Partie 32 : Eurêka !
Ecrit par labigsaphir
Je piaffe d'impatience et regarde à nouveau ma montre. Les femmes sont incroyables, elles ont cette manie de toujours vous faire attendre pour rien. Près d'un quart d'heure de retard et pas l'ombre de sa silhouette, je n'ai donc pas été assez clair avec elle. J'ai horreur des femmes qui veulent se la jouer fatales, alors qu'elles sont des têtes vides ou des Marie-couche-toi-là. Je soupire et commande une deuxième rasade du breuvage et avise un journal traînant par là.
- Bonsoir, entendis-je au bout d'une dizaine de minutes.
Je relève doucement la tête et croise son regard. Elle a le culot de me sourire, cette idiote.
- La ponctualité, vous connaissez ? Lui demandai-je énervé.
- Je suis désolée, j'avais du travail en rab, s'excuse-t-elle en enlevant sa veste.
- Vous saviez pourtant que je vous attendais ! L'on dit pourtant que la ponctualité est un réflexe chez les anglais.
- Eh oui...Boff, vous savez...J'avais du travail, il fallait que je le termine. Je n'allais quand même pas mettre mon job en jeu.
- Imaginez que vous n'ayez plus de job, demain, dis-je avec une voix ferme.
Elle se rembrunit, s'assied sans mot dire, prend le temps de vérifier que son sac à main ne risque rien, que son vernis n'est pas écaillé avant de se tourner vers moi, le regard dur.
- Ne vous avisez plus jamais de menacer, lâche-t-elle les dents serrés.
- Et si je le fais, que me ferez-vous ? Répliquai-je en la regardant droit dans les yeux.
- Vous ne savez pas à qui, vous avez à faire, répond-elle en rapprochant dangereusement son visage du mien.
- Ah bon ? Ironisai-je en lui faisant mon plus beau sourire.
- Non, vous n'avez pas idée de la dangerosité de la situation, Allan.
- Monsieur Allan Graham ! Corrigeai-je en élevant la voix.
- Vous pourriez laisser votre vie sur le carreau, continue-t-elle impassible.
- Tiens donc,
- Et si nous parlions affaires ? Demande-t-elle en changeant radicalement de ton ; le contraste entre la sérénité affichée et son langage corporelle est tellement saisissant que j'en ai malgré tout, des frissons. Cette femme est vraiment dangereuse.
- Quelles affaires ? Nous n'avons jamais discuté affaires, à ce que je sache, la coupai-je mollement. J'ordonne et vous, vous obéissez.
Elle arrête le mouvement de sa main, celui qui allait de la table à sa bouche et fait la moue durant quelques secondes.
- Combien de temps encore ?
- Le temps qu'il faudra, fais-je tout simplement.
- Vous ne pourrez pas tenir longtemps, ils s'impatientent ; son regard est dur, très dur à ce moment.
- Vous semblez oubliez à qui vous vous adressez, j'ai l'impression. Alors que vous cherchiez encore dans quel lit vous vautrez afin de vous assurer un avenir, je fais ici allusion à votre travail, moi, je travaillais déjà. Ma société n'est certes pas aussi florissante ou puissante comme Stern, mais importante dans mon milieu. Renseignez-vous, je suis connu comme le loup blanc dans mon milieu, le meilleur de ma génération.
- Ils le sont aussi, ils le sont aussi, réussit-elle à glisser : je comprends l'allusion mais choisis de ne pas relever.
- Pour me faire une place au soleil, poursuivis-je après pris une rasade de la liqueur, j'ai dû me battre contre des intellectuels, des autodidactes, des hommes véreux et des caïds que vous semblez affectionner. Alors, vos menaces à deux balles, ne m'impressionnent vraiment pas.
- Pas comme ceux-là, rebondit-elle ; elle est assez sure d'elle et ne cille pas.
- Trêve de bavardage, revenons-en à l'essentielle sinon nous serons encore là à l'heure de Nicodème.
- Si vous le dites !
- Bien, j'aimerai que vous lui envoyiez tous les documents relatifs aux société-écrans.
- Je ne pourrai pas, non.
- Ah bon ?
- Ce serait signer mon arrêt de mort. Et ma garantie ?
- Vous avez ma parole, je n'en ai qu'une seule.
