Partie 37 : Lavigna TUDOR (début)

Ecrit par labigsaphir

***FLASH-BACK DE 47 ANNÉES ***

- Tu es très en beauté, chérie.

- Merci chéri.

- Et dire que tu y vas pour trois(3) semaines, c'est long pour moi.

- Le temps passe vite, tu auras à peine le temps de faire deux à trois réunions en entreprise que je serais déjà de retour.

- Non, je ne crois pas.

- Mais si, chérie.

- L'on peut toujours déléguer, tu sais ?

- Non, j'ai vraiment envie d'y aller.

- J'ai des employés, choisis-en quelques et ils te feront un travail correct.

- Chéri, je sais que tu ne t'entoures que des meilleurs, commençai-je espérant ne pas l'énerver.

- Mais,

- J'ai aussi envie de visiter et je pense que pour l'ouverture d'un marché ou la signature d'un partenariat, envoyer un sous-fifre s'apparenterait à un manque de respect.

- Non, je ne crois pas. Vu ce que nous voulons faire,

- Ce que je voudrais faire, corrigeai-je automatiquement.

- Pardon, ce que tu voudrais faire, je ne crois pas qu'ils s'amuseraient à refuser un pareil contrat, c'en est une aubaine.

- Et même,

- Jeneya Malvina Tudor épouse STERN, seriez-vous malheureuse à mes côtés ?

- Non mon amour, dis-je en posant un baiser sur son front.

- Mais quoi, alors ?

- J'ai envie de sortir et voir du monde, me sentir utile.

- Il était prévu que tu sois et restes femme au foyer, à ce que je sache.

- Je sais mais j'éprouve le besoin de respirer.

- Tu es maintenant une femme mariée, Jeneya. Tu ne peux décider de quitter ton foyer n'importe quand et n'importe comment, pour aller en aventure ; je le sens se raidir dans mes bras.

- Ce n'est pas ce que je voulais dire, Klaus. J'ai l'impression que tu te méprends et me prêtes des idées.

- Bah exprime-toi et de la meilleure des manières qui soit, ordonne-t-il mollement.

- J'admire l'homme que tu es, la personne que tu es devenue, tu le sais fort bien. Je suis en admiration devant le papa aimant et gâteau que tu es, je me dis avoir de la chance et remercie le ciel tous les matins en m réveillant à tes cotés.

- Seulement,

- Tu m'as fait l'honneur de m'épouser et nous avons un merveilleux fils d'un an et demi.

- Que tu souhaites laisser seul pour aller en aventure, me coupe-t-il doucement ; je culpabilise aussitôt, il sait appuyer où cela fait mal.

- Je ne souhaite pas aller ne aventure, j'aimerais juste oublier que je suis épouse ou mère, le temps de quelques jours et vivre en tant que femme, femme d'affaires.

- Mes parents ont eu une flopée d'enfants, tu sais. Ma mère n'a jamais éprouvé le besoin de s'oxygéner l'esprit ; qu'en sais-tu ? Ai-je envie de lui crier mais les mots viennent mourir dans ma gorge.

- Oui, je comprends mais c'était ta mère et ta mère, n'est pas moi.

- Vous êtes pourtant tous les deux, femmes au foyer.

- Ce n'est pas la même époque, m'hasardai-je. En fait, j'ai besoin de me réaliser. J'ai besoin de faire quelque chose, mener à bien et à terme un projet, afin de me sentir utile.

- Ok, je comprends, fait-il en se détachant de moi.

- Klaus, ce n'est pas ce que tu crois. Je n'ai jamais dit que tu es un mauvais mari, amant et encore moins, père.

- Je sais.

- Je t'en pie, suppliai-je.

- Bon, je vais y aller. Bon voyage. La dame de ménage prendra soin de Jamice en ton absence comme convenu, mon fils ne quittera pas ma maison pour suivre sa mère dans les vadrouilles.

- Klaus, je t'en prie.

- Bon voyage, Jen !

Il sort sans un regard pour moi. Mon cœur est morcelé et les pensées qui m'animent à cet instant, sont contradictoires. J'ai envie d'une part, de rester et de l'autre part, y aller car je le sais et le sens, la survie de notre couple, dépend de ce voyage. Je sais que certains ne comprennent pas et ne comprendront surement jamais.

Cela fait quelques années déjà, Klaus m'a fait l'honneur et honorée devant Dieu et les hommes. Autour de moi, tous étaient sceptiques, connaissant le caractère trempé de mon époux. Klaus fait partie des hommes autodidactes qui se sont construits sur le terrain, ont presque tout essuyé de la vie et avancent au jour le jour. J'ai toujours admiré sa force et sa détermination, suis fière de faire partie de sa vie.

