Partie 77 : l'action

Ecrit par labigsaphir

Je mets la théière au feu, y ajoute quelques minutes plus tard, les fleurs de scopolamine et attends patiemment, avant de filtrer et aller poser le tout sur la table.

- Bois ! Ordonne Dick en montrant ma fille du doigt.

Je porte la tasse à mes lèvres et au même moment, mon téléphone se met à sonner. Je reconnais le nom de l'appelant et réfléchis à comment lui faire comprendre que je suis en danger, sans pour autant attirer l'attention de Dick et Demi. Vous connaissez la suite, puisqu'il s'agit d'Aymeric. Je bois en pleurant et serrant les dents, ferme les yeux et m'assieds lourdement sur le canapé, l'esprit en alerte ; peut-être pour la dernière fois.

- Maintenant, tu vas en prendre un peu et mettre dans le biberon de la petite ! Ordonne Demi en me tendant le biberon.

Je suis sujette à des vertiges, mal au ventre et crois peut-être avoir des remontées acides. Je ferme les yeux, pose la main sur mon ventre et m'exécute en tremblant. Je finis par m'asseoir sur le canapé et attends que ça passe. Je sens une main se poser sur mon sein et de là, je perds pied car je sais ne pas avoir la force de lutter et de ce fait, devoir faire les quatre volontés des deux autres.

[ AYMERIC ]

Je vois Jen boire l'infusion à la fleur avec regret. J'ai grand envie de réagir mais attends patiemment car la petite est dans les bras de l'homme, tandis que l'autre, tient une arme bien en vue. Si je rate mon coup, il est possible que non seulement la mère soit blessée mais aussi, que la petite paie le prix et le plus élevé.

Je sursaute en entendant du bruit à ma gauche, me retourne prêt à frapper et me défendre.

- Tu m'as fait peur, bro.

- Désolé, répond Irwin.

- Que fais-tu, ici ?

- Gars, qui allait rester derrière comme une femme ?

- Tu aurais pu me biper pour me préparer.

- Mais à quoi ?

- Tchiiiiiip !

- C'est comment ici ?

- Elle vient de boire la tisane à la fleur de scopolamine.

- Mais c'est dangereux, ça ! Je comprends pourquoi elle est toute flagada.

- Je te dis.

- Que vas-tu faire ?

- Comme l'autre a l'arme, je n'ai d'autre choix que celui d'appeler la police.

- C'est une bonne idée et la meilleure.

Nous nous éloignons en faisant le moins de bruit possible, pensions-nous mais que non. Une à deux minutes plus tard, la porte d'entrée est ouverte et l'un des deux hommes sort. Nous n'avons d'autres choix que de nous tapir dans l'herbe, comptant sur la nuit noire pour nous envelopper.

- Que fais-tu là-bas ? Demande une voix à l'intérieur.

- J'ai entendu du bruit tout-à-l 'heure, répond-il.

- Et ?

- Personne, c'était une fausse alerte ; la lumière émanant de son téléphone passe tout près de mes yeux, m'obligeant à arrêter ma respiration.

Il s'en va, je peux enfin respirer. J'en profite pour rapidement composer le numéro de la police, les informe de la situation, me relève et fais une courte vidéo et le leur envoie sur le numéro donné. Jen s'est déjà réveillée et je ne sais comment, se tourne vers la fenêtre, me voit. Je ne sais comment expliquer, je vois une lueur dans son regard, c'est tellement triste.

Lorsqu'il pose la main sur son sein avant qu'elle ne ferme les yeux, je tressaille et souffle un bon coup avant de continuer à regarder. Je vois sa main glisser sur la robe de soubrette qu'elle porte et rentrer sous ladite robe. Des larmes d'impuissance coulent à flot de ses joues. Elle sert les dents à un moment donné, je suppose qu'il a atteint le cœur de sa féminité. Il se met à rigoler bêtement en posant de temps à autres, ses lèvres sur ses seins qu'il dénude petit à petit.

N'y tenant plus, je me lève et tel un félin, court vers la porte, tire la porte avec dextérité, rentre dans la pièce et saute sur celui qui tient la petite ; je crois que c'est ce qu'elle aurait souhaité que je fasse. Le conard, la petite et moi, nous retrouvons rapidement sur le sol. L'arme qu'il tenait, glisse au loin. Je me relève rapidement, lui prends la petite des mains et regarde autour de moi ; je n'ai pas oublié l'arme, non.

Je crois que nous avons le même réflexe, puisque l'autre me regarde une fraction de secondes en regardant dans la direction où se trouve l'arme. Je suis obligé d'être doux car me déplacer aussi vite avec la petite dans mes bras, n'est pas aisé. Nous nous précipitons tous les deux vers l'arme, au coin du mur. Il m'allonge un coup de poing, je vois des étoiles durant quelques secondes ; des secondes de trop. Je me reprends rapidement mais pas assez vite, puisqu'il y arrive avant moi et tire.

