Partie 76 : cogito
Ecrit par labigsaphir
- Dis donc, Bro.
- Wait( attends), wait, wait, dis-je en le regardant dans les yeux cherchant à mettre un nom sur le visage.
- C'est Irwin Engamba.
- Ah oui, oui, le petit-fils de Richard Engamba.
- Ah oui, oui, le quarteron de la bande.
- Voilà mais cette affaire de quarteron, je n'aime pas.
- Ha ha ha ha je sais que tu n'aimes pas, je te taquine.
- C'est comment ?
- Je suis là.
- Ça fait longtime, Irwin.
- Je te jure.
- J'ai appris que vous avez continué les études.
- Ah, avec une mère comme la mienne et mes grands-parents, avais-je vraiment le choix ?
- Ah ça ! Moi, j'ai cassé le bic et sucé l'encre comme disent les gabonais.
- Si tu t'en sors, ça va.
- Mais que fais-tu ici ?
- Je suis venu pour...non, laisse-tomber, c'est long.
- Tu me raconteras ça, plus tard.
- Et toi ?
- Pardon, je suis venu à la nage.
- Pardon ? J'ai fait la route, type.
- Oh ! Tu es fort et ça ne m'étonne même pas de toi, tu es très fort psychologiquement. Je suis à Limoges depuis et ce n'est que maintenant que je te vois ?
- Laisse, laisse, Irwin, la vie n'est pas facile. Je suis rentré d'Allemagne, hier.
- Ah ok. Qu'étais-tu faire là-bas, si ce n'est indiscret ?
- Job, un job, il faut bien faire bouillir la marmite.
- Tu es un homme, c'est ce que font les hommes.
- Tu l'as dit, type.
- Tu fais quoi avec les couches d'enfant, des chocolats et un bijou ? Demande-t-il en regardant mes paquets.
- Je vais chez une possible go, répondis-je en grimaçant.
- J'admire, le possible « go ».
- Je t'assure, c'est compliqué.
- C'est une « Go », qui a les mounas ?
- Un mouna, type
- Ah ça ! L'enfant est sa carte d'identité, type. Tu prends la mère, l'enfant suit aussi.
- Huhum.
- Où vas-tu ? Puis-je te déposer ?
- Oui, merci.
- Suis-moi, j'ai garé au parking.
- Ok.
J'ai fait la connaissance d'Irwin Engamba par la biais d'un ami et parent, dont je tairai ici le nom ; demande de la chroniqueuse. Nous avons sympathisé ; le fait que nous fassions la même classe même si les écoles étaient différentes, a été déterminant. Irwin et moi, nous sommes toujours bien entendus. Bien qu'étant un gosse de riches, il a souvent traîné avec les petits « gens » comme moi. C'est une personne assez simple, responsable et très très respectueuse. Cela fait longtemps que nous nous sommes perdus de vue ; s'il ne m'avait pas interpellé, je ne crois pas que j'aurais pu le reconnaître.
- Gare ici, s'il te plait, Irwin ; il s'exécute.
Je descends de la voiture et récupère tous les paquets à l'arrière. Au moment de sortir la tête de la voiture et de faire claquer la porte, je ne sais pas pourquoi mon regard est attiré vers la barrière. Une voiture est garée devant, et fait assez étonnant, elle est fermée par un gros cadenas, de l'extérieur.
- Qu'y a-t-il ? Demande Irwin en se tournant vers moi.
- Regarde, fais-je simplement en lui montrant le cadenas du doigt.
- Quoi ?
- Regarde, le cadenas, regarde ! M'agaçai-je en me tournant vers lui.
- Ah oui, c'est étonnant. Mais si elle n'est pas là, ce serait logique.
- Et la voiture devant ? Le coupai-je mollement.
- Ah oui, oui, tout cela est bizarre.
- Je n'aime pas ça, dis-je en me grattant la tête. Puis-je laisser mes paquets dans ta voiture, le temps d'aller sonner ?
- Pourquoi ne l'appelles-tu pas ?
- C'est une bonne idée, reconnus-je en composant son numéro.
