PARTIE 8 : Mettre de l’ordre
Ecrit par Fleur de l'ogouée
Tania Boussougou
Déjà six jours que je suis ici, les choses n’avancent pas, on
n’a toujours pas trouvé le fameux avocat et les quelques-uns que mon oncle
l’ambassadeur à approcher ont refusé de représenter papa, je suis désespérée.
Dieu merci un nouveau scandale dans la classe politique a fait oublier aux gens
sur les réseaux sociaux que je suis recherché, mon nom n’est plus sujet de
propagande, mais hélas les charges contre moi sont toujours bien présentes, je
vais encore devoir rester cacher longtemps, il ne manquerait plus que mes
photos soient étalées sur la place publique. Ce matin je me suis réveillée avec
une boule dans le ventre, j’ai extrêmement peur de la tournure que prennent les
choses, je n’ai pas vu mes parents depuis près d’une semaine, je m’inquiète
pour eux, chacun d’eux à ses maladies, ils doivent continuellement prendre des médicaments, pour papa son hypertension, une mauvaise observance de son
traitement peut l’entraîner vers un AVC avait dit son médecin et maman qui a
un ulcère depuis des années, le stress ce n’est pas bon pour elle, je me fais
du soucis pour eux et je me sens inutile, incapable d’arranger la situation. Je
suis assise à regarder le mur quand Ingrid fait irruption dans la chambre
-Hey ma belle je vois que tu n’as pas trop le moral, tu
veux qu’on aille à l’église ?
-Pourquoi pas, au point où j’en suis
-Ok je me douche et on y va
Je suis croyante mais on va dire qu’en ce moment je pense
que le Seigneur ne se soucie pas de moi, comment est-ce possible que rien
n’aille dans ma vie. J’enfile un Kaba et me rassoit en attendant la femme de
l’autre. Nous nous apprêtions à partir quand l’autre rabat joie nous a dit de
ne pas aller à la grande église mais plutôt à la chapelle qui ne se trouve pas
loin de la maison, en vrai je sais que c’est par soucis de discrétion mais je
ne supporte pas la manière dont il l’a dit, personne n’est sous ses ordres ici.
Grégory Tchibinda
Depuis ma nuit de sexe torride avec Ingrid, Tania m’adresse
à peine la parole, en plus de cela Ingrid s’accroche à elle comme une sangsue
ma ‘’belle-sœur’’ à gauche, ‘’ma belle-sœur’’ à droite, ça m’insupporte
vraiment au final on n’est jamais rien que tous les deux on n’a jamais la
possibilité de parler de l’affaire, je sais qu’elle bosse sur les documents
qu’elle a en sa possession mais j’aimerai savoir comment évolue les choses.
Elle ne va pas m’éviter éternellement, d’ailleurs il faut que je trouve le
moyen d’éloigner Ingrid de cette maison même si c’est pour un petit moment,
elle m’étouffe vraiment, je lui ai dit maintes fois que je n’ai pas encore
envie de me caser mais elle ne veut pas écouter, j’ai toujours été clair dans
mes intentions avec elle, il ne faudra pas qu’un jour elle dise que je lui ai
perdu du temps. Quand je rentre du boulot, je reste au salon et je regarde la
télé pendant que mesdames sont dans la chambre en train de papoter, j’ai
l’impression d’être un polygame qui ne s’assume pas. Voilà que ce matin elles
ont en tête d’aller à l’église, une femme recherchée par la police dans un pays
de deux millions d’habitants veut prendre le risque d’aller montrer sa tête en
publique, ce sera la chapelle de derrière la maison ou rien, mon ton est sans
appel. Oui je me montre ferme parce que je ne comprends pas le fait qu’une
fille aussi intelligente veuille prendre une telle décision. Elles s’en vont
j’espère qu’elles n’en feront pas à leur tête, si j’étais prêt je les aurais suivis,
mais bon ce sont des grandes filles.
Deux heures plus tard elles sont de retour, Ingrid n’arrête
pas de dire à quel point le pianiste mangeait Tania du regard, que c’est un bel
homme et que la semaine prochaine elle va tout faire pour que les deux puissent
discuter un peu. Je n’arrive pas à mettre des mots sur la situation actuelle,
mais il est évident que Ingrid est de trop dans cette maison, je vais l’emmener
boire un verre et mettre les choses aux claires. Après le repas j’ai entrainé
miss sangsue dans un snack bar du coin pour qu’on puisse discuter
-Ecoute Ingrid tu es une fille bien, mais les choses vont
trop vite à peine une dizaine de jours qu’on s’est rencontré et tu vis
pratiquement chez moi, je n’en peux plus, ce n'est pas comme ça qu'on fait les choses
-En gros tu veux me dire quoi Greg ? Fais attention à ce que tu vas dire.