- Pour ce qu'elle vaut...Tsiiiik !
- Pardon ?
- Ecouter, monsieur Graham, ce petit jeu a assez duré. Vous m'avez démasqué, je ne sais comment et forcé à livrer des documents à lui envoyer ces documents.
- Poursuivez,
- Seulement, la dernière société ne fait pas partie du système. Je serais donc obligée d'aller fureter sur leur base de données, ce qui me mettrait en danger car ils ne travaillent pas avec des amateurs mais des ingénieurs, des génies et virtuoses dans leur art. A la moindre intrusion dans la base, je serais facilement repérer et les miens, en danger de mort.
- Vous voulez me faire croire que vous n'avez main mise sur rien ?
- Concernant la dernière société, oui.
- Pourquoi ?
- Les autres constituent la face émergée de l'iceberg alors que la dernière est le socle de toute une organisation.
- Vous devrez donc fournir des trésors de patience car tout au long de ma carrière, j'ai appris à ne pas faire cas du refus.
- S'il vous plait, monsieur Graham, tout ce que vous voudrez mais pas ça ; sa voix est chevrotante et son regard, embué.
- Vous saviez pertinemment et étiez au courant de tout ce qui se tramait. Vous le saviez ! Vous êtes-vous proposée à l'aider, sachant ce qu'elle encourait ? Non !
- Monsieur Graham, je n'avais pas le choix.
- L'on a toujours le choix dans la vie, vous le savez parfaitement.
- Monsieur Graham, s'il vous plait, supplie-t-elle ; elle pose sa main sur mon bras et s'y agrippe, attirant ainsi l'attention des autres tables sur la nôtre.
- Lachez-moi, voulez-vous ?
- S'il vous plait, ne m'obligez pas à le faire, supplie-t-elle ; cette fois, les larmes inondent son visage.
- Vous lui donnerez les informations ce soir à minuit, au plus tard sinon vous finirez le reste de votre vie en prisons.
- Ma famille, monsieur Graham, ma famille, supplie-t-elle.
- Et la sienne ?
- A quoi bon, puisqu'elle ne vous aime pas et préfère l'autre ?
- Qu'en savez-vous ? Et puis, comment savez-vous qu'il est là ?
- Croyez-vous être cachés ? Tous vos faits et gestes sont connus ; il faut que l'avertisse mais comment ?
- Vous lui direz aussi qu'elle est surveillée.
- Non, je ne peux pas. S'il vous plait, ne m'obligez pas à le faire, ce serait signer mon arrêt de mort.
- Je joue ma partition et vous, jouez la vôtre et nous ne nous reverrons plus jamais.
- Ok...Ok...Ok ; elle se mouche bruyamment et essuie le rimmel qui coule sur ses joues avec la serviette immaculée de la table. Je l'aurais surement prise en pitié en d'autres occasions.
- Ce soir, minuit au plus tard, rappelai-je en jetant un billet de 20 euros sur la table avant de me lever et sortir du restaurant sans me retourner.
Ah oui, vous ne comprenez surement rien à ce qui vient de se passer. C'est normal, vous arrivez durant l'entracte. Oui, oui, c'est compliqué, il va falloir que je vous fasse un flash-back ou mieux, que je vous briefe.
Depuis ma tendre jeunesse, j'ai toujours été fan de polars. La science-fiction et les films policiers, ont toujours été mon dada en plus des chiffres et de la communication. Aussi étonnant que cela puisse paraitre, j'ai toujours aimé aller à contre-courant. C'est la même démarche que j'ai adopté concernant l'affaire dans laquelle Jen était engluée. Sachant que Maitre Carlai et Elric, se concentraient sur les preuves, moi, j'ai décidé de porter mon choix sur les personnes.
Je me suis procuré la liste du personnel de l'entreprise au siège et demander à une connaissance dans la police, d'effectuer des recherches. A part quelques PV, contraventions et problèmes mineurs, il n'y avait vraiment rien de grave. Je m'y attendais aussi car la sélection d'entrée dans une boite telle que Stern, ressemble à s'y méprendre à un vrai parcours de combattant.