Ça sonne, je tape du pied tellement je suis impatient.
- Elle ne décroche pas ? Demande Irwin qui est sorti de la voiture et se trouve à présent, près de moi, adossé à la voiture.
- Attends, attends, m'énervai-je en l'attendant décrocher.
- Oui, bébé, répond Jen.
- Ça va ?
- Bah oui, oui ; elle est comme toujours, aimable mais sa réponse trop rapide à mon gout.
- Pourquoi n'as-tu pas décroché de suite ? M'autorisai-je en croisant les doigts.
- La petite ne voulait pas lâcher le morceau de viande que je lui ai donné.
- Mais...
- Je t'assure, le temps de couper, je ne l'ai pas eu.
- Ma pauvre, Jen.
- Je t'assure. C'est énervant, tu sais que les enfants grandissent vite. Je n'ai même pas eu le temps de prendre mon yaourt à boire, comme je n'ai pas d'appétit.
- Oh ! Mais pourquoi as-tu mis le haut-parleur ?
- Quelle question ! Tu es bête ou fais semblant d'être bête ! Vous les noirs, êtes terribles, il faut que je m'occupe de mon enfant. Ciao !
CLIC...Elle a raccroché sans me laisser le temps d'en placer, une. Je suis en plus d'être déçu, énervé par son ton paternaliste. Je ne savais pas qu'elle avait des relents de racisme en elle. C'est fou, je croyais la connaitre mais m'en rends compte que non.
- Alors ? S'impatiente Irwin à mes côtés.
- Je ne sais pas, bro(brother frère en anglais).
Je recompose son numéro et lance l'appel, courroucé par ce que je viens d'entendre et le fait qu'elle m'ait raccroché au nez.
- Oui, quoi ? Demande-t-elle de façon si désagréable que j'éloigne le combiné de mon oreille, regarde bien le nom de l'appelé afin de m'assurer que je ne rêve pas.
- Jen, ne t'adresse plus jamais à moi de cette façon !
- Fiche-moi la paix ! Je suis fatiguée. J'ai eu une journée des plus fatigantes, Jason !
- Jen, je...
CLIC...Elle a raccroché le téléphone au nez, pour la deuxième fois. J'ai la bouche grande ouverte, tellement je suis choqué par ses manières. Je me tourne vers Irwin, qui semble attendre une explication. Heureusement que je n'ai pas mis le haut-parleur, sinon je me serai tapé une de ces hontes.
- Les femmes sont versatiles, je ne sais pas si c'est le mot.
- Quoi ? Elle a des sautes d'humeur ou alors, ses anglais sont là( ses menstrues).
- Je ne sais pas, Irwin, je ne sais. De toutes les façons, je m'en fous.
- Je peux te déposer chez toi, si tu le souhaites, propose-t-il gentiment.
- Oui, merci.
Nous montons dans le véhicule, j'ai une boule dans la gorge et des mains moites. Je ne sais si ce que l'on dit est vrai : une personne que l'on aime nous aime difficilement et celle que l'on n'aime pas, tombe généralement amoureuse de nous. Je connais nouveau les affres de la douleur et la jalousie. Est-ce peut-etre le fait d'être avec un chéri à l'intérieur qui lui donne des ailes. J'ai envie de pleurer et serre les dents pour ne pas m'effondrer devant Irwin, que je sais m'observer du coin de l'œil.
- Courage, Bro, fait-il sobrement.
- Merci.
Nous roulons depuis cinq minutes déjà, quand je ne sais pourquoi, la conversation que nous avons eue, me revient en mémoire.
- Dis-moi, Irwin, fais-je en sortant de mon mutisme.
- Je t'écoute, répond-il en se tournant légèrement vers moi.
- Lorsqu'on fait indigestion au lactose, peut-on prendre du yaourt à boire ?
- Surtout pas. Pourquoi ?
- Elle a sous-entendu que la petite ne lui a pas laissé la possibilité de prendre son yaourt à boire, alors qu'elle m'avait dit avoir mal au ventre en prenant du lait.