-Que je ne suis pas intéressé par une relation sérieuse, il
faut que tu rentres chez toi
-Attends tu es sérieux ? J'ai tout bien fait et c'est comme ça que tu veux faire.
-Ecoute Ingrid ce n'est pas comme ci je t'ai demandé de venir t'installer, je ne t'ai même pas demandé d'être ma petite amie, tout cela ne devait durer qu'une nuit
-Tu es culotté, c’est toi qui n’as pas
l’argent, qui vit dans un quartier de malfamé, un studio plus petit que les
toilettes de mon ex et tu veux me parler, tu es malade hein
-Et toi à part le sexe tu as quoi offrir
mademoiselle ?
Sans me répondre elle s’est levée en ruminant de colère, j’ai pris
le temps de terminer ma bière et la sienne avant de rentrer, en voilà une bonne chose de
faite, je n’en pouvais clairement plus de cette situation, pour le respect que
j’ai envers ma propre personne je me devais d’agir. Je sais que je ne dois rien
à Tania et que je peux faire ce que je veux chez moi mais il est clair qu’il
y’a un gros malaise quand miss sangsue est là et dire que ça ne devrait qu’être
coup d’un soir, j’ai merdé sur ce coup. En rentrant je trouve Tania en pleine
lecture
-Ingrid a pris toutes ses affaires et elle est partit
-C’est normal, j’ai mis fin à ce semblant de romance
Il y a un silence assez gênant, elle hoche la tête et se
remet à sa lecture, je me demande ce qu’elle pense de tout cela. Après avoir
manipuler l’antenne de la télévision je m’assois sur le fauteuil opposé et je
regarde les informations sur les chaînes locales, rien de très intéressant les
gens ne parlent même plus de l’arrestation de son père, ils ont tourné la page
mais en attendant il est toujours enfermé injustement.
-Dis-moi t’en ai où avec le dossier de ton père ?
-Au point mort, j’ai fini de décrypter toute la partie
finance du dossier mais le côté juridique est assez flou
- Ma petite sœur vient d’avoir son master en droit, je peux
lui demander si tu veux ?
-C’est un dossier sensible, elle pourrait être blacklisté
et ne jamais avoir de poste dans ce pays si l’on sait qu’elle a aidé mon père à
être libéré, je dois retrouver ce maître Faye
-Ecoute cet avocat on ne le retrouvera peut-être pas, il
faut au moins que nous ayons un plan b au cas, le temps passe et on ne sait pas
comment les choses se passe pour ton papa, il faut seulement qu’on fasse au
plus vite, les prisons du Gabon sont certainement le dernier lieu sur terre où
des personnes voudraient séjournées donc sortons le de là
Tania Boussougou
Je suis touchée qu’il prenne cette affaire au sérieux et
qu’il veuille aider, mais plus on impliquera de personne dans cette affaire
plus on mettra de vie en danger, en attendant je vais continuer à me creuser la
tête et maman continuera à chercher un avocat, ce sera difficile mais on le
doit bien à papa, un mari et père aimant, à l’écoute la main sur le cœur
toujours prêt à aider son prochain. Un requin en business mais un agneau dans
la vraie vie, c’est mon modèle de vie, je calque son parcours et je l’ajuste au
mien, le premier homme de ma vie, il me manque terriblement, je ne sais pas
dans quels conditions il est enfermé là-bas, est-ce qu’il a au moins accès à
ses médicaments ?
La présence d'Ingrid m'obligeait à rester forte mais sans trop le vouloir je fonds en larmes, je repense à comment ma vie à basculer, en une semaine je suis passée par tellement d’étape, l’arrestation de papa, mon
licenciement, l’avis de recherche contre moi, ma cavale, Gregory qui m’accueille
chez lui et sa copine qui n'arrêtait pas de m'épuiser émotionnellement. Comment en une
semaine la vie d’une personne peut autant changer, mon monde s’écroule, j’ai
l’impression d’être seule au monde.
Je sens ses mains dans mon dos, il me fait des petites
tapes pour me calmer
-
Ne pleure pas, tout finira par s’arranger
J’ai envie de croire à cette phrase, j’ai envie de
m’accrocher à cet espoir mais je me sens si lasse, cela ressemble à un combat
perdu d’avance, mais quitte à mourir je le ferais en essayant de délivrer mon
papa.
