Partie 79 : Mi amor
Ecrit par labigsaphir
- Jen,
- Ne cries pas si fort, Elric.
- Ah oui, belle-maman, excuse-moi.
- La petite vient à peine de s'endormir.
- Ok.
- Que se passe-t-il ?
- La voiture de Jen est enfoncée.
- Ah oui, oui, attends qu'elle vienne elle-même te dire, pourquoi.
Jen rentre dans la pièce, ne me calcule pas et va dans la cuisine se servir un verre d'orange. J'ai envie de péter un câble mais me retiens en constatant que Carla s'est assise, afin d'être aux premières loges. Je vais poser les affaires dans la chambre et vais me servir un plat à la cuisine.
- Ce gratin de pommes est délicieux, dis-je en m'asseyant sur le canapé.
- C'est Jen qui a cuisiné, me fait savoir Carla.
- Chérie, c'est très bon, fais-je en me tournant vers elle.
- ...
- Chérie, qu'as-tu ?
- Maman, pourrais-tu nous laisser ? Demande Jen, la voix douce, très douce ; et ce n'est vraiment pas un bon signe.
- Euh...avant de vous laisser seule, je souhaitais vous annoncer mon départ pour demain, nous coupe Carla.
- Pourquoi y allez-vous si tôt ? M'enquis-je, l'air soucieux.
- Cela fait longtemps que je suis là. Je crois qu'il est temps pour moi, de vous laisser profiter de votre intimité.
- Vous n'êtes pas obligée, vous savez ? Insistai-je étonné par la tournure prise par les événements.
- J'y vais ! Répond-elle simplement.
- Jen, fais-je alors qu'elle ferme la porte de sa chambre.
- ...
- Que s'est-il passé avec ton véhicule ?
- ...
- Jen, c'est bien à toi que je m'adresse à ce que je sache !
- Elric, ne gronde pas, s'il te plait. Tu ne devrais pas gronder. Ok ?
- Baisse d'un cran ! L'on ne s'adresse pas à un homme de cette façon.
- Pffff !
- Pardon ? Qu'as-tu dit ? Que viens-tu de faire ? M'écriai-je en posant le plat sur la table.
- Je sais que tu as subi un traumatisme, mais n'abuse pas. Ok ?
- ...
- Je crois t'avoir montré que je suis patient et là pour toi, Jen. En Angleterre, j'ai fait tout ce que je pouvais
- ...
- Cela fait trois mois que je n'ai rien demandé, suite à ton viol. Je suis très patient, Jen. Je suis patient parce que je t'aime et te l'ai toujours montré. Mais alors, que me reproches-tu ?
- J'en ai marre que tout le monde me manipule ou essaie de me manipuler.
- Mais de quoi, parles-tu ?
- Tu fais semblant ou quoi ?
- Jen, tu baisses d'un cran. L'on ne s'adresse pas ainsi à un homme. C'est la première fois qu'une femme me parle sur ce ton, je ne supporte pas.
- Nous ne sommes pas en Afrique où les femmes supportent tout et rien !
- Voyez-vous ça, je m'attendais à ce que tu me sortes celle-là un jour. Jen, sache que tant que nous serons ensemble, et c'est ce qui sera malheureusement toute ta vie, tu devras me respecter.
- La notion de respect fait forcement appel à celle de réciprocité, sinon c'est du mépris dans un sens et dans l'autre, du mépris.
- Tout de suite les grands mots, Jen. Comment faisaient nos mamans ?
- Vos mamans, cela relève de la préhistoire ?
- La féministe Jen Croft. Pourquoi ne suis-je pas étonné ?
- Ce n'est pas là, je crois, l'objet de cette discussion.
- A toi de me le dire, Jen. Ta voiture, que lui est-il arrivé ?
- J'ai fait un accident au niveau de la mairie.
- Avec les enfants dans le véhicule ?
- Oui.
- Mais à quoi pensais-tu ?
- Humm, fait-elle en enroulant une mèche autour d'un de ses doigts ; ce qui est mauvais signe, elle est vraiment gênée.
- Jen, que me caches-tu ? Que se passe-t-il ? Je croyais que nous étions d'accord pour un nouveau départ ? Tu ne devrais rien me cacher, Jen, je suis ton futur époux.
- Humm.
- Alors, pourquoi étais-tu si distraite ?