- Elle n'a normalement pas le droit d'en prendre, Aymeric.
- Euh...
- Quoi encore ?
- Un enfant de deux mois à peine, a-t-elle le droit de manger la viande ?
- Non. La nourriture salée, c'est à partir de six (mois) et elle doit être écrasée. Je le dis parce qu'un de mes amis a justement, un enfant de cet âge. Comme j'ai l'habitude d'aller lui rendre visite, je le sais.
- Normalement, toute mère le saurait, continuai-je en cogitant.
- Oui, oui.
- Alors, comment a-t-elle pu donner la viande en morceau à Athéa ?
- Hum...Soit elle est irresponsable, soit elle est une tête vide.
- Non, non, c'est quelqu'un de très posé et réfléchi.
- Entre le lait et la viande, excuse-moi, je dirai que cette jeune fille est une écervelée. Elle est bête ou fait semblant de l'être, termine-t-il en souriant.
- Humm...Elle m'a appelé « négro », puis « nègre », et enfin, Jason ; je suis plus que perplexe.
- Et tu dis que c'est ta go ? Ce n'est pas bon signe, mec.
- Elle m'a demandé si je suis bête ou fais semblant de l'être, Irwin.
- Ton affaire-là est de plus en plus, bizarre.
- Pourquoi fermerait-elle le portail de l'extérieur, alors qu'elle est à l'intérieur ?
- Je n'en sais rien, c'est vraiment bizarre.
- S'il te plait, ramène-moi là-bas.
- Quoi ? Tu veux maintenant jouer à Colombo ?
- Et pourquoi pas ? Et si c'était une façon d'envoyer un S.O.S ?
- Je ne sais pas, mais si tu le dis.
Il brûle le feu et nous rebroussons chemins en faisant mille et une hypothèses. Je souris en constatant qu'Irwin se prend rapidement au jeu. Au bout d'un moment, nous arrêtons tous les deux de parler, nous regardons dans les yeux ; nous nous comprenons rapidement.
- Ne gare pas devant le portail, s'il te plait.
- Je vais garer devant le supermarché, de l'autre côté du carrefour m'explique-t-il.
- Très bonne idée, fais-je en tapotant sur ma cuisse m'exhortant ainsi au calme.
Deux minutes plus tard, nous traversons le boulevard et nous dirigeons vers le portail de Jen en discutant, l'esprit en éveil. Devant le portail, Irwin propose instantanément de faire le guet, pendant qu'avec mon canif, j'essaie de faire sauter le cadenas en utilisant tout ce que j'ai dans mon trousseau de clés et autres.
Quelques minutes plus tard, je soulagé en entendant le clic du cadenas. Je confesse commencer à trembler. Je ne sais pas pourquoi, mon cœur se met à battre la chamade. Je fais glisser l'énorme chaîne en faisant le moins de bruit possible et priant que l'on ne nous entende pas et surtout, que les voisins restent sagement chez eux.
- Et si nous appelions la police ? Suggère Irwin en marquant un temps d'arrêt.
- Pour leur dire quoi ?
- Je ne sais pas, moi.
- Irwin, merci pour tout. Si tu ne veux prendre aucun risque, je comprendrais.
Je tire sur le portail mais il ne bouge pas, je suis étonné et me tourne vers Irwin, tout aussi étonné que moi.
- Je crois qu'il est fermé de l'intérieur ; logique, pensai-je en fermant les yeux quelques secondes.
- Merdeeeeee !
J'avise un parapet non-loin de-là, contourne la barrière et entreprends de sauter en passant par le côté.
- Si l'on nous attrape, se plaint Irwin.
- Appelle les flics, si je ne suis pas de retour dans une dizaine de minutes.
- Ok.
Je pose un pied hésitant sur le parapet et prends de l'élan pour traverser le mur ; heureusement que je suis un gars du sous-kwat(sous-quartier, argot camerounais). J'atterris sur mes deux pieds, le cœur au bord des lèvres. Heureusement qu'il fait nuit noire, je me signe rapidement et me rapproche de la porte centrale en passant par le jardin priant pour ne pas être vu.
