PARTIE 9 : Amitié ou amour ?
Ecrit par Fleur de l'ogouée
Gregory Tchibinda
Passer du temps avec elle me permets de me rendre compte
que j’avais tort, elle n’est pas du tout le mauvais personnage que je pensais,
elle a vécu dans un monde de privilège je comprends qu’elle soit quelque peu
déconnectée de la réalité. Mais en tant que personne, c’est un ange, elle est
belle, drôle, douce, aimable et si forte même en étant si vulnérable. J’ai peur
de trop m’attacher à elle, je sais bien qu’une fois que tout ceci sera réglé
nos chemins se sépareront à nouveau et l'écart social fera le reste.
Aujourd’hui c’est dimanche, mon seul jour de repos, j’en profite
souvent pour trainer au lit. J’entends des voix venant de l’extérieur, les
personnes ont l’air d’être devant la porte, je regarde mon téléphone et il est
dix heures, je me lève et à l’extérieur je trouve ma petite sœur, mon petit
frère et Tania en train de rigoler.
-Bonjour mon grand frère d‘amour, dit Sindy
-Bonjour les délinquants, vous faites quoi ici ?
-Maman nous a envoyé voir si tout allait bien, vu que tu
n’as pas répondu à ses appels
-Oui mais elle ne peut pas m’appeler un dimanche matin à 5h
elle aussi, elle sait que c'est mon seul jour de repos
-Au moins toi t’as pas à subir ça tous les jours, en ce
moment il y’a un temps de prière à l’église et c’est à 3h qu’elle se réveille
pour prier et souvent elle nous réveille aussi, c’est infernal
-Elle abuse aussi, mais sinon vous allez tous bien ?
-Oui yaya tout va bien. On a fait la rencontre de celle dont
tata Fifi nous a tant parler et tu es trop douce ma chérie, une vraie perle
-Merci Sindy, dit Tania
-Pour une fois que cette fille est gentille, bref rentrons
vous n’allez pas rester dehors quand même
-Encore toi et ta mauvaise bouche yaya
-Nous sommes là parce qu'on ne voulait pas te déranger, tu étais vraiment fatigué quand ils ont cogné à la porte tu dormais, donc j'ai ouvert et on est resté là
-De toute façon on ne va pas rester longtemps, on a vérifié que tu es
bien vivant maintenant on part, on va faire les courses et aussi maman exige
que tu passes à la maison la semaine prochaine, ajoute mon petit frère
-On verra si j’ai le temps
-Fais au moi signe de vie de temps en temps yaya, tu connais
maman et sa manie de s’inquiéter pour rien et de faire monter sa tension
Je les raccompagne jusqu’au carrefour et en on profite pour demander si tout va bien à la maison, si personne ne manque
de rien. Les deux plus grands sont totalement autonomes même s’ils vivent
toujours dans la maison familiale, ensemble on s’entraide pour les besoin des plus
petits et de la maison. Maman tient à travailler malgré ses problèmes de santé, "Je suis la maman c'est à moi de m'occuper de vous" c'est la phrase qu'elle nous répète quand on lui demande de se ménager. Elle a renoncé à sa place au marché central, de toute façon avec les taxes de la mairie ça devenait difficile, elle vend au petit marché non loin de la maison, ça me rassure qu’elle soit dans le quartier, je sais qu’en cas de problème les voisins sont là. Il monte dans le taxi et moi je rebrousse chemin gaiement.
En rentrant c’est une Tania joyeuse que je trouve, elle danse toujours aussi mal que ce jour là en boîte de nuit, je
l’observe par l’embrasure de la porte, elle est magnifique malgré son manque de coordination. Quand elle me voit
elle s’arrête et me regarde toute gênée
-Ah Grégory, t’es déjà là ? Je t'ai pas entendu rentré
-Moi, mais non t’arrête pas hein, c’est juste un esprit qui
est là, le vrai Greg est au carrefour
-Arrête ça, dit-elle en souriant, un sourire franc. Sindy m’a donné quelques éclaircissements sur le dossier et je commence à
voir le bout du tunnel, je sais que l'avocat ne creusera pas autant donc j'en suis ravie
-C’est une bonne nouvelle, ça mérite un plat de fête,
qu’est-ce que tu veux manger ?