J'ai fait appel à un ami informaticien et demandé de fouiller à la fois, leur mail et comptes bancaires. Là, j'ai fait une découverte ; j'en suis encore tourneboulé. Ni d'un ni de deux, j'ai demandé à un détective de filer le parfait candidat, tout en me procurant sa dernière fiche de salaire. Le quartier dans lequel la personne vit en plus du train de vie dispendieux, ont attiré mon attention et confirmé mes craintes. Il a fallu creuser avant de lui donner rendez-vous, en dehors de la ville, comme toujours.
Maintenant que c'est fait, il est temps pour moi, de rentrer chez moi. Je suis un chef d'entreprise, donc me dois d'assurer un service minimum et montrer à mes employés que je suis là.
PENDANT CE TEMPS...
[ JAMICE ]
- Je croyais que je n'étais plus digne de vous, de même que papa.
- Tu t'es fait des idées, Jamice.
- Dick, contrairement à ce que vous pensez, tout ce qui se passe me touche.
- Je n'en doute pas.
- Tu as l'air de ne pas y croire.
- Jamice, depuis l'enfance, tu as toujours été la photocopie conforme de papa. Aussi froid qu'un bloc de glace et si sec, je ne te l'apprends pas.
- Huhumm.
- Tu as toujours su cacher tes sentiments, c'est inouï. Carla et moi, nous faisions souvent la réflexion selon laquelle, tu ferais un excellent joueur au poker. Alors que certains sont en train de paniquer, transpirer à grosses gouttes, tu sais toujours comment conserver le flegme britannique.
- C'est important dans le monde des affaires, argue-t-il.
- Je te rappelle que je fais partie du même monde que toi.
- Je sais, Dick, je sais, fait-il en levant les yeux de son dossier.
- Encore heureux.
- Dick, je vais t'avouer quelque chose. Je n'ai jamais pu en parler car depuis toujours, Carla et toi, êtes un duo soudé. Vous vous entendiez comme larrons en foire. Combien de fois ai-je voulu faire un pas vers vous, mais ai finalement manqué de courage.
- ...
- Je sais que pour vous, je n'ai pas de cœur. C'est encore pire depuis l'affaire avec Jen.
- ...
- J'ai toujours envié la capacité que vous aviez, Carla et toi, a décidé de votre avenir malgré les pressions exercées par notre père. Carla a rapidement mis les voiles avec Jen et toi, tu t'es exilé en Afrique du Sud. Vous avez résisté aux pressions, menaces et intimidations de Klaus Stern.
- ...
- Vous avez fait le choix de recommencer à zéro, oublier le train de vie que vous aviez. Vous avez recommencé à zéro, les petits boulots, la fac et les périodes de galère. Vous avez connu des périodes difficiles, des périodes où manger était difficile, tout comme s'habiller.
- Comment le sais-tu ?
- Papa vous faisait surveiller et suivre depuis toujours. Malgré la carapace et la muraille qu'il est forgé, il a toujours gardé un œil sur vous, toujours. J'ai souhaité et voulu vous venir en aide, mais il me l'a formellement interdit.
- ...
- Dick, je crois qu'outre la colère et l'impuissance de vous voir quitter son giron, il vous admire. Je crois que papa vous admire et vous aime pour votre ténacité, votre fore psychique.
- Il a une drôle de façon de prouver son amour.
- Je vous ai toujours admiré, toujours et vous admire encore. Je ne m'en plains pas, non, non. Tout le monde sait que Jamice Stern a toujours été sous la coupe de son père, toujours. Il a déblayé le chemin pour que je puisse le seconder, c'est vrai. Seulement, j'aurai souhaité faire mes erreurs, m'amuser comme vous.
- ...
- Vous n'aviez pas les moyens mais viviez, respiriez, aviez des rêves.
- Jamice,
- Mes rêves ont toujours été ceux de papa, toujours. Je vais le succéder, c'est vrai mais est-ce vraiment ce que je voudrais. Nul ne s'est demandé si c'était vraiment ce que je souhaitais, personne !
- Je ne savais pas, Dick.
- Non, personne ne savait, personne ne l'a su. J'ai envie de tout laisser tomber et prendre des vacances, mais il y a fort à faire. Tous les indicateurs ne sont non pas au rouges, mais moyens ; ce qui est inédit.
- ...
- Papa pose souvent certains actes que je ne cautionne pas, peu le savent. Sa signature vaut 10 000 fois la mienne, c'est ainsi. Mon silence n'est pas toujours synonyme de laxisme ou d'approbation.