Je me rapproche et prends position devant les fenêtres du séjour, j'aperçois Athéa qui gazouille dans les bras d'un jeune homme, dont j'ai du mal à qualifier la mine. Il la regarde bizarrement, en discutant et rigolant avec un autre que je ne vois pas. Je tends l'oreille et n'entends rien, regardant dans la même direction que lui.
Au moment où je perds impatience, Jen rentre dans mon champ de vision, portant...
UNE HEURE PLUS TÔT...
[ ELRIC ]
- Maman, tu sais que je t'ai toujours écoutée mais là...
- Oui, je sais que tu dois avoir marre de m'entendre répéter à longueur de journée que tu dois aller voir Jen.
- Exactement !
- Elric, je n'ai pas accouché un enfant pour le voir souffrir.
- Et c'est reparti, soupirai-je en posant la main sur ma tête et tenant le combiné de l'autre.
- Oui, nous avons fait une erreur...Non, non, j'ai fait une erreur en te demandant de ne rien dire à Jen.
- Je t'avais bien dit, maman mais c'est du passé, maintenant.
- Je croyais qu'il était mieux de ne pas lui dire afin de minimiser le risque d'avoir de fausses réactions.
- Je l'ai perdue, maman, je l'ai perdue.
- Non, si elle t'a vraiment aimé, tu peux encore la récupérer.
- Non, c'est terminé.
- L'as-tu revu depuis la dernière fois ?
- Je l'ai aperçue plusieurs fois en ville mais discuter avec elle, non.
- Va chez elle, va la voir, c'est aussi ta fille.
- Humm.
- Et Alden ?
- Le courrier est arrivé tout-à-l'heure, la garde exclusive m'a été accordée.
- Dieu merci ! Attends, ton père me parle.
Elle échange avec lui et lui apprend pour la garde exclusive et deux minutes plus tard, j'entends du bruit, puis...
- Allo, fait mon père.
- Oui, papa.
- Félicitations pour Alden.
- Merci papa.
- Maintenant que tu es un père à part entière, sache que le sang des Biyo'o, n'a jamais été perdu.
- Où voudrais-tu en venir ?
- Il faut reconnaître ton enfant, Elric.
- Je vais voir avec la maman.
- Elric, tu t'en es occupé, à ce que je sache.
- Pas vraiment.
- A-t-elle encaissé le chèque ?
- Oui, papa.
- As-tu noté que c'était pour la pension alimentaire à l'arrière avant de signer ?
- Oui.
- As-tu scanné ledit chèque comme je te l'avais demandé ?
- Oui, papa.
- As-tu des photos de vous ensemble, les mois précédant l'annonce de ladite grossesse ?
- Oui, bien sûr.
- Alors, va à la mairie et reconnais l'enfant.
- Non, j'aimerais d'abord discuter avec elle.
- Ne t'en sens pas obligé, Elric.
- Papa, j'aime cette femme. Je voudrais récupérer l'enfant et la maman.
- C'est tout le mal que nous pouvons te souhaiter mais dans le cas où, cela ne marche pas...Sache que tu as des options.
- Merci, dis-je sèchement.
- Bon, je vais te laisser.
- Bonne soirée ; mon ton est sec, je le sais mais il m'a vraiment énervé.
Je raccroche, prends une douche, me fais beau en me préparant à aller chez Jen, rencontrer les femmes de ma vie.
PENDANT CE TEMPS...
[ JENEYA ]
- Dick, pourquoi fais-tu cela ? Demandai-je en m'approchant de l'autre, tendant les mains afin de récupérer ma fille.
- Jen, cela n'a rien à voir avec toi mais ta mère.
- Non, sa mère adoptive, rectifie l'autre lui ressemblant étrangement.
- Je te présente mon fils, Demi, dit-il en constatant mon regard.
- Nous nous sommes rencontrés au jardin floral en Afrique du Sud, explique le concerné en souriant ; le genre de sourire qui donne des ulcères. L'on dirait un malade échappé d'un asile psychiatrique.