, j’ai payer comptant les honoraires, l’argent n’est rien devant l’urgence.  

Aussitôt nous nous sommes rendus au tribunal pour voir ce procureur zélé, pour qu’il fixe le montant d’une caution, au moins il pourra préparer le procès à la maison, je ne l’imagine même pas dormir un jour dans ce trou à rat.

 

Bradley Davis

 

Le soleil brule à nouveau ma peau, le vent frais me frappe le visage. Je suis libre, même si je sais que le procès est en cours, je savoure, j’ai envie de sentir l’eau ruisselé sur mon corps et ensuite me coucher dans des draps frais. Je m’éloigne pendant que mes avocats discutent avec Samira, je n’ai plus envie d’écouter toutes ces étapes qu’il reste à franchir, pour tous je suis coupable. Une femme morte, un couteau, du sang dans une maison ; je n’ai aucune chance de m’en sortir, je veux juste profiter d’un peu de répit avant que ma vie ne bascule à jamais.

Samira m’a déposé à l’hôtel avec un petit sac d’affaire, je n’ai pas envie de mettre pieds dans cette maison maudite, j’ai déjà appelé mon notaire pour qu’il la mette en vente dès que possible.

Après un bain chaud, allongé, je n’arrive pas à trouver le sommeil, je viens de vivre deux jours catastrophiques, toutes les images défilent dans ma mémoire, je n’arrive pas à me sortir tout ça de la tête.

J’ai appelé mes amis, les seuls que j’ai, quitte à finir ma vie en prison autant en profiter. J’ai fait livrer du champagne et j’ai commandé à manger, Sam, Simon et Samira arrivent, j’ai hésité à appeler Lionel, sa cousine est quand même décédée par ma faute. C’est le couple qui débarque en premier dans ma suite qui pour le coup s’est transformé en snack bar.

-Mon cher tu es bien installé ici hein ?

-Oui type, j’essaie de décompresser un peu. Tout ça c’est grâce à ta merveilleuse épouse

-Oh lala je vais rougir, ah d’ailleurs j’ai dit à Lionel d’apporter tes papiers importants ici, comme ça tu feras un peu de paperasse

-Oh tu l’as appelé, je ne l’ai pas fait par ce que je pensais qu’il m’en voudrait par rapport à Mélanie ?

-Nous tous nous savons que Tatiana c’était une folle, en plus il a dit que Mélanie va mieux, toi qui pensais qu’elle était morte

-Comment ça ?

-Bah elle est vivante hein, elle hospitalisée à la clinique où a eu lieu l’accident

Sans réfléchir j’ai pris les clés de voiture de Samira et j’ai dévalé les quatre étages en courant, il faut que j’aille la voir. En roulant comme un fou j’y suis arrivée en quelques minutes, cependant je n’arrivais pas à descendre, qu’est-ce que je vais bien pouvoir lui dire, quelles excuses vais-je sortir, c’est quand même de ma faute si elle se retrouve ici.

Je prends un grand souffle et je descends de la voiture, je vais à l’accueil pour me renseigner, quand l’infirmière m’indique la salle, je sens mes battements cardiaque s’accélérés à chaque pas. Je tape à la porte et c’est sa mère qui m’ouvre, elle me reconnaît et me souhaite la bienvenue. Elle dit à Mélanie qui n’a pas cessé de me fixer qu’elle s’en va acheter de l’eau. Seuls, face à face, je la regarde. Elle semble déprimée, vide. Je me lance dans un discours d’excuse mais elle ne me répond pas. Ses larmes coulent en silence, quand je veux approcher elle me fait signe de reculer mais je m’en fou, j’en ai marre de tout ça, je veux la prendre dans mes bras.

-Bradley, va-t-on, sort de ma vie, tout est de ta faute, mon bébé est parti à cause de toi, pars

Je reste figé quand j’entends « bébé », elle était donc enceinte. Je la laisse m’insulté et me traiter de tous les noms, elle ne cesse que lorsque Sandra débarque dans la pièce ‘’ oh Mel tu parles ‘’, j’en profite pour partir avec un peu de dignité, je suis embrouillé, Mel enceinte ? qui était le père ? Jérôme ? Trop de questions fusent dans ma tête. Je retourne à la voiture, en traversant la ruelle, je n’ai pas vue ce 4x4 qui arrivait à vive allure, je sens seulement mon corps s’envoler dans les airs. 

La veuve