- ...
- Je compatis à la douleur de Carla, concernant Jen.
- Mais pourquoi ne le dis-tu pas à Carla ?
- Elle ne m'a jamais laissé la possibilité de le faire.
- Réessaie, réessaie Jamice.
- ...
- Je vais y aller. Ah oui, j'allais oublier, Jamice.
- Oui,
- Pour Carla et moi, tu as toujours été un fayot et celui qui a eu la possibilité de vivre auprès de papa et maman. Apprendre la mort de sa mère que l'on n'a pas vu depuis des années, je ne le souhaite à personne.
- C'est aussi vrai.
- A plus tard, je dois faire un saut à mon hôtel.
- Tu pourrais poser tes valises chez moi ou domaine familial.
- Non, merci.
Il sort de la pièce, je me rends dans le bureau de la secrétaire, récupère certains dossiers et vais m'enfermer dans le bureau afin de les étudier.
TOC...TOC...TOC...
- Entrez ! Fais-je automatiquement, le nez dans l'un des dossiers.
- J'ai terminé mon travail pour ce matin.
- Ah oui, tu es efficace, toi.
- J'ai eu un bon maître.
- Oh ! Merci, Vanaya.
- Alors, que puis-je faire pour toi ?
- Aujourd'hui, rien.
- Comment ça ? Je vois pourtant une pile de dossiers devant toi.
- Oui, mais je préfère les consulter moi-même. Je peux parfois être tatillon et nous nous étriperions avant la fin de la journée, si j'accepte ton aide.
- Ok, si tu le dis. Voudrais-tu que je te ramène un plat à emporter ?
- Non, je mangerai au réfectoire ; elle grimace et rentre dans le bureau.
- Je sais que le chef est compétent mais franchement, à force, j'ai l'impression que tous les plats se ressemblent.
- Il faudrait de temps à autres, varier. Va manger dans un restaurant ou prend un sandwich, ça te changera surement.
- C'est ce que je compte faire.
- Et avec ton chéri ?
- Tout va pour le mieux, tonton.
- Jamice, pas tonton. Cela me vieillit, pitié.
- Ha ha ha ha ha ha ha, je vais essayer.
- Il veut déjà se poser alors que moi, je tiens à m'amuser avant de me responsabiliser.
- Mais dis-le-lui.
- C'est ce que j'essaie de faire mais ce n'est pas facile.
- Courage.
- Merci.
- Des nouvelles de ta sœur ?
- Je n'ai pas de sœur, que des frères ; elle lève les yeux vers le ciel, signe d'agacement.
- Que lui reproches-tu ?
- D'avoir piqué ma place, il n'y en a que pour elle !
- Elle n'a piqué la place de personne, Vanaya. Nous avons tous un talent caché et le sien, ce sont les chiffres.
- Pfffff...si ce n'est que cela.
- Et si tu faisais des études en ligne ?
- J'y ai déjà pensé mais pour l'année prochaine.
- Ok. Et ta mère ?
- Elle est là mais avec sa fille chérie, ironise-t-elle.
- Vanaya, tu devrais faire un effort d'aller vers elle. Tu sais, même si les employés ne disent rien, rien ne leur échappe.
- Ok, j'ai compris, s'agace-t-elle.
- Bien !
- J'y vais !
- A plus tard.
Elle sort, je plonge à nouveau dans les dossiers et en sors deux heures plus tard.
- Minceeeeeeeeeeee ! Fais-je en posant le feuillet, plus loin sur mon bureau.
J'ouvre tous les dossiers et me concentre, je n'en reviens tout simplement pas. Comment ai-je fait pour passer à côté ?
- C'est la même procédure, la même !
Je me relève, arpente la pièce durant quelques minutes, puis reviens à mon bureau en hâtant le pas. J'appuie sur l'un des boutons et quelques secondes plus tard, ma secrétaire apparait.
- J'aimerai rencontrer le DRH et le directeur du département informatique, s'il vous plait !
- Tout de suite, monsieur ; elle sort sans faire de bruit, plus silencieuse qu'une chatte.
Je me rassois, compulse les dossiers et en sors toutes les pièces qui m'intéressent, les classe en attendant que les deux autres arrivent.
- A nous ! Fais-je en les voyant.