Partie 78 : sous le choc

Ecrit par labigsaphir

« Merci pour ce que tu as fait pour la petite et moi, lors du drame survenu chez moi. Je ne te dirai jamais assez merci, Aymerick. Nous te porterons à jamais dans nos cœurs, Athéa et moi.

J'ai du mal à revenir chez moi, car plein de mauvais souvenirs. J'ai donc décidé d'aller m'installer chez Elric, le père de ma fille et l'homme que je n'aurais jamais dû quitter, la petite et moi.

Il n'est pas certain que nous resterons à Limoges, je suis désolée de te l'apprendre par sms.

Nous avons vécu quelque chose mais c'est bel et bien, terminé.

Je te prie donc par le présent sms de bien vouloir garder tes distances.

Si tu n'as pas assez pour les frais d'hôpital, fais signe à Elric à ce numéro et il t'enverra des sous.

Merci pour tout, du fond du cœur.

Jeneya et Athéa CROFT. »

Je relis ce message que je connais maintenant par cœur pour la énième fois. Et comme à chaque fois, j'ai les larmes aux yeux. Je croyais connaitre Jen mais me rends compte que non. Le numéro est bien celui de Jen. J'ai envie de lancer l'appel mais n'ai pas envie d'entendre dire que l'on ne peut donner suite à l'appel. Je suis dépité, mon cœur souffre le martyr mais suis un homme.

TOC...TOC...TOC...

Je mets automatiquement mon téléphone sous silencieux et me recouche en faisant le moins de bruit possible.

- Aymeric...Type...Je sais que tu es là, ouvre !

J'essuie du revers de la main, les larmes qui coulent sur mon visage. Il tambourine sur la porte comme tous les autres qui défilent devant cette porte depuis quatre jours, déjà. Je ne veux voir personne et ne veux discuter avec personne, à part ma famille du Cameroun. J'ai souvent entendu dire qu'en Afrique, les hommes ne pleurent pas. Non, non laissez-moi vous dire que c'est faux. Nous pleurons mais dans nos chambres, à l'abri de tous les regards sauf du Seigneur.

Suis-je capable de décrire ce que je ressens depuis ma sortie d'hôpital, il y a de cela quatre jours exactement ? Non, je n'en suis tout simplement pas capable. Je n'ouvre la porte qu'à l'infirmière que les parents de Jen, ont bien voulu prendre pour moi.

J'ai reçu les remerciements de la mère adoptive de Jen, Carla Croft, et ai appris par la même occasion qu'elle avait deux mères. Sa mère biologique, Rustine, m'appelle régulièrement depuis l'hôpital et encore plus, depuis ma sortie d'hôpital pour prendre de mes nouvelles. Et son père, Maiwenn Banimbeck, a tenu à me remercier en personne pour avoir sauvé la vie de sa petite-fille et sa fille. Je vais m'arrêter là car plusieurs personnes sont venues à mon chevet pour me remercier car disent-ils, c'est un acte héroïque mais la concernée, n'en a manifestement pas cure.

Je comprends qu'elle ait été violée et accuse le choc, est traumatisée par le viol mais me faire sortir ainsi de sa vie ? C'est trop dur, trop brutal et j'ai vraiment du mal à comprendre. J'avoue avoir parfois été salop avec les femmes mais assister à un viol et de surcroît, celui d'une femme que j'aime ? Non, je ne souhaite cela à aucun homme et même à mon pire ennemi. J'avoue faire des cauchemars, n'ai pas allumé la télévision depuis ma sortie d'hôpital et surtout, depuis cette affaire ayant défrayé la chronique. Cette affaire que les journalistes ont appelé « Affaire Croft », est passée sur toutes les chaines nationales durant une semaine. Je n'ose imaginer ce qu'elle a dû ressentir. Elle aurait tout de même, pu me passer un coup de fil mais rien.

Ses parents ont voulu me donner l'argent mais j'ai refusé, car je suis un enfant de Dieu. J'ai posé un acte, n'attendant rien en retour ; animé par l'amour de Dieu et celui des hommes. Son grand-père, depuis l'Angleterre, a proposé de me faire monter là-bas afin de me trouver le travail et faciliter ainsi le fait d'avoir les Kaolos. J'ai refusé mais acculé, j'ai promis d'y réfléchir. Il a insisté et j'ai pris son numéro. A quoi bon rester dans le sillage de Jen, si elle me méprise à ce point ?

BZZZZ....BZZZZZ....BZZZZ...

Je regarde l'identité de l'appelant, il s'agit de Rustine. L'appel vient du Cameroun, je n'ai aucune envie de prendre et laisse sonner. Je pense changer de numéro et prendre mes distances en allant rester chez un pote, à une heure de Limoges.

[ ELRIC ]

- Type, comment vont-elles ?

- Bien, merci Oan et vous ?

- Super, merci. Avec la belle-famille ?

- Tout va pour le mieux, tu doutes ?

- Ah bon ?

- Il me mange tous dans la main, dis donc.