-
Soit forte, on va avancer sur les dossiers là
ensemble, même s’il faut qu’on y passe la nuit, on finira peut-être par trouver
la ligne de conduite qui permettra de défendre ton père, même si je n’y
comprends pas grand-chose, je suis là pour t’aider
La seule chose que je parviens à dire entre deux sanglots
c’est merci, il est littéralement le seul sur qui je peux compter alors qu’un
mois avant on ne se connaissait pas, ils sont passés où mes amis spéciaux, mes
cousins géniaux, mes oncles et tantes si gentils, il n’y a personne, je suis
seule au monde, je ne sais pas si j’arriverais à me sortir de tout cela
vivante. Je n’en peux plus.
Ce matin une lueur d’espoir enfin, un avocat français d’origine
gabonaise maître Mvé a décidé de jeter un coup d’œil au dossier depuis ses
bureaux parisiens, tonton Uche a envoyé la partie publique par courrier
recommandé, les preuves complémentaires on ne les enverra que lorsque l’on
saura si on peut véritablement lui faire confiance. Ce petit peu d’espoir me
mets de bonne humeur, je chante et je danse depuis que Greg est parti de la
maison, je me fais un concert en solo. Plus déterminé que jamais je me replonge
dans la paperasse, il y a là-dedans les preuves de l’innocence de papa, il a
confiance en moi s’il a laissé des indices dedans il sait que je vais les
trouver. Je me sens productive aujourd’hui, en relisant les documents pour la énième
fois je me rends compte qu’il y’a des petites marques ici et là, des jeux de
mots même, je suis passée à côté de tellement de choses ces derniers jours.
Maintenant que je suis plus calme, je commence à récolter des indices çà et là.
Plongée dans mes documents je ne vois pas le temps passé, c’est quand Gregory
tape à la porte que je me rends compte qu’il est déjà 18h, je n’ai rien avalé,
je ne me suis même pas douché, je me lève pour ouvrir la porte.
-Bonsoir Gregory
-Bonsoir madame, je pari que tu n’as rien mangé de la
journée
J’acquiesce de la tête et il me tend un plat qui sent
terriblement bon, je le remercie, file à la douche et reviens pour m’attabler.
-Mais il y’a quelque chose que j’ai oublié de te dire
depuis, en même temps on avait pas vraiment le temps de discuter ces derniers jours. Apparemment à ton travail, c’est ton patron qui essaie de te piéger et
certains de tes collègues ont mêmes acceptés de mentir devant les policiers.
Ils t’accusent de fraude fiscale et sont de mèche avec ceux qui veulent tomber ton père
-Ah ça ne m'étonne pas, comment t’as su ceci ?
-C’est Sylvie la fiancée d’un de mes amis qui a dit que ce
sont les bruits qui circulent dans votre banque, tu n’as pas l’air beaucoup
aimé dans la banque à ce qu’elle disait aussi, les gens mentent à la police
pour t’enfoncer
-Pour dire vrai je sais déjà que je ne suis pas beaucoup
aimé mais je ne savais pas que c’était à ce point. En même temps je suis la
fille d’un des actionnaires, je suis devenue directrice du jour au lendemain,
alors que c’est l’objectif final de pas mal de mes collaborateurs. On m’a
toujours pris de haut car trop jeune pour occuper ce poste d’après tous mais
j’ai bien fait mes preuves, je mène avec excellence la barque et je comprends
que ça puisse énerver
-Mais tu n’as pas d’ami ? Quand on est dans ce genre de
croisade, il est important d’avoir des alliés, aujourd’hui t’aurai au moins eu
des gens pour prendre ta défense là-bas
-Il est trop tard pour les regrets je fais mon travail avec
beaucoup d’attention, je n’ai trouvé personne avec qui j’ai la même vision des
choses. Néanmoins j’ai deux ou trois collègues avec qui je m’entends bien.
-Tu es trop exigeante, même froide je dirais, je suis
sûre qu’il y’a bien des gens avec qui tu aurais pu être ami sans toutefois
devenir les meilleurs amis du monde. Tu sais quand tu es venu ici avec tante
Fifi je ne voulais absolument pas que tu restes ici parce que j’avais l’image
d’une femme snob et arrogante mais en apprenant à te connaître je me rends
compte que tu es une personne bien, fragile, douce, humaine. Arrête de te
fermer au monde
-Merci pour tes mots mais je ne peux pas revenir en
arrière, je ne suis pas douée pour les relations humaines, ok j’aurais pu aller
vers les autres mais qui est venu vers moi ??
-Je ne voulais pas t’accuser, je voulais souligner que chaque
leader a des alliés mais bref comme tu dis on ne peut pas revenir en arrière.
Peut-être le conseil te sera utile après
Après cette discussion si profonde, je me suis dirigée dans
la chambre pour dormir épuisée par une journée de réflexions profondes.