- Si je dis des toasts de caviar et de foie gras accompagné d'une coupe de champagne, tu me traiteras de snob ??
-Mieux je ne dis rien mais bon comme je suis gentille ce
sera feuille de manioc et banane pilée ça te va ?
-Oui c’est parfait, merci pour tout Grégory
-Ce n’est rien, mais par contre ça fait plus de deux semaines que
t’es là et tu ne veux toujours pas m’appeler Greg comme les autres
-Ah non pour moi ce sera toujours Grégory, c’est un joli
prénom
Je sors de la pièce en souriant, elle a le don de me mettre
de bonne humeur. Je me dirige chez maman Hortense qui prépare
et vend de la nourriture locale dans le quartier, je sais cuisiner parce que
j’ai pris mon indépendance très tôt mais manger de bon petit plat de cette dame
me rappelle mon enfance, c’est un moment réconfortant. Il y’a déjà une foule de
clients devant sa petite table posée devant sa maison, je passe ma commande et
quelques minutes plus tard j’ai les bras chargés de feuilles de manioc à la pâte
d’arachide et poisson fumé, du sanglier dans son jus, avec en accompagnement de
la banane pilée et un peu de riz, puis je rebrousse chemin.
Je sais qu’elle sera contente, elle a certes des gout de luxe
mais comme toute bonne gabonaise elle apprécie la nourriture du terroir. Au final la
cohabitation avec miss Tania est vraiment agréable, elle est plus facile à
vivre qu’elle n'en a l’air, l’ambiance est bonne enfant, elle est très intelligente
et j’aime le fait qu’elle puisse m’apprendre des choses. Je ris avec elle
lorsqu’elle rit et essuie ses larmes quand elle pleure.
Tania Boussougou
En discutant avec Sindy la petite sœur de Grégory beaucoup
de choses m’ont paru plus claire, elle m’a fait avancer considérablement dans
mes recherches, je vais pouvoir bientôt nous sortir de cette mauvaise passe. Je
suis tellement reconnaissante pour tout ce qu’Alphonsine et les siens ont fait pour nous,
aujourd’hui si je suis là c’est grâce à eux, si je ne suis pas derrière les
barreaux c’est grâce à son dévouement, je remercie Dieu pour toutes les
personnes qu’il a mis dans ma vie depuis que mon monde s’est écroulé, je
n’aurais jamais pensée survivre à ce genre d’épreuve. Je mets mon ordi de côté
lorsque Gregory débarque avec tous ces plats, qui sentent terriblement bon.
J’ai envie de tout manger même temps.
-Vas-y sert toi, je vais rapidement prendre ma douche
-Oh mais je vais t’attendre, je vais bosser en attendant
J’avoue que je suis en train de m’attacher à Grégory pas
comme un amant mais plutôt comme un ami, il n’est pas que le sexy beau gosse,
il est responsable, respectueux, intelligent, altruiste, gentil et drôle, en
d’autre circonstance je serais peut-être tombée amoureuse de lui mais mon cœur
est trop lourd pour me permettre de me laisser aller à ce genre de pensée. Je
me contente de profiter de sa chaleur amicale pour l’instant.