- Avec son père Banimback, la relation est en train de se construire.

- Dis donc, tu n'as pas perdu de temps, toi.

- Je suis un camerounais ou je ne le suis pas.

- Ah ça !

- Je me suis rendu indispensable pour mes femmes. Jen ne peut s'en dormir que dans mes bras. 

- Et avec Athéa ?

- C'est de mieux en mieux, même si elle me refusait au début.

- Humm.

- Je crois que le fait de voir Alden à mes côtés et dans mes bras, l'a rassurée.

- Et pour la reconnaissance ?

- Ekiee, tu doutes ? Je suis allé reconnaître mon fils à la mairie, tranquille.

- Le lui as-tu dit ?

- Non, pas encore. Est-ce ça presse ?

- Humm.

- J'ai déjà reconnu mon enfant, c'était le plus important.

- Ne le prendra-t-elle pas mal ?

- Je saurais lui faire passer la pilule, ne t'inquiète donc pas. Et puis, Athéa est bien mon enfant, oui ou merde ?

- Elric, tu devrais aller mollo avec elle.

- Non, je gère, ne t'inquiète pas.

- Cela fait une semaine que cela a eu lieu. As-tu des nouvelles de l'autre ?

- Tu doutes de mon efficacité ?

- Non, type.

- Voilà !

- Et concernant le fait que le truc lui soit arrivé, hésite Oan.

- Quoi ?

- Ce que tu sais.

- Je n'ai aucune envie d'ne parler pour le moment. Elle est avec moi et c'est moi qui prends d'elle, c'est tout ce qui est important pour le moment.

- Ok.

- Nous passerons à l'occasion vous rendre visite, dès que nous rentrerons de voyage.

- Ok, merci d'avance.

- A plus tard et courage.

- Merci, Oan.

Je raccroche et vais rapidement faire les courses avant de rentrer à la maison, portant tous les paquets. Ma belle-mère, je veux dire, celle de la ville rose, est encore là. Toujours en train de pleurer. Franchement, je ne sais pas pourquoi les blancs sont aussi fragiles. Tchiiiip !

- Bonjour belle-maman.

- Bonjour Elric.

- Alors ?

- Elles vont bien toutes les deux.

- Mais...

- Jen refuse toujours de m'adresser la parole.

- Donne-lui du temps et ça lui passera.

- Non, je ne crois pas, Elric...sniff...je ne crois pas qu'elle puisse me pardonner cette errer, un jour...snifff...elle ne me pardonnera surement pas, dit-elle avant d'éclater en sanglots.

Je vais entreposer les paquets dans la cuisine et reviens la prendre dans mes bras. Elle pleure tout son saoul, puis va se reposer dans la chambre d'Alden. Ne vous inquiétez pas, j'y ai installé un lit gonflable pour elle. Franchement, elle devient envahissante, cette femme. Ta fille ne veut pas te parler ou te sentir, débarrasse tout simplement le plancher. Yaben (c'est comment, langue Fang) ?

Je vais retrouver Jen dans la chambre, Athéa est dans notre lit, en train de jouer avec son frère. Je m'assieds et récupère ma princesse. Elle sourit et se met à gazouiller. Jen ouvre en grand les portes de la penderie, en sort tous ses sacs à mains et les jette sur le lit.

- Doucement, Jen, luis dis-je en faisant reculer les enfants.

- Désolée, répond-elle en me regardant dans les yeux.

- Que cherches-tu mon amour ?

- Un numéro de téléphone ; elle ouvre tous les sacs et les vide sur le sol.

- De qui ?

- Aymeric ; à l'évocation de son nom, j'ai envie de hurle mais me retiens.

- Ton sauveur.

- Oui, mon sauveur.

- Pourquoi cherches-tu son numéro ?

- J'aimerais le remercier, Elric.

- C'est déjà fait, je crois. Ta famille s'en est occupée.

- C'est ma famille et non, moi.

- Ne cherches-tu pas son numéro afin de voir si tu peux te remettre avec lui ? Votre idylle a un gout d'inachevé, n'est-ce pas ?

- Est-ce vraiment le moment de faire le jaloux ? S'agace-t-elle en fouillant de plus belle ; je me réjouis d'avoir effacé toute trace de ce connard de cette maison en déménageant les affaires de mes femmes.

- J'avais pourtant son numéro de téléphone dans mon téléphone, se plaint-elle.

- Ton téléphone s'est cassé durant le truc, dis-je en grimaçant, j'ai pu récupérer la carte SIM et seulement, la carte SIM. Je suis désolé.

- Mais comment ai-je pu perdre son numéro et seulement, son numéro ?

- Que voudrais-tu insinuer ?

- Tu as perdu le numéro de tout le monde, je te rappelle. Heureusement que j'avais le numéro de Carla.

- Excuse-moi, c'est vrai ; elle a gobé, tant mieux.

- J'aimerai vraiment parler à Aymeric, insiste-t-elle.

- Quoi ? Son sexe te manquerait-il à ce point ?