Seulement, tout ce beau et reluisant tableau, a aussi face cachée. Klaus est d'une jalousie maladie, c'en est presque une possession. Il fait attention à moi et veille sur sa famille comme il veillerait sur ses affaires, tenant à ce que tout soit carré, qu'il puisse maîtriser en tout temps et tout lieu, l'évolution dans le temps et dans son périmètre. Klaus est sur plusieurs fronts mais j'avoue, a toujours du temps pour les siens.

J'aurai pu dire que je suis comblée mais voyez-vous, j'étouffe dans mon couple. J'étouffe, j'ai l'impression d'être un meuble, un bibelot ou une de ses propriétés à laquelle l'on fait attention par devoir et non par désir. Je sais que vous ne comprenez pas, mais c'est ainsi.

Je me lève récupère mes affaires, range mon passeport dans mon sac à main avec toutes mes autres pièces d'identité et fait appel au majordome. Il prend tous mes bagages et les portes à la voiture, pendant que je fais un tour dans la chambre de Jamice qui dort à poings fermés dans son berceau. J'ai les larmes aux yeux en l'embrassant, se yeux, ses mains, ses pieds. Je remercie le Seigneur tous les jours de m'avoir donné un fils tel que lui. Je suis comblée en tant que mère et épouse mais en tant que femme, non. J'ai besoin de voir ailleurs et aurais bien voulu que mon fils soit du voyage mais son père a été catégorique. Je fais les dernières recommandations et vais prendre place dans la « Tortue », qui m'emmène à l'aéroport.

Deux heures plus tard, toutes les formalités faites, j'embarque enfin en ayant une pensée pour mes hommes. J'aurai tant aimé que nous nous séparions en de bons termes mais c'est impossible. Je soupire, salue l'équipage et vais sagement rejoindre ma place.

Une heure plus tard, l'avion atterrit à Paris CDG (Charles De Gaulle) et trois quart d'heure après, je prends la correspondance pour New Dehli (capitale de L'inde) ; durée du trajet, 9 heures.

QUELQUES HEURES PLUS TARD...

J'attache la ceinture, me débarrasse de mon cardigan, car il fait trop chaud et le pose sur mes genoux en priant le ciel que l'atterrissage soit parfait. J'ai toujours eu une peur bleue de l'avion, peut-être est-ce l'une des raisons pour laquelle Klaus ne m'emmène jamais avec lui lors de ses voyages d'affaires, je ne saurais vraiment le dire.

Quelques minutes plus tard, après des applaudissements et le souhait d'un bon séjour de la part du capitaine et tout son équipage, que nous ne manquons pas de saluer et féliciter en sortant de la carlingue, je foule le sol indien. Je panique un bref instant mais me ressaisis assez vite, Klaus a tout prévu.

Trois quart d'heure plus tard, tirant ma valise, j'avise un homme couple dont l'homme tenant une pancarte sur laquelle est écrit mon nom. Je souris et hâte le pas en me dirigeant vers eux ; ils semblent avenants. La dame me met une couronne de fleurs autour du cou et une autre sur la tête en plus d'un point rouge au milieu de la figure.

- Pourquoi le point rouge ? Demandai-je par curiosité.

- Vous êtes une femme mariée, répond-elle simplement.

- Ah ok. Merci pour cette délicate attention.

- De rien. Voici Adit( le juste en indien) Aman, mon époux et moi, je suis Asha ( espérance en indien).

- Enchantée et moi, comme vous le savez, je suis madame Stern mais appelez-moi, Jeneya.

- Enchanté fait Adit en me regardant à peine deux secondes dans les yeux ; surement leur culture.

Il se charge des bagages pendant que sa femme et moi, discutons allègrement en le suivant. J'admire l'harmonie dans leur couple et surtout le fait, que chacun sache où est sa place. Quelques minutes plus tard, nous prenons une autre « tortue » noire. J'avoue être surprise par la voiture. Je croyais que les porteurs seraient notre moyen de transport. Je regarde par la vitre en écoutant distraitement Asha qui ergote, elle ne semble vraiment pas vouloir s'arrêter et c'est tant mieux. Je constate avec ravissement que la ville est belle, colorée et admire la foule bigarrée et hétéroclite. Tout semblerait presque irréelle car totalement différent de Londres. Un melting-pot de races, cultures et de je ne sais quoi d'autres, vous mettant tout de suite dans le bain. Je suis comme une enfant dans une confiserie.

Nous arrivons à l'hôtel une demi-heure plus tard, mes vêtements collent à la peau. Je suis conduite à ma chambre après les formalités d'usage. Je prends rapidement une douche, puis appelle mon époux qui commençait à s'inquiéter. Je demande après Jamice pour le fun, appelle la maison après avoir terminé avec lui. Tout va bien, je peux donc me détendre. Je fais monter un plateau, surtout des boissons et fruits, que je déguste avant de m'en dormir.