- J'ai cru voir Aymeric dans l'une des voitures roulant en sens inverse, lâche-t-elle en me regardant droit dans les yeux.
- Quoi ?
- Tu as bien entendu !
- Ne me dis pas que c'est à cause d'Aymeric que tu as failli tuer mes enfants ! Mais que t'arrive-t-il, Jen ? Aurais-tu un problème psychologique ?
- Insinuerais-tu que je sois folle ?
- Et même ?
- Elric, pour toi je suis folle ?
- J'ai l'impression que depuis ton viol, ça ne tourne pas rond dans ta tête.
- ...
- Euh... Désolé Jen, ce n'est pas ce que je voulais dire.
- Je m'en fous ! Tu fais et dis ce que tu veux, Elric mais ne t'avise plus jamais de trafiquer ou comploter derrière mon dos.
- Mais de quoi, m'accuses-tu ?
- Comment as-tu pu le faire ?
- Mais faire quoi ?
- Comment as-tu pu me faire cela ?
- Faire quoi ?
- Comment as-tu pu aller reconnaître la petite à la mairie, sans m'en parler ?
- Tu étais encore fragile psychologiquement ?
- Ah bon ? Tu estimes donc que me dire que tu as reconnu mon enfant,
- Notre enfant, corrigeai-je immédiatement.
- Me dire que tu es parti reconnaître notre enfant, me fragiliserait encore plus ?
- Je ne souhaitais tout simplement pas que nous nous disputions.
- Ah bon ? Tu savais que nous allions nous disputer et as donc choisi de me le cacher.
- Ecoute, c'était pour ton bien et celui d'Athéa.
- Laisse Athéa tranquille ! Dis plutôt que c'était pour ton bien, oui !
- Ne me parle plus sur ce ton ! Quoi que l'on dise ou fasse, cette enfant est aussi mienne.
- Où étais-tu durant toute ma grossesse ?
- Pourquoi revenir dessus ? Nous avons eu cette discussion des centaines et des centaines de fois, Jen.
- Je savais que tu allais me sortir celle-là.
- Tu n'as fait que décider pour moi. Pourquoi me priver de mon libre-arbitre ?
- Tu n'avais pas toute ta tête.
- Pardon ?
- Désolé, ce n'est pas ce que je voulais dire.
- Ah bon ?
- Ecoute, à ce moment-là, tu n'étais pas à même de décider pour la petite et toi.
- Pourquoi ne m'as-tu rien dit ? Où est le courrier envoyé par les agents municipaux à la maison, afin de m'en informer ?
- Je me suis occupé.
- Elric, c'est mon courrier !
- Jen, ce qui est à toi est à moi, à ce que je sache.
- Non, Elric. Même dans un couple, chaque personne doit savoir respecter l'espace de l'autre.
- Quelle espace ? Jusqu'ici, quelle décision as-tu pu prendre ? Quelle décision visant à assurer la santé mentale des enfants, pourrais-tu prendre alors que tu es encore...
- Quoi ?
- Encore...quoi ?
- Peu importe, Jen, les faits parlent d'eux-mêmes. J'ai reconnu cette enfant afin de préserver l'amour qu'il y a dans cette famille et éviter le climat délétère que tu installes en ce moment.
- Ah bon ? C'est de ma faute ?
- Oui. Tu fais tout un foin pour rien, Jen. Athéa est bien la chair de ma chair, je ne comprends donc pas pourquoi tu fais tout de ramdam.
- Je te parle ici de confiance. De confiance, Elric !
- Tu peux me faire confiance, et tu le sais fort bien. Je suis un homme et fais tout ce qu'un homme devrait faire.
- Un homme ne devrait pas comploter derrière le dos de celle qu'il dit aimer. La confiance, qu'en fais-tu ?
- Jen, c'est mon enfant, c'est le plus important. A l'hôpital, j'ai failli ne pas pouvoir approcher la petite parce que je n'étais pas son père devant la loi.
- Ça te coûtait quoi de me dire que tu allais la reconnaître ?
- Tu étais trop fragile !
- Elric, je ne sais pas si nous remettre ensemble est une bonne idée, dit-elle la main sur la bouche.
- Quoi ? Tu voudrais faire un break pour te remettre avec l'autre connard, le sans-papier ?