- ...

- Le sexe te manquerait-il à ce point ?

Elle se tourne vers moi et me regarde durant quelques secondes, ses yeux sont mouillés. La minute d'après, elle éclate en sanglots et va s'enfermer dans la salle de bain. Quel connard, je suis ! Il a fallu que je lui parle de sexe, alors qu'elle a été violée. Je mets Athéa dans son lit et demande à Alden de ne pas bouger, puis vais la retrouver dans la salle de bain. Elle est assise sur la lunette des toilettes, et pleure à chaudes larmes. Je prends sa main et la force à se lever, elle pose sa tête sur mon torse rapidement.

- Je suis désolé, mon amour. Je regrette et ne le pensais vraiment pas.

- Sniff...Sniff...

TROIS MOIS PLUS TARD...

[ JENEYA ]

- Oui, papy, nous serons là comme convenu.

- Mais où êtes-vous ?

- Dans la voiture.

- Mais tu risques être arrêtée par la police.

- Eh oui, oui.

- Où allez-vous ?

- A la mairie, j'ai besoin de l'acte de naissance de la petite pour certains papiers.

- Ok.

- Y as-tu pensé ?

- A quitter la France ?

- Non, pas vraiment. En fait, j'hésite beaucoup, papy.

- Tu as le travail et tout ce qu'il te faut, ici.

- Je sais, fais-je dubitative.

- Si c'est pour Elric, nous pouvons nous débrouiller te lui trouver quelque chose.

- Je ne sais pas, papy.

- Etes-vous toujours ensemble ?

- C'est compliqué.

- Compliqué, veut dire quoi ?

- Papy j'ai un double appel et j'aperçois la police.

Je reconnais avoir menti effrontément à mon grand-père afin de couper court à son interrogatoire, qui devenait gênant. Cela fait trois mois et demi, que cette affaire a eu lieu, c'est difficile. Je ne sais pas si je m'en remettrais un jour, car il m'arrive encore de m'arrêter en plein supermarché ou dans un autre lieu et me mettre à pleurer. Parfois, j'ai des crises de paranoïa. Je me reprends un moment plus tard, en me disant que Dick est mort et son fils, Demi, est à l'ombre pour de très longues années. Le procès n'a pas encore eu lieu, je ne compte pas y assister, préférant éviter tout ce qui a trait à Dick et Carla en ce moment.

Avec ma mère, c'est toujours tendu car je la tiens pour responsable de ce qui m'arrive. Comment a-t-elle pu penser donner mon numéro et adresse, à Dick ? Même si elle ne les lui a pas donnés directement, elle les a écrits sur ce bloc-notes et lui, les a récupérés. Au feu, au niveau de la mairie, je crois le reconnaître dans une voiture roulant dans le sens inverse, je freine brutalement et la voiture derrière-moi, me rentre dedans. Nous nous déplaçons pour le coté, faisons un constat mais j'ai l'esprit ailleurs. Je pose la main sur mon cœur en scrutant les alentours, espérant malgré moi, le voir.

- Madame, ça va ? Me demande la propriétaire de la voiture accidentée.

- Oui, merci.

- Vous n'en avez pas l'air.

- ...

- Vous êtes aussi pale qu'une aspirine.

- Non, ça va aller.

- Heureusement que les enfants à l'arrière, ont l'air d'aller mieux.

- C'est vrai, reconnus-je en regardant Alden et Athéa.

Une vingtaine de minutes plus tard, nous en avons terminé. Je vais garer dans le parking derrière la mairie et fais descendre les enfants. Je salue des connaissances et me rends directement au bureau de l'état-civil, porte Athéa et demande à Alden qui est excité de s'asseoir. 

La dame me reçoit un quart d'heure plus tard, je donne ma pièce d'identité et demande des extraits d'acte de naissance d'Athéa. Je suis surprise lorsque la dame après avoir tamponné les quatre exemplaires, me les rends : Elric a déjà reconnu la petite.

- Depuis quand a-t-il reconnu la petite ? M'enquis-je en la regardant, sentant la moutarde monter.

- Plus de trois mois, répond-elle en regardant la mention.

- Avait-il le droit de la reconnaître sans mon consentement ?

- Oui, madame, la loi le permet.

- Ah bon ? N'importe qui pouvait donc venir la reconnaître ?

- Il avait le droit de la reconnaître sous certaines conditions.

- Pourquoi n'ai-je pas été informée ?

- Nous vous avons bel et bien, envoyé un courrier par poste visant à vous informer.

- ...

- N'est-ce pas le père de la petite ?

- Merci et bonne journée.

Je prends Alden par la main, tenant les extraits d'acte de naissance et sors de la mairie en pestant.

- Il n'avait pas le droit de la reconnaître sans mon consentement !

Je compose son numéro, il ne décroche pas. Je raccroche en rageant et vais récupérer le véhicule. Trop c'est trop, j'en ai marre que l'on me manipule. 


Jeneya CROFT, l'Impé...