Le soir venu, après une rapide toilette, Asha passe me voir. Elle m'apporte un Saari de couleur orangée je suis surprise mais heureuse. Je me prête au jeu et m'habille, je donnerai tout pour que Klaus me voir dans cette tenue ; mon regard est pétillant, je le sais. Je commence à avoir faim et le fais savoir à Asha qui propose de faire monter un plateau de salade et spécialités anglaises. Je refuse et demande à aller dans un restaurant indien, je suis curieuse de nature.

Elle parait surprise et m'invite finalement chez elle, ce que j'accepte volontiers. Une heure plus tard, nous sommes assis autour d'une table basse, à même le tapis, dégustant des spécialités indiennes. Je ne regrette en rien d'avoir fait le voyage et d'avoir découvert, c'est divin. Après le thé, nous nous acheminons vers le marché en abordant des sujets légers, déambulons parmi les étals. Je m'en prends plein les mirettes, hume avec bonheur les parfums exhalées par les fleurs de plusieurs couleurs et la nourriture. Nous nous enfonçons dans le marché artisanal en plein centre de New Dehli, je suis dans mon élément. J'en apprends sur Shiva le Dieu indien et Bouddha, celui des moines.

Tellement nous nous amusons, je ne vois pas les heures passées et suis contrainte de rentrer à l'hôtel à la tombée de la nuit. Je suis fatiguée mais heureuse, si heureuse que j'appelle Klaus et lui fais un compte-rendu détaillée de ma journée. Il semble content puisque je l'entends éclater de rire, puis il me passe Jamice qui se contente de babiller. Je verse des larmes mas suis contente d'entendre mes hommes. Une douche rapide après avoir raccroché, je vais dans les bras de Morphée.

LE LENDEMAIN...

- Bonjour Madame Stern,

- Bonjour.

- Je suis Ayati ( Royale en indien), la secrétaire d'Isham Bashan.

- Enchantée, Ayati.

- Moi de même, Madame Stern. Mon patron est en réunion mais ne tardera pas, rassurez-vous.

- Ok.

- Suivez-moi, je vous prie.

Nous traversons un dédale de couloirs et arrivons enfin dans une petite salle où trônent quatre sièges à l'aspect luxueux et un canapé dans le coin.

- C'est notre salle d'attente. Il viendra vous chercher, je vous rassure. Veillez vous asseoir.

- Merci Ayati.

- Que désirez-vous ? Boissons ? Douceurs ?

- Tout ce que vous voudrez, je suis assez curieuse.

- Nous ferons donc un mix de tout, suggère-t-elle.

- Très bonne idée.

Quelques minutes plus tard, elle revient accompagnée d'une autre jeune fille, portant un plateau contenant des petits gâteaux salés et sucrés en plus des boissons ; des spécialités locales qu'elles prennent soin de me présenter avant de s'éclipser. Je mange en lisant un journal traînant par-là et ne vois pas le temps passer.

- Bonjour madame Stern, fait une voix près de moi.

Je sursaute, lâche mon verre qui va s'écraser sur le sol, salissant au passage mon chemiser.

- Je suis vraiment désolé, mon but n'était pas de vous faire peur, continue mon interlocuteur.

- Je n'en doute pas une seconde, dis-je m'autorisant pour la première fois à le regarder.

- Je suis Isham Bashan, nous avions rendez-vous. Navré pour l'attente, j'avais rendez-vous avec des partenaires. Des réunions qui s'éternisent, vous connaissez surement.

- Bien sûr, m'empressai-je de dire.

Je suis frappée par sa beauté, sa classe, son élégance et surtout, ce qu'il dégage. Je me lève et suis éblouie par quelque chose, je n'arrive pas de suite à mettre le doigt dessus. Ah oui, oui, fais-je après quelques instant, ses yeux ; ils sont de couleur bleu-vert, ce qui est étonnant pour un indien. Je frissonne en prenant sa main, il m'oblige à le regarder dans les yeux et garde le silence durant quelques secondes.

Isham est un bel homme aux tempes grisonnantes, svelte, de grande taille et de teint méditerranéen ; je ne pourrais dire qu'il a un teint mat mais pas totalement blanc. Il a un visage ovale, des yeux de biches, un nez droit, un sourire ravageur de très belles lèvres en plus d'un menton fuyant et un front assez haut. Isham est agréable à regarder, la douceur de ses mains et les effluves de son parfum, me font comprendre qu'il prend soin de lui et chaque détail est étudié sous son apparente nonchalance. Il porte un Sherwani d'un blanc éclatant, accessoirisé d'un Gatcholas de couleur rouge et or ; nous reviendrons sur l'habillement des indiens, rassurez-vous.

