Partie 73 : quand le vin est tiré, il faut le boire jusqu'à la lie

Ecrit par labigsaphir

PIIIIIIIIIING....PIIIIIIIIIIIING...PIIIIIIIIIIIING

Je sursaute et appuie sur l'embrayage machinalement en regardant sur le rétroviseur. Je suis éreintée, pourtant je ne me souviens pas avoir eu une activité physique depuis des jours. Je soupire et gare devant la boulangerie, prends des baguettes et des viennoiseries avant de faire une autre pause cinq minutes plus tard chez le fleuriste. Je soupire en posant les fleurs sur la banquette arrière et prends la direction de la maison, je n'en peux tout simplement plus.

J'espère que cette séance portera vraiment ces fruits. Cela fait quelques jours que ma famille vit au rythme des cauchemars que je fais. Mon homme a été griffé au cours d'une nuit sur le visage alors qu'il essayait de me réveiller ; je faisais un cauchemar, un de plus. C'est ce jour-là, en voyant le visage de mon homme que j'ai décidé de prendre rendez-vous avec un professionnel. Au bout de dix jours, ayant constaté que ça n'allait pas assez vite à mon gout, j'ai pris rendez-vous avec un professionnel de l'hypnose.

J'avoue que j'y allais avec un certain scepticisme, car pour moi ce sont des charlatans. Seulement, il a su me mettre à l'aise et au moment où j'ai entendu le tintement de la cloche, j'ai sombré sans retenue.

Retour quelques heures auparavant...

Comme toujours, je suis revenue au même endroit, derrière cette porte, à regarder cet homme dont la figure est recouverte par un masque. Il jette la fille sur le lit, lève sa toilette et s'insinue cette fois en elle avec force, faisant fi des cris, hurlements de la fille. Je frissonne malgré moi et me frotte les épaules, comme pour me libérer mais mes pieds semblent lester. Je me rapproche, je ne sais comment et sans qu'il ne me voit. Le visage de la fille est déformé par un rictus de douleur, une des mains de l'homme est sur sa bouche, l'empêchant de crier. Je pose la main sur le cœur et ai un haut-le-cœur, j'ai envie de rendre mais me force à tout garder ; je viens de prendre conscience que c'est un viol.

Penche-toi en avant ! Penche-toi en avant ! Me crie ma conscience et à mon grand étonnement, je le fais, mais cette fois, machinalement car je n'ai envoyé aucun message à mes synapses. Je me penche et ouvre grand les yeux en constatant qu'elle est très jeune ; je dirais sans risque de me tromper qu'elle est une gamine. Je me redresse et pose les mains sur la bouche, horrifiée, il s'agirait donc d'un viol de mineure.

Je suis tirée de-là et propulsée dans la même pièce quelques minutes plus tard ; je voudrais dire que je crois avoir fait un bond en avant. Mon grand-père, ma grand-mère et un ami policier de papa, sont dans la pièce. L'homme portant le masque est assis près de la jeune fille sans avis, gisant inconsciente dans une mare de sang ; les draps du lit, ayant aspiré une partie du sang, sont poisseux et ont des taches rouges en forme d'auréoles.

Je suis retirée une fois de plus dans de cet univers et me retrouve dans enfermée dans cette pièce noire et lugubre ; je comprends pourquoi je suis claustrophobe. J'halète et essaie tant bien que mal de m'habituer à la pénombre de la chambre ; cherchant à me repérer dans un premier temps par le toucher. Tout sans le moisi et la poussière ; c'est fort étonnant car je ne connais aucune pièce du manoir sentant le renfermé. Je ne crois pas avoir vu une pièce de notre manoir, sale.

Quelques minutes plus tard, j'entends des pas se rapprocher. Mon cœur se met automatiquement à battre la chamade, mes cheveux se hérissent sur ma tête et j'ai la chair de poule. J'ai l'impression de sentir un souffle chaud sur ma nuque et une personne me souffler dans l'oreille. Je sursaute, me retourne sans émettre un son...personne ! Les pas s'arrêtent devant la porte, mon Dieu ! Je regarde au bas de la porte, une ombre, une deuxième et finalement...une seule !