- Ce sans-papier nous a justement sauvé la vie, Elric !
- Oui mais n'a pas pu éviter ton viol ! Comment un home ayant toutes ces neurones peut-il assister au viol de la femme qu'il dit aimer et ne rien faire ?
- ...
- Comment a-t-il pu accepter qu'un autre te touche ? Et c'est cet homme que tu portes aux nues ?
- ...
- Serais-tu amoureuse de lui ? Quoi ? A cause du sexe, tu es amoureuse de lui ?
- ...
- Ah oui, j'oubliais que les femmes font souvent l'amour si elles ont des sentiments. L'aimes-tu ?
- ...
- Combien de fois as-tu couché avec lui ?
- ...
- Serait-il si important pour que tu risques la vie de mes enfants pour lui ?
- Je te parle de confiance, Elric !
- En fait, je me demande si tu es vraiment capable de t'occuper d'un enfant.
- Quoi ?
- Ecoute-moi bien, mon enfant ou mieux, ce connard n'approchera plus jamais ma fille.
- Te prendrais-tu pour Dieu ?
- Jen, va donc à la mairie leur demander d'enlever mon nom dans l'acte de naissance de la petite !
- Tu sais bien que...
- Les détails...les détails...J'en ai rien à foutre ! Dis-je en prenant mes clés de voiture.
Je sors et fais claquer la porte. J'en ai marre des bonnes femmes qui se prennent pour des dirigeantes ou je ne sais trop quoi.
[ JENEYA ]
D'abord maman et maintenant, Elric ? Mais qu'ont-ils tous à vouloir diriger ma vie ? J'ai dû payer les erreurs des autres, quand pourrais-je enfin commencer à vivre ? Tout-à-l'heure, j'ai l'impression d'avoir recommencé à vivre, peut-être que j'exagère. J'ai cru voir Aymeric, mon cœur s'est envolé, emballé ou je ne sais quoi.
Pfff...je ne sais vraiment pas où j'en suis. Est-ce le fait d'avoir coupé les ponts aussi vite ? Comment oublier les moments que nous avons passé ensemble ? Il a été là pour moi, lors de...il a été là pour moi. Il a sauvé la vie de ma fille...Elric a aussi été là pour moi au moment où j'avais besoin de lui. Il m'a accompagné durant tout mon « périple » en Angleterre. Il est ce qu'il est mais a montré à suffisance qu'il pouvait être loyal...enfin, jusqu'ici.
J'ai envie d'entendre Aymeric, discuter avec lui, afin de savoir où j'en suis. Vous direz peut-être que je suis maso ou que je ne sache pas ce que je veux. J'ai l'impression de découvrir Elric.
- Mais comment faire ? Comment m'y prendre pour le retrouver ? Demandai-je en posant la main sur mon front.
J'avais enregistré son numéro dans le répertoire de mon téléphone et à ma sortie d'hôpital, plus rien. J'ai eu beau fouillé dans mes sacs, plus de trace d'Aimé. Je sais que cette affaire est passée à la télévision. Je vais demander à l'hôpital et voir si l'on peut me passer son numéro. Je vais rapidement prendre une douche, m'habille et laisse les enfants à ma mère ; une chance qu'elle soit encore là. Elle accepte rapidement, sachant que le climat n'est pas terrible entre nous ; nous nous expliquerons bien plus tard.
Une demi-heure plus tard, cachée sous d'épaisses lunettes noires, je rentre dans le hall du CHU et demande à rencontrer un des médecins, ayant suivi monsieur Aymeric BITECK. L'hôtesse d'accueil me regarde comme une folle, je suis donc obligée de décliner mon identité et prétendre vouloir remercier mon sauveur. Elle s'excite rapidement et me dirige vers le médecin SANTOS Maria. Je vais patienter devant son bureau et un quart d'heure plus tard, la porte s'ouvre et un beau jeune homme en sort, suivi par la dame. Ils se serrent la main en souriant.
- C'est gentil d'être passé, Monsieur Engamba.
- Pour vous, c'est Irwin, réplique-t-il en gardant sa main dans la sienne.
- Alors, Irwin, à la prochaine.
- Bonne journée, Maria ; elle affiche un sourire et ils se séparent.
Elle rentre dans le bureau, j'attends deux minutes pour lui donner le temps de reprendre ses esprits car elle a l'air d'être chamboulée. Je toque et attends qu'elle donne l'autorisation d'entrer, le cœur battant. La porte s'ouvre, je souris aussitôt.
- Avions-nous rendez-vous, madame ?
- Mademoiselle Croft, corrigeai-je de suite.
- Mademoiselle Croft, bonjour. Avions-nous rendez-vous ? Répète-t-elle en inclinant la tête.
- Non, madame Santos, répondis-je en souriant.
- Je ne pourrais donc pas vous recevoir et vous prierai d'aller prendre rendez-vous au secrétariat, au fond du couloir à gauche.
- Excusez-moi, je suis la jeune fille qui a été violée il y a de cela trois mois et a fait la une des journaux.
- Ah oui, Croft, ce nm me disait bien quelque chose.
- Oui, voilà.
- Entrez !
BZZZ...BZZZZ...BZZZ...
Mon téléphone se met à vibrer, je regarde, c'est Elric. Je l'éteins carrément, ne souhaitant pas être dérangée.
- Asseyez-vous, je vous prie.
- Merci madame Santos.
- Mademoiselle, Santos, corrige-t-elle immédiatement. Vous pouvez m'appeler docteur Santos, que cela ne me dérangerait pas.
- Docteur Santos, je souhaitais tout d'abord vous remercier pour tout ce que vous avez fait pour ma fille, mon sauveur et moi.
- Je n'ai fait que mon travail, me coupe-t-elle.
- Je vais peut-être vous surprendre,
- Dites-toujours.
- Je n'ai pu remercier mon sauveur depuis ma sortie d'hôpital.
- Ah bon ?
- En trois mois ?
- Oui, oui, j'ai eu du mal à sortir la tête de l'eau.
- Ah oui, excusez-moi. C'est compréhensible, vu le traumatisme.
- Voilà, voilà.
- C'est justement un de ses amis, le jeune homme qui était là avant vous.
- Ah bon ?
- Oui, oui.
- C'est dommage, j'aurais pu l'intercepter.
- Venez, je vais vous accompagner au secrétariat et voir si nous pouvons vous retrouver ce numéro.
- Docteur, je n'aimerais pas être prise en pitié, hésitai-je.
- Je comprends, restez-là, je reviens.
- Merci docteur.
- De rien et plutôt, courage à vous.
Elle sort et revient cinq minutes plus tard avec une posthite sur lequel est noté un numéro ; je peux enfin respirer. Nous discutons encore durant cinq minutes, puis je m'échappe, impatiente d'entendre sa voix. En traversant le hall de l'hôpital, je compose son numéro. Cela sonne, sonne, jusqu'à ce que l'on décroche.
- Bonjour Aymeric. Je suis Jeneya Croft. Comment vas-tu ?
- Bonjour madame. Vous vous êtes trompée de numéro.
- Ah bon ? Depuis quand avez-vous ce numéro ?
- Plus de deux mois, presque trois.
- Navrée pour le dérangement, fais-je la gorge serrée et les larmes aux yeux.
Je raccroche et vais m'asseoir durant un moment dans ma voiture, avant de prendre le chemin du retour. Je fais un crochet en ville et m'assieds à la terrasse d'un café, le temps de reprendre mes esprits. Deux heures plus tard, je traverse le seuil de la maison et suis happée par une odeur de roses. La maison est plongée dans la pénombre, seule une bougie au milieu de la pièce éclaire la pièce. Des pétales de roses partent de la porte jusqu'à la table.
- Mon amour, fait une vois derrière-moi.
Je me retourne, Elric est engoncé dans un costume noir, style pingouin. Son regard est de braise et il tient, un bouquet de roses dont les effluves emplissent la pièce. Il s'avance, me tend le bouquet de roses en me regardant dans les yeux, puis prend ma main libre.
- J'aimerais que cette soirée soit la nôtre, tout simplement.
- Où sont les enfants et ma mère ?
- Chez Odessa, mais pas pour longtemps. Nous avons la maison pour nous, juste pour quelques heures.
- Ok.
- J'espère que cela te fait plaisir. Je ne prétends pas effacer le mal que je t'ai fait avec un dîner aux chandelles et ne te mets pas de pression, je peux encore attendre car tu en vaux la peine.
- ...
Il se penche, son visage de rapproche inexorablement du mien...et je me raidis...