Lorsqu’il revient enfin il est déjà tout habillé, dans cet
espace si exigu s’il avait fallu le voir déambuler torse nu tous les jours, ma
chasteté n’aurait pas fait long feu. Nous mangeons gaiement mais
silencieusement, je savoure la nourriture comme si je découvrais les merveilles
de notre terroir, j’ai envie de chantonner tellement c’est bon. Depuis que je
suis ici il s’occupe bien de moi, je mange de bons petits plats tous les jours, il
est au petit soin. Alors qu’il venait de
reprendre une bouchée, il s’est tourné pour me regarder, sentant son regard
fixé sur moi j’ai tourné ma tête pour que nos yeux se rencontrent
-J’aimerai vraiment m’excuser pour ce qui s’est passé avec
Ingrid la dernière fois, on n’aurait pas dû coucher ensemble alors que t’étais
dans la pièce d’à côté c’était totalement irrespectueux surtout de ma part
étant ton hôte
-T’as pas à t’excuser je suis déjà bien chanceuse d’être
ici et non en prison et de plus c’est chez toi ici, tu es libre de faire ce que
tu souhaites, j’avoue juste que je me suis sentie de trop ce jour là mais c’est
toujours mieux
-Ce n’était pas mon intention, encore désolé
-Tu es tout excusé, passons à autre chose
Grégory
Je continue à discrètement la regarder manger en se dandinant
légèrement, ça c’est le pouvoir de la nourriture de maman Hortense. Elle me
plaît toujours autant mais elle n’a pas besoin d’un dragueur juste d’une
personne avec qui parler, une épaule sur laquelle pleurer et pour moi c’est
suffisant, ne pas s’impliquer d’avantage c’est suffisant. Ce serait bête que je
sois amoureux d’elle et que ce ne soit pas réciproque, de toute façon pourquoi
une perle comme elle voudrait rester ici de son plein gré, je souffle et chasse
toutes ces pensées de mon esprit.
Après le repas elle m’aide à laver les assiettes avant que
nous nous mettions devant la télévision, c’est l’heure du journal, aujourd’hui
encore ils n’ont pas parlé de l’arrestation de son père ni de son mandat de
recherche. En soit c’est une bonne chose mais une mauvaise aussi, son père doit
toujours être derrière les barreaux et vu l’état lugubre de nos prisons,
j’espère de tout cœur qu’il aille bien.
A la fin du journal il passe un film à l’eau de rose, elle insiste pour que je
laisse, j’obéis. Un film bien princesse, bien fleur bleue, je jette des coups
d’œil vers elle et elle a l’air à fond dans le film. Elle a retrouvé sa paire
de lunette dans les affaires que tata Fifi a apporté, du coup elle les porte
pour regarder la télé, je n'ai pas une télévisions dernier cri, la couleur est
nulle, l’écran est petit et le son est agressif pour les oreilles mais on s'en contente. Je finis par
m’endormir sur le canapé, le matelas qu’à acheter Ingrid est toujours là, je le
déplie seulement au moment de dormir sinon la pièce est impraticable.
-Hey, j’ai déjà installé ton matelas tu peux dormir, moi je
vais aller dans la chambre
-T’as déjà sommeil ?
-Non pas vraiment
-Mais tu peux rester devant la télé t’inquiètes
-Non t’es fatigué, je vais aller écouter la musique dans la
chambre, en plus demain c’est lundi il faut que tu dormes pour bien commencer
la semaine
-Merci ma cousine adorée
Elle rigole doucement en rejoignant la chambre et sans trop
savoir pourquoi je me lève et lui fait un câlin avant de me jeter sur le
matelas qu’elle a installé dans le coin du salon, il ne me faut que quelques
minutes pour m’endormir.
Tania
J’avoue que je suis un peu perturbée par ce câlin, il était tellement imprévu mais pourtant c’était naturel, comme ci mon corps était fait pour être dans ses bras. Depuis ce matin je suis un peu plus détendue, plus confiante, je sais qu’on finira par sortir papa de là et même si les procès équitables ne sont pas le fort de nos états subsahariens, j’ai foi en un dénouement heureux. Innocenter papa, blanchira mon nom en même temps et l'on pourra reprendre le cours de nos vies. Il est impératif que je reste dehors pour le sortir de là, même si c’est la dernière chose que je dois faire sur terre.