PAN ! PAN !

Je n'ai pas le temps de réfléchir que déjà, je sens la douleur au niveau de l'aine et fais malgré tout, tout mon possible pour protéger la petite. La balle a raté la petite de très près, je vous assure. La deuxième balle va se loger dans mon épaule et comme je vous le disais, la douleur est furtive mais intense. Je serre la petite tout contre moi, essaie de la calmer, car elle s'est mise à hurler et tire rageusement sur mon doigt qu'elle met dans sa bouche ; heureusement qu'elle n'a pas encore une poussée de dents.

- Qui est celui-là ? Demande l'autre en se redressant, juste pour me regarder.

- Je n'en sais rien, répond l'autre l'air mauvais.

- Qui est-ce ? Demande le plus âgé à Jen.

- Aimé, répond-elle d'une voix éteinte.

- Qui est-il pour toi ?

- Un ami ; des larmes coulent sur son visage.

- Bien, dans ce cas il verra donc comment je m'occupe de toi. Mon petit doigt me dit qu'il n'est pas seulement ton ami.

Joignant le geste à la parole, il soulève Jen comme une feuille morte, la pose sur le canapé, soulève sa robe, descend prestement son pantalon et la pénètre. Jen n'a aucune réaction, l'on dirait une éponge gorgée d'eau. Il fait de nombreux va-et-vient en souriant, me regardant de temps à autres. Ai-je vraiment le choix ? Je sais que la vie de la petite est plus importante que celle de Jen.

Je ne sais combien de temps a duré ce spectacle. Lorsqu'il a terminé, il se tourne vers l'autre, lui fait signe de la main et récupère l'arme qu'il pointe lui aussi sur moi. L'autre ne se fait pas prier et descend son pantalon. Je sursaute mais me maîtrise en entendant du bruit, je suppose que c'est la police. Je prie en mon for intérieur qu'ils arrivent assez vite et empêchent le deuxième de la violer ; je ne sais pas si elle survivra à cela. Pour la première fois, j'espère que la scopolamine qu'elle a bue, pourra altérer sa mémoire à tout jamais.

BOUM !

Nous sursautons tous, tout va si vite, je vous assure. J'ai juste le temps de voir les policiers rentrer dans la pièce, armes au poing. Des coups de feu sont tirés, j'entends des cris. Je me tourne vers les deux hommes, l'un tient son pénis et à bien y regarder, la chair molle qu'est devenu son membre, pisse du sang. Il se laisse tomber sur le sol en se tordant de douleur, demandant à ce qu'on lui vienne en aide. L'autre, celui qui a violé Jen, tombe sur le sol et aux pieds de la petite et moi. O, vision de l'enfer, il a les yeux ouverts et la bouche grande ouverte ; il est tout simplement, raide mort.

Les flics envahissent rapidement la maison, une ambulance est sur les lieux. Je plains l'autre car non seulement son « affaire » a pris une balle mais il en a aussi pris dans les fesses. Des policiers se tournent vers moi.

- Monsieur,

- Occupez-vous de la maman, je vous en prie, réussis-je à dire en serrant la petite contre moi de plus belle.

- Elle est déjà prise en charge par les ambulanciers.

- Ok.

- Donnez-nous la petite, je vous prie.

Je m'exécute et respire lorsqu'elle est entre de bonnes mains. C'est en ce moment que la douleur que j'avais occultée, fait surface. Je me plie de douleur et serre les dents pour ne pas hurler tellement c'est vivace. Mon pote, Irwin, apparaît comme par enchantement, se tient près de la civière me transportant. Il me rassure autant qu'il le peut et pour le reste, je ne sais plus, car je perds connaissance en entendant les secouristes.

- Nous le perdons ! Nous le perdons !

- Préparer l'appareil, nous devrons le ...

[ ELRIC ]

Je suis stupéfait d'entendre des sirènes en approchant du domicile de Jen. Je me retourne en voyant des ambulances en repartir en roulant à vive allure. Je ne peux finalement pas approcher et suis contraint de me garer sur le bas-côté. Je descends de la voiture, le cœur battant et cours vers le portail de Jen, envahi par des policiers. Des flashes crépitent de parts et d'autres. Les voisins tout comme les badauds, sont au rendez-vous. Un jeune homme répond aux questions des flics, je ne m'en approche pas mais plutôt d'un flic.

- Que s'est-il passé, ici ? M'enquis-je en essayant d'aller à l'intérieur.

- Vous ne pouvez aller à l'intérieur et les informations ne seront données qu'à la famille, répond-il.

- Je suis le père de la petite Athéa Annick, dis-je en priant pour ne pas exploser.