- Je payerais la facture du blanchisseur.

- Oh non, m'écriai-je, ce n'est rien.

- Mais si, j'insiste.

- Ok, finis-je par accepter.

- Suivez-moi, je vous prie.

- Ok.

Nous prenons sur la droite et nous arrêtons quelques mètres plus loin, devant une porte Il s'efface pour me laisser entrer. Il règne dans ce bureau, un luxe d'une telle insolence que j'en suis baba. Je regarde de tous les côtés et en deviens aphone, jusqu'à ce qu'il se racle la gorge et me demande de prendre place devant l'imposant bureau qu'il contourne et va s'asseoir.

- Bienvenue en Inde, madame Stern.

- Merci Monsieur Bashan.

- Isham, suffira, Isham, corrige-t-il.

- Dans ce cas, appelez-moi Jeneya.

- C'est noté. Ne serait-il pas mieux de nous tutoyer ?

- J'allais vous le proposer.

Nus nous observons dans un silence qui aurait pu être gênant mais paradoxalement, est stimulant. D'habitude, je suis transie de peur et envahie par ma timidité en présence d'un étranger mais là, je suis plus qu'à l'aise et sens que je pourrais échanger des heures et des heures avec lui.

- Alors, Jeneya, que penses-tu de l'Inde ?

- L'Inde, ce serait trop dire mais New Dehli est une très belle ville.

- Complètement différente de Londres, n'est-ce pas ?

- C'est vrai. Hier avec une amie indienne, nous étions au marché de Kapour.

- Kapour, tu dis ? Demande-t-il en arquant un sourcil et esquissant un sourire.

- Oui, pourquoi ? N'était-ce pas une bonne idée ?

- Si si si je suis surpris et agréablement, si je puis dire.

- Et pourquoi ?

- Généralement, lorsque les indiens et les français arrivent à New Dehli, ils se cantonnent à leur hôtel, ne cherchant pas aller vers l'autre, connaitre la culture indienne.

- Le complexe de supériorité, complétai-je.

- Oui, il a vraiment la dent dure.

- Bah nous ne sommes pas tous pareils, la preuve.

- C'est ce que je constate.

- Peu auraient été aussi courageux et téméraire, tu sais. S'enfoncer dans le marché de Kapour, il en faut.

- Et pourtant, j'ai aimé. Après le déjeuner typiquement indien, chez Adit et Asha, il fallait bien m'immerger.

- C'est bien. J'aime beaucoup ton état d'esprit et le respect que tu as envers l'Inde.

- Tu t'exprimes bien, fais-je remarquer ; il a un sourire narquois.

- J'ai mes études à Oxford avant de rentrer prendre les rênes de l'entreprise familiale.

- Ah ok.

- Ceci dit, j'aurais fait les mêmes études ici qu'il n'y aurait pas eu de différence.

- Je n'ai prétendu le contraire, tu sais, arguai-je en comprenant l'allusion.

- Alors, pour ce contrat ? Annonce-t-il passant sans transition d'un sujet à un autre.

- J'aimerais ouvrir un magasin et souhaiterai m'attacher les services d'un fournisseur en tissu indien mais aussi, tout ce qui a trait à l'art indien.

- Tu es à la bonne adresse.

- Et si nous voyions la palette de services que tu as à m'offrir ?

- Je te prie de me suivre dans le petit salon.

Il se lève, sonne et la secrétaire arrive rapidement, il demande dans un français quasi parfait d'apporter des albums ; je lui suis reconnaissante de s'exprimer dans une langue que je comprends, afin de ne pas me mettre mal à l'aise. Elle s'exécute et quelques minutes plus tard, nous feuilletons ledit album, notant au passage les références des produits qui m'intéressent.

Deux heures plus tard, après d'après discussions, il propose que nous allions diner dans un restaurant de la ville après avoir fait un tour dans un magasin de vêtements chics. L'alchimie est tellement forte qu'au lieu d'une heure, nous passons près de trois heures à discuter. Je suis conquise par son sourire, sa vivacité d'esprit, son intelligence et surtout, les attentions qu'il multiplie envers ma personne.

- Je vais devoir te quitter, Isham.

- Ah oui. Désolé d'avoir abusé de ton temps, s'excuse-t-il.

- Non, non, je crois que madame Bashan souhaiterait aussi avoir son mari à la maison.

- Il n'y a pas de madame Bashan, avoue-t-il en me regardant dans les yeux ; je suis émoustillée.

Que t'arrive-t-il, Jeneya ? Tu es pourtant mariée à ce que je sache. Klaus aurait-il eu raison de se méfier ne te laissant sortir de la maison ?


Jeneya CROFT, l'Impé...