La clé dans la serrure me fait me glisser sur le sol. J'ai envie de me glisser plus loin mais la pièce ressemblant à s'y méprendre à un cagibi, devient exiguë. La porte s'ouvre dans un couinement sinistre, on dirait celle précédent l'exécution d'un condamné à mort par injection de produit chimique. Je me relève et essaie de regarder celui qui entre par les yeux...juste le reflet de ses yeux à travers le masque. Il ouvre la bouche, j'ai le réflexe de mettre les mains sur ma figure comme pour me protéger. Je ferme les yeux et bande mon corps tel un arc, attendant qu'il frappe ou me harponne, mais rien. J'attends durant quelques secondes, minutes et toujours rien. J'ouvre un œil, puis un deuxième, e comprenant rien à ce qui se passe. L'autre a un sourire, celui du Joker, je ne sais pas si vous connaissez les aventures de Dardeville. Son sourire craint, il arque un cil, esquisse un sourire avant de se retourner pour la dernière fois.

Là, je reviens à moi. Je suis étonnement calme et pour la première fois depuis des lustres, ce silence est bienfaisant. Le psychologue me demande de lui parler de mon état d'esprit, il m'écoute religieusement. Et comme rien n'est jamais simple dans ma vie, il m'annonce que mon subconscient bloque certaines images, certaines informations dans le but de me protéger et que malheureusement, la séance de ce jour n'est qu'un déclencheur, une sorte de soupape ; je comprends que la déferlante arrive. Nous nous séparons une heure plus tard, inutile de vo dire que j'ai peur.

Retour dans le présent...

- Chéri, ça va ? Me demande mon époux, manifestement inquiet.

- Je vais bien, merci et toi ?

- Ça peut aller. Cette séance devait te faire du bien, me fait-il remarquer.

- C'est vrai. J'espère seulement pouvoir dormir la nuit car les jours à venir, risque être difficiles, fais-je en le regardant.

Il cligne des yeux durant une fraction de secondes, je sais qu'il a compris puisqu'il a fait des recherche sur le net et discuter avec des amis-médecins. Je me réjouis à l'idée de pouvoir guérir mais tremble en pensant que je dois affronter mes peurs car oui, revenir dans le passé, est ma plus grande peur. Réflexions faite, je me dis que ce n'est pas seulement le fait d'avoir adopté Jen qui m'a emmenée à quitter l'Angleterre, je crois que c'est un mélange de tout. Quelques heures plus tard, après avoir déjeuné avec les garçons, discuté avec Jen et Vanaya, je rejoins mon époux sous la couette. Il me tire à lui et m'embrasse comme pour me donner du courage et me serre dans ses bras. Je lutte contre le sommeil et finis par m'avouer vaincue, quelques heures plus tard.

Cette fois, nous sommes dans une des cuisines du manoir avec une de nos cuisinières que nous appelions affectivement « Conchita », va savoir pourquoi. Nous sommes en train de jouer dans la cuisine, traînant autour d'elle, lorsque la petite fille que je reconnais être moi, à l'âge de Cinq ou six ans, se met à chercher quelque chose sous la table. Elle tire sur la jupe de la cuisinière qui se retourne, pose ce qu'elle avait en mains et se met à chercher avec elle, sous les meubles. Je suis perplexe et comprends lorsqu'un garçon qui n'est autre que Jamice, arrive, portant une chatte blanche avec des taches blanches en plus d'un chaton, dans ses bras.

Il discute quelques secondes avec la petite fille, dépose la chatte et le chaton dans les bras de la cuisinière avant de prendre la main de sa sœur et l'attirer hors de la cuisine. Ils se rendent dans une pièce agaçante, Dick de cette époque s'y trouve déjà. Celui-ci se retourne à leur approche et  garde la main derrière le dos, comme s'il cachait quelque chose. Les enfants s'approchent rapidement et lui demandent de montrer ce qu'il cache, il refuse. Les enfants vont finalement le prendre en sandwich et Jamice l'oblige à jeter ce qu'il tient sur le sol.

Jamice et Carla sont horrifiés en découvrant le corps du chaton congelé. Carla éclate en sanglots et se cache dans les bras de son frère, espérant oublier cette vision de l'horreur. Je me penche et me rends compte que la poitrine du chaton est ouverte : il n'a plus de cœur. Je me retourne automatiquement vers le petit garçon qui tient ledit organe en souriant ; je penche à celui de Tchuky la poupée maléfique. Mon Dieu !

Quelques secondes plus tard, le tintement d'une cloche et je me retrouve dans le cagibi et cette fois, plus petite, plus jeune. Là, je ne comprends plus rien à ce qui s'y passe et sais juste que je dois me débattre. Quelques secondes après, je suis enfermée dans une espèce de boite, et n'ai d'autre alternative que de gratter le bois jusqu'au sang en criant. J'entends à quelques mètres de-là, des rires et pas étouffés. J'ai peur, peur de mourir, peur de manquer d'air, peur de manquer d'oxygène. Je sens la douleur s'insinuer en moi, mes doigts qui mordent le bois et l'odeur du sang qui emplie mes narines.

- Non, non, ouvrez-moi, ouvrez-moi...Ne me laissez pas ici, je vous en prie...Sniff...ouvrez-moi, j'ai peur du noir...sniff...ne me laissez pas ici.

- Carla, Carla, chérie, c'est moi.

Je reviens peu à peu à moi et éclate en sanglots en reconnaissant mon époux. Je tremble de tout mon corps, comprenant que ce sont des souvenirs refoulés. J'ai envie de ne plus y penser, mais impossible, impossible car la boite de Pandore a été ouverte ; j'avais été prévenue. Quand le vin est tiré, il faut le boire jusqu'à la lie.

J'ai peur de me rendormir, je crois que mon époux l'a aussi compris. Nous choisissons de regarder un film hindou et au petit matin, malgré moi, je sombre en m'agrippant à mon époux qui souffle à mon oreille, m'invitant à ne pas lutter.

Je me retrouve aussitôt dans un boudoir du manoir, la tête baissée et mes parents discutant près de moi. L'on toque à la porte quelques minutes plus tard, une dame rentre, je le sais par les effluves de con parfum. Je lève la tête et suis stupéfaite en reconnaissant ma sœur, Lavigna. Mais que fait-elle dans mes rêves ? Elle est toute vêtue de noir et porte un foulard en dentelle autour de la tête, comme les musulmanes. Elle tient un sac, je ne sais pas si vous arrivez à visualiser celui des médecins.

Nous sommes transportés dans une salle ressemblant à celle d'un hôpital ou plutôt, d'un thérapeute. Je m'approche et me vois couchée sur un divan de couleur rouge. Lavigne s'assied non-loin de moi, ergote durant un temps qui me parait long. Finalement, je ferme les yeux, puis les rouvre quelques secondes plus tard en criant, tombe sur le sol et me roule de frayeur. Lavigna se penche vers moi, me regarde dans les yeux, puis chuchote à mon oreille jusqu'à ce que je me calme.

Elle m'incite à revenir sur le divan, puis prend un pendule ou une cloche, je ne sais vraiment quoi, qu'elle balance devant mes yeux, jusqu'à ce que je m'endorme. A mon réveil, je suis souriante, embrasse Lavigna puis les parents, rentre tranquillement à la maison. Je ne comprends vraiment rien à rien.

QUELQUES JOURS PLUS TARD...

[ DEMI ]

- Où es-tu ? M'enquis-je en collant le téléphone à mon oreille en traversant la frontière espagnole.

- Pas loin de toi, ne t'inquiète donc pas, répond-il.

- Es-tu certain de ne pas avoir besoin d'aide ?

- Non, ça ira.

Quelques secondes plus tard, j'entends un crépitement puis reconnais la voix de mon père, parlant espagnol. Je souris et raccroche, notre aventure peut commencer. Quoi que l'on dise, nous sommes des débrouillards.

PENDANT CE TEMPS...

[ KLAUS ]

Depuis quelques jours, j'ai du mal à dormir et éprouve des difficultés à me concentrer. J'ai comme l'impression que le danger guette, il rode telle une harpie ; je ne sais pas où il va frapper mais il le fera, j'en suis certain.

Je les ai eu comme tous les autres, durant quelques jours et avais du mal à me départir de cette impression. J'étais toujours comme en apnée, ayant l'impression de vivre une scène en boucle. Je ne sais pas, je ne sais comment mais suis certain que quelque chose se prépare.


Jeneya CROFT, l'Impé...