- Dans ce cas, entrez ; il recule, me livrant ainsi le passage.

- Merci.

Je rentre enfin dans la maison, choqué de voir autant de sang. Je regarde autour de moi et ne vois ni Jen ni Athéa. Je regarde les flics analyser, relever des preuves comme à la télé et décide de me diriger vers celui semblant être le chef. Je me présente une fois de plus, j'apprends que Jen, Athéa et un homme, ont été conduits aux urgences du CHU de Limoges. Sans perdre du temps, je sors en courant et vais récupérer mon véhicule.

Aux urgences, je demande d'abord après Athéa, l'on m'apprend que tout va bien. Je demande à la voir et suis obligé décliner mon identité, montrer ma pièce d'identité et leur expliquer que je ne l'ai pas encore reconnue, suite à des soucis avec sa maman. Ils sont sceptiques, ça se comprend. Je rentre dans la voiture, récupérer l'album-photo que j'avais apprêtée et viens le leur montrer afin de prouver que la maman et moi, étions proches. Ils consentent à me laisser voir Annick, je n'ai pas le droit de l'emmener avec moi. C'est rageant, je vais reconnaître mon enfant dès le lendemain, c'est certain.

Je passe des heures auprès de ma fille et deux heures plus tard, demande après la maman. L'on m'apprend qu'elle serait en salle d'observation, après avoir subi un lavage d'estomac. L'homme quand à lui, serait en salle d'opération. C'est fou, tout ce qui est en train de se passer. Une heure plus tard, je demande à le voir, une infirmière va demander son accord et consent à me laisser rentrer dans sa chambre, quelques secondes plus tard.

Nous nous jaugeons du regard durant un quart de secondes, c'est l'autre, le connard qui a couché avec elle. J'avance vers son lit, il ne dit mot.

- Bonsoir. Comment allez-vous ?

- Bonsoir. Ça peut aller, merci.

- Que s'est-il passé ?

- Avez-vous discuté avec les flics ?

- Ils ne savent pas tout, je pensais que vous seriez mieux placés pour me relater les faits.

- J'ai fait ce que j'ai pu mais n'ai pu empêcher le viol de Jen, lâche-t-il en serrant les dents.

- Quoi ? M'exclamai-je en posant les mains sur les hanches.

- Oui, je n'ai pu l'empêcher...Je n'ai pu l'empêcher, répète-t-il avec frénésie.

- Qui était-ce ?

- La vraie question serait plutôt : qui sont-ils ? L'un des deux est décédé suite à l'assaut des flics et l'autre, a été conduit aux urgences.

- Ok.

- Connaissez-vous leur identité ?

- Non. Malheureusement, non.

- Vous étiez là et n'aviez malheureusement pas pu éviter le viol de Jen. Encore heureux que rien ne soit arrivé à ma fille ; il arque un sourcil, l'air de s'énerver mais ai-je tort ?

- Ecoutez, fait-il en se redressant.

- Elric Biyo'o, comme monsieur le Ministre Biyo'o du Cameroun. Je suis son fils, autant que vous le sachiez.

- Que vous soyez le fils du président de la république, du sénateur ou de je ne sais qui, en plus d'être riche comme Cresus que je m'en foutrais. Moi, je suis Aymeric Biteck, autodidacte et fils de personne.

- Arrivé ici à la nage, ironisai-je. Nous savons vous et moi, que vous ne l'aimez pas et êtes là pour vos papiers.

- Qu'en savez-vous ? Vous qui avez les papiers, vous êtes comporté comme un con, permettant à un sans-papier, ce qui n'est pas vrai, de prendre son cœur.

- Estimez-vous heureux d'être sur ce lit, sinon...

- Sinon quoi ?

- Voici 500 €, dis-je en posant des billets craquants de 100 euros à ses pieds, vous pourrez payer vos soins. Je ne sais pas si l'on permet encore à des personnes comme vous, de se soigner gratuitement. Merci pour les services rendus à ma femme et ma fille, vous ne les approcherez plus jamais.

- Vous n'êtes pas Jen, à ce que je sache, répond-il les yeux rouges.

- Considérez que c'est elle qui vous le dit, affirmai-je en sortant de la pièce en ricanant.

Il se met à parler...Je crois qu'il vocifère mais je m'en fous. Je rentre à la nursery et laisse des instructions, il ne doit plus s'approcher de ma fille. Il croit que c'est parce qu'il a b**** Jen qu'il a occupé le terrain ? Nous sommes tous camerounais mais il y a camerounais et camerounais. Je reste avec ma fille et suis averti du réveil de Jen, quelques heures plus tard. Elle tourne la tête en m'entendant entrer et éclate en sanglots. Je la prends du mieux que je peux dans mes bras et la berce.

- Ne pleure pas, je suis là pour toi et notre fille.


Jeneya CROFT